Éperlan arc-en-ciel (Osmerus mordax) : évaluation et rapport de situation du COSEPAC

Population de l’éperlan arc–en–ciel de grande taille du lac Utopia
Population de l'éperlan arc–en–ciel de petite taille du lac Utopia

COSEPAC Sommaire de l’évaluation
COSEPAC Résumé
Table des matières

Illustrations du grand éperlan et du petit éperlan arc-en-ciel (Osmerus mordax) du lac Utopia

Menacée
2008



COSEPAC
Comité sur la situation
des espèces en péril
au Canada
logo du COSEPAC


COSEWIC

Committee on the Status
of Endangered Wildlife
in Canada


Les rapports de situation du COSEPAC sont des documents de travail servant à déterminer le statut des espèces sauvages que l’on croit en péril. On peut citer le présent rapport de la façon suivante :

COSEPAC. 2008. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur l’éperlan arc–en–ciel, paires sympatriques du lac Utopia, (Osmerus mordax) au Canada – Mise à jour. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. vii + 31 p.

Rapports précédents

COSEPAC. 2000. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur l’éperlan nain du lac Utopia (Osmerus sp.) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. vi + 15 p.

Taylor, E.B. 1998. Rapport de situation du COSEPAC sur l’éperlan nain du lac Utopia (Osmerus sp.) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. Pages 1–14.

Note de production :
Le COSEPAC remercie T.L. Johnston, qui a rédigé le rapport de situation provisoire sur l’éperlan arc–en–ciel de grande taille et l’éperlan arc–en–ciel de petite taille du lac Utopia (Osmerus mordax), préparé en vertu d'un contrat avec Environnement Canada. La participation des contractants à la rédaction du présent rapport de situation a pris fin avec l'acceptation du rapport provisoire. Toutes les modifications apportées au rapport de situation pendant la préparation des rapports intermédiaires bimestriel et semestriel ont été supervisées par Eric B. Taylor (Ph.D.), coprésident du sous–comité de spécialistes des poissons d'eau douce du COSEPAC, et par Claude Renaud (Ph.D.), ancien coprésident de ce même sous–comité de spécialistes.

Pour obtenir des exemplaires supplémentaires, s’adresser au :

Secrétariat du COSEPAC
a/s Service canadien de la faune
Environnement Canada
Ottawa (Ontario)
K1A 0H3

Tél. : 819–953–3215
Téléc. : 819–994–3684
Courriel du COSEPAC
Site web du COSEPAC

Also available in English under the title COSEWIC Assessment and Update Status Report on the rainbow smelt, lake Utopia sympatric pair, Osmerus mordax in Canada.

Illustration de la couverture :
Éperlan arc–en–ciel -- Artiste : Diana McPhail.

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2009.
No de catalogue : CW69–14/561–2009F–PDF
ISBN : 978–1–100–91356–8

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Sommaire de l’évaluation COSEPAC

 

Sommaire de l’évaluation – Novembre 2008

Nom commun :
Éperlan arc–en–ciel – population de l’éperlan arc–en–ciel de grande taille du lac Utopia

Nom scientifique :
Osmerus mordax

Statut :
Menacée

Justification de la désignation :
La présente population fait partie d’une paire sympatrique génétiquement divergente d’Osmerus qui est endémiqueà un seul lac au Canada et dont l’indice de zone d’occupation est extrêmement petit (6 km²). La population ne fraye que dans trois (3) petits ruisseaux dans le bassin hydrographique et elle pourrait rapidement disparaître suivant une dégradation des ruisseaux de frai en raison d’une augmentation du développement sur la rive du lac et des impacts de la pêche à l’épuisette. Cette population est menacée par l’introduction d’espèces exotiques et par une eutrophisation grandissante.

Répartition :
Nouveau–Brunswick

Historique du statut :
Espèce désignée « menacée » en novembre 2008. Évaluation fondée sur un nouveau rapport de situation.

 

Sommaire de l’évaluation – Novembre 2008


Nom commun :
Éperlan arc–en–ciel – population de l'éperlan arc–en–ciel de petite taille du lac Utopia

Nom scientifique :
Osmerus mordax


Statut :
Menacée


Justification de la désignation :
La présente population fait partie d’une paire sympatrique génétiquement divergente d’Osmerus qui est endémiqueà un seul lac au Canada et dont l’indice de zone d’occupation est extrêmement petit (6 km²). La population ne fraye que dans trois (3) petits ruisseaux éphémères dans le bassin hydrographique et elle pourrait rapidement disparaître suivant une dégradation des ruisseaux de frai en raison d’une augmentation du développement sur la rive du lac. Il peut y avoir des impacts causés par la pêche à l’épuisette illégale. Cette population est menacée par l’introduction d’espèces exotiques et par une eutrophisation grandissante.

Répartition :
Nouveau–Brunswick

Historique du statut :
Espèce désignée « menacée » en avril 1998. Réexamen et confirmation du statut en mai 2000 et en novembre 2008. Dernière évaluation fondée sur une mise à jour d'un rapport de situation.

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COSEPAC
Résumé

Éperlan arc–en–ciel
Osmerus Mordax

Population de l’éperlan arc–en–ciel de grande taille du lac Utopia
Population de l'éperlan arc–en–ciel de petite taille du lac Utopia

Information sur l’espèce

L’éperlan arc–en–ciel (Osmerus mordax) du lac Utopia consiste en deux formes génétiquement distinctes de l’espèce endémiques à ce lac situé dans le sud–ouest du Nouveau–Brunswick. En règle générale, l’éperlan est un petit poisson pélagique élancé (il mesure habituellement moins de 30 cm) dont la couleur varie de vert pâle à bleu foncé sur le dos, et ses flancs ont des reflets bleus, violets et roses rappelant les couleurs de l’arc–en–ciel. Il s’agit d’un poisson des zones tempérées Nord capable de vivre en eau douce et en eau salée. Les éperlans vivant en permanence en eau douce forment une variété de populations distinctes sur les plans morphologique, écologique et génétique, parmi lesquelles certaines partagent le même emplacement géographique, mais ne s’accouplent pas entre elles. La paire sympatrique du lac Utopia (Nouveau–Brunswick) consiste en deux populations distinctes de ce genre qui se comportent comme des espèces séparées : une population d’éperlans de petite taille et une population d’éperlans de grande taille. Des paires sympatriques semblables présumées ont été signalées dans quelques autres lacs de l’est de l’Amérique du Nord, mais les données sur la génétique moléculaire indiquent que chaque paire a connu une évolution parallèle indépendante.

Répartition

La paire sympatrique de l’éperlan arc–en–ciel du lac Utopia n’est présente que dans un seul lac situé dans le sud–ouest du Nouveau–Brunswick, où le frai du petit et du grand éperlans n’a été observé que dans six affluents. Des paires sympatriques présumées sont également présentes dans des lacs situés dans d’autres régions du nord–est de l’Amérique du Nord, notamment le lac Saint–Jean et le lac Heney, au Québec, et le lac Lochaber, en Nouvelle–Écosse, mais le degré de différence entre ces populations est mal compris ou de beaucoup inférieur à celui que présente la paire du lac Utopia.

Habitat

Le lac Utopia est un lac oligotrophe relativement petit aux eaux froides. Le petit et le grand éperlans occupent généralement les eaux froides plus profondes du lac, sauf durant la période de frai printanier. Les géniteurs migrent en soirée vers les frayères situées dans les affluents du lac Utopia. Les substrats de frai varient et, en général, incluent tout substrat qui convient à l’adhésion des œufs : limon, gravier, roche, végétation aquatique et débris de bois.

Biologie

Les populations sympatriques de l’éperlan arc–en–ciel du lac Utopia ont un cycle vital semblable à celui des autres populations d’eau douce et anadromes de l’espèce, mais ce cycle présente une différence importante : l’isolement sur les plans trophique et reproductif qui favorise la divergence génétique entre le petit et le grand éperlans. Les lieux de frai et le moment où le frai est à son plus fort diffèrent entre ces deux populations. Le petit éperlan se nourrit de plancton et habite des eaux peu profondes, tandis que le grand éperlan est piscivore et vit dans des eaux plus profondes. Il n’y a aucune différence importante en ce qui concerne l’âge moyen de la maturité (environ trois ans) et la durée de vie (environ six ans) de ces deux populations.

Taille et tendances des populations

La population reproductrice totale du grand éperlan du lac Utopia est estimée à plusieurs dizaines de milliers et celle du petit éperlan pourrait se chiffrer à plus d’un million.

Facteurs limitatifs et menaces

La disponibilité limitée de l’habitat de frai et la productivité du lac sont des facteurs limitatifs importants. L’abondance des populations sympatriques du lac Utopia, en particulier les jeunes de petite taille et les individus matures de la population du petit éperlan, est potentiellement limitée en raison de la prédation exercée par d’autres espèces de poissons indigènes. La pêche à l’épuisette et la perte de l’habitat de frai, causée par la fluctuation des niveaux d’eau, les obstructions, le développement récréatif ou la dégradation de l’habitat, représentent des menaces potentielles importantes pour l’éperlan arc–en–ciel. La dégradation de la qualité de l’eau de ce lac qu’entraîne l’augmentation du développement peut également constituer une menace. L’introduction d’espèces dans le lac pour accroître la pêche sportive des salmonidés ou celle d’autres espèces exotiques représentent aussi des menaces potentielles importantes. Étant donné que le petit et le grand éperlans sont tous deux considérés comme des poissons adaptés aux eaux froides, les variations de température de l’eau du lac issues du réchauffement climatique représentent des menaces potentielles. Bien que ces questions ne semblent pas constituer jusqu’ici une préoccupation importante quant au lac Utopia, il n’y a aucune donnée permettant de quantifier ces facteurs de risque.

Importance de l’espèce

La présence de populations sympatriques génétiquement distinctes de l’éperlan arc–en–ciel d’eau douce est relativement rare. La divergence génétique de la paire du lac Utopia s’est produite indépendamment des autres paires sympatriques vivant dans d’autres lacs, ce qui donne un exemple de la possibilité de la spéciation sympatrique et de l’évolution parallèle. Ces populations attirent également l’attention sur l’importance des processus déterministes dans la spéciation, tels que la sélection naturelle. Par conséquent, la paire sympatrique de l’éperlan arc–en–ciel du lac Utopia représente une unité de biodiversité importante et irremplaçable, étant donné la nouveauté et les processus probables liés à son évolution. Chaque membre de la paire sympatrique du lac Utopia répond également au critère no 1 de la clé pour déterminer les unités désignables que le COSEPAC a accepté d’utiliser, c’est–à–dire que les phénotypes des populations sympatriques de l’éperlan arc–en–ciel du lac Utopia se comportent comme des espèces distinctes, mais que ces deux populations ne sont pas reconnues actuellement comme étant distinctes sur le plan taxinomique (Taylor, 2006). Ainsi, le présent rapport examine deux unités désignables : la population de l’éperlan arc–en–ciel de grande taille du lac Utopia et la population de l’éperlan arc–en–ciel de petite taille du lac Utopia.

Protection actuelle ou autres désignation de statut

L’éperlan arc–en–ciel nain du lac Utopia (ci–après, la « population de l’éperlan arc–en–ciel de petite taille du lac Utopia » ou le « petit éperlan ») a été désigné en 2000 par le COSEPAC comme étant une espèce menacée et est protégé en vertu la Loi sur les espèces en péril (LEP) du gouvernement fédéral, mais il est encore capturé dans le cadre de la pêche à l’épuisette et son habitat essentiel n’a pas encore été défini. Aucune protection n’existe pour l’éperlan de grande taille (grand éperlan), à l’exception des règlements fédéraux et provinciaux actuels sur la qualité de l’environnement et de l’eau. Depuis l’évaluation du petit éperlan réalisée en 2000, un examen plus approfondi des différentes populations de l’éperlan arc–en–ciel a permis de reconnaître que les deux populations du lac Utopia forment un système dans lequel les populations subsistent de façon distincte sur le plan génétique, malgré la possibilité d’un flux génétique entre elles. Étant donné que ces populations distinctes coexistent dans le même lac, l’habitat et les interactions sympatriques peuvent être importants pour leur persistance. Ces populations sont évaluées dans le même rapport.

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Historique du COSEPAC

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été créé en 1977, à la suite d’une recommandation faite en 1976 lors de la Conférence fédérale–provinciale sur la faune. Le Comité a été créé pour satisfaire au besoin d’une classification nationale des espèces sauvages en péril qui soit unique et officielle et qui repose sur un fondement scientifique solide. En 1978, le COSEPAC (alors appelé Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada) désignait ses premières espèces et produisait sa première liste des espèces en péril au Canada. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) promulguée le 5 juin 2003, le COSEPAC est un comité consultatif qui doit faire en sorte que les espèces continuent d’être évaluées selon un processus scientifique rigoureux et indépendant.

Mandat du COSEPAC

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) évalue la situation, au niveau national, des espèces, des sous–espèces, des variétés ou d’autres unités désignables qui sont considérées comme étant en péril au Canada. Les désignations peuvent être attribuées aux espèces indigènes comprises dans les groupes taxinomiques suivants : mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons, arthropodes, mollusques, plantes vasculaires, mousses et lichens.

Composition du COSEPAC

Le COSEPAC est composé de membres de chacun des organismes responsable des espèces sauvages des gouvernements provinciaux et territoriaux, de quatre organismes fédéraux (le Service canadien de la faune, l’Agence Parcs Canada, le ministère des Pêches et des Océans et le Partenariat fédéral d’information sur la biodiversité, lequel est présidé par le Musée canadien de la nature), de trois membres scientifiques non gouvernementaux et des coprésidents des sous–comités de spécialistes des espèces et du sous–comité des connaissances traditionnelles autochtones. Le Comité se réunit au moins une fois par année pour étudier les rapports de situation des espèces candidates.

Définitions (2008)

Espèce sauvage
Espèce, sous–espèce, variété ou population géographiquement ou génétiquement distincte d’animal, de plante ou d’une autre organisme d’origine sauvage (sauf une bactérie ou un virus) qui est soit indigène du Canada ou qui s’est propagée au Canada sans intervention humaine et y est présente depuis au moins cinquante ans.

Disparue (D)
Espèce sauvage qui n’existe plus.

Disparue du pays (DP)
Espèce sauvage qui n’existe plus à l’état sauvage au Canada, mais qui est présente ailleurs.

En voie de disparition (VD) *
Espèce sauvage exposée à une disparition de la planète ou à une disparition du pays imminente.

Menacée (M)
Espèce sauvage susceptible de devenir en voie de disparition si les facteurs limitants ne sont pas renversés.

Préoccupante (P) **
Espèce sauvage qui peut devenir une espèce menacée ou en voie de disparition en raison de l'effet cumulatif de ses caractéristiques biologiques et des menaces reconnues qui pèsent sur elle.

Non en péril (NEP) ***
Espèce sauvage qui a été évaluée et jugée comme ne risquant pas de disparaître étant donné les circonstances actuelles.

Données insuffisantes (DI) ****
Une catégorie qui s’applique lorsque l’information disponible est insuffisante (a) pour déterminer l’admissibilité d’une espèce à l’évaluation ou (b) pour permettre une évaluation du risque de disparition de l’espèce.

* Appelée « espèce disparue du Canada » jusqu’en 2003.
**Appelée « espèce en danger de disparition » jusqu’en 2000.
***Appelée « espèce rare » jusqu’en 1990, puis « espèce vulnérable » de 1990 à 1999.
****Autrefois « aucune catégorie » ou « aucune désignation nécessaire ».
***** Catégorie « DSIDD » (données insuffisantes pour donner une désignation) jusqu’en 1994, puis « indéterminé » de 1994 à 1999. Définition de la catégorie (DI) révisée en 2006.

 

Le Service canadien de la faune d’Environnement Canada assure un appui administratif et financier complet au Secrétariat du COSEPAC.


Mise à jour - Rapport de situation du COSEPAC sur L’éperlan arc–en–ciel Osmerus mordax
Population de l’éperlan arc–en–ciel de grande taille du lac Utopia
Population de l'éperlan arc–en–ciel de petite taille du lac Utopia
au Canada
2008

Table des matières

Liste des figures

Information sur l’espèce

Dans les habitats lacustres d’eau douce, l’éperlan arc–en–ciel (Osmerus mordax) peut former des populations sympatriques distinctes sur les plans morphologique, écologique et génétique, qui sont isolées les unes des autres en ce qui a trait à la reproduction, par des facteurs autres que la séparation spatiale. Les populations de l’éperlan arc–en–ciel vivant dans le lac Utopia (Nouveau–Brunswick) sont un exemple de ce phénomène qui se produit lorsque deux populations distinctes se comportent comme des espèces différentes : une forme plus petite (communément appelée « naine »), la population de l’éperlan arc–en–ciel de petite taille du lac Utopia, et une forme plus grande (communément appelée « normale » ou « géante », la population de l’éperlan arc–en–ciel de grande taille du lac Utopia. Dans le cas des éperlans et des autres poissons vivant dans des eaux douces tempérées où ce phénomène a été observé, les surnoms « normal » et « nain » sont souvent donnés aux variantes de taille (voir Taylor, 1999; 2001). Cependant, tous les éperlans d’eau douce proviennent en définitive de populations anadromes de tailles et d’âges de maturité variables et, par conséquent, il est difficile de désigner l’une ou l’autre des formes d’eau douce comme étant « normale ». C’est pourquoi les écotypes de taille différente de l’éperlan du lac Utopia seront simplement nommés « petit éperlan » et « grand éperlan » dans le présent rapport, afin de refléter la taille de l’un par rapport à l’autre. Pour désigner collectivement le petit et le grand éperlans, le terme « paire sympatrique » sera utilisé. Lorsque des déductions sur la biologie du petit et du grand éperlans du lac Utopia sont faites en fonction des données sur l’O. mordax dans son ensemble, le nom commun « éperlan arc–en–ciel » sera employé.

Le petit éperlan du lac Utopia était autrefois considéré comme une espèce distincte (Osmerus spectrum) en raison de sa distinction morphologique par rapport aux autres éperlans (voir Taylor et Bentzen, 1993a). Cet « éperlan nain du lac Utopia (Osmerus spectrum) » a été évalué en 2000 par le COSEPAC, qui l’a désigné « espèce menacée ». Cependant, depuis cette évaluation, une étude approfondie des différents éperlans a permis de reconnaître que le petit et le grand éperlans du lac Utopia forment une structure démographique complexe qui doit être évaluée dans un rapport commun. Le présent rapport fait la synthèse des renseignements nécessaires pour : 1) mettre à jour le statut du petit éperlan du lac Utopia, une espèce inscrite sur la liste du gouvernement fédéral en vertu de la LEP; 2) évaluer le statut de la paire sympatrique de l’éperlan arc–en–ciel du lac Utopia en intégrant les données sur le grand éperlan sympatrique.

Nom et classification

Classe :
Actinoptérygiens
Ordre :
Osmériformes
Famille :
Éperlans
Nom latin :
Osmerus mordax (Mitchill, 1814)
Noms communs :
anglais : rainbow smelt, dwarf smelt, pygmy smelt, American smelt, freshwater smelt, frost fish, ice fish, leefish
français : éperlan arc–en–ciel, éperlan du nord, éperlan d’Amérique


Les relations taxinomiques entre les membres du genre Osmerus font l’objet d’un débat continu, une situation habituelle dans la famille des Éperlans (Ilves et Taylor, 2008). Bien que reconnaissant être incertains, Scott et Crossman (1973) et Nelson et al. (2004) ont examiné les populations d’éperlans ayant une répartition fragmentée dans les bassins de l’Atlantique et du Pacifique comme des sous–espèces distinctes (Osmerus mordax et O. m. dentex, respectivement). Toutefois, des études postérieures sur la génétique laissent fortement entendre que les populations du Pacifique et de l’Atlantique sont distinctes relativement à la divergence des séquences couramment associée au classement d’une espèce à part entière dans d’autres taxons (par exemple, le saumon du Pacifique, genre Oncorhynchus). En effet, la compilation récente des données sur les poissons d’eau douce du bassin du Pacifique et de l’Europe (Kottelat et Freyhof, 2007; McPhail, 2007) reconnaît les éperlans du Pacifique/de l’Arctique et les éperlans du nord–ouest de l’Atlantique comme des espèces distinctes (O. dentex et O. mordax,respectivement). Il y a une troisième espèce d’Osmerus indigène à l’est du bassin de l’Atlantique, connue sous le nom d’O. eperlanus. Par conséquent, le présent rapport examine le petit et le grand éperlans du lac Utopia en ne reconnaissant que l’éperlan arc–en–ciel du nord–ouest du bassin de l’Atlantique comme étant l’O. mordax.

Des études taxinomiques réalisées dans les années 1920 (MacLeod, 1922) ont permis d’identifier des différences morphologiques entre l’éperlan arc–en–ciel d’eau douce et celui anadrome, et ont soulevé la question de la relation entre les deux. En ce qui concerne les populations lacustres d’éperlans arc–en–ciel, les premiers documents décrivaient la coexistence d’une « grande » et d’une « petite » formes, qui ont par la suite été considérées comme deux espèces distinctes (Lanteigne et McAllister, 1983). En l’absence de données génétiques, Lanteigne et McAllister (1983) ont considéré la petite forme d’Osmerusprésente dans le nord–est de l’Amérique du Nord comme étant une espèce distincte, l’éperlan nain (Osmerus spectrum), décrite pour la première fois en 1870 par E.D. Cope d’après des spécimens capturés dans le Maine (Taylor, 2001). Lanteigne et McAllister (1983) soutenaient que les deux espèces avaient des origines allopatriques et qu’elles coexistaient en raison d’un contact secondaire datant de la période holocène. Cependant, une recherche génétique réalisée par la suite par Taylor et Bentzen (1993a) a montré que la petite et la grande formes de l’éperlan arc–en–ciel sont un groupe monophylétique vivant dans des lacs individuels, et a laissé entendre qu’elles puissent avoir une origine sympatrique. Cette preuve génétique a également jeté un doute sur la justification de désigner la petite et la grande formes présentes dans le nord–est de l’Amérique du Nord comme étant l’Osmerus spectrum (Cope, 1870) et l’Osmerus mordax (Mitchill, 1814), respectivement (Taylor, 2001). Par la suite, la reconnaissance taxinomique de la petite forme dans son ensemble a été qualifiée d’inopportune, puisqu’il était évident qu’elle avait plusieurs origines indépendantes (Nelson et al., 2004). Par conséquent, les diverses formes de cycle vital de l’éperlan arc–en–ciel sont toutes nommées Osmerus mordax(Mitchill, 1814); le taxon Osmerus spectrum est considéré comme un synonyme non valable d’Osmerus mordax et n’est plus recommandé ni utilisé (Nelson et al., 2004; Système d’information taxonomique intégré [SITI], 2006).

Description morphologique

L’éperlan arc–en–ciel est un poisson mince de forme hydrodynamique et légèrement comprimée (figure 1). Sa couleur varie de vert pâle à bleu foncé sur le dos, et les flancs sont principalement argent avec des reflets bleus, violets et roses, d’où le nom commun de l’espèce. Le ventre est blanc argenté (Scott et Crossman, 1973) et le corps allongé atteint sa hauteur maximale devant la nageoire dorsale unique. L’éperlan arc–en–ciel a une tête effilée et un long museau pointu. Il possède une grande bouche dotée d’une mâchoire inférieure protubérante et de dents aux deux mâchoires. Le maxillaire se prolonge jusqu’au milieu de l’œil ou au–delà. La nageoire caudale (queue) est grandement fourchue et une petite nageoire adipeuse est présente entre la nageoire dorsale et la nageoire caudale. On compte de 62 à 72 écailles scycloïdes sur une ligne latérale. Les mâles reproducteurs présentent des tubercules nuptiaux sur la tête, le corps et les nageoires.

Figure 1 : Illustration du grand éperlan (image du haut) et du petit éperlan (image du bas) arc–en–ciel du lac Utopia. Les deux spécimens sont des mâles matures (Taylor, 2001). Artiste : Diana McPhail

IIllustrations du grand éperlan et du petit éperlan arc-en-ciel du lac Utopia. Les deux images représentent des mâles matures

L’éperlan arc–en–ciel est l’une des nombreuses espèces de poissons d’eau douce tempérée du Nord qui présentent en sympatrie un grand ensemble de types de corps distincts sur la plan morphologique (Taylor et Bentzen, 1993b). Plusieurs attributs morphologiques diffèrent entre le petit et le grand éperlans du lac Utopia (Taylor et Bentzen, 1993a). La différence la plus évidente entre les morphotypes est leur taille à maturité. Les données existantes semblent indiquer que le grand éperlan mesure de 15 à 25 cm au total et que le petit éperlan mesure entre 8 et 15 cm (Lanteigne et McAllister, 1983; Taylor et Bentzen, 1993b; Curry et al., 2004). Le petit éperlan a également des yeux relativement plus grands, une mâchoire supérieure plus petite et un nombre plus élevé de branchiospines par rapport au grand éperlan (Taylor et Bentzen, 1993a); le premier en possède de 33 à 37, tandis qu’on en dénombre de 31 à 33 pour le deuxième (Lanteigne et McAllister, 1983; Taylor et Bentzen, 1993a; Curry et al., 2004).

Curry et al. (2004) ont laissé entendre qu’il serait possible qu’il y ait un troisième type d’éperlans « géants » dans le lac Utopia, mesurant jusqu’à 29 cm et comptant aussi peu que 23 branchiospines. Toutefois, selon Taylor et Bentzen (1993a) et Bentzen (comm. pers., 2008), la taille du corps et les autres aspects morphologiques de l’éperlan arc–en–ciel géant ne seraient pas plus extrêmes que ceux qui caractérisent les grands éperlans observés dans d’autres lacs, en particulier dans le lac Lochaber et le lac Grand en Nouvelle–Écosse. De plus, les histogrammes relatifs à la fréquence des tailles des deux plus grands groupes d’éperlans (qui fraient en premier) indiquent un degré très élevé de chevauchement, tout comme le montrent les dénombrements des branchiospines; ces deux aspects demeurent très différents de ceux du petit éperlan (figure 5; Curry et al., 2004). Cela donne à penser que les éperlans arc–en–ciel géants (Curry et al., 2004) échantillonnés dans le lac Utopia représentent probablement des spécimens du grand éperlan de taille supérieure à la moyenne. Les analyses génétiques approfondies effectuées récemment ne montrent aucune preuve d’un troisième morphotype géant (Bentzen, comm. pers., 2008).

Au début du printemps, il y a des masses ou couvertures semi–transparentes d’œufs d’éperlans arc–en–ciel dans les lieux de frai (Currie, comm. pers., 2006), chaque œuf pesant environ 0,35 mg (Shaw et Curry, 2005). Au moment de l’éclosion, les larves semblent semi–transparentes et mesurent environ 5 mm de longueur (Shaw et Curry, 2005). L’échantillonnage réalisé en 2004 dans le lac Utopia n’a montré aucune différence considérable entre la taille des œufs et des larves du petit éperlan et celle du grand éperlan (Shaw et Curry, 2005). Cependant, les taux de croissance divergents entre les formes deviennent évidents presque immédiatement après l’éclosion (Shaw et Curry, 2005). L’éperlan arc–en–ciel grandit rapidement, sa taille doublant dans les deux semaines suivant l’éclosion (Shaw et Curry, 2005).

Description génétique

Des analyses de la variation des sites de restriction de l’ADNmitochondrial (ADNmt) de l’éperlan arc–en–ciel dans l’ensemble de son aire de répartition naturelle ont révélé la présence de deux lignées évolutives (phylogénétiques) distinctes qui ont divergé au cours du Pléistocène (c.–à–d. au cours des deux derniers millions d’années) : le groupe acadien, essentiellement observé dans le bassin hydrographique du fleuve Saint–Laurent, et le groupe atlantique, vivant dans des eaux qui s’écoulent directement dans l’océan Atlantique (Taylor et Bentzen, 1993a; Bernatchez, 1997). Selon l’emplacement géographique, les éperlans arc–en–ciel d’eau douce et anadromes étaient dominés par des génotypes d’ADNmt qui se regroupaient dans l’une ou l’autre des lignées évolutives, ce qui indique qu’il n’y a aucune distinction phylogénétique entre les écotypes trophiques de l’espèce (Taylor et Bentzen, 1993a; Bernatchez, 1997). Les populations sympatriques du lac Utopia font toutes deux partie du groupe de l’Atlantique (Baby et al., 1991; Taylor et Bentzen, 1993a; Bernatchez, 1997).

L’absence de distinction phylogénétique entre les types de cycle vital de l’éperlan arc–en–ciel a permis d’écarter l’hypothèse précédente, comme quoi toutes les populations de petits éperlans ou d’éperlans nains ont un ancêtre commun, et de jeter un doute sur la validité de les désigner Osmerus spectrum (Taylor et Bentzen, 1993a). En outre, il s’est avéré que les éperlans arc–en–ciel de petite taille de divers lacs ressemblaient davantage aux éperlans d’eau douce ou anadromes de grande taille se trouvant à proximité sur le plan géographique qu’ils ne se ressemblaient entre eux (Taylor et Bentzen, 1993a). Dans le lac Utopia, la présence de l’haplotype d’ADNmtSty I chez le petit et le grand éperlans arc–en–ciel, un génotype propre à ce lac, soutient grandement l’hypothèse d’une origine intralacustre (sympatrique) des populations sympatriques de ce lac (Taylor and Bentzen 1993b). Toutefois, l’hypothèse d’une origine allopatrique, suivie d’un flux génétique découlant d’un contact secondaire (p. ex. Taylor et McPhail, 2000), ne peut être complètement écartée pour expliquer la monophylie des petits et des grands éperlans du lac Utopia. Sans égard au lieu géographique de leur évolution, les formes sympatriques de l’éperlan arc–en–ciel du lac Utopia sont génétiquement distinctes l’une de l’autre et par rapport aux éperlans des autres lacs, et ont évolué indépendamment de ces derniers (Taylor et Bentzen, 1993a; Taylor, 2001).

La divergence génétique entre le petit et le grand éperlans du lac Utopia est comparable à celle qui existe entre les populations de différents lacs (Taylor et Bentzen, 1993a); la divergence nette des séquences d’ADNmt des formes du lac Utopia a été indiquée comme étant de 0,16 % et celle de 16 populations allopatriques d’éperlans, de 0,19 %. Les loci minisatellites du petit et du grand éperlans du lac Utopia divergeaient également, les différences de fréquence des fragments entre les formes étant en moyenne de 14 % supérieures à celles au sein de chaque forme (Taylor et Bentzen, 1993b). La grande divergence de l’ADNmt et des loci minisatellites entre les formes du lac Utopia indique que chacune d’entre elles a un patrimoine génétique distinct. Cet aspect, ajouté aux différences morphologiques et écologiques prononcées entre les populations et aux différentes périodes de frai et aires de répartition dans les cours d’eau (voir ci–dessous), laisse entendre que le degré d’isolement reproductif entre les populations est élevé et que, par conséquent, elles se comportent comme des espèces distinctes sur le plan biologique (Taylor et Bentzen, 1993b).

L’analyse des microsatellites des formes de l’éperlan arc–en–ciel du lac Utopia, réalisée par Curry et al. (2004), donne à penser que des flux génétiques se sont produits entre les formes, mais que la divergence génétique demeure considérable. Cela suppose que le petit et le grand éperlans conservent un certain degré d’homogamie ou bien que les hybrides produits entre les formes ont une capacité de survie moindre au début de leur vie. L’analyse génétique laisse également entendre qu’il y a des distinctions entre les populations reproductrices des formes (Curry et al., 2004), mais que ces différences sont beaucoup plus petites que celles entre le petit et le grand éperlans (Bentzen, comm. pers., 2008).

Unités désignables

La morphologie différente du petit et du grand éperlans du lac Utopia a évolué indépendamment des quelques paires observées dans d’autres lacs (voir la section Répartition ci–dessous) et les paires sympatriques subdivisées sont un exemple d’évolution parallèle dans chaque lac (Taylor et Bentzen, 1993a). L’existence d’une paire sympatrique dans le lac Utopia découle donc d’un processus évolutif unique et appuie l’idée que ces populations représentent une unité de biodiversité importante et irremplaçable. En outre, étant donné que ces populations se comportent comme des espèces biologiques distinctes, elles satisfont au critère no 1 présenté dans la clé de Taylor (2006) que le COSEPAC a accepté d’utiliser pour déterminer quelles sont les unités désignables. C’est pourquoi les éperlans du lac Utopia constituent deux unités désignables indépendantes de l’espèce Osmerus mordax dans son ensemble : la population de l’éperlan arc–en–ciel de grande taille du lac Utopia et la population de l’éperlan arc–en–ciel de petite taille du lac Utopia.

>L’existence de plusieurs populations distinctes de paires sympatriques d’éperlans arc–en–ciel est semblable à celle des paires sympatriques d’épinoches (Gasterosteus sp.) présentes dans le sud–ouest de la Colombie–Britannique, endroit où les paires sympatriques de chaque lac ont été désignées par le COSEPAC comme étant des unités désignables distinctes et évaluées de façon indépendante (COSEPAC, 2002, SCF, 2007). De plus, il est opportun et important pour plusieurs raisons que le statut des deux membres de la paire soit évalué dans le même rapport. Tout d’abord, l’importance des deux populations d’éperlans du lac Utopia repose sur leurs distinctions et sur leur persistance en sympatrie; ni l’une ni l’autre des formes examinées indépendamment de l’autre n’est particulièrement unique au sein de l’espèce O. mordax. Ensuite, les interactions entre ces formes peuvent favoriser leur évolution et leur persistance. Enfin, le petit et le grand éperlans sont confrontés aux mêmes menaces relativement à leurs habitats, en particulier celui de reproduction, et les perturbations dont font l’objet de tels habitats pourraient entraîner une hybridation accrue entre ces formes, comme il en a été question chez les paires sympatriques d’épinoches (Taylor et al., 2006).

Répartition

Aire de répartition mondiale

Le taxon Osmerus mordax est indigène aux bassins hydrographiques du nord–ouest de l’océan Atlantique et est très répandu le long de la côte nord–est de l’Amérique du Nord, de Long Island dans l’État de New York au lac Melville sur la côte du Labrador (Scott et Scott, 1988). Dans l’ensemble de son aire de répartition, l’éperlan arc–en–ciel est soit anadrome, c’est–à–dire qu’il passe la majeure partie de sa vie adulte dans l’eau salée et qu’il retourne dans l’eau douce pour frayer, ou vit en permanence dans un lac. On croit que l’espèce n’est pas indigène aux Grands Lacs (Scott et Crossman, 1973); sa présence découlerait plutôt du fait qu’elle y a été introduite et de l’ouverture de divers canaux dans l’est du Canada et des États–Unis. À la suite de son introduction dans des lacs intérieurs de l’Ontario, l’espèce s’est dispersée dans le lac Winnipeg et plus à l’est le long de la côte ouest de la baie d’Hudson, par le fleuve Nelson (Stewart et Watkinson, 2004).

Aucune étude conçue pour évaluer systématiquement l’aire de répartition des paires sympatriques isolées sur le plan reproductif et leur nombre n’a été effectuée; un échantillonnage principalement opportuniste a plutôt été réalisé dans le cadre d’études plus générales sur l’éperlan arc–en–ciel. En dépit de cette limite, la présence de populations sympatriques génétiquement distinctes semble être relativement rare lorsqu’on considère l’aire de répartition géographique globale de l’Osmerus mordax.Les études effectuées par Baby et al. (1991), Taylor et Bentzen (1993a), et Bernatchez (1997) portaient sur un total de 47 populations d’éperlans arc–en–ciel dans le nord–est de l’Amérique du Nord et la preuve de la présence de paires sympatriques, qui consiste en une combinaison de données génétiques, écologiques et morphologiques, n’a été faite qu’à trois occasions : dans le lac Utopia, le lac Lochaber (Nouvelle–Écosse; Taylor et Bentzen, 1993a) et le lac Saint–Jean (Québec; Saint–Laurent et al., 2003). Bien qu’on laisse entendre que des paires sympatriques soient présentes dans quelques autres lacs du Canada et des États–Unis (lacs Heney et Kénogami, Québec; lacs Onawa et Green, et étang Wilton, Maine) (Lanteigne et McAllister, 1983; Baby et al., 1991; Taylor et Bentzen, 1993a), les preuves à l’appui sont contestables, soit en raison de la petite taille de l’échantillonnage ou du manque de données dans l’une des catégories suivantes : écologiques, morphologiques ou génétiques.

La paire sympatrique du lac Utopia est endémique à un seul endroit au Canada (voir ci–dessous).

Aire de répartition canadienne

La paire sympatrique du lac Utopia (45° 10’ de latitude N. et 66° 47’ de longitude O.) est endémique à ce lac, lequel est situé dans le sud–ouest du Nouveau–Brunswick, à environ 70 km à l’ouest de Saint John (figure 2). Il mesure environ 7,2 km de longueur et a une superficie de 14 km², une profondeur moyenne de 11 m et une profondeur maximale de 26 m (Lanteigne et McAllister, 1983; Taylor, 2001). Il fait partie du réseau hydrographique de la rivière Magaguadavic qui s’écoule dans la baie de Fundy et rejoint cette rivière par l’entremise d’un débit sortant dans la moitié sud du lac. La zone d’occurrence déterminée à l’aide de la méthode du polygone convexe est d’environ 29 km². L’indice de la zone d’occupation du petit et du grand éperlans, calculé en superposant une grille de 1 km x 1 km sur leurs ruisseaux de frai, est de 6 km². Celui de chaque forme d’éperlans calculé au moyen d’une grille de 2 km x 2 km est de 20 km².

Figure 2 : À gauche, le gros point indique l'emplacement du lac Utopia, au Nouveau–Brunswick. À droite, carte du lac Utopia et de ses affluents utilisés comme frayères par le petit éperlan (ruisseaux Mill et Scout, et un ruisseau non nommé) et le grand éperlan (ruisseaux Mill, Trout et Spear).

Deux cartes : Une indique l’emplacement du lac Utopia au Nouveau-Brunswick, et l’autre montre le lac Utopia et ses affluents utilisés comme frayères par le petit éperlan et le grand éperlan arc-en-ciel.

Habitat

Besoins en matière d’habitat

Le lac Utopia est relativement petit et présente des conditions variant de mésotrophiques à oligotrophiques (Lanteigne et McAllister, 1983; Taylor, 2001; Hanson, 2003). Ses eaux sont froides, sont couvertes de glace de la mi–décembre à la mi–avril et présentent une stratification thermique pendant l’été (Lanteigne et McAllister, 1983; Taylor, 2001). L’indice morpho–édaphique, une mesure de la quantité totale de matières dissoutes par rapport à la profondeur moyenne qui est utilisée pour déterminer l’abondance du poisson, est de 0,94 (les valeurs peuvent varier de près de 0 à plus de 100 dans le cas des lacs les plus productifs). Les valeurs de pH varient de 7,0 à la surface à 6,4 à 25 m de profondeur. En 1969, la thermocline de juillet se situait entre 10 et 15 m de profondeur et les températures variaient de 19 ºC à la surface à 7,8 ºC à une profondeur de 25 m (Taylor, 2001). En 1996, la thermocline d’août était entre 10 et 16 m de profondeur et les températures variaient de 22 ºC à la surface à 7,9 ºC à une profondeur de 25 m (ministère des Pêches et des Océans, MPO, données inédites).

Scott et Crossman (1973) ont décrit l’éperlan arc–en–ciel comme un poisson pélagique qui, en général, occupe des eaux froides profondes. Dans le lac Utopia, il n’y a aucune observation de petits éperlans ou de grands éperlans se rassemblant à une profondeur ou à un endroit en particulier, mais il y a des preuves que les deux formes se mélangent dans le lac (Curry et al., 2004).

Le petit et le grand éperlans utilisent les cours d’eau intérieurs rattachés au lac Utopia comme frayères (Taylor et Bentzen, 1993a; Taylor, 2001). Un échantillonnage a été effectué dans les 17 affluents du lac Utopia où il y avait des habitats potentiellement favorables à la reproduction, mais le frai n’a été observé que dans six petits cours d’eau situés à l’extrémité nord du lac : les ruisseaux Mill, Trout, Scout (Second), Spear et Mill (Smelt), et un ruisseau non nommé (Taylor et Bentzen, 1993a; Curry et al., 2004; MPO, données inédites). Le grand éperlan fraie dans les ruisseaux Mill et Trout, tous deux étant des effluents de petits lacs qui s’écoulent dans le lac Utopia (Curry et al., 2004). Le ruisseau Mill mesure 4 m de largeur et a moins de 1 m de profondeur, en moyenne. Le ruisseau Trout a une largeur moyenne de 10 m, des eaux lentes et des bassins plus profonds (Curry et al., 2004). Le frai de grands éperlans a également été observé dans le ruisseau Spear, un affluent du lac Trout (Curry et al., 2004). Un barrage abandonné, situé à la source du ruisseau Mill, empêche les éperlans d’entrer dans le lac Mill. Pendant la période de frai, ces ruisseaux ont un débit variant de modéré à élevé (jusqu’à 1 m/s) (Taylor, 2001) et la température de l’eau est inférieure à 6 ºC (Curry et al., 2004). Le petit éperlan fraie dans les ruisseaux plus petits (de 1 à 2 m de largeur) et au débit moins élevé (moins de 10 cm/s) qui ne prennent pas leur source dans des lacs : les ruisseaux Scout et Mill, et un ruisseau non nommé (Taylor, 2001). Au total, ces petits ruisseaux fournissent moins de 500 m d’habitat linéaire accessible (Curry et al., 2004). La température de l’eau varie de 4 ºC à 9 ºC durant la période de frai (Curry et al., 2004). Bien que le frai en bancs près des rives ne soit pas rare chez l’éperlan arc–en–ciel (Scott et Crossman, 1973), il n’a pas été observé dans le lac Utopia.

Les substrats de frai varient et comprennent tout substrat favorable à l’adhésion des œufs, comme le limon, le gravier, la roche, la végétation aquatique et les débris de bois (MPO, données inédites; Environnement Canada, 2004). L’éperlan arc–en–ciel remonte généralement les cours d’eau jusqu’à ce qu’il se heurte à un obstacle ou à une augmentation de la pente d’écoulement. Les zones immédiatement en aval des obstacles contiennent certaines des densités les plus élevées d’œufs d’éperlans arc–en–ciel du cours d’eau.

Tendances en matière d’habitat

Les changements dans les conditions du lac Utopia n’ont pas été surveillés au fil du temps et les tendances globales en matière d’habitat sont inconnues.

Protection et propriété

Le territoire aux environs d’une bonne partie du lac Utopia et de ses affluents est privé et il y a de nombreuses résidences permanentes et saisonnières le long de la zone riveraine. Un refuge de gibier situé à l’extrémité nord–est du lac englobe le lac Mill et son effluent, le ruisseau Mill (Taylor, 2001). Au fil des années, il y a eu diverses installations de pisciculture dans le lac Utopia ou à proximité. Actuellement, Cooke Aquaculture (http://www.cookeaqua.com) élève des saumons atlantiques (Salmo salar) pour l’industrie océanographique d’élevage en enclos de filet dans une installation située à l’extrémité nord–est du lac.

Étant donné que le petit éperlan est désigné comme menacé en vertu de la LEP, il est censé être protégé contre l’exploitation et son habitat essentiel devrait être défini. À l’heure actuelle, ni l’une ni l’autre de ces mesures de protection n’a été mise en place. Un certain degré de protection contre la dégradation de l’habitat est également offert par l’entremise de divers règlements fédéraux et provinciaux, tels que la Loi sur les pêches, de la politique de gestion de l’habitat du poisson du MPO et de lois provinciales pour la protection de l’environnement, notamment la Loi sur l’assainissement de l’eau et la Loi sur l’assainissement de l’environnement.

Biologie

La paire sympatrique du lac Utopia a un cycle vital semblable à celui des autres populations de l’éperlan arc–en–ciel d’eau douce et anadrome, mais ce cycle présente une différence importante : le développement de différences sur le plan écologique et l’isolement reproductif qui favorisent et conservent les distinctions génétiques entre le petit et le grand éperlans du lac Utopia.

Cycle vital et reproduction

Dans le lac Utopia, le frai de l’éperlan a lieu chaque printemps, dès la mi–mars lorsque le lac est encore couvert de glace jusqu’au milieu ou à la fin du mois de mai (Delisle, 1969; Curry et al., 2004). Il y a une certaine séparation temporelle relativement au moment où le frai est à son plus fort pour chaque forme de l’espèce; le grand éperlan fraie toujours en premier, puis la taille des poissons diminue à mesure que la période de frai progresse (Delisle, 1969; Taylor et Bentzen, 1993b; Curry et al., 2004).

Curry et al. (2004) ont identifié trois groupes d’éperlans en fonction des différences dans le moment du frai : les plus grands géniteurs (de 12 à 29 cm de longueur à la fourche), qui fraient en premier, remontent les ruisseaux Mill, Trout et Spear, les géniteurs moyens (de 10 à 15 cm de longueur à la fourche) fraient dans le ruisseau non nommé et les ruisseaux Mill et Scout, et les plus petits géniteurs (moins de 12 cm de longueur à la fourche) sont les derniers à frayer dans les mêmes ruisseaux que les géniteurs moyens. Il existe des renseignements détaillés sur le frai de 2004 du petit et du grand éperlans du lac Utopia qui indiquent les périodes de frai, d’incubation et d’éclosion des populations reproductrices enregistrées. Pour chaque groupe reproducteur, la période de frai dure de 7 à 14 jours (Shaw et Curry, 2005). Le nombre d’œufs pondus par les femelles mesurant de 9,5 à 15,5 cm à la fourche varie de 2 000 à 16 000 (Currie et Shaw, données inédites). La période d’incubation des œufs dure de 20 à 26 jours et, après l’éclosion, les jeunes éperlans dérivent vers l’aval pour se disperser dans le lac Utopia (Shaw et Curry, 2005).

Le frai se déroule la nuit, entre 21 h 30 et 4 h 30, et est à son plus fort entre 00 h 00 et 1 h 30 (Curry et al., 2004). Il n’y a aucune preuve de frai pendant le jour et la plupart des éperlans retournent dans le lac à l’aube (Curry et al., 2004).

L’âge moyen de maturité des poissons échantillonnés dans les frayères a été établi à 2,8 ans et aucune différence d’âge importante n’a été constatée entre les petits et les grands éperlans dans les affluents (Curry et al., 2004). Les différences d’âge possibles lors du premier frai sont inconnues. La durée de génération des deux formes d’éperlans est d’environ 3 ans et leur durée de vie est de 6 ans.

Herbivores/prédateurs

Les espèces connues pour se nourrir de l’éperlan arc–en–ciel lacustre et présentes dans le lac Utopia sont notamment le saumon atlantique, l’omble de fontaine (Salvelinus fontinalis), l’achigan à petite bouche (Micropterus dolomieui) (Curry et al., 2004), la lotte (Lota lota) et la perchaude (Perca flavescens) (Scott et Crossman, 1973). Des espèces prédatrices exotiques ont également été observées récemment dans le réseau hydrographique de la rivière Magaguadavic; le ministère des Ressources naturelles du Nouveau–Brunswick a trouvé, depuis 2003, des brochets maillés (Esox niger) pendant ses relevés et des pêcheurs à la ligne ont signalé la présence d’achigans à grande bouche (Micropterus salmoides) dans les eaux aux environs du lac Utopia en 2006 (Carr, comm. pers., 2007; voir également Ressources naturelles du Nouveau–Brunswick, 2008). L’analyse des signatures isotopiques des saumons, des truites et des achigans à petite bouche a permis de désigner ces espèces comme étant des prédateurs potentiels du petit éperlan et des jeunes du grand éperlan (Curry et al., 2004). Des petits éperlans ont été trouvés dans l’estomac d’ombles de fontaine en 1996 (Taylor, 2001) et de grands éperlans en 1999 (Curry et al., 2004).

La population de saumons atlantiques du lac Utopia a fait l’objet d’ensemencement supplémentaire au moins à 12 reprises depuis 1984, afin de permettre la pêche récréative, et le lac est actuellement ensemencé à un rythme de 3 400 saumons tous les deux ans (Collet et al., 1999; Curry et al., 2004). La consommation d’éperlans arc–en–ciel par les populations de saumons atlantiques est attestée par de nombreuses sources (Nellbring, 1989; Curry et al., 2004). Cependant, il n’y a aucune donnée précise sur l’importance des différentes étapes du cycle vital du petit et du grand éperlans en tant qu’espèce fourragère pour le saumon atlantique du lac Utopia. Selon l’analyse des signatures isotopiques des espèces fourragères réalisée par Curry, le petit et le grand éperlans ne semblent pas être la seule espèce chassée par le saumon atlantique du lac Utopia (Curry et al., 2004).

Le régime alimentaire de l’éperlan arc–en–ciel de petite taille se compose principalement de zooplancton, soit des espèces telles que les Daphnia, les Diaptomus,les Cyclops, les Bosmina, les Leptodoraet les Epischura (Bajkov, 1936; Lanteigne et McAllister, 1983). Les éperlans arc–en–ciel adultes de plus grande taille se placent à un niveau trophique supérieur, étant donné qu’ils sont macrophages et piscivores. Ils se nourrissent d’invertébrés, comme les copépodes, et de petits poissons (Lanteigne et McAllister, 1983). Il y a peu de renseignements sur les effets que les activités de recherche de nourriture de la paire sympatrique du lac Utopia ont sur les autres espèces de poissons qui y vivent. Toutefois, les populations intérieures de l’éperlan arc–en–ciel réparties dans l’ensemble de l’est de l’Amérique du Nord sont connues pour chasser abondamment de jeunes poissons de l’année, causant ainsi des déclins importants chez plusieurs espèces (Franzin et al., 1994).

Déplacements et dispersion

La seule migration apparente effectuée par l’éperlan du lac Utopia est le déplacement nocturne vers les frayères situées dans les affluents, un parcours pouvant compter jusqu’à quelques centaines de mètres, qui a lieu chaque printemps. Après l’éclosion, les larves dérivent vers l’aval et se dispersent dans le lac.

Le réseau hydrographique de la rivière Magaguadavic s’écoule dans les lacs Magaguadavic et Digdeguash situés en amont du lac Utopia. Ces lacs subviennent aux besoins des populations d’éperlans arc–en–ciel, mais aucune forme sympatrique n’y a été observée et il ne semble pas que la paire sympatrique du lac Utopia migre au–delà de son lac de résidence. Le réseau hydrographique de la rivière Magaguadavic se poursuit du lac Utopia jusqu’à St. George. À cet endroit, il y a une chute d’eau infranchissable pour les poissons se déplaçant vers l’amont; une passe migratoire y a donc été construite pour le saumon atlantique en migration.

Relations interspécifiques

Adaptabilité

L’éperlan arc–en–ciel présente des caractéristiques très variées dans l’ensemble de son aire de répartition et est capable de vivre tant en eau de mer qu’en eau douce (Nellbring, 1989). De petits éperlans du lac Utopia ont été introduits dans le lac Meech (Québec) en 1924 et une population autosuffisante semble s’y être établie. Des individus matures ont été capturés dans ce lac dès 1991 (Taylor, 2001), mais on ignore si ces éperlans sont la progéniture de ceux introduits au départ qui se sont adaptés aux conditions du lac Meech ou s’ils sont arrivés dans le lac d’une autre façon (Fournier, comm. pers., 2006). Il semble que les géniteurs du lac Meech migrent également vers des ruisseaux, tout comme le font leurs homologues du lac Utopia (Bridges et Delisle, 1974).

Taille et tendances des populations

Activités de recherche

Il y a peu de temps encore, les activités de recherche pour localiser les petits et les grands éperlans du lac Utopia visaient en grande partie à prélever des échantillons pour des études fondamentales sur la croissance, le cycle vital, la taxinomie et la génétique, plutôt qu’à calculer l’abondance en tant que telle. Les petits et les grands éperlans ont été échantillonnés de façon opportuniste par Lanteigne et McAllister en 1983, et Taylor et Bentzen en 1990 et en 1991; des collectes plus ciblées ont été réalisées par Curry et al. de 1998 à 2003. Les populations reproductrices du lac Utopia sont échantillonnées chaque printemps depuis 2002 dans le cadre d’une étude génétique détaillée en cours (Bentzen, comm. pers., 2008).

Au cours des dernières années, des activités ont été réalisées pour calculer l’abondance des populations du lac Utopia et un échantillonnage a été effectué à cette fin de 1998 à 2003 (Curry et al., 2004; Shaw et Curry, 2005). En 1999, des estimations de l’abondance des populations reproductrices ont été réalisées en capturant, en marquant et en relâchant des petits et des grands éperlans d’environ 21 h 30 à 4 h 30, moment où la plupart des éperlans entraient dans les affluents (Curry et al., 2004). Les estimations de l’abondance effectuées par Schnabel ont été calculées en fonction du nombre d’éperlans entrant dans le ruisseau pendant l’échantillonnage (1,5 heure). Les estimations propres à un ruisseau réalisées pendant cinq périodes d’échantillonnage ont été additionnées afin d’obtenir l’abondance totale pour chaque ruisseau. Lorsque le nombre d’éperlans rencontrés était trop faible pour faire une estimation au moyen de la méthode de marquage et de recapture, les estimations étaient fondées sur les dénombrements réels. Lorsque le nombre était trop élevé pour utiliser cette méthode, tous les poissons étaient comptés dans une section isolée de 1 m du ruisseau, puis le résultat était extrapolé dans l’ensemble de l’habitat accessible. Par la suite, une recherche guidée des affluents apparemment favorables au frai a été effectuée par le personnel du MPO, en conjonction avec les activités de rétablissement du petit éperlan. Des recherches ont été menées dans 17 ruisseaux au total pendant les mois d’avril et de mai 2007 (la période habituelle de frai), mais le frai n’a été observé que dans les six ruisseaux dont il a été question ci–dessus.

Abondance

Taylor et Bentzen (1993b) ont indiqué que les grands éperlans étaient plus abondants que les petits éperlans dans le lac Utopia. Cependant, les estimations les plus récentes ont montré que l’abondance réelle du petit éperlan était de beaucoup supérieure à ce que l’on croyait auparavant. Les estimations du nombre de petits éperlans réalisées en une seule soirée en 1999 laissent croire que la population totale compterait au moins 1 million de géniteurs. Les dénombrements de géniteurs effectués en une seule soirée en 2003 dans les ruisseaux Mill et Scout et le ruisseau non nommé ont été estimés au bas mot entre 5 361 et 169 000. Les grands éperlans ont été estimés en une seule soirée à 50 000, ce qui laisse entendre que la population totale compterait entre 250 000 et 500 000 géniteurs (MPO, données inédites). Des nombres semblables ont été observés en 2000 (Curry et al., 2004).

Les relevés réalisés par Curry et al. (2004) dans les cours d’eau de frai montraient que tous les substrats favorables au frai dans le ruisseau Mill et le ruisseau non nommé étaient densément couverts d’œufs, créant dans certains cas des tapis d’œufs de 5 cm d’épaisseur qui couvraient toute la largeur du ruisseau sur une distance de 5 m. Des tapis plus petits ont été observés dans le ruisseau Scout en 2001 et en 2002 (Curry et al., 2004). Un nombre important d’adultes sont également demeurés dans les ruisseaux pendant le jour, suffisamment pour qu’ils puissent facilement être capturés à la main en 1999 et en 2000. En 2001, on a observé des larves d’éperlans qui dérivaient à un rythme variant de 1 à 44 larves par cm3 par heure dans les ruisseaux Mill et Scout et le ruisseau non nommé (Curry et al., 2004).

Le ministère des Ressources naturelles du Nouveau–Brunswick a effectué des observations de jour de petits éperlans reproducteurs, le 10 mai 2007 (Connell et Seymour, 2007). Ils ont été observés dans l’ensemble du ruisseau Mill (Smelt) et environ 100 000 étaient visibles dans le lac Utopia près de l’embouchure du ruisseau. Environ 10 000 géniteurs étaient présents dans le ruisseau non nommé, de même que dans le lac à l’embouchure du ruisseau. À peu près 500 petits éperlans ont été observés dans le ruisseau Scout.

Fluctuations et tendances

Des collectes ont été réalisées dans le lac Utopia au début des années 1990 pour des études génétiques et, comme l’a reconnu Taylor (2001), elles sous–estimaient l’abondance des petits éperlans; les activités d’échantillonnage n’étaient axées que sur 4 des 17 affluents qui pouvaient peut–être contenir des géniteurs, la taille des échantillons était petite et l’échantillonnage s’est déroulé pendant une très courte durée de l’ensemble de la période de frai. Selon les échantillons prélevés de 1998 à ce jour, l’abondance des populations de la paire sympatrique du lac Utopia semble assez constante d’une année à l’autre. La grande abondance des petits éperlans reproducteurs et le fait qu’ils ne soient présents que dans quelques–uns des affluents disponibles peuvent indiquer que le lac en lui–même a atteint sa capacité de charge maximale, du moins en ce qui concerne le petit éperlan (Curry et al., 2004).

Immigration de source externe

Compte tenu qu’une paire sympatrique génétiquement distincte vit dans le lac Utopia, il s’agirait d’une perte de diversité irremplaçable advenant la disparition de ces populations, c’est–à–dire qu’il n’y a aucune possibilité d’immigration de source externe. En 1937, de petits éperlans du lac Utopia ont été introduits dans le lac Meech (Québec) (Dymond, 1939). Il n’est toutefois pas certain qu’il s’agisse de la seule provenance des éperlans du lac Meech et aucun géniteur n’a été observé dans ce lac au cours des trois dernières années (C. Lougheed, MPO, comm. pers.). Par conséquent, les éperlans du lac Meech ne pourraient pas être réintroduits dans le lac Utopia comme moyen artificiel de sauver l’espèce.

Connaissances traditionnelles autochtones

Une demande visant à acquérir des connaissances traditionnelles autochtones (CTA) sur la paire sympatrique a été faite auprès du Sous–comité des CTA du COSEPAC en mai 2008, mais aucun renseignement n’a été obtenu jusqu’à maintenant.

Facteurs limitatifs et menaces

La faible productivité du lac, la prédation exercée par les salmonidés indigènes et l’utilisation limitée du nombre de frayères potentielles du lac sont sans doute des facteurs naturels importants qui limitent le nombre de populations individuelles d’éperlans dans le lac Utopia et leur abondance.

Quatre principales catégories de menaces pourraient influer sur la paire sympatrique du lac Utopia : la perturbation et la dégradation de l’habitat, l’augmentation des poissons indigènes prédateurs et/ou l’introduction d’espèces exotiques, la pollution, et la pêche et la collecte à l’épuisette. Le personnel régional du ministère des Ressources naturelles du Nouveau–Brunswick a entamé en 2003 des discussions sur les menaces qui pèsent sur les éperlans du lac Utopia (M. Toner, comm. pers.). Certains aspects de ce qui suit, en particulier les évaluations de l’importance de ces menaces, ont été résumés à partir de ces discussions. Dans l’ensemble, l’opinion générale du personnel régional était que les menaces qui pèsent sur les éperlans du lac Utopia pourraient être réduites au moyen de mécanismes existants et qu’en combinant le respect des règlements existants, des programmes modestes de surveillance et un nombre limité de projets d’intendance ciblés, il serait possible de calmer en grande partie les inquiétudes liées à la conservation de ces populations. Cependant, le personnel régional a axé ses discussions relatives aux menaces sur le petit éperlan (la seule unité désignable reconnue et inscrite à l’annexe 1 de la LEP à ce moment–là) et n’a pas abordé explicitement la question de la conservation de deux ou plusieurs populations génétiquement distinctes dans le lac. En règle générale, on ignore dans quelle mesure les diverses situations décrites ci–dessous ont changé depuis 2003.

Perturbation et dégradation de l’habitat

La perte de frayères disponibles aux environs du lac Utopia constitue une grave menace potentielle, surtout en ce qui concerne les ruisseaux utilisés par la population du petit éperlan. Ces ruisseaux peuvent être placés devant une menace particulière étant donné la pression croissante exercée par la construction domiciliaire sur leurs rives et l’exploitation forestière dans le réseau hydrographique. Les fluctuations du niveau d’eau causées par les prélèvements hydroélectriques, la variation naturelle, les obstructions physiques ou la dégradation de l’habitat peuvent bloquer l’accès aux frayères ou rendre ces lieux non favorables au frai. Le prélèvement industriel d’eau dans le lac et à proximité, par la St. George Pulp and Paper Mill et l’écloserie, peut diminuer les niveaux d’eau et empêcher l’accès aux frayères. En ce qui concerne la quantité d’eau prélevée ou extraite à partir de ces sources potentielles, le ministère des Ressources naturelles du Nouveau–Brunswick a considéré ces menaces comme ayant des incidences variant de faibles à modérées. Le développement récréatif et la circulation de loisir sur la zone littorale, associés à la construction de bungalows, à la circulation piétonne et à l’utilisation de véhicules tout–terrain aux alentours du lac, peuvent également dégrader le substrat où les œufs sont déposés. Ces menaces potentielles sont particulièrement importantes en raison du nombre de géniteurs qui semble élevé dans les affluents et du frai qui n’a lieu que dans quelques–uns des affluents disponibles, ce qui laisse entendre que les habitats favorables au frai sont limités (Taylor, 2001; Curry et al., 2004). Toutefois, le ministère des Ressources naturelles du Nouveau–Brunswick a classé les incidences actuelles comme étant faibles. Enfin, le petit et le grand éperlans sont tous deux considérés comme des poissons capables de vivre en eau froide, donc les variations de température de l’eau du lac découlant du réchauffement climatique constituent des menaces potentielles (par exemple, Kling et al., 2003; Helland et al., 2007).

Augmentation des poissons indigènes et introduction d’espèces exotiques

Les programmes d’augmentation des populations de poissons de sport, tels que le saumon atlantique, pourraient perturber l’équilibre naturel prédateur–proie entre les éperlans et de tels poissons piscivores, et avoir des incidences négatives sur les populations d’éperlans, en particulier pour les jeunes éperlans de petite taille et les petits éperlans adultes. Dans le lac Utopia, l’ensemencement de saumons atlantiques est effectué tous les deux ans au moyen d’un stock biennal de 3 400 poissons d’un an. Ce niveau d’ensemencement est apparemment destiné à réduire au minimum les effets sur l’équilibre trophique dans le lac (R. Bradford, MPO, Moncton, comm. pers.). L’introduction d’espèces exotiques constitue une menace potentielle considérable, ce qui est en général considéré comme l’une des menaces les plus graves qui pèsent sur la biodiversité en eau douce au Canada (Dextrase et Mandrak, 2006). Bien qu’aucune espèce exotique ne soit signalée dans le lac Utopia, deux espèces prédatrices potentielles, l’achigan à grande bouche et le brochet vermiculé, ont été observées immédiatement en aval, dans la rivière Magaguadavic (ministère des Ressources naturelles du Nouveau–Brunswick, 2008). L’écloserie de saumons atlantiques sur le lac Utopia représente une source potentielle d’introduction de poissons, tout comme l’empoissonnement actuel de saumons atlantiques qui pourrait avoir des incidences sur les populations d’éperlans. Le ministère des Ressources naturelles du Nouveau–Brunswick a classé ces risques comme étant faibles.

Pollution

Une récente étude de la qualité de l’eau (Hanson, 2003) a désigné trois principales sources non ponctuelles de pollution dans le lac Utopia : les développements saisonnier et récréatif, les activités forestières et une bleuetière. Les effets individuels de ces éléments n’ont pas été quantifiés. Une source ponctuelle potentielle de pollution est l’écloserie du lac Utopia (située à l’extrémité nord du lac), qui produit jusqu’à 1 000 000 de saumoneaux atlantiques. Son effluent est traité en partie dans des bassins de décantation avant d’être déversé dans le lac, ce qui pourrait contribuer à la charge accrue en polluants phosphorés dans le lac. Ce facteur peut être particulièrement préoccupant étant donné que le débit sortant du lac est situé à l’extrémité sud et qu’il reflue parfois dans le lac Utopia, ce qui peut influer sur le taux de renouvellement de l’eau du lac (Hanson, 2003). Bien que la St. George Pulp and Paper Mill soit située en bordure du lac, ses effluents sont déversés dans l’estuaire Letang plutôt que dans le lac Utopia. La surveillance de la qualité de l’eau réalisée de 1989 à 2002 indiquait des niveaux de concentration en phosphore et en azote variant de stables à en déclin, mais une augmentation considérable de la chlorophylle A (Hanson, 2003). Cette augmentation a été associée à la fréquence accrue de la présence de fleurs d’eau dans le lac (Hansen, 2003). Le ministère des Ressources naturelles du Nouveau–Brunswick considère que les incidences découlant des diverses sources de pollution varient de faibles (incidences des activités récréatives) à élevées (incidences de l’écloserie et des effluents résidentiels) et que les incidences cumulatives sont élevées, surtout en ce qui concerne l’eutrophisation accrue.

Pêche récréative

Il est permis de pêcher à l’épuisette les éperlans reproducteurs du lac Utopia; la limite de possession quotidienne est de 60 poissons, principalement de grands éperlans mais les petits éperlans sont également capturés, malgré leur statut d’espèce inscrite à l’annexe 1 de la LEP. Bien que les biologistes locaux des pêches croient que les incidences de cette pêche soient minimales (MPO, données inédites; ministère des Ressources naturelles du Nouveau–Brunswick, données inédites), il n’y a aucune analyse quantitative des effets réels ou potentiels de la pêche en elle–même ou du piétinement dans les frayères lors de la pêche, et de la dégradation de l’habitat qui en découle, et le nombre réel de poissons pêchés n’est pas surveillé. Par conséquent, la surpêche pourrait s’avérer être une menace importante, en particulier pour les grands éperlans qui vivent dans les deux ruisseaux offrant la plus grande facilité d’accès (ruisseaux Mill et Trout). Le ministère des Ressources naturelles du Nouveau–Brunswick a également associé les effets potentiels des collectes scientifiques à la mortalité directe et au piétinement des habitats pendant la récolte biologique. Dans l’ensemble, il a classé les menaces que représente l’utilisation des ressources comme étant faibles, mais aucun effet n’est quantifié.

Importance de l’espèce

En biologie évolutive, la spéciation allopatrique est considérée comme étant la manière la plus courante de l’apparition de nouvelles espèces. Aussi connue sous le nom de « spéciation géographique », la divergence génétique se produit à la suite du fractionnement géographique d’une lignée (Taylor, 2001). On croit que l’évolution de l’isolement reproductif est un sous–produit accessoire des changements adaptatifs en réaction aux différentes conditions du milieu dans des zones géographiques distinctes. En revanche, on croit que la paire sympatrique d’éperlans du lac Utopia, isolée sur le plan reproductif, s’est développée relativement rapidement (en moins de 12 000 ans) et en l’absence de toute séparation géographique évidente. Cet exemple possible de spéciation sympatrique (Taylor et Bentzen, 1993a,b) a favorisé l’accroissement de l’appui empirique envers un phénomène qui était auparavant considéré impossible par de nombreuses personnes (voir les discussions dans Bush, 1994; Taylor, 2001; Coyne et Orr, 2004). En outre, la divergence génétique du petit et du grand éperlan s’étant produit indépendamment des populations sympatriques des autres lacs, la paire sympatrique du lac Utopia donne un exemple d’évolution parallèle et de l’importance probable des processus déterministes, comme la sélection naturelle, dans la spéciation, une autre question litigieuse de la biologie évolutive (Schluter, 1996; Taylor, 2001). Compte tenu que le lac Utopia abrite deux populations d’O. mordax sympatriques génétiquement distinctes et importantes pour la recherche sur la spéciation, il y aurait une perte de biodiversité irremplaçable advenant la disparition de cette paire sympatrique de petits et de grands éperlans.

Les populations sympatriques de petits et de grands éperlans du lac Utopia se comportent comme des espèces distinctes étant donné qu’elles sont différentes sur les plans morphologique et écologique et en grande partie isolées l’une de l’autre sur le plan reproductif (Taylor et Bentzen, 1993b; Mallet, 2008). Cependant, le petit et le grand éperlans ne sont pas reconnus à l’heure actuelle sur le plan taxinomique et la diversité biologique du complexe ne peut être décrite au moyen des procédures taxinomiques actuelles pour la désignation des espèces--une situation qui n’est pas propre à l’Osmerus (Taylor, 1999). Cela pose un problème aux taxinomistes et remet en question les règles et les procédures régissant les pratiques actuelles de la nomenclature biologique (Taylor, 2001). De plus, c’est la coexistence de formes génétiquement distinctes dans le même lac (c.–à–d. le fait qu’elles se comportent comme des espèces distinctes) qui marque l’importance du petit et du grand éperlans dans le lac Utopia, et les distingue des formes comparables présentes en allopatrie dans de nombreux lacs dans l’est du Canada.

Protection actuelle ou autres désignations de statut

La population de l’éperlan arc–en–ciel de petite taille du lac Utopia a été désignée comme étant menacée par le COSEPAC en 2000 et est protégée en vertu de la LEP, sous le nom d’éperlan nain du lac Utopia. En 2002, le MPO et le ministère des Ressources naturelles et de l’Énergie du Nouveau–Brunswick ont formé une équipe de conservation et de rétablissement de l’éperlan nain du lac Utopia afin de mettre en place des projets pour la survie et le rétablissement de l’espèce. Le document sur le rétablissement n’a toutefois pas encore été publié pour le grand public et l’habitat essentiel n’a pas été désigné ni protégé.

Aucune protection n’existe pour le grand éperlan du lac Utopia, à l’exception des règlements fédéraux et provinciaux sur la qualité de l’environnement et de l’eau.

Résumé technique (1) – Population de l’éperlan arc–en–ciel de grande taille du lac Utopia

Osmerus mordax

Éperlan arc–en–ciel

Rainbow smelt
Population de l’éperlan arc–en–ciel de grande taille du lac Utopia

Lake Utopia large–bodied population
Répartition au Canada :
Lac Utopia, situé dans le sud – ouest du Nouveau – Brunswick

Données démographiques

Durée d’une génération (âge moyen des parents dans la population)
3 ans
Pourcentage observé de la réduction du nombre total d’individus matures au cours des dix dernières années
Inconnu
Pourcentage estimé de la réduction du nombre total d’individus matures au cours des dix prochaines années
Inconnu
Pourcentage observé de la réduction du nombre total d’individus matures au cours d’une période de dix ans couvrant une période antérieure et ultérieure
Inconnu
Est–ce que les causes du déclin sont clairement réversibles?
Sans objet
Inconnu
Est–ce que les causes du déclin sont comprises?
Sans objet
Inconnu
Est–ce que les causes du déclin ont cessé?
Sans objet
Inconnu
Tendance observée du nombre de populations
Stable
Y a–t–il des fluctuations extrêmes du nombre d’individus matures?
Inconnu
Y a–t–il des fluctuations extrêmes du nombre de populations?
Non


Nombre d’individus matures dans chaque population

Population
Nbre d’individus matures
Total
Estimés au moins à 250 000


Information sur la répartition

Superficie estimée de la zone d’occurrence ( km² ) – Superficie du lac = 14 km²
29 km²
Tendance observée de la zone d’occurrence
Stable
Y a–t–il des fluctuations extrêmes de la zone d’occurrence?
Non
Superficie estimée de la zone d’occupation ( km² )
(Indice de la zone d'occupation selon une grille de 2 x 2 km = 20  km² )
6 km² (selon une grille de 1 x 1 km pour les trois ruisseaux de frai)
Tendance observée de la zone d’occupation
Stable
Y a–t–il des fluctuations extrêmes de la zone d’occupation?
Non
La zone d’occurrence ou la zone d’occupation est–elle très fragmentée?
Non
Nombre d’emplacements actuels
Trois ruisseaux de frai dans le bassin hydrographique d'un lac
Tendance du nombre d’emplacements
Stable
Y a–t–il des fluctuations extrêmes du nombre d’emplacements?
Non
Tendance observée de l’aire de l’habitat
Stable


Analyse quantitative

Aucune
Par exemple : pourcentage de la probabilité de disparition d'ici 50 ans.


Menaces (réelles ou imminentes pour les populations ou les habitats)

Dégradation des ruisseaux de frai en raison de l'exploitation forestière, de l'augmentation de la construction domiciliaire, de la pollution, de l'eutrophisation, des prélèvements hydroélectriques et, potentiellement, de la pêche à l'épuisette non surveillée. Introduction d'espèces exotiques qui ont été observées dans des zones immédiatement en aval du lac Utopia.


Immigration de source externe

Statut ou situation des populations de l’extérieur?
États–Unis : sans objet; espèce endémique au lac Utopia.
Une immigration a–t–elle été constatée ou est–elle possible?
Non
Des individus immigrants seraient–ils adaptés pour survivre au Canada?
Non
Y a–t–il suffisamment d’habitat disponible au Canada pour les individus immigrants?
Sans objet, espèce endémique.
Oui
La possibilité d’une immigration de populations externes existe-t-elle?
Sans objet, espèce endémique
Non


Statut existant

COSEPAC : menacée (2008)


Statut et justification de la désignation

Statut : Menacée

Code alphanumérique : D2

Justification de la designation : La présente population fait partie d’une paire sympatrique génétiquement divergente d’Osmerus qui est endémiqueà un seul lac au Canada et dont l’indice de zone d’occupation est extrêmement petit (6 km²). La population ne fraye que dans trois (3) petits ruisseaux dans le bassin hydrographique et elle pourrait rapidement disparaître suivant une dégradation des ruisseaux de frai en raison d’une augmentation du développement sur la rive du lac et des impacts de la pêche à l’épuisette. Cette population est menacée par l’introduction d’espèces exotiques et par une eutrophisation grandissante.


Applicabilité des critères

Critère A (Déclin du nombre total d’individus matures) : Sans objet. Aucune preuve de déclin.

Critère B (Petite aire de répartition, et déclin ou fluctuation) : Sans objet. Indice de la zone d'occupation extrêmement petit (6 km²), mais aucune preuve de déclin.

Critère C (Petite population et déclin du nombre d’individus matures) : Sans objet. Bien au–dessus des seuils et aucune preuve de déclin.

Critère D (Très petite population ou aire de répartition limitée) : Espèce présente dans un seul lac (un emplacement). Indice de la zone d'occupation de moins de 20 km²; les géniteurs ne sont présents que dans trois (3) affluents du lac.

Critère E (Analyse quantitative) : Non disponible.

Résumé technique (2) – Population de l’éperlan arc–en–ciel de petite taille du lac Utopia

Osmerus mordax

Éperlan arc–en–ciel

Rainbow smelt
Population de l’éperlan arc–en–ciel de petite taille du lac Utopia

Lake Utopia small–bodied population
Répartition au Canada :
Lac Utopia, situé dans le sud–ouest du Nouveau–Brunswick


Données démographiques

Durée d’une génération (âge moyen des parents dans la population)
3 ans
Pourcentage observé de la réduction du nombre total d’individus matures au cours des dix dernières années
Inconnu
Pourcentage prévu de la réduction du nombre total d’individus matures au cours des dix prochaines années
Inconnu
Pourcentage observé de la réduction du nombre total d’individus matures au cours de toute période de dix ans couvrant une période antérieure et ultérieure
Inconnu
Est–ce que les causes du déclin sont clairement réversibles?
Sans objet
Inconnu
Est–ce que les causes du déclin sont comprises?
Sans objet
Inconnu
Est–ce que les causes du déclin ont cessé?
Sans objet
Inconnu
Tendance observée du nombre de populations
Stable
Y a–t–il des fluctuations extrêmes du nombre d’individus matures?
Inconnu
Y a–t–il des fluctuations extrêmes du nombre de populations?
Non


Nombre d’individus matures dans chaque population

Population
Nbre d’individus matures
Total
Estimé à au moins 1 000 000 ou plus


Information sur la répartition

Estimation de la superficie de la zone d’occurrence ( km² )
Superficie du lac = 14 km²
29 km²
Tendance observée de la zone d’occurrence
Stable
Y a–t–il des fluctuations extrêmes de la zone d’occurrence?
Non
Superficie estimée de la zone d’occupation ( km² ) – Selon une grille de 1 x 1 km pour les trois ruisseaux de frai.– Indice de la zone d'occupation selon une grille de 2 x 2 km = 20 km²
6 km²
Tendance observée dans la zone d’occupation
Stable
Y a–t–il des fluctuations extrêmes de la zone d’occupation?
Non
La zone d’occurrence ou la zone d’occupation est–elle très fragmentée?
Non
Nombre d’emplacements actuels
Trois ruisseaux de frai dans le bassin hydrographique d'un lac
Tendance du nombre d’emplacements
Stable
Y a–t–il des fluctuations extrêmes du nombre d’emplacements?
Non
Tendance observée de l’aire de l’habitat
Stable


Analyse quantitative

Aucune
Par exemple : pourcentage de la probabilité de disparition d'ici 50 ans.


Menaces (réelles ou imminentes pour les populations ou les habitats)

Dégradation des ruisseaux de frai en raison de l'exploitation forestière, de l'augmentation de la construction domiciliaire, de la pollution, de l'eutrophisation, des prélèvements hydroélectriques et, potentiellement, de la pêche à l'épuisette non surveillée. Introduction d'espèces exotiques qui ont été observées dans des zones immédiatement en aval du lac Utopia.


Immigration de source externe

Statut ou situation des populations de l’extérieur?
États–Unis : sans objet; espèce endémique au lac Utopia.
Une immigration a–t–elle été constatée ou est–elle possible?
Non
Des individus immigrants seraient–ils adaptés pour survivre au Canada?
Non
Y a–t–il suffisamment d’habitat disponible au Canada pour les individus immigrants?
Sans objet; espèce endémique.
Oui
La possibilité d’une immigration de populations externes existe–t–elle?
Sans objet; espèce endémique.
Non


Status existant

COSEPAC : menacée (2008)


Statut et justification de la désignation

Statut : Menacée

Code alphanumérique : D2

Justification de la designation : La présente population fait partie d’une paire sympatrique génétiquement divergente d’Osmerus qui est endémique à un seul lac au Canada et dont l’indice de zone d’occupation est extrêmement petit (6 km²). La population ne fraye que dans trois (3) petits ruisseaux éphémères dans le bassin hydrographique et elle pourrait rapidement disparaître suivant une dégradation des ruisseaux de frai en raison d’une augmentation du développement sur la rive du lac. Il peut y avoir des impacts causés par la pêche à l’épuisette illégale. Cette population est menacée par l’introduction d’espèces exotiques et par une eutrophisation grandissante.


Applicabilité des critères

Critère A (Déclin du nombre total d’individus matures) : Sans objet. Aucune preuve de déclin.

Critère B (Petite aire de répartition, et déclin ou fluctuation) : Sans objet. Indice de la zone d'occupation extrêmement petit (6 km²), mais aucune preuve de déclin.

Critère C (Petite population et déclin du nombre d’individus matures) : Sans objet. Bien au–dessus des seuils et aucune preuve de déclin.

Critère D (Très petite population ou aire de répartition limitée) : Espèce présente dans un seul lac (un emplacement). Indice de la zone d'occupation de moins de 20 km²; les géniteurs ne sont présents que dans trois (3) affluents du lac.

Critère E (Analyse quantitative) : Sans objet.

Remerciements

Le rédacteur du rapport aimerait remercier tous ceux et celles qui ont fourni des renseignements utiles et de l’aide, notamment Serge Gosselin (MPO), Jean Tremblay (Société de la faune et des parcs du Québec, FAPAQ), Lara Cooper (MPO), Daniel Banville (FAPAQ), Kevin Davidson (Environnement Canada), Karine Picard (Environnement Canada), Gloria Goulet (Environnement Canada), Maureen Toner (ministère des Ressources naturelles du Nouveau–Brunswick), Alain Filion (Environnement Canada), Paul Bentzen (Dalhousie University) et les membres du Sous–comité de spécialistes des poissons d’eau douce du COSEPAC.

Experts contactés

Bradford, R. Diadromous Fish, Pêches et Océans Canada, Institut océanique de Bedford, Halifax (Nouvelle–Écosse) B2Y 4A2.

Curry, A. Biology. University of New Brunswick, Fredericton (Nouveau–Brunswick) E3B 6E1.

Lougheed, C. Ministère des Pêches et des Océans, Ottawa (Ontario).

MacLean, D. Agriculture and Fisheries, gouvernement de la Nouvelle–Écosse, Pictou (Nouvelle–Écosse) B0K 1H0.

McPherson, A. Espèces en péril, Pêches et Océans Canada, Institut océanique de Bedford, Halifax (Nouvelle–Écosse) B2Y 4A2.

Smedbol, R. K. Espèces en péril, Pêches et Océans Canada, St. Andrews Biological Station, St. Andrews (Nouveau–Brunswick) E5B 2L9.

Taylor, E. B. Zoologie. University of British Columbia. Vancouver (Colombie-Britannique) V6T 1Z4.

Toner, M. Ministère des ressources naturelles du Nouveau–Brunswick, Direction du poisson et de la faune, C. P. 6000, Fredericton (Nouveau–Brunswick) E3B 5H1.

Sources d’information

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Bentzen, P. Biology. Dalhousie University, Halifax (Nouvelle–Écosse) B3H 4R2.

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Sommaire biographique du rédacteur du rapport

Terry Johnston, biologiste et conseillère, vit et travaille à St. Andrews, au Nouveau–Brunswick. Au cours des dernières années, elle a participé à l’évaluation des stocks et à la recherche sur les espèces en péril. À titre de biologiste des espèces candidates au sein de Pêches et Océans Canada, elle était chargée d’élaborer un inventaire des espèces marines risquant potentiellement de disparaître et de recommander au COSEPAC les espèces qui nécessitaient une évaluation de leur situation.

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