Crapaud du Grand Bassin (Spea intermontana) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 5

Habitat

Besoins en matière d’habitat

Le Spea intermontana habite des terres herbeuses semi-arides et des forêts ouvertes. En Colombie-Britannique, il est fréquemment observé tant dans les fonds de vallées que jusqu’à une altitude de 800 à 1 200 m (St. John, 1993; Leupin et al., 1994) et parfois jusqu’à 1 800 m (Leupin et al., 1994). Dans le sud de la vallée de l’Okanagan, la plupart des sites de reproduction trouvés par St. John (1993) se situaient à moins de 600 m d’altitude.

Les crapauds à couteaux ont besoin d’habitats aquatiques pour se reproduire et d’habitats terrestres pour l’alimentation, l’hibernation et l’estivation. Il est essentiel que ces habitats soient reliés afin de permettre les déplacements saisonniers. Le S. intermontana se reproduit dans une variété d’étendues d’eau, des mares éphémères aux bordures humides de lacs, et aux zones peu profondes de masses d’eau permanentes, mais il préfère les étangs temporaires ne contenant de l’eau qu’une partie de l’année (Hallock, 2005; Sarell, 2004). Wright et Wright (1949) ont répertorié les d’habitats aquatiques du S. intermontana comme suit : bassins de canyons, sources et mares de déserts, fossés d’irrigation intermittents et permanents, bordures de cours d’eau, flaques d’eau, poches d’eau et cuvettes d’eau créées par le bétail. Les sites de reproduction contiennent parfois une abondante végétation émergente et riveraine, mais ce n’est pas toujours le cas (Leupin et al., 1994). Les crapauds à couteaux utilisent des frayères fabriquées par des humains et on a observé des individus dans des étangs artificiels, des piscines de plastique et des fossés dans la vallée de l’Okanagan (C. Bishop, comm. pers.). Les sites de reproduction doivent durer assez longtemps pour permettre le développement des larves. Puisque la période de reproduction et de développement dure au moins six semaines, un site de reproduction propice en Colombie-Britannique doit contenir assez d’eau de la mi-avril jusqu’à la fin mai.

Les crapauds à couteaux se protègent des conditions défavorables sous le sol et ont besoin d’habitat terrestre toute l’année (Hallock, 2005; Matsuda et al., 2006). Les sols meubles, profonds et friables (granulaires) qui permettent de fouir le sol sont probablement importants (Sarell, 2004) (voir la section Biologie : Écologie terrestre). Des regroupements de terriers d’hibernation du S. hammondiiont été signalés dans des zones aux sols propices à proximité de sites de reproduction (Ruibal et al., 1969).

Tendances en matière d’habitat

Les terres herbeuses de l’intérieur méridional aride de la Colombie-Britannique comptent parmi les écosystèmes les plus menacés du Canada (Scudder, 1980) et couvrent moins de 1 p. 100 de la province (662 872 ha; MOE, 2004a). Pitt et Hooper (1994) mettent l’accent sur la rareté des terres herbeuses en Colombie-Britannique et sur l’absence de protection. Ces habitats naturellement rares ont énormément diminué depuis la colonisation européenne, notamment dans les habitats des fonds de vallées productifs et riches sur le plan biologique, et continuent à perdre du terrain en raison de l’expansion urbaine, de l’agriculture et d’autres types de conversion des terres (MOE, 2004a). Dans le bassin de l’Okanagan et le district Boundary, environ le tiers des terres herbeuses ont disparu, alors que, dans le nord de la vallée de l’Okanagan, environ la moitié a disparu (MOE, 2004a). La lutte contre les incendies, les espèces envahissantes, le pâturage du bétail, les activités récréatives intensives et autres activités humaines continuent à dégrader et à réduire ces habitats.

Les zones humides couvrent une faible proportion de l’intérieur septentrional aride de la Colombie-Britannique; elles comprennent de 0,3 à 0,7 p. 100 de terres herbeuses et d’écosystèmes du pin ponderosa (MOE, 2004b), mais elles sont extrêmement importantes pour le S. intermontana. Au moins la moitié des zones humides a probablement disparu depuis la colonisation européenne (Ted Lea, comm. pers.). Il n’y a pas de données précises sur les taux historiques de perte de zones humides. La plupart des habitats des fonds de vallées étaient déjà modifiés par l’agriculture en 1938, à l’époque des premières photographies aériennes. Dans le sud de la vallée de l’Okanagan, de 85 à 90 p. 100 des vastes marais ont disparu (MOE, 2004b). Il est difficile de calculer les récentes pertes de zones humides, car les petites terres humides saisonnières que le S. intermontana utilise fréquemment pour la reproduction ne sont pas souvent cartographiées. Les petits étangs et zones humides sont souvent les premiers à être remplis pour des besoins d’aménagement ou à être transformés en mare abreuvoir pour le bétail. Bon nombre des zones humides restantes se dégradent en raison des plantes et des animaux envahissants, de l’utilisation par le bétail, de la canalisation, de la contamination aux produits chimiques agricoles et aux engrais ainsi que du prélèvement d’eau pour l’irrigation, l’utilisation domestique ou d’autres usages (MOE [Ministry of Environment], 2004b). Dans l’Okanagan, d’importantes modifications des pratiques d’irrigation et de la conservation de l’eau réduiront peut-être le nombre d’étangs agricoles où les crapauds à couteaux se reproduisent. Par exemple, de nombreuses exploitations agricoles se tournent vers la micro-irrigation, ce qui fait diminuer les besoins en étangs d’irrigation (C. Bishop, comm. pers.).

Le niveau phréatique a beaucoup diminué dans de nombreux sites de l’aire de répartition canadienne du S. intermontana au cours des 20 ou 30 dernières années. Dans le sud du plateau Cariboo, à l’extrémité septentrionale de l’aire de répartition de l’espèce, le niveau a baissé de 4 m entre 1978 et 1988 (Northcote, 1992) et il a diminué d’autant au lac Mahoney, un lac alcalin du sud de la vallée de l’Okanagan, entre 1982 et 1994 (Lowe et al., 1997). Ces diminutions sont en partie attribuables à la réduction des précipitations, mais l’aménagement humain en croissance dans ces secteurs et les hausses connexes de la consommation d’eau font probablement diminuer le niveau phréatique. L’accroissement prévu des sécheresses en raison des changements climatiques modifiera et fera diminuer davantage les habitats humides de la région (Cohen et al., 2004).

L’aliénation des terres herbeuses de la Colombie-Britannique s’est accélérée depuis les années 1970, en particulier dans la vallée de l’Okanagan (Hlady, 1990). Redpath (1990) a calculé que moins de 9 p. 100 des habitats herbeux du sud de la vallée de l’Okanagan et de celle de la Similkameen n’avaient pas été modifiés en 1990. La population humaine a rapidement crû dans toute l’aire de répartition canadienne du S. intermontana de 1986 à 1996; cet accroissement a ralenti quelque peu de 1996 à 2005, mais on s’attend à ce qu’il se poursuive de façon stable au cours des prochaines années, ce qui augmentera la pression sur les ressources terrestres et aquatiques déjà rares (gouvernement de la Colombie-Britannique, 2006; tableau 1). Au cours des 20 dernières années, c’est dans le sud, particulièrement dans la région de l’Okanagan et de la Similkameen, que la croissance de la population a été la plus importante et dans le nord de la région de Cariboo qu’elle a été la plus faible. On prévoit que les taux de croissance les plus importants au cours des 20 prochaines années auront lieu dans le centre de l’Okanagan. Parallèlement à la hausse de la population humaine, la disparition d’habitats terrestres et humides se poursuivra, car davantage de terres seront converties et serviront à la construction immobilière ainsi qu’à d’autres utilisations humaines, et la demande en eau s’accroîtra.

Tableau 1. Croissance de la population humaine dans les régions de la Colombie Britannique où le Spea intermontanaest présent (taux calculés à partir des données du gouvernement du Canada, 2006). Changement (%); calculé à partir des estimations du recensement
  Région De 1986 à 1995 De 1996 à 2005 De 2006 à 2016 Changement prévu (%)
de 2016 à 2026
Okanagan et Similkameen
28,8
5,6
10,2
8,6
Centre de l’Okanagan
52,7
18,6
18,4
15,3
Nord de l’Okanagan
30,4
8,5
12,3
9,9
Thompson-Nicola
21,4
4,3
8,3
5,5
Cariboo
10,5
0,7
10,4
4,7

Des pertes importantes d’habitats ont également eu lieu dans l’aire de répartition américaine du S. intermontana. Par exemple, plus de 90 p. 100 des steppes arbustives indigènes de l’Oregon et du sud-ouest de l’État de Washington ont disparu (The Nature Conservancy, 1992); plus de 99 p. 100 de l’habitat de l’Artemisia tridentata tridentata dans la plaine de la rivière Snake, en Idaho, a été converti en terres agricoles (Hironaka et al., 1983); 99,9 p. 100 de la prairie palousienne dans l’aire de répartition de l’espèce en Idaho, en Oregon et dans l’État de Washington a également été convertie en terres agricoles (Tisdale, 1961); 52 p. 100 des terres humides du Nevada et 30 p. 100 des terres humides de l’Utah ont disparu entre les années 1780 et les années 1980 (Dahl, 1990).

Protection et propriété 

La majeure partie de l’habitat propice du S. intermontana n’est pas protégée. Environ 68 p. 100 (40 000 ha) se trouvent dans des terres privées ou autochtones (Sarell, 2004). Deux des populations connues les plus importantes sont partiellement protégées. La Haynes’ Lease Ecological Reserve ( 100) fournit 100 ha d’habitat sécurisé à une partie de la grande population de S. intermontanase reproduisant et cherchant de la nourriture dans les marais et steppes arbustives à l’extrémité septentrionale du lac Osoyoos. L’aire de gestion des espèces sauvages du sud de la vallée de l’Okanagan adjacente offre un autre habitat à la population, mais à un degré de protection moindre. L’aire protégée Lac du Bois Grasslands (15 000 ha) près de Kamloops dans la région de Thompson fournit une protection à une autre population. Le Nature Trust de la Colombie-Britannique a acquis un certain nombre de propriétés abritant un habitat propice pour l’espèce, y compris le White Lake Ranch à l’ouest d’Okanagan Falls, ce qui protège plusieurs petites populations. Deux parcs provinciaux abritant un habitat propice ont été établis en 2001 : l’aire protégée White Lake Grasslands (3 741 ha), voisine d’autres aires protégées près du lac Vaseux, et l’aire protégée South Okanagan Grasslands (9 364 ha). Ces zones sont protégées contre l’aménagement, mais du bétail y broute, du moins dans les aires protégées White Lake Grasslands et South Okanagan Grasslands (C. Bishop, comm. pers.). Dans le district 100 Mile House et South Cariboo, tous les enregistrements récents et la majorité des étangs offrant un habitat potentiel se trouvent dans des terres publiques provinciales visées par des permis de pâturage (R. Packham, comm. pers.).

L’habitat d’une grande population de S. intermontana à l’étang d’eaux usées d’Osoyoos (environ 1 000 mâles reproducteurs au début des années 1990; St. John, 1993) n’est toujours pas protégé et, autour de l’étang, la majeure partie de l’habitat terrestre a été affectée par l’aménagement résidentiel et l’expansion d’un terrain de golf au cours des 10 dernières années (Sarell, 2004).

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