Putois d'Amérique (Mustela nigripes) programme de rétablissement : chapitre 1

1. Contexte

1.1 Évaluation de l'espèce par le COSEPAC

Date de l'évaluation : Mai 2000

Nom commun : putois d'Amérique

Nom scientifique : Mustela nigripes

Statut du COSEPAC : espèce disparue du Canada

Justification de la désignation : Le putois d'Amérique n'existe plus à l'état sauvage au Canada. Sa proie principale, le chien de prairie, ne subsiste que dans une région très restreinte du sud de la Saskatchewan.

Répartition : Alberta et Saskatchewan

Historique du statut du COSEPAC : Dernière observation confirmée en 1937. Disparu à partir de 1974. Désigné " espèce disparue du Canada " en avril 1978. Confirmation du statut en mai 2000. L'évaluation de mai 2000 est fondée sur de nouveau critères quantitatifs qui ont été appliqués aux données du rapport de 1978.

1.2 Description

Le putois d'Amérique est un membre de la famille des mustélidés nocturne de taille intermédiaire. Les deux sexes ont une fourrure couleur chamois jaunâtre, plus pâle du côté ventral, la face et la gorge presque blanches, un masque noir sur les yeux, et les pattes et le bout de la queue noirs. Le poids des adultes varie entre 0,75 et 1,2 kg, et la longueur totale atteint environ 0,5 m (Anderson, 1986). Les femelles sont habituellement plus petites que les mâles (différence d'environ 10 %) (Fitzgerald, 1994).

1.3 Populations et répartition

Le putois d'Amérique est la seule espèce de putois indigène d'Amérique du Nord. Sa répartition coïncide de près avec celles de ses proies d'élection, le chien de prairie (C. ludovicianus), le chien de prairie à queue blanche (C. leucurus) et le chien de prairie de Gunnison (C. gunnisoni) (Biggins, 2003). Les mesures de lutte contre les chiens de prairie et la peste sylvatique ont décimé les populations de ces espèces et entraîné ainsi une chute brutale des populations de putois. On pensait que l'espèce avait disparu jusqu'à la découverte, en 1981, d'une petite population près de Meeteetse, au Wyoming. Toutes les populations actuelles de putois d'Amérique descendent de ce groupe d'animaux.

Aire de répartition canadienne

L'aire de répartition historique du putois d'Amérique, qui est actuellement disparu du Canada, incluait le sud-ouest de la Saskatchewan et le sud-est de l'Alberta (Figure 1; COSEWIC, 2000). La dernière observation confirmée de l'espèce au Canada remonte à 1937; elle vient de Climax (Saskatchewan), près de la vallée de la rivière Frenchman. Malgré le rapport écologique étroit qui existe entre les chiens de prairie et le putois d'Amérique, il semble que l'aire de répartition de ce dernier au Canada se soit étendue en dehors de celle des chiens de prairie (Laing et Holroyd, 1989). Cela signifie que les putois ont historiquement exploité des sources de proies et des habitats de rechange au Canada, se nourrissant peut-être également de spermophiles de Richardson (Spermophilus richardsonii). Le nombre relativement réduit de mentions historiques de la présence des putois au voisinage des colonies de chiens de prairie de la vallée de la rivière Frenchman est vraisemblablement dû au fait que ces colonies se trouvaient dans une région éloignée de la Saskatchewan où les observations fortuites restaient peu probables et où aucun recensement systématique n'avait été effectué.

Aire de répartition mondiale

Le putois d'Amérique compte au nombre des espèces jugées disparues figurant sur la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), et figure dans l'annexe 1 de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) (UICN, 2006a). Cependant, la dernière mise à jour de la liste de l'UICN remonte à 1994, époque à laquelle les activités de réintroduction n'en étaient encore qu'à l'étape préliminaire. Aux États-Unis, l'Endangered Species Act attribue au putois d'Amérique le statut d'espèce en voie de disparition ("Endangered") sur l'ensemble de son aire de répartition. Toutefois, la plupart des populations qui subsistent sont classées "expérimentales/non essentielles" aux termes de cette loi. Grâce aux efforts de réintroduction, on trouve actuellement des putois d'Amérique au Montana, au Dakota du Sud, au Wyoming, en Arizona, au Colorado et en Utah.

Le putois d'Amérique ne figure pas dans les registres officiels des autorités mexicaines. L'espèce a toutefois fait l'objet d'efforts de réintroduction dans la région de Chihuahua.


Figure 1. Aire de répartition historique du putois d'Amérique et sites de réintroduction

Black-footed ferret's historical range and reintroduction locations (voir description longue ci-dessous).

Livieri, comm. pers.

Description pour la figure 1

La figure 1 est une carte qui illustre les populations (sources) des putois d'Amérique, les sites de lâchers, leurs aire de répartition historique ainsi que le Parc national des prairies.


Programme d'élevage

De 1985 à 1987, 18 putois d'Amérique sauvages ont été capturés dans la région de Meeteetse (Wyoming) aux fins de la mise en place d'un programme d'élevage. Des méthodes d'élevage fructueuses ont été mises au point, et on compte désormais sept sites d'élevage en Amérique du Nord. Ce programme a produit environ 5 800 sujets depuis 1987 (Marinari, comm. pers.), tous descendants d'un groupe de sept animaux capturés. La diversité génétique et la production des petits sont maximisées grâce à la collaboration du Black-footed Ferret Species Survival Plan (SSP) de l'Association of Zoos and Aquariums (AZA). Ce programme d'élevage a fourni les animaux requis pour 11 sites distincts de réintroduction dans six États des États-Unis et au Mexique (Lockhart, comm. pers.). La distribution des animaux élevés en captivité entre les divers programmes de lâchers est assurée par le U.S. Fish & Wildlife Service (USFWS).

Le Toronto Zoo est membre du SSP de l'AZA et participe aux activités de l'U.S. Black-footed Ferret Recovery Implementation Team (BFFRIT); il est la seule organisation canadienne à participer activement à l'élevage des putois aux fins de leur réintroduction. Depuis 1992, il a produit 269 jeunes putois, qui ont pour la plupart été réintroduits dans la nature aux États-Unis et au Mexique. Sa participation à ce programme d'élevage a ajouté une composante canadienne aux efforts de rétablissement du putois déployés à l'échelle internationale au cours des 15 dernières années.

1.4 Besoins du putois d'Amérique

1.4.1 Habitat et besoins biologiques

Le putois d'Amérique est une espèce de prairie qui habite les régions arbustives semi-désertiques et les écosystèmes à graminées courtes et à graminées mixtes où vivent les chiens de prairie. Il dépend de l'existence de colonies actives de chiens de prairie en toute saison et à toutes les étapes de son cycle vital. Les chiens de prairie constituent environ 90 % du régime alimentaire du putois d'Amérique (Campbell et al., 1987; Sheets et al., 1972). Le putois dépend par ailleurs des terriers de chiens de prairie pour s'abriter, échapper à ses prédateurs et élever ses petits (Miller et Forrest, 1996).

L'aire de répartition du chien de prairie, la seule espèce de chien de prairie vivant au Canada, se limite au sud-ouest de la Saskatchewan. En 2006, on trouvait des colonies de chiens de prairie dans deux ranchs privés, dans le pâturage collectif de la Direction générale des services agroenvironnementaux à Masefield, dans le pâturage collectif provincial de Dixon et dans le Parc national des Prairies. Les deux-tiers environ des 1 000 hectares (ha) de colonies canadiennes de chiens de prairie se trouvent dans le Parc national des Prairies. Les colonies recensées sont globalement stables ou en expansion depuis 1994 (R. Sissons, données inédites). Les chiens de prairie coexistent avec les bestiaux au pâturage.

La végétation et la topographie ont une incidence indirecte sur les putois d'Amérique puisqu'elles influent sur l'établissement et la taille des colonies de chiens de prairie. (Sheets et al., 1971). La taille des colonies de chiens de prairie et leur densité sont des composantes essentielles de l'habitat du putois d'Amérique (Biggins et al., 1998), mais on connaît mal les rapports entre ces deux composantes. Par ailleurs, les rapports entre le putois d'Amérique et la végétation ou la topographie n'ont pas été directement étudiés. Sur l'ensemble de l'aire de répartition historique du putois d'Amérique, les colonies de chiens de prairie ont exploité différentes communautés herbeuses ou arbustives aux reliefs topographiques divers. Cela donne à penser que la taille et la densité des colonies de chiens de prairie pourraient constituer des éléments de l'habitat du putois d'Amérique plus importants que la végétation ou la topographie (Forrest et al., 1985; Knowles, 2005).

Densité des colonies de chiens de prairie

Biggins et al. (1993) ont estimé que la densité minimale de chiens de prairie nécessaire pour répondre aux besoins de reproduction du putois d'Amérique est de 3,63 chiens de prairie par hectare. Ils ont indiqué que des colonies moins denses peuvent assurer la survie des putois qui ne se reproduisent pas et jouer ainsi un rôle dans la persistance de ces derniers. Les colonies moins denses peuvent constituer une zone tampon pour les putois de remplacement et donc aider au maintien des populations reproductrices à long terme.

Le comportement social peut dicter la densité maximale des putois d'Amérique sans égard à l'abondance des proies. Bien qu'il puisse arriver que plus d'un groupe familial de putois occupent simultanément la même zone (Paunovich et Forrest, 1987; Richardson et al., 1987), la nature solitaire et territoriale de cette espèce en limite la densité même en présence d'un grand nombre de proies. Les populations de putois réintroduites au Dakota du Sud ont utilisé une superficie minimale d'environ 30 ha par femelle, même lorsque la densité des proies était suffisante pour répondre aux besoins énergétiques d'une femelle par 20 ha ou moins (Biggins et al., 2006b). Un complexe de plusieurs colonies de chiens de prairie présentant chacune une densité suffisante pour soutenir une femelle et sa portée peut globalement répondre aux besoins d'un plus grand nombre de putois que ne le pourraient de vastes blocs d'habitat uniforme en réduisant l'effet limitant de la territorialité des femelles (Biggins et al., 2006b).


1.4.2 Rôle écologique

Le putois d'Amérique est un prédateur hautement spécialisé des chiens de prairie. Les rapports étroits entre les deux espèces laissent conclure à l'existence d'une association à long terme entre elles (Hillman et Clark, 1980). Les putois sont à leur tour la proie de toute une gamme de mammifères plus gros et d'oiseaux carnassiers.


1.4.3 Facteurs limitatifs

Le putois d'Amérique est un carnivore hautement spécialisé. Cette spécialisation en ce qui a trait aux proies et à l'habitat le rendent particulièrement vulnérable aux réductions de la distribution et de la densité des chiens de prairie. Comme il n'existe actuellement au Canada qu'environ 1 000 ha de colonies de chiens de prairie, la disponibilité d'un habitat propice risque de limiter sensiblement les possibilités de rétablissement du putois. On ignore dans quelle mesure le putois d'Amérique pourrait utiliser les populations de spermophiles de Richardson pour s'abriter (terriers) et se nourrir au Canada, mais l'extension de l'aire de répartition historique du putois d'Amérique à l'extérieur des colonies de chiens de prairie laisse penser que cela serait possible (Laing et Holroyd, 1989). L'importance de ce facteur limitatif au Canada sera déterminée par l'évaluation en cours du comportement, de la survie et de la viabilité des populations de putois et de chiens de prairie.

1.5 Menaces

1.5.1 Classification des menaces

Tableau 1 (1. Peste sylvatique) : Tableau de classification des menaces ("Localement" fait référence à la répartition de la population canadienne; "Ensemble de l'aire de répartition" fait référence à la répartition de la population nord-américaine.)
  1. Peste sylvatique Information sur la menace
Catégorie de menace Espèces exotiques Étendue : Répandue
Menace générale Peste sylvatique Occurrence (Localement) : Prévue
Occurrence (Ensemble de l'aire de répartition) : Actuelle
Fréquence (Localement) : Récurrente
Fréquence (Ensemble de l'aire de répartition) : Récurrente
Menace spécifique Fréquence ou prévalence accrues de maladies, réduction de la disponibilité des proies Certitude causale (Localement) : Élevée
Certitude causale (Ensemble de l'aire de répartition) : Élevée

Sévérité (Localement) : Élevée
Sévérité (Ensemble de l'aire de répartition) : Élevée
Stress Mortalité accrue, réduction de la population Niveau de préoccupation : Élevée

 

Tableau 1 suite (2. Maladies naturelles) : Tableau de classification des menaces ("Localement" fait référence à la répartition de la population canadienne; "Ensemble de l'aire de répartition" fait référence à la répartition de la population nord-américaine.)
  2. Maladies naturelles Information sur la menace
Catégorie de menace Processus ou activités naturels Étendue : Répandue
Menace générale Virus de la maladie de Carré ou de la rage Occurrence (Localement) : Prévue
Occurrence (Ensemble de l'aire de répartition) : Actuelle
Fréquence (Localement) : Récurrente
Fréquence (Ensemble de l'aire de répartition) : Récurrente
Menace spécifique Augmentation de la fréquence ou de la prévalence de maladies, réduction de la disponibilité des proies Certitude causale (Localement) : Élevée
Certitude causale (Ensemble de l'aire de répartition) : Élevée

Sévérité (Localement) : Modérée
Sévérité (Ensemble de l'aire de répartition) : Modérée
Stress Mortalité accrue, réduction de la population Niveau de préoccupation : Modérée

 

Tableau 1 suite (3. Prédation): Tableau de classification des menaces ("Localement" fait référence à la répartition de la population canadienne; "Ensemble de l'aire de répartition" fait référence à la répartition de la population nord-américaine.)
  3. Prédation Information sur la menace
Catégorie de menace Processus ou activités naturels Étendue : Répandue
Menace générale Carnivores qui s'attaquent aux putois Occurrence (Localement) : Prévue
Occurrence (Ensemble de l'aire de répartition) : Données historiques
Fréquence (Localement) : Continue
Fréquence (Ensemble de l'aire de répartition) : Continue
Menace spécifique Prédation par des carnivores comme certains hiboux qui apprennent à chasser les putois peu de temps après les lâchers Certitude causale (Localement) : Élevée
Certitude causale (Ensemble de l'aire de répartition) : Élevée

Sévérité (Localement) : Élevée
Sévérité (Ensemble de l'aire de répartition) : Faible
Stress Mortalité accrue Niveau de préoccupation : Modérée

 

Tableau 1 suite (4. Empoisonnement des spermophiles de Richardson) : Tableau de classification des menaces ("Localement" fait référence à la répartition de la population canadienne; "Ensemble de l'aire de répartition" fait référence à la répartition de la population nord-américaine.)
  4. Empoisonnement des spermophiles de Richardson Information sur la menace
Catégorie de menace Variations de la dynamique écologique ou des processus naturels Étendue : Répandue
Menace générale Suppression du spermophile de Richardson Occurrence (Localement) : Actuelle
Occurrence (Ensemble de l'aire de répartition) : Actuelle
Fréquence (Localement) : Inconnu
Fréquence (Ensemble de l'aire de répartition) : Continue
Menace spécifique Baisse de la disponibilité des proies, consommation de proies empoisonnées Certitude causale (Localement) : Faible
Certitude causale (Ensemble de l'aire de répartition) : Faible

Sévérité (Localement) : Inconnu
Sévérité (Ensemble de l'aire de répartition) : Inconnu
Stress Réduction de la population, mortalité accrue Niveau de préoccupation : Inconnu

 

Tableau 1 suite (5. Empoisonnement des chiens-de- prairie) : Tableau de classification des menaces ("Localement" fait référence à la répartition de la population canadienne; "Ensemble de l'aire de répartition" fait référence à la répartition de la population nord-américaine.)
  5. Empoisonnement des chiens-de- prairie Information sur la menace
Catégorie de menace Variations de la dynamique écologique ou des processus naturels Étendue : Répandue
Menace générale Suppression du chien de prairie Occurrence (Localement) : Données historiques
Occurrence (Ensemble de l'aire de répartition) : Actuelle
Fréquence (Localement) : Inconnu
Fréquence (Ensemble de l'aire de répartition) : Récurrente
Menace spécifique Baisse de la disponibilité des proies, consommation de proies empoisonnées Certitude causale (Localement) : Élevée
Certitude causale (Ensemble de l'aire de répartition) : Élevée

Sévérité (Localement) : Élevée
Sévérité (Ensemble de l'aire de répartition) : Élevée
Stress Réduction de la population, mortalité accrue Niveau de préoccupation : Faible

 

Tableau 1 suite (6. Changements climatiques) : Tableau de classification des menaces ("Localement" fait référence à la répartition de la population canadienne; "Ensemble de l'aire de répartition" fait référence à la répartition de la population nord-américaine.)
  6. Changements climatiques Information sur la menace
Catégorie de menace Climat et catastrophes naturelles Étendue : Répandue
Menace générale Variations du régime climatique Occurrence (Localement) : Prévue
Occurrence (Ensemble de l'aire de répartition) : Prévue
Fréquence (Localement) : Inconnu
Fréquence (Ensemble de l'aire de répartition) : Inconnu
Menace spécifique Augmentation de la fréquence ou de la durée des sécheresses Certitude causale (Localement) : Faible
Certitude causale (Ensemble de l'aire de répartition) : Faible

Sévérité (Localement) : Inconnu
Sévérité (Ensemble de l'aire de répartition) : Inconnu
Stress Réduction de la disponibilité des proies, réduction du taux de reproduction Niveau de préoccupation : Faible

 

Tableau 1 suite (7. Réduction de la diversité génétique) : Tableau de classification des menaces ("Localement" fait référence à la répartition de la population canadienne; "Ensemble de l'aire de répartition" fait référence à la répartition de la population nord-américaine.)
  7. Réduction de la diversité génétique Information sur la menace
Catégorie de menace Processus ou activités naturels Étendue : Répandue
Menace générale Dépression de consanguinité Occurrence (Localement) : Inconnu
Occurrence (Ensemble de l'aire de répartition) : Inconnu
Fréquence (Localement) : Continue
Fréquence (Ensemble de l'aire de répartition) : Continue
Menace spécifique Réduction de la diversité génétique Certitude causale (Localement) : Faible
Certitude causale (Ensemble de l'aire de répartition) : Faible

Sévérité (Localement) : Modérée
Sévérité (Ensemble de l'aire de répartition) : Modérée
Stress Reproduction et survie réduites Niveau de préoccupation : Faible

 


1.5.2 Description des menaces

Menace 1 - Peste sylvatique

La peste sylvatique, causée par la bactérie Yersinia pestis, est un des principaux facteurs limitatifs du rétablissement du putois d'Amérique aux États-Unis. Il n'existe à l'heure actuelle aucune stratégie efficace de prévention ou de lutte contre cette maladie. Le putois d'Amérique est extrêmement sensible à la peste, et l'infection peut entraîner des taux de mortalité élevés (Williams et al., 1994). La peste a également un impact catastrophique sur les populations de la proie principale du putois, le chien de prairie, puisque l'infection par la bactérie peut entraîner chez cette espèce des taux de mortalité variant de 90 à 100 % (Antolin et al., 2002; Cully et Williams, 2001; Lorange et al., 2005; Stapp et al., 2004). On croyait que les chiens de prairie ne pouvaient survivre même à des taux d'infection très bas de cette maladie, mais certains indices récents portent à croire que la maladie peut exister dans les colonies sans causer de mortalité à grande échelle (Hanson et al., 2007).

Les morsures de puces infectées constituent la principale voie de transmission de la peste aux chiens de prairie. Les putois s'infectent à la fois par le biais des morsures de puces et par la consommation directe de proies infectées vivantes ou mortes (Butler et al., 1982; Castle et al., 2001; Rocke et al., 2004; Thomas et al., 1989). Certains mammifères résistants à la peste comme le coyote ou d'autres rongeurs peuvent constituer des réservoirs de la bactérie. La modélisation de la maladie donne à penser que les puces jouent un rôle important dans l'introduction initiale et l'établissement de la peste dans les colonies de chiens de prairie, mais que la transmission à partir d'un réservoir à court terme différent - par exemple, une espèce de rongeur résistante - peut également jouer un rôle dans la dynamique des épizooties de peste (Webb et al., 2006).

À l'échelle du paysage, il semble que les routes, les cours d'eau et les lacs pourraient faire obstacle à la transmission de la peste dans les colonies de chiens de prairie en influant sur les déplacements ou sur la qualité de l'habitat des hôtes de la peste ou des puces qui en sont des vecteurs (Collinge et al., 2005). La peste sylvatique chez les chiens de prairie n'a pas fait l'objet d'études au Canada, mais on a trouvé des anticorps de la peste chez 4,2 % des chiens et des chats domestiques des zones rurales dans le sud de la Saskatchewan, y compris dans des régions proches du Parc national des Prairies (Leighton et al., 2001).

Pour lutter contre la peste chez le putois d'Amérique, il faudrait à la limite s'attaquer aux bactéries qui infectent les chiens de prairie. On a étudié l'efficacité de plusieurs insecticides pour la réduction des populations de puces sur les chiens de prairie et dans leurs réseaux de terriers (Hoogland et al., 2004; Karhu et Anderson, 2000; Seery et al., 2003). Ces études montrent que des pulvérisations d'insecticides aux étapes précoces d'une épizootie peuvent arrêter la propagation de la bactérie, tandis qu'une intervention plus tardive est inefficace. Des travaux sont par ailleurs en cours en vue de produire un vaccin pour protéger les putois. Une étude clinique à petite échelle a montré qu'un vaccin de ce type fournissait un certain degré de protection des putois contre le Y. pestis (Rocke et al., 2006), mais la durée de la protection et l'efficacité du vaccin contre différentes voies d'exposition et différentes concentrations du Y. pestis restent inconnues à ce jour. On évalue actuellement aux États-Unis l'évolution avec le temps de l'efficacité de ce vaccin pour la protection du putois d'Amérique. On ignore quelle pourrait être la probabilité d'une épizootie de peste sylvatique dans la zone de réintroduction du putois d'Amérique, mais une telle épizootie, si elle se produisait, pourrait avoir des conséquences catastrophiques.

Menace 2 - Maladies naturelles

Le virus de la maladie de Carré (canine distemper virus - CDV) est une espèce de Morbillivirus répandue dans le monde entier qui s'attaque à de nombreux carnivores terrestres et aquatiques. Les membres de la famille des mustélidés comptent parmi les animaux les plus sensibles à cette maladie (Deem et al., 2000). Les analyses de sang montrent que le virus CDV est présent dans les populations de canidés sauvages de la Prairie canadienne, y compris dans le sud de la Saskatchewan. Onze des 21 renards véloces testés dans une étude contenaient des anticorps trahissant une infection par le virus (A. Moehrenschlager, données inédites). Les putois d'Amérique sont extrêmement sensibles au virus CDV et présentent des taux de morbidité et de mortalité de près de 100 % lorsqu'ils sont exposés au virus en laboratoire ou dans le milieu naturel (Liu et Coffin, 1957; Williams et al., 1988).

La rage, une virose qui s'attaque au système nerveux central, a été documentée en Saskatchewan (Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA), 2006). Un protocole efficace de vaccination des putois contre la rage comme celui mis en place aux États-Unis est un moyen efficace de faire face à cette menace.

Les putois d'Amérique sont également exposés au Canada à diverses autres maladies qui ne sauraient par contre faire obstacle à leur réintroduction. Ce sont par exemple:

Menace 3 - Prédation

Il existe dans le sud-ouest de la Saskatchewan de nombreux mammifères et oiseaux prédateurs, comme le coyote et le Grand-duc d'Amérique, qui peuvent s'attaquer au putois d'Amérique. La prédation a posé un problème aux sites de réintroduction, causant jusqu'à 95 % des pertes observées de putois (Breck et al., 2006). L'étude de données provenant du Dakota du Sud et du Montana donne à penser que l'élimination de certains Grands-ducs trouvés responsables de la perte d'un grand nombre de putois peut donner de bons résultats, tandis que la répression des coyotes et l'utilisation de clôtures électriques pour les tenir à l'écart n'influent pas sur la survie à court ou à long terme des putois réintroduits (Breck et al., 2006). Cette étude révèle également l'existence de plusieurs facteurs confusionnels, et donne à conclure que de plus amples recherches seront nécessaires pour déterminer des moyens efficaces de gestion de la prédation pour accroître les taux de survie des putois.

Dans le Parc national des Prairies, la population du Grand-duc d'Amérique (Bubo virginianus) est actuellement artificiellement élevée. Ce rapace vit d'ordinaire dans les régions boisées parsemées d'éclaircies (Houston et al., 1998) et non dans les écosystèmes de prairie. Cependant, les bâtiments abandonnés et les brise-vent ont modifié la configuration de la prairie herbacée mixte dans le sud-ouest de la Saskatchewan à un point tel que le Grand-duc est maintenant devenu le rapace le plus commun à nicher dans le parc national (Sissons, comm. pers.). Cette situation pourrait conduire à des taux de mortalité élevés des putois, et obliger les autorités à éliminer une partie des Grands-ducs.

Menace 4 - Empoisonnement des spermophiles de Richardson

Les campagnes d'empoisonnement des spermophiles de Richardson sont courantes à l'extérieur du Parc national des Prairies. Or, même si les putois se nourrissent presque exclusivement de chiens de prairie à l'intérieur de leur aire de répartition américaine, leur aire de répartition historique donne à penser qu'ils auraient pu chasser d'autres proies au Canada (Clark et al., 1985; Laing et Holroyd, 1989). En conséquence, la consommation de spermophiles empoisonnés risque de contribuer à la mortalité des putois à l'extérieur des limites du parc national.

Menace 5 - Empoisonnement des chiens de prairie

Les chiens de prairie sont protégés contre la destruction non autorisée sur les terres provinciales et privées, et bénéficient d'une pleine protection sur le terres gérées par Parcs Canada (Government of Canada, 2000; Government of Saskatchewan, 1998; Government of Saskatchewan, 1981). Aucun permis n'a été attribué pour l'empoisonnement des chiens de prairie. Toutefois, il est possible que des opérations illégales d'empoisonnement de ces rongeurs aient lieu à l'extérieur des limites du Parc national des Prairies. L'empoisonnement indirect par consommation de proies contaminées pourrait devenir une cause de mortalité des putois à l'extérieur des limites du parc national.

Menace 6 - Changement climatique

Les stratégies de conservation doivent prendre en compte les effets du changement climatique, les défis liés aux variations de la répartition et de l'abondance des espèces et les variations géographiques du niveau des réactions provoquées par le changement climatique (Hannah et al., 2002; Huntley et Webb, 1989). De nombreuses études donnent à penser que les plaines du nord connaîtront une baisse des précipitations et une hausse de la température annuelle moyenne (Karl et Heim, 1991; Lemmen et al., 1997; Rizzo et Wiken, 1992). De tels changements influeront sans doute sur la productivité primaire de l'écosystème des prairies, et ces effets se répercuteront sur les chiens de prairie et, par ricochet, sur les putois d'Amérique. L'ampleur que pourrait avoir cet impact n'est pas claire, mais on a déjà observé que des périodes de sécheresse pouvaient entraîner une baisse de la densité des populations de chiens de prairie atteignant jusqu'à 80 % (Sissons, comm. pers.). On pense que la sécheresse influe davantage sur la reproduction des putois que sur leur survie, son effet se traduisant par une baisse de la taille des portées (Miller et al., 2005). Le changement climatique annoncé pourrait exacerber les sécheresses pluriannuelles et empêcher ainsi les populations de putois de produire des femelles reproductrices puisque l'espérance de vie de cette espèce est inférieure à trois ans.

Menace 7 - Réduction de la diversité génétique

La perte de diversité génétique peut conduire à une réduction de la valeur sélective individuelle (fécondité et survie) et de l'aptitude à résister aux maladies, et abaisser la capacité des populations à s'adapter aux changements environnementaux (Altizer et al., 2003; Lacy, 1997). La disparition des populations de putois d'Amérique de la région des grandes plaines et le goulot d'étranglement dû à la mise en place du programme d'élevage ont considérablement diminué la diversité génétique de l'espèce (Wisely et al., 2002). Étant donné les limites de l'habitat, la population canadienne de putois d'Amérique restera probablement toujours restreinte. Les études de modélisation préliminaires donnent à penser que la dépression de consanguinité risque de réduire la viabilité de la population et que cet effet sera plus important et plus précoce chez des populations plus petites (Miller et al., 2005).

1.6 Projets achevées ou en cours

Un programme d'élevage fructueux produit des putois d'Amérique aux fins des efforts de réintroduction aux États-Unis et au Mexique depuis 1991. Il produit suffisamment d'animaux pour participer également aux efforts de réintroduction canadiens. La BFFRIT utilisera ses connaissances et son expérience de la gestion du putois d'Amérique pour aider à la réintroduction de l'espèce au Canada. Des travaux approfondis d'analyse et de planification ont déjà été effectués en vue de cette réintroduction; ils seront décrits en détails dans un plan d'action qui sera appliqué après le programme de rétablissement.

Plusieurs projets déjà achevés ou toujours en cours d'exécution contribuent à consolider les connaissances acquises grâce aux efforts de rétablissement du putois déployés aux États-Unis et au Mexique et à élaborer un programme de rétablissement et de réintroduction du putois au Canada. Ce sont entre autres les suivants:

Ateliers et réunions

Consolidation des connaissances

Recherche et surveillance

1.7 Lacunes des connaissances

Il subsiste de nombreuses lacunes, puisque le putois d'Amérique n'a fait l'objet d'aucune étude scientifique au Canada. Comme la dernière observation confirmée d'un putois d'Amérique au Canada remonte à 1937, nos connaissances actuelles s'appuient sur les résultats de recherches réalisées aux États-Unis et au Mexique. Nos connaissances du comportement des putois à la limite nord de leur aire de répartition, de leurs caractéristiques biologiques et écologiques et de leurs interactions avec les espèces cooccurrentes sont donc très imparfaites. La surveillance des putois et des effets de leur réintroduction sur les autres espèces permettront de gérer cette réintroduction avec la souplesse requise, de mettre en lumière les aspects particuliers à prendre en compte concernant le rétablissement du putois dans la région canadienne des grandes plaines, et d'évaluer et d'atténuer les menaces le cas échéant. Une collaboration étroite avec les comités de rétablissement des États-Unis et du Mexique et la coordination des efforts de rétablissement à l'échelle continentale favoriseront le rétablissement du putois d'Amérique dans toute l'Amérique du Nord. Une planification unifiée des efforts de conservation des espèces associées des prairies pourrait également créer les conditions politiques, financières et écologiques requises pour assurer la pérennité des communautés des prairies.

  1. On ignore dans quelle mesure les putois pourront utiliser d'autres proie (p. ex., le spermophile de Richardson) au Canada.

  2. La peste sylvatique nuit énormément aux efforts de rétablissement du putois d'Amérique aux États-Unis et au Mexique. Cette maladie a été détectée chez des chiens et des chats domestiques de régions rurales du sud-ouest de la Saskatchewan (Leighton et al., 2001), mais on ignore quels sont les niveaux d'infection au sein des populations de canidés sauvages et de rongeurs. On ignore également quelles espèces peuvent constituer des réservoirs ou des vecteurs du virus au Canada.

  3. On a utilisé des pulvérisations d'insecticides dans les terriers de chiens de prairie de nombreuses régions des États-Unis pour réduire le risque d'épizootie de peste sylvatique. La pulvérisation des terriers à la deltaméthrine ou la vaccination des putois contre la peste ont permis de multiplier par deux leur taux de survie (Rocke et al., 2006). On ignore toutefois quels pourraient être les impacts à long terme de ces pulvérisations sur les populations d'invertébrés et d'autres espèces vivant près des colonies de chiens de prairie, comme la Chevêche des terriers (Athene cunicularia hypugaea).

  4. L'importance de la prédation exercée sur les putois réintroduits est mal connue et donc difficile à prévoir pour ceux réintroduits au Canada. On ignore également dans quelle mesure la gestion des prédateurs pourrait accroître la survie des putois.

  5. On ignore la capacité de charge du Parc national des Prairies et des régions voisines pour les putois d'Amérique. Comme ce mustélidé se nourrit surtout de chiens de prairie dans l'ensemble de son aire de répartition, nous aurions besoin de mieux connaître la dynamique des populations de cette proie pour déterminer avec plus de précision la capacité de charge pour les putois. Il faudra également évaluer la viabilité des populations de chiens de prairie en nous appuyant sur la démographie, la distribution spatiale, les risques de maladie, les caractéristiques de l'habitat, les besoins en matière d'habitat, la prédation et les conditions météorologiques et climatiques pour faciliter les efforts de rétablissement. Les populations canadiennes de chiens de prairie pourraient par ailleurs se comporter différemment de celles des États-Unis et du Mexique à cause de leur situation à l'extrême nord de leur aire de répartition. Par exemple, les chiens de prairie du Parc national des Prairies hibernent pendant environ quatre mois en groupes familiaux denses, semblent atteindre un poids plus élevé et ne subissent pas le même niveau de pression et de mesures de lutte de la part des humains que ceux qui vivent aux États-Unis (Miller et al., 2005; Rodger et al., 2004). De tels facteurs risquent d'influer sur les exigences des putois en matière d'habitat. Lorsque nous en saurons plus sur la capacité de charge, nous serons en mesure de formuler des objectifs à court et à long terme concernant la taille des populations de putois.

  6. Le changement climatique risque d'influer sur les niveaux et la répartition des populations. Les données disponibles donnent à penser que la sécheresse réduit les populations de chiens de prairie dans le Parc national des Prairies (Miller et al., 2005), ce qui montre l'importance de mieux comprendre l'impact du climat sur les proies du putois d'Amérique et sur les interactions prédateur/proie. Notre compréhension des impacts du changement climatique risque de devenir de plus en plus importante pour le rétablissement du putois d'Amérique.

  7. Nous ne savons encore que très peu de choses sur le comportement et les caractéristiques démographiques des populations de putois d'Amérique à la limite nord de leur aire de répartition. Le comportement social des putois, leur capacité de survie, leur productivité, leurs habitudes de déplacement et de dispersion, leur choix de proies et la manière dont l'âge, le sexe, l'état reproducteur et les antécédents (nés en captivité ou dans le milieu naturel) influent sur ces facteurs comptent parmi les aspects qui restent encore mal connus.

  8. Les effets que pourrait avoir le rétablissement du putois d'Amérique sur d'autres espèces en péril au Canada sont inconnus. Le chien de prairie - proie principale du putois - figure lui-même sur la liste des espèces préoccupantes (COSEWIC, 2006). Les lâchers de putois effectués au États-Unis ne semblent pas avoir provoqué de réduction des populations de chiens de prairie (Rodger et al., 2004). Au Canada, toutefois, le chien de prairie est déjà en danger de déclin puisqu'il n'occupe qu'une région restreinte, que sa population est relativement limitée, qu'il est menacé par la peste et qu'il est géographiquement isolé à la limite nord de son aire de répartition (COSEWIC, 2000b). Contrairement aux espèces du sud, les chiens de prairie du Canada hibernent pendant une longue période pour mieux survivre à l'hiver (Gummer. 2005). Les chiens de prairie à queue blanche des États-Unis hibernent également et sont exposés à la prédation par les putois, mais ils sont beaucoup plus dispersés et solitaires pendant l'hiver, contrairement à leurs cousins canadiens qui hibernent en groupes familiaux denses (Gummer, 2005). Ce comportement risque d'exposer les chiens de prairie du Canada à une prédation particulièrement intensive par les putois.

    La Chevêche des terriers (espèce en voie de disparition) vit au sein des colonies de chiens de prairie (COSEWIC, 2006). On ignore quel pourrait être l'impact de la prédation par les putois sur les populations de ce rapace, mais les experts considèrent qu'il sera vraisemblablement minimal (Rodger et al., 2004). On trouve des Chevêches des terriers à presque tous les sites américains de réintroduction du putois, et la prédation par les putois ne semble pas influer sur les niveaux de population du rapace (Livieri, comm. pers.). On ignore également quel est l'impact direct des putois sur le Tétras des armoises, mais on pense qu'il devrait être minimal (Rodger et al., 2004).

    Le rétablissement du putois d'Amérique risque d'influer sur d'autres espèces sous l'effet de l'expansion de son habitat. Si l'expansion de l'habitat du putois peut profiter à certaines espèces comme la Chevêche des terriers, elle risque par contre de nuire à d'autres espèces comme le Tétras des armoises.

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