Albatros à queue courte (Phoebastria albatrus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 6

Répartition

Répartition mondiale

Aire de reproduction

Dans le passé, des colonies nicheuses d’Albatros à queue courte étaient connues à au moins neuf endroits se trouvant tous dans la partie occidentale subtropicale du Pacifique Nord (Hasegawa 1984) (figure 2). Ces endroits comprenaient diverses îles japonaises dont les îles Izu, Bonin, Daito, Senkaku et l’ouest des îles Volcano, ainsi que l’île Agincourt et les îles Pescadores de Taïwan (Federal Register, 2000; Harrison, 1983). Il est possible que d’autres colonies, non documentées, aient également existé (Hasegawa et DeGange, 1982). Parmi les colonies connues, il n’y en a plus que deux qui sont encore actives, toutes deux après des périodes d’inactivité, soit celles de Torishima (groupe Izu) et de Minami-kojima (îles Senkaku) au Japon (figure 2). On a observé récemment des individus qui se posaient dans les îles Bonin, mais aucune reproduction n’a été signalée (P. Sievert, comm. pers., 2003).

D’après les mentions des années 1930 et certaines observations récentes, l’Albatros à queue courte aurait peut-être déjà niché dans les îles Midway, dans la chaîne hawaiienne. Cependant, il n’y a aucun compte rendu de reproduction confirmée dans ces mentions historiques. Bien qu’on ait trouvé un individu solitaire couvant des œufs en novembre 1993, puis de nouveau en 1995 et en 1997, aucun des œufs pondus n’était viable (Federal Register, 2000).

Figure 2 : Répartition mondiale de l’Albatros à queue courte (Phoebastria albatrus)

Figure 2 : Répartition mondiale de l’Albatros à queue courte (Phoebastria albatrus), tirée de McDermond et Morgan (1993).

Tirée de McDermond et Morgan (1993).

Certains anciens naturalistes ont cru que l’Albatros à queue courte se reproduisait dans les îles Aléoutiennes, en Alaska. Ignorant apparemment que l’espèce se reproduisait en hiver dans des îles situées loin au sud-ouest, ils ont considéré à tort l’abondance de l’Albatros du début de mai à la fin d’octobre dans les Aléoutiennes comme une indication de reproduction. Un des premiers explorateurs a également signalé que les Autochtones exploitaient les nids pour y récolter des œufs et des oiseaux, et la tradition aléoute d’Alaska mentionne des oiseaux reproducteurs. Cependant, il n’y a jamais eu de vérification confirmant la reproduction. Les fouilles archéologiques dans les tertres des Aléoutes ont permis de trouver des restes d’Albatros à queue courte adultes, mais aucun reste de jeunes (Yesner, 1976). Cette indication, combinée à nos connaissances sur l’aire de nidification historique et actuelle de l’espèce, donne à penser qu’il est très improbable qu’elle ait déjà niché en Alaska (Yesner, 1976; Sherburne, 1993).

Aire de répartition marine

L’aire de répartition marine de l’Albatros à queue courte s’étend de la Sibérie jusque dans la région côtière de la Chine, dans la mer de Béring et le golfe d’Alaska, puis vers le sud jusqu’à la Basse-Californie, et dans tout le Pacifique Nord, y compris dans la partie nord-ouest des îles Hawaii (figure 2).

Autrefois, l’espèce était considérée comme commune dans toute son aire de répartition, en toute saison (voir l’examen de la question par Sanger, 1972; AOU, 1998). Cependant, les déclins radicaux des populations observés à la fin du 19siècle et au début du 20siècle, attribués à la chasse dans les colonies reproductrices (voir les sections ci-dessous), se sont fortement reflétés dans le nombre d’observations en mer, car il y a eu peu d’observations concernant cette espèce dans les régions éloignées des aires de reproduction entre les années 1940 et l’année 1970 (Tramontano, 1970). D’après les observations postérieures à cette période, l’Albatros à queue courte occupe encore une grande partie de son aire de répartition originale, mais en nombres grandement réduits (voir l’examen de la question par Sanger, 1972; Hasegawa et DeGange, 1982).


Répartition canadienne

Au Canada, on peut observer l’Albatros à queue courte au large de la côte de la Colombie-Britannique, exclusivement en tant qu’espèce non nicheuse; la plupart des observations sont faites de février à octobre (tableau 1). Par le passé, cette espèce était prédominante parmi les albatros des régions côtières et elle semble avoir eu une importance considérable pour les peuples autochtones dans les régions où il y a eu des recherches. Environ 27 à 40 p. 100 de tous les ossements trouvés dans le tertre de Yuquot à la baie Nootka, dans l’île de Vancouver, provenaient d’Albatros à queue courte (McAllister, 1980). Au printemps et en été, cette espèce constituait probablement une partie importante du régime alimentaire dans cette région et il semble qu’elle y a été chassée longtemps avant le début de la chasse à la baleine (McAllister, 1980). Les os de l’Albatros à queue courte représentaient aussi une part notable des échantillons recueillis au site Maple Bank, à Victoria. Cependant, les éléments de squelette trouvés donnent à penser que l’espèce était utilisée à des fins différentes à cet endroit (Crockford et al., 1997). Crockford (2003) a résumé toute l’information disponible sur les lieux où l’on a découvert des os d’Albatros à queue courte dans des tertres en Colombie-Britannique. Ces lieux se trouvaient dans les régions suivantes : île Digby (à l’ouest de Prince Rupert) jusqu’aux îles de l’archipel de la Reine-Charlotte; côte ouest de l’île de Vancouver depuis l’île Nootka et la région de Tofino-Ucluelet- baie Barkley jusqu’à la baie Esquimalt et l’entrée de la lagune Esquimalt; île Pender Nord.

À la fin du 19e siècle, l’Albatros à queue courte a été signalé par Kermode (1904) comme étant passablement commun sur les deux côtes de l’île de Vancouver, mais plus abondant du côté ouest. En avril 1894, il l’a trouvé assez commun près du cap Beale. En 1889 (date exacte inconnue), deux spécimens ont été capturés dans le détroit de Juan de Fuca au large de Victoria et naturalisés. Selon Campbell et al. (1990), la dernière mention de l’espèce en Colombie-Britannique au 19e siècle se rapportait à un oiseau trouvé mort sur une plage à Esquimalt le 4 juin 1893, mais cette affirmation contredit celle de Kermode (1904) citée ci-dessus (qui est également citée dans Campbell et al., 1990). L’Albatros à queue courte est ensuite complètement disparu de la côte de la Colombie-Britannique (McAllister, 1980) et n’y a plus été observé jusqu’à la fin des années 1950 (Lane, 1962, synthèse dans Campbell et al., 1990). Ces observations, résumées dans le tableau 1, se rapportaient pour la plupart à des oiseaux solitaires, qui étaient souvent des immatures (Campbell et al., 1990). Les mentions signalées par Lane (1962) et celles qui sont présentées dans Campbell et al. (1990) (tableau 1) étaient concomitantes avec de nouvelles observations qui étaient faites en Oregon, en Alaska et dans d’autres régions du Pacifique Nord (Wyatt, 1963; Tramontano, 1970; Wahl, 1970).

 

Tableau 1 : Mentions de l’Albatros à queue courte (Phoebastria albatrus) au Canada de la fin du 19 e siècle à 2003
Date de la mention Endroit Sexe Classe d’âge Référence/ observateur
Fin du 19siècle passablement commun sur les deux côtes de l’île de Vancouver     Kermode, 1904
Avril 1894 assez commun dans l’océan Pacifique, près du cap Beale     Kermode, 1904
1889 Détroit de Juan de Fuca, au large de Victoria – deux spécimens récoltés

mâle

femelle

adulte

juvénile

Campbell et al., 1990
4 juin 1893 Plage d’Esquimalt – mort     Campbell et al., 1990
De 1958 à 1981, des oiseaux solitaires, souvent immatures, ont été signalés à au moins dix reprises : mai 1963; juin 1964; août 1972 et 1976; septembre 1958 et 1974 et octobre 1969. Aucun autre détail n’a été consigné concernant ces mentions. Campbell et al., 1990
11 juin 1960 64 km à l’ouest de l’île de Vancouver   immature Lane, 1962
24 juin 1971 Station océanique Papa*   immature Gruchy et al., 1972
30 juill. 1991* 47°48’ N    133°35’ W   immature K. Morgan
23 fév. 1996 48°41’ N    126°41’ W   juvénile J. Anderson
22 oct. 1996 53°53’6 N  133°32’ W   subadulte R. Cameron (CIFP)
19 janv. 1999 54°09’ N    133°37’ W   juvénile R. Lattorra (CIFP)
8 mai 1999 50°45’ N    129°20’ W   adulte M. Bentley
25 juill. 1999 52°10’ N    130°19’ W   juvénile J. Lellicut (CIFP)
2 juill. 2000 50°44’ N    129°24’ W   immature M. Bentley
8 sept. 2000 49°02’ N    131°39’ W   immature M. Bentley
2 sept. 2001 52°21’ N    130°45’ W   immature CIFP
15 oct. 2002 49°30’ N    127°15’ W   immature J. Anderson
8 août 2003 48°18’ N    126°04’ W   immature J. Anderson

* Observations effectuées à l’extérieur de la zone économique exclusive (ZEE).
Le sigle CIFP indique des mentions obtenues de la Commission internationale du flétan du Pacifique (International Pacific Halibut Commission) à partir de 1996.

Depuis 1991, des mentions périodiques accompagnées du lieu d’observation ont été consignées pendant des relevés en mer au large de la côte de la Colombie-Britannique et par des observateurs des pêches de la Commission internationale du flétan du Pacifique (CIFP) (tableau 1, figure 3). D’après ces mentions, il semble que l’Albatros à queue courte aurait tendance à se tenir le long du rebord de la plate-forme continentale, du côté du continent (figure 3). Sur les 15 observations confirmées dans la Zone économique exclusive (ZEE) depuis 1991, 13 se rapportaient à des oiseaux juvéniles ou subadultes et 2 à des adultes (tableau 1). La plupart des relevés en mer sont effectués à bord de navires occasionnels (K. Morgan, comm. pers., 2003), de sorte que les efforts consacrés aux relevés sont irréguliers d’une année à l’autre, sur les plans spatial et temporel. Il est donc difficile de délimiter l’aire de répartition exacte et de déterminer l’abondance relative de l’espèce au large de la Colombie-Britannique. Il est impossible d’affirmer définitivement que les zones marines où l’espèce n’a pas été observée ainsi que celles qui n’ont pas fait l’objet de relevés ne sont pas utilisées par l’Albatros à queue courte. Pour l’Albatros à queue courte, la zone d’occupation correspond donc à la zone d’occurrence, soit 423 260 km2, et s’étend de la limite de la Zone économique exclusive (ZEE) du Canada dans le Pacifique jusqu’à la côte de la Colombie-Britannique, en englobant certaines régions de l’aire de répartition historique de l’espèce (entrée Dixon, détroit d’Hécate, bassin de la Reine-Charlotte, détroit de Juan de Fuca et bras côtiers).

Figure 3 : Mentions d’Albatros à queue courte (Phoebastria albatrus) au Canada depuis 1991

Figure 3 : Mentions d’Albatros à queue courte (Phoebastria albatrus) au Canada depuis 1991. La ligne pointillée délimite la Zone économique exclusive (ZEE). Les zones colorées en bleu pâle, en gris et en vert correspondent à la plate-forme (isobathe de 200 m) et à la pente continentales.

La ligne pointillée délimite la Zone économique exclusive (ZEE). Les zones colorées en bleu pâle, en gris et en vert correspondent à la plate-forme (isobathe de 200 m) et à la pente continentales.

On estime à environ 390 individus le nombre d’Albatros à queue courte qui utilisent chaque année l’aire britanno-colombienne définie ci-dessus au moins de janvier à octobre (période des relevés) (SCF, données inédites, 2003). Cette estimation a été obtenue en calculant la densité moyenne de l’Albatros à queue courte dans les régions qui ont fait l’objet de relevés au fil des années (nombre d’observations pendant les relevés en mer par km2 de la région visée) et en extrapolant la valeur obtenue pour la totalité de la zone d’occurrence de l’espèce.

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