Cornouiller fleuri (Cornus florida) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 9

Taille et tendances des populations

Activités de recherche

Au départ, toute l’information disponible a été réunie. Ce matériel incluait les mentions répertoriées par le Centre d’information sur le patrimoine naturel de l’Ontario, des observations de terrain recueillies par des botanistes œuvrant dans la région (Mike Oldham, Jane Bowles, Allen Woodliffe, Gerry Waldron), les mentions récentes colligées dans les herbiers (lorsque disponibles) et des mentions plus anciennes compilées par le rédacteur et ses associés à l’Arboretum de la University of Guelph. Plusieurs rapports récents font état de la présence du cornouiller fleuri dans le comté de Norfolk (Gartshore et al., 1987; Draper, 2002; Ambrose et Waldron, 2004). Des personnes connaissant bien la flore de régions ciblées ont été interrogées et ont parfois participé aux relevés sur le terrain.

Un inventaire des populations a été effectué à l’échelle de l’aire de répartition de l’espèce dans le sud de l’Ontario. On s’est efforcé, dans la mesure du possible, de visiter toutes les populations se trouvant à la limite de l’aire de l’espèce et d’échantillonner les populations représentatives situées plus au centre. Lorsque les populations étaient de petite taille ou couvraient une superficie limitée, on a cherché à dénombrer chacun des individus. Dans les secteurs plus vastes, comme les bois de Skunks’ Misery et de St. Williams et le bois Backus, l’échantillonnage n’a porté que sur une portion du site suffisante pour évaluer l’incidence de l’anthracnose du cornouiller sur la population.

Au cours du printemps et de l’été 2004, 17,5 journées-personnes (environ 140 heures-personnes) ont été affectées à l’inventaire des populations, à la collecte d’échantillons et à l’évaluation des incidences de l’anthracnose. Richard Wilson, pathologiste forestier provincial, a passé deux jours sur le terrain. Les symptômes de la maladie ne sont apparus qu’au milieu de l’été. Chuck Davis (technicien spécialiste de l’écologie et de la taxinomie des champignons), du Centre de foresterie des Grands Lacs, à Sault Ste. Marie, a analysé des échantillons provenant de 25 populations en vue d’y déceler la présence éventuelle de l’agent de l’anthracnose. Au début de mai 2005, un nouvel inventaire a été effectué dans deux parcelles du RESE (Réseau d’évaluation et de surveillance écologiques d’Environnement Canada), dans le comté de Norfolk, avec l’aide d’une douzaine d’étudiants participant à un atelier de surveillance d’une durée d’une semaine (8 journées-personnes, environ 64 heures-personnes). Cet ensemble de données de début d’été a fourni une autre année de données d’observation pour les graphiques des figures 4 et 5. Au cours de l’été 2005, une autre journée a été consacrée à la recherche de sites additionnels. Au total, 18,5 journées-personnes ont été affectées, en 2004 et en 2005, à la conduite des relevés sur le terrain (cette valeur ne tient pas compte de l’inventaire effectué par les étudiants dans les deux parcelles du RESE).


Abondance

Les mentions récentes (1975-2005) révèlent la présence de 154 populations de cornouillers fleuris dans le sud de l’Ontario au sein de 12 comptés et régions.

Deux mentions historiques provenant du comté de Brant (Fox et Soper, 1952) comportaient des coordonnées géographiques trop imprécises pour qu’on puisse en déterminer la provenance. Un spécialiste local ayant participé à la recherche de l’espèce s’est également dit incapable d’en situer l’emplacement exact (Larry Lamb, comm. pers.).

Trente-deux des quelque 180 sites connus (tableau 1) ont été visités et inventoriés; 468 cornouillers fleuris vivants y ont été dénombrés. Au cours des cinq dernières années, des inventaires précis effectués par Allen Woodliffe et Jane Bowles dans 15 autres sites ont mené à la découverte de 134 arbres. Dix sites ont été répertoriés dans le comté de Norfolk en 2003 (Ambrose et Waldron, 2004), mais le nombre précis de cornouillers fleuris n’y a pas été précisé. De mémoire, les auteurs de ces inventaires évaluent à 60 le nombre total de cornouillers fleuris présents dans ces sites (nombre moyen de 6 individus par site). Dans certains sites anciennement occupés, aucun arbre n’a été trouvé; la disparition de l’espèce a été imputée à divers projets de développement ou à la perte d’habitat. Plusieurs autres sites étaient identifiés par des coordonnées imprécises et n’ont pu être retrouvés. Au total, 57 des 180 sites connus ont été visités au cours des cinq dernières années; environ 662 cornouillers fleuris y ont été dénombrés.

Bon nombre des 88 sites répertoriés entre 1975 et 1994 et des 9 autres sites dénombrés entre 1995 et 2001 abritent encore probablement l’espèce aujourd’hui, mais on ignore leur nombre exact. Le cornouiller fleuri est encore présent dans 76 p. 100 des 50 sites mentionnés par Soper et Fox (1952) (tableau 1). Si l’on pose que 75 p. 100 des 97 sites susmentionnés sont encore occupés, alors le cornouiller fleuri est encore présent dans 73 sites. Si l’on applique à ces sites le même nombre moyen d’arbres par site (12, soit 662 arbres dénombrés dans 57 sites), on en déduit que ces sites abritent probablement actuellement 873 arbres (12 X 73), pour un nombre total estimé de 1 535 arbres dans les 154 sites dénombrés entre 1975 et aujourd’hui.

Toutes les petites populations et la plupart des grandes populations occupant de petites superficies (p. ex. Cedar Creek, Decew Falls, Fireman’s Park) ont fait l’objet d’un échantillonnage exhaustif. En revanche, les sites où les cornouillers étaient disséminés sur un vaste territoire (p. ex. St. Williams, Queenston) ont fait l’objet d’un échantillonnage partiel. Dans ces sites, il est probable qu’entre 50 et 100 arbres aient été omis. En conséquence, le nombre de cornouillers fleuris vivants en Ontario se trouvait probablement autour de 1600 ± 50 individus il y a quelques années.

En présence d’un taux de mortalité annuel de 7 à 8 p. 100 (un taux de mortalité combiné de 86,5 p. 100 a été observé au cours des 11 années de suivi dans les bois Wilson et Backus), le nombre total de cornouillers fleuris pourrait avoir diminué d’environ 20 p. 100 en trois ans. Selon une estimation probablement plus réaliste, le nombre de cornouillers fleuris vivants s’élèverait donc actuellement à entre 1 260 et 1 300 individus environ et serait en déclin (si l’on considère que certaines mentions datent de 2 à 4 ans et que des individus moribonds ont été dénombrés lors de l’inventaire effectué récemment).

La réduction de la floraison et de la production de fruits (tableau 2) et les rares observations de semis donnent également à croire que le recrutement est également compromis.

 

Tableau 1 : Résumé des sites occupés par le Cornus florida en Ontario
Comté/région Jusqu’en 1952* 1953-1974 1975-1994 1995-aujourd’hui Total
Brant 2 (2) 0 0 0 2
Elgin 5 (2) 1 6 1 10
Essex 3 1 11 8 20
Haldimand 1 0 6 1 7
Halton 2 0 2 2 4
Hamilton 4 (3) 0 0 1 4
Kent [Chatham-K] 3 2 7 9 18
Lambton 2 1 4 2 7
Middlesex 3 0 10 11 21
Niagara 16 (2) 5 36 13 56
Norfolk 9 (3) 4 5 18 30
Oxford 0 0 1 0 1
Total (12) 14 88 66 180

* Fox et Soper, 1952; nombre de sites répertoriés (nombre de sites non répertoriés depuis); les nombres indiqués pour chaque période d’observation incluent uniquement les nouveaux sites (en plus des sites existants mentionnés par Fox et Soper). Ce tableau est un résumé des données confidentielles présentées en annexe.


Fluctuations et tendances

L’arrivée de l’anthracnose du cornouiller en Ontario, probablement au début des années 1990, a entraîné un déclin des populations du Cornus florida. Le phénomène est confirmé par des observations occasionnelles (Mary Gartshore, comm. pers.) et des observations effectuées dans le cadre du suivi de peuplements ciblés (Brian Craig, in RNC, 2004; comm. pers. et diagrammes préparés pour les figures 4 et 5 ci-après). Les parcelles du RESE ont été d’une grande utilité, car elles ont permis de suivre la mortalité d’arbres marqués et cartographiés sur une période de onze ans. Lors des inventaires menés en vue de la préparation du présent rapport, le nombre d’individus morts a également été noté, mais une identification fiable de l’espèce n’est possible que durant les 2 ou 3 années suivant la mort de l’arbre, soit parce que les arbres morts depuis plus longtemps sont tombés, soit parce les deux principaux caractères distinctifs (mode de ramification et écorce) ne sont plus apparents. Le pourcentage d’individus morts identifiables dans les populations inventoriées (tableau 2) variait entre 0 et 50 p. 100 (moyenne : environ 18 p. 100; moyenne : 17 p. 100). Ces pourcentages sont compatibles avec le taux de mortalité moyen calculé plus tôt (d’après la mortalité observée dans les deux parcelles du RESE), évalué à 7 à 8 p. 100 par population par année.


Figure 4 : Proportions de tiges de Cornus florida vivantes et mortes dans la parcelle du RESE, bois Backus, de 1995 à 2005

Figure 4: Proportions de tiges de Cornus florida vivantes et mortes dans la parcelle du RESE, bois Backus, de 1995 à 2005.


Figure 5 : Proportions de tiges de Cornus florida vivantes et mortes dans la parcelle du RESE, bois Wilson, de 1995 à 2005

Figure 5 : Proportions de tiges de Cornus florida vivantes et mortes dans la parcelle du RESE, bois Wilson, de 1995 à 2005

Diagrammes préparés par Brian Craig, d’après les données de suivi recueillies dans les parcelles du RESE.

L’ampleur du déclin varie d’une population à l’autre, mais l’anthracnose du cornouiller semble être présente et causer la mort d’arbres dans la plupart des régions visitées. L’analyse des échantillons soumis a confirmé la présence de la maladie dans les régions et les comtés suivants : Essex, Halton, Chatham-Kent, Middlesex, Niagara et Norfolk (Chuck Davis et Richard Wilson, comm. pers.). Quelques secteurs isolés semblent encore exempts de la maladie (p. ex. Springwater, comté d’Elgin et la vallée de la rivière Ausable), mais d’autres sites isolés sont infectés (p. ex. rivière Bronte et île Navy).

Pour les deux sites inventoriés entre 1995 et 2005, le nombre d’individus morts sont cumulatifs. En d’autres mots, dans la figure 4, les 38 arbres morts dénombrés en 2003 incluent les 9 arbres répertoriés en 1995, et les 42 arbres répertoriés en 2005 englobent les 38 arbres dénombrés antérieurement. Comme chaque arbre était marqué et cartographié, il a été possible d’évaluer son état de santé à chaque inventaire et de suivre son évolution d’un inventaire à l’autre. Le pourcentage de mortalité est passé de 14 à 91 p. 100 au bois Backus et de 19 à 84 p. 100 au bois Wilson. Globalement, un déclin moyen de 86,5 p. 100 a été documenté au cours de la période de suivi de 11 ans (en combinant le nombre d’arbres et en calculant la moyenne des deux taux de mortalité). Cette valeur peut sembler supérieure aux taux observés chez d’autres populations, mais il convient de rappeler que l’identification jusqu’à l’espèce des arbres morts n’est possible que durant les deux ou trois années suivant leur mort. Dès lors, la proportion moyenne d’arbres morts pour l’ensemble des sites inventoriés, évaluée à 17 p. 100, est compatible avec les nombres de nouveaux arbres morts et d’arbres vivants recensés annuellement dans les parcelles du RESE.

Le déclin soutenu des populations observé entre 2003 et 2005 dans les deux parcelles du RESE ne laisse présager aucune stabilisation des taux de mortalité. La situation paraît d’autant plus grave que les quelques individus encore vivants dans ces deux parcelles n’ont produit que quelques fleurs.

Une seule population est confirmée disparue. Sa disparition est liée à un projet de développement résidentiel dans la région de Windsor. D’autres mentions historiques n’ont pu être relocalisées, leurs coordonnées géographiques étant trop imprécises.

 

Tableau 2. Résumé des populations existantes de Cornus florida inventoriées en Ontario de 2004 à 2005. +
Comté ou région et nom du site Individus
matures
Individus
vivants/
morts
Pourcentage
des individus
portant des
fleurs ou des fruits
Anthracnose
du
cornouiller
Mortalité
observée
TOTAL 599 468/131 De 0 à 100 %
moyenne : 46 %

(populations
comptant au
moins 2 individus)
Présence confirmée
dans 8 sites,
probable
dans 12 autres
De 0 à 50 %;
moyenne : 17 %
moyenne : 17,9 %
ELGIN : Springwater 1 1/0 + (--) 0 %
ESSEX : LaSalle 1 1/0 + -- 0 %
De Marco 2 1/1 50 % (--) 50 %
Bois KCT, Rivière Canard 1 1/0 100 % (--) 0 %
Ruisseau Cedar-Arner 169 140/29 46 % + 17 %
Cinnamon Fern Woods 35 26/9 32 % (+) 29 %
Chênaie blanche de Leamington 6 3/3 0 % (+) 50 %
Bois Kopegaron 46 31/15 17 % (+) 33 %
HALTON : Bois Sassafras 10 6/4 30 % (+) 40 %
Rivière Bronte 11 10/1 82 % (+) 9 %
HAMILTON : pointe Princess 1 1/0 + (--) 0 %
CHATHAM-KENT:
Parc provincial Wheatley
27 22/5 19 % (+) 19 %
Parc provincial Wheatley Est 32 24/8 28 % (+) 25 %
MIDDLESEX:
Vallée de la rivière Ausable
9 9/0 44 % -- 0 %
Skunks’ Misery 11 10/1 27% + 9
NIAGARA : île Navy 4 3/1 0 % + 25
Queenston, à l’est de la carrière 1 1/0 + + 0 %
Firemen’s Park et secteur au nord 75 52/23 45% (+) 30 %
3 km à l’est de Thorold 4 3/1 25% (+) 25 %
M.A. Sams 1 1/0 + (--) 0 %
Decew Falls aux collines Short 37 32/5 48% + 14 %
Au nord de Fonthill 3 3/0 100% (--) 0 %
Ruisseau Nettle 4 4/0 75% (--) 0 %
Chutes Balls 5 5/0 100% + 0 %
NORFOLK : Wynia 6 4/2 17% + 33 %
Bois De Cloet 24 17/7 21% + 29 %
Bois Wilson, parcelle RESE 8 4/4 0% (+) 50 %
Bois Backus, parcelle RESE 17 13/4 20% (+) 24 %
Bois Backus, rive de cours d’eau 3 3/0 33% (--?) 0 %
Au sud-ouest de St. Williams 29 25/4 59% (+?) 14 %
St. Williams 14 10/4 64% (+) 29 %
Pine Grove 2 2/0 100% (--) 0 %

* Pour les parcelles du RESE, on a utilisé les chiffres de 2003 à 2005 afin de permettre une comparaison avec des observations ponctuelles effectuées dans d’autres sites de 2004 à 2005.

+ Sites inventoriés par J.D. Ambrose et d’autres personnes

Anthracnose du cornouiller : + = présence confirmée; (+) = symptômes de la maladie évidents, mais présence de la maladie non confirmée; -- = aucun symptôme décelé; (--) = aucun symptôme décelé, mais échantillons prélevés tôt en été, avant l’apparition normale des symptômes.


Effet d'une immigration de source externe

Comme l’anthracnose du cornouiller, le facteur qui semble à lui seul entièrement responsable du déclin spectaculaire de l’espèce, semble issue des États-Unis, l’importation de matériel des États-Unis n’est pas une option envisageable. Les populations des régions limitrophes ainsi que les populations plus méridionales sont aussi lourdement touchées par la maladie (RNC, 2004; Schwegman et al., 1998; Anderson et al., 1994). En outre, ce matériel serait moins bien adapté aux conditions locales en Ontario.

Les oiseaux forestiers migrateurs transportent probablement des graines de Cornus florida à l’occasion, mais en automne, ces oiseaux se dirigent normalement vers le sud, et non dans la direction inverse. Dès lors, le recrutement résultant d’une dispersion sur une longue distance n’est possible qu’en présence de circonstances exceptionnelles, comme durant des périodes de fluctuations de températures extrêmes. Toutefois, même si l’habitat de forêt carolinienne est très fragmenté, il subsiste encore de vastes superficies d’habitat où des graines transportées sur de longues distances pourraient s’établir et germer.

Les chances d’assurer le rétablissement du cornouiller fleuri seraient nettement meilleures si l’on parvenait à découvrir des individus résistants à la maladie. Malheureusement, aucun signe probant de résistance n’a encore été décelé dans les peuplements infectés de l’Ontario.

 

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