Engoulevent d'Amérique (Chordeiles minor) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 9

Taille et tendances des populations

Activités de recherche

Relevé des oiseaux nicheurs (BBS)

Le BBS est un programme de surveillance à grande échelle qui étudie les populations d’oiseaux d’Amérique du Nord au cours de la saison de reproduction (Sauer et al. 2005). Les données sur l’abondance des oiseaux sont recueillies par des bénévoles, qui consignent tous les oiseaux aperçus et entendus dans un rayon de 400 m à des arrêts situés tous les 800 m le long de parcours (Downes et al. 2005). Bien que les observateurs du BBS puissent suivre les Engoulevents d’Amérique en raison de la grande visibilité de l’espèce (Poulin et al. 1996; Sauer et al. 2005), la précision de ce relevé n’est considérée que comme modérée pour l’établissement d’indices de populations (Rich et al. 2004). Une des limites de cette méthode de suivi est que  certaines régions , telles que la forêt boréale, ne seront pas aussi bien représentées que les parties plus au sud et plus peuplées de l’aire de reproduction. En outre, puisqu’il s’agit d’une espèce crépusculaire, elle tend à n’être détectée qu’aux premiers arrêts d’un parcours du BBS au cours d’une journée donnée. Cette limite est toutefois contrée par le fait que l’espèce est détectée dans bon nombre de parcours, ce qui offre une taille d’échantillon permettant de dégager des tendances (P. Blancher, comm. pers., 2006).

Étude des populations des oiseaux du Québec (ÉPOQ)

Au Québec, la base de données de l’ÉPOQ, qui contient des renseignements de feuillets d’observations de milliers de bénévoles depuis 1969, représente l’outil de choix pour l’examen des tendances de populations d’oiseaux au Québec (Cyr et Larivée, 1995). La base de données de l’ÉPOQ couvre essentiellement les régions situées au sud du 52e parallèle (c.-à-d. les basses terres du Saint-Laurent) et inclut toutes les saisons (Cyr et Larivée, 1995). Cependant, la méthode couvre surtout les zones habitées faciles d’accès, ce qui constitue son principal inconvénient.

Atlas des oiseaux nicheurs de l’Ontario

L’Atlas des oiseaux nicheurs de l’Ontario contient des données sur les relevés des populations d’oiseaux nicheurs de cette province effectués entre 1981 et 1985 et entre 2001 et 2005. Il fournit des renseignements sur les changements de la répartition ontarienne des Engoulevents d’Amérique au cours des 20 années séparant les deux périodes de relevés (Cadman et al. 1987; Atlas des oiseaux nicheurs de l’Ontario, 2006). Les tendances de populations sont établies par la comparaison du pourcentage de carrés de 10 km x 10 km dans lesquels des Engoulevents d’Amérique ont été signalés entre les deux périodes ainsi que par la comparaison du nombre de carrés par blocs de 100 km x 100 km, divisé par le nombre de carrés/bloc inventoriés.

Autres relevés

En Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba, les données sur les tendances de l’Engoulevent d’Amérique proviennent en majorité du savoir ornithologique local (c.-à-d. des notes et des observations des ornithologues amateurs, voir Manitoba Avian Research Committee, 2003) et comprennent des dénombrements d’oiseaux migrateurs effectués au moment où ceux-ci passent par des stations fixes, au Manitoba (Taylor, 1996), ainsi que la cartographie des territoires de reproduction des oiseaux, en Saskatchewan (Wedgwood, 1973).


Abondance

Selon les estimations d’abondance du BBS (d’après Rich et al. 2004), la population actuelle d’Engoulevents d’Amérique au Canada compte quelque 400 000 adultes reproducteurs ou 200 000 couples reproducteurs (P. Blancher, comm. pers., 2007).

Outre les estimations du BBS, il existe très peu d’études évaluant l’abondance de l’Engoulevent d’Amérique au Canada. On connaît des données sur la densité de l’espèce uniquement pour les régions de Saskatoon et du lac Cluff, en Saskatchewan. Les densités signalées s’étendent de 0,03 mâle/ha dans les milieux urbains près de Saskatoon (Wedgwood, 1973) à 0,11 mâle/ha (33 mâles/24 arrêts) dans la forêt boréale dominée par un brûlis de 25 ans dans la région du lac Cluff (C. Savignac, données inédites, 2005).


Fluctuations et tendances

Relevé des oiseaux nicheurs

Aux États-Unis, où se trouve la majeure partie de la population reproductrice d’Engoulevents d’Amérique, les données à long terme du BBS montrent un déclin significatif de 1,83 p. 100 par année (n = 1 498 parcours, P < 0,00) de 1968 à 2005 et, à court terme, de 1,58 p. 100 par année (n = 995, P = 0,02) de 1995 à 2005 (Sauer et al. 2005).

Au Canada, les données à long terme du BBS montrent un déclin significatif de 4,2 p. 100 par année (n = 312 parcours, P < 0,05) entre 1968 et 2005, ce qui correspond à un déclin de 80 p. 100 de la population au cours de cette période (Downes et al. 2005; figure 2). Au cours de la période de 10 ans la plus récente (de 1995 à 2005), les données du BBS indiquent un déclin significatif de 6,6 p. 100 par année (n = 164 parcours, P < 0,05), ce qui correspond à une diminution de 49,5 p. 100 de la population (Downes et al. 2005). Les parcours du BBS dans certaines parties de la forêt boréale indiquent également des déclins à court et à long terme (plaines de la taïga boréale : de 1968 à 2005 : - 13,7 p. 100/année, n = 47 parcours, P < 0,05; de 1995 à 2006 : - 17,5 p. 100/année, n = 23 parcours, P > 0,05; forêt mixte boréale : de 1968 à 2005 : - 6,8 p. 100/année, n = 40 parcours, P < 0,05).

Étude des populations des oiseaux du Québec

La base de données de l’ÉPOQ indique une diminution significative à long terme au Québec de 0,24 p. 100 par année (Y = -0,0024x + 4,9, P £0,01) de 1970 à 2004 (Larivée, 2005; figure 3) et un déclin non significatif à court terme de 0,20 p. 100 par année (Y = -0,002x + 4,6, P = 0,25) de 1991 à 2004 (Larivée, 2005).

Atlas des oiseaux nicheurs de l’Ontario

La comparaison entre les données du premier (de 1981 à 1985) et du deuxième (de 2001 à 2005) atlas indique un déclin du nombre de carrés dans lesquels un Engoulevent d’Amérique a été signalé (de 1981 à 1985 : 38 p. 100 des carrés; de 2001 à 2005 : 21 p. 100, Cadman et al. 1987; A. Darwin, données inédites, 2005). De même, il y avait plus de blocs de 100 x 100 km dans lesquels le nombre de carrés comptant des Engoulevents d’Amérique avait diminué entre le deuxième et le premier atlas (n = 115) que de blocs dans lesquels le nombre de carrés en comptant avait augmenté (n = 14) ou était resté stable (n = 1) (test bilatéral de Wilcoxon Sign test 2-tailed = -8,8, P £0,001; A. Darwin, données inédites, 2005).


Figure 2 : Indice annuel de l’abondance de l’Engoulevent d’Amérique au Canada de 1968 à 2005 selon les données du BBS

Figure 2 : Indice annuel de l’abondance de l’Engoulevent d’Amérique au Canada de 1968 à 2005 selon les données du Relevé des oiseaux nicheurs.

Tiré de Downes et al. 2005.


Figure 3 : Indice annuel de l’abondance de l’Engoulevent d’Amérique au Québec de 1970 à 2004 selon la base de données de l’ÉPOQ

Figure 3 : Indice annuel de l’abondance de l’Engoulevent d’Amérique au Québec de 1970 à 2004 selon la base de données de l'Étude des populations des oiseaux du Québec.

Larivée, 2005.

Des résultats récents indiquent des déclins significatifs de 31 p. 100 entre les deux atlas dans le sud du Bouclier, l’un des châteaux forts de l’espèce en Ontario, de même que dans les régions carolinienne (14 p. 100), de Simcoe-Rideau (21 p. 100) et du nord du Bouclier (20 p. 100) (L. Friesen, comm. pers., 2007). Les basses terres de la baie d’Hudson, à l’extrémité septentrionale de l’aire de répartition de l’espèce, forment la seule région où des déclins significatifs n’ont pas été signalés (L. Friesen, comm. pers., 2007).


Autres relevés 

Manitoba

Bien que l’espèce soit toujours relativement abondante et répandue dans toute la province, des données provenant essentiellement de la communauté ornithologique manitobaine indiquent qu’elle a connu un déclin dans plusieurs centres urbains, y compris Winnipeg (Manitoba Avian Research Committee, 2003; P. Taylor, comm. pers., 2005). Des dénombrements visuels d’oiseaux migrateurs (probablement de la forêt boréale) menés dans la région de Pinawa laissent à penser que l’espèce a connu un déclin de 75 p. 100 de 1976-1981 à 1992-1997 (Taylor, 1996; P. Taylor, comm. pers., 2005; figure 4). Cependant, les nombres ont augmenté au cours de la période de 2000 à 2005 (P. Taylor, comm. pers., 2005).


Figure 4 : Répartition des dénombrements totaux d’Engoulevents d’Amérique au coucher du soleil (se nourrissant généralement en volées) au cours du point culminant de la migration automnale (du 11 au 25 août) à Pinawa (Manitoba) observés à des étangs d’eaux usées pendant trois périodes de six ans

Figure 4 : Répartition des dénombrements totaux d’Engoulevents d’Amérique au coucher du soleil (se nourrissant généralement en volées) au cours du point culminant de la migration automnale (du 11 au 25 août) à Pinawa (Manitoba) observés à des étangs d’eaux usées pendant trois périodes de six ans.

Les dénombrements étaient plus fréquents et systématiques pendant les périodes de 1992 à 1997 (n = 51) et de 2000 à 2005 (n = 24) que pendant celle de 1976 à 1981 (n = 19). Les valeurs de l’axe des x représentent des dénombrements auxquels un centile de 0 à 100 a été attribué pour normaliser l’axe des x et ainsi permettre de comparer les trois périodes (P. Taylor, données inédites).

Saskatchewan

La comparaison d’un relevé exhaustif d’Engoulevents d’Amérique mené à Saskatoon de 1971 à 1990 laisse supposer un déclin des populations reproductrices de 58 p. 100 (c.-à-d. 68 territoires en 1971 comparativement à 28 en 1990, Wedgwood, 1991).


Données historiques

Les données historiques sur l’abondance de l’Engoulevent d’Amérique correspondent également aux déclins que les données de relevés ci-dessus semblent indiquer. Par exemple, au milieu du XIXe siècle, dans la région de Montréal, l’espèce était considérée comme une résidente commune qui nichait sur les toits couverts de gravier des immeubles de la ville (Wintle, 1882, 1896 dans Ouellet, 1974) et, dans les années 1970, comme une résidente estivale commune de la région de Montréal et de la Montérégie qui nichait en petits nombres dans toutes les villes et les municipalités, même si elle n’était pas aussi fréquente qu’au XIXe siècle (Ouellet, 1974). Récemment, un déclin important de l’espèce a été signalé dans ces régions et dans plusieurs autres villes de la vallée du Saint-Laurent, notamment Rimouski, Québec et Gatineau (J. Larivée, comm. pers., 2005; J. Gauthier, comm. pers., 2005).

En Ontario, au début du XXe siècle, Macoun et Macoun (1909) considéraient l’espèce comme abondante. Un premier déclin a été signalé au début des années 1970 (Goodwin et Rosche, 1970, 1974).

En résumé, les données du BBS à court et à long terme, y compris des parcours dans la forêt boréale, indiquent des déclins significatifs de l’abondance des populations d’Engoulevents d’Amérique. De plus, des dénombrements du Manitoba, qui inventorient vraisemblablement des oiseaux en migration provenant de la forêt boréale, indiquent également des déclins à long terme. Ces résultats correspondent aux relevés provinciaux (p. ex. Atlas des oiseaux nicheurs de l’Ontario), qui indiquent également un déclin de l’abondance des engoulevents. Bien que la portion de la population présente à l’extérieur des zones peuplées ne soit pas claire (p. ex. forêt boréale), les données laissent entendre que les déclins observés sont très répandus dans l’ensemble de l’aire de reproduction.


Immigration de source externe

Les données du BBS aux États-Unis, qui constituent la source potentielle d’immigrants au Canada, indiquent également des déclins significatifs à court et à long terme chez les engoulevents (voir ci-dessus).

 

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