Pleurobème écarlate (Pleurobema sintoxia) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 7

Habitat

Besoins de l’espèce

On trouve le pleurobème écarlate dans les rivières moyennes à grandes (van der Schalie, 1938; Strayer, 1983; Parmalee et Bogan, 1998), mais aussi dans les lacs Érié et Sainte-Claire (Clarke, 1981; Strayer et Jirka, 1997). Ortmann (1919) raconte avoir trouvé la forme de rivière dans les eaux de tête de l’Allegheny et la forme de lac sur du sable pur sous quelques pieds d’eau dans la baie Presque Isle du lac Érié. Dans les petites rivières, le pleurobème écarlate est souvent enfoui sous un mélange de gravier, de galets et de grosses roches, dans des radiers au débit modéré ou en aval de ceux-ci (Ortmannn 1919; Gordon et Layzer, 1989; Parmalee et Bogan, 1998). Dans les grands cours d’eau, on le trouve dans la boue, le sable ou le gravier au-delà de 3 m de profondeur, mais aussi en eau peu profonde sur des barres de sables ou de gravier (Gordon et Layzer, 1989). Dans le sud-est du Michigan, il est particulièrement abondant dans les cours d’eau moyens à grands, loin de la plaine lacustre (Strayer, 1983). Dans le lac Sainte-Claire, le P. sintoxia occupe actuellement des fonds de sable durci peu profonds (< 1 m) et situés près des rives (Zanatta et al., 2002).

On croit généralement que les préférences des moules juvéniles quant à l’habitat diffèrent de celles des moules adultes, mais ce sujet n’a guère été étudié (Gordon et Layzer, 1989). Parce qu’ils ne choisissent pas l’endroit où ils quittent leur hôte et qu’ils risquent donc une mort rapide si l’habitat ne leur convient pas, les juvéniles sont certainement plus vulnérables que les individus adultes. Le stade glochidial (ou larvaire) est le plus vulnérable et le plus spécialisé : la glochidie doit réussir à se fixer à un hôte approprié afin de pouvoir compléter sa métamorphose et passer au stade juvénile.


Tendances de l’habitat

Les habitats du P. sintoxia et des autres Unionidés des lacs Érié et Sainte-Claire et des rivières Detroit et Niagara ont été largement détruits par la moule zébrée. Les communautés de moules indigènes étaient pratiquement disparues des eaux du large de l’ouest du lac Érié en 1990 (Schloesser et Nalepa, 1994) et de celles du lac Sainte-Claire et de la rivière Detroit en 1994 (Nalepa et al., 1996; Schloesser et al., 1998). Si les communautés de moules du lac Érié étaient en déclin depuis longtemps, probablement à cause de la diminution de la qualité de l’eau pendant les 40 dernières années (Nalepa et al., 1991), celles du lac Sainte-Claire et de la rivière Detroit étaient encore abondantes et diversifiées en 1986 (Nalepa et Gauvin, 1988) et en 1992 (Schloesser et al., 1998), respectivement. Des Unionidés sont encore présents dans des zones très peu profondes situées près des rives, bien reliées au lac (ce qui assure l’accès aux poissons hôtes), et où les moules zébrées peuvent difficilement survivre (températures élevées et fortes vagues l’été, érosion par la glace l’hiver). Toutefois, ces « refuges » sont rares et l’habitat des Unionidés des Grands Lacs est en majeure partie disparu pour toujours.

On pense que l’agriculture est la cause principale de la destruction des habitats de moules en Amérique du Nord (Strayer et Fetterman, 1999). Puisque l’agriculture représente entre 75 p. 100 et 85 p. 100 de l’utilisation du sol dans les bassins des rivières Grand, Thames et Sydenham, il est probable que les impacts agricoles (comme, par exemple, l’entraînement de sédiments, de nutriments et de pesticides par le ruissellement, la hausse des températures de l’eau causée par la disparition de la végétation des rives, la destruction de l’habitat par des traverses de tracteurs et les bovins) ont contribué à la détérioration des habitats de moules de ces rivières. La pollution d’origine municipale et industrielle a peut-être été responsable dans les bassins très populeux des rivières Grand et Thames de la perte d’habitats plus importante que dans le bassin principalement agricole de la rivière Sydenham (Metcalfe-Smith et al., 2003).


Protection et propriété des terrains

La plupart des terres qui longent les tronçons des rivières Sydenham, Grand et Thames habités par le P. sintoxia sont de propriété privée. La plupart sont des terres agricoles servant à la culture commerciale, des pâturages et des terres à bois. Seules deux petites terres du bassin de la rivière Sydenham, une forêt de 20 ha appartenant au canton de Mosa et une terre de 7 ha appartenant à l’Office de protection de la nature de la région de Sainte-Claire, sont de propriété publique et jouissent d’une certaine protection. Le bassin de la rivière Thames compte 21 aires naturelles (zones de conservation, zones écosensibles, réserves naturelles provinciales, etc.) couvrant en tout plus de 6 200 ha; toutefois, peu de terres longeant les tronçons habités par l’espèce sont protégées (Thames River Background Study Research Team, 1998). Les zones protégées le long de la rivière Grand sont trop petites pour contribuer à la protection de l’espèce (Peter Mason, Office de protection de la nature de la rivière Grand, comm. pers., octobre 2002).

La population de P. sintoxia des eaux canadiennes du delta de la Sainte-Claire se trouve entièrement sur le territoire de la Première Nation de l’île Walpole. La zone est en grande partie intacte et le restera probablement à l’avenir. Le Walpole Island Heritage Centre est au courant de la présence du P. sintoxia sur son territoire et de l’importance nationale de cette population.

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