Plagiobothryde odorante (Plagiobothrys figuratus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 5

Habitat

Besoins en matière d’habitat

Le seul site abritant actuellement la plagiobothryde odorante au Canada est un terrain vague herbeux adjacent à une route et à un développement urbain sur la côte de l’île Hornby. On y trouve de nombreuses herbacées non indigènes ainsi que des herbacées indigènes tolérant l’humidité, comme la danthonie de Californie (Danthonia californica). Bien que le site ne présente pas les caractéristiques d’un véritable étang printanier, de l’eau stagnante y est probablement présente pour de courtes périodes durant l’année (R. Martin, comm. pers., 2006). Une autre espèce indigène, l’isoète de Nuttall (Isoëtes nuttallii), figurant sur la liste bleue de la Colombie-Britannique et gravement en péril (S1) dans l’État de Washington, est aussi présente au voisinage de ce site dans une dépression similaire en bordure de route. La plagiobothryde de Scouler (Plagiobothrys scouleri), espèce indigène plus commune, est aussi présente dans le secteur dans un habitat du même type. Il est clair que la plagiobothryde odorante est une espèce indigène dont la présence au Canada est connue depuis plus de 120 ans.

Selon Hitchcock et al. (1959), l’habitat de la plagiobothryde odorante consiste en des prés non alcalins, des terrains bas et des champs humides. En Oregon, dans la vallée de la Willamette, on la trouve dans des prairies humides et des zones d’étangs printaniers (NatureServe, 2005). Dans l’État de Washington et en Oregon, elle a été récoltée dans divers microsites, dont des berges de cours d’eau, des fossés, des terrains dégagés détrempés, des champs inondés au printemps, et des prairies humides (Gilkey et Dennis, 1967), tandis qu’en ce qui concerne le sud-est de l’Alaska, on la décrit comme une espèce qui s’établit facilement dans des terrains perturbés (Welsh, 1974). Aux États-Unis, le gouvernement fédéral a classé la plagiobothryde odorante comme une espèce facultative des terres humides, et une espèce indicatrice pour ces milieux (USDA-NRCS, 2002).

Douglas et al. (1998, 2002) ont décrit l’habitat de l’espèce en Colombie-Britannique comme comprenant des sites humides à mésiques des basses terres de la zone côtière à douglas, ainsi que des falaises côtières humides à mésiques. Malheureusement, les quelques notes accompagnant les spécimens de musée de plagiobothryde odorante recueillis en Colombie-Britannique ne donnent pas beaucoup de détails sur l’habitat; la plupart des descriptions se limitent à mentionner que l’espèce a été récoltée sur des flancs de collines, dans des bordures de route ou dans des zones qui sont humides au printemps. Le meilleur site connu de plagiobothryde odorante, celui de la baie Whaling Station dans l’île Hornby, est un ancien pré côtier aujourd’hui occupé par un développement urbain et une pelouse de gazon. La communauté végétale de l’habitat original consistait en un gazon court maintenu par le broutage de moutons. Le seul habitat restant, presque naturel, situé à moins de 100 m au nord-est, consiste en un pré plat présentant plusieurs légères dépressions et certaines zones de sol peu profond reposant sur un substrat rocheux. Cet habitat est actuellement dominé par diverses espèces introduites ainsi que par le tritéléia fausse-jacinthe (Triteleia hyacinthina). Les conditions de l’habitat propice à l’espèce peuvent être définies comme suit, selon la documentation existante et les observations du troisième rédacteur du présent rapport :

Altitude :

proche du niveau de la mer en Colombie-Britannique; 200'-1 900' (de 60 à 580 m) dans la région de la gorge du Columbia

Type de sol:

sol sableux à sol argileux mal drainé, ou loam argileux limoneux

pH:

non alcalin

Lumière :

sites dégagés ensoleillés

Régimes hydrologiques :

conditions propres aux étangs printaniers, ou, du moins, présence d’une forte humidité en début de saison

Tendances en matière d’habitat

Structure et stade de succession : Dans le passé, les feux occasionnels ont joué un rôle dans le maintien d’habitats dégagés dans les prairies humides de l’État de Washington et de l’Oregon (Wilson, 1999; Newhouse, 2003) et peut-être, sans que cela n’ait été attesté, dans l’île de Vancouver. La prévention des incendies aurait causé l’accumulation de chaume au sol et ainsi favorisé l’établissement d’arbustes et d’arbres, rendant les sites plus humides et impropres aux petites plantes annuelles, comme celles du genre Plagiobothrys.

Les premières récoltes de plagiobothryde odorante réalisées à divers endroits au Canada laissent penser que l’espèce était dans le passé plus répandue dans les plaines côtières du sud de l’île de Vancouver. Comme l’espèce pousse dans les basses terres, il pourrait y avoir eu dispersion des graines par les eaux de crue ou la sauvagine, d’où une répartition inégale en grappe. Les phénomènes naturels comme les inondations et les incendies assurent probablement le maintien d’habitats humides dégagés. Cependant, l’urbanisation croissante autour de Victoria et de Nanaimo, combinée au drainage des terres humides à des fins d’utilisations agricoles et de construction de routes, a altéré le régime hydrologique original de la région à un point tel que la superficie totale d’habitat propice à la plagiobothryde odorante est aujourd’hui fortement réduite.

L’aire de répartition historique de la plagiobothryde odorante couvre une vaste mosaïque de prés maritimes, falaises côtières, prairies et prés humides associés à l’écosystème du chêne de Garry. Au cours du dernier siècle, cet environnement a été fortement altéré par l’urbanisation, l’aménagement des terres et la lutte contre les incendies, au point que, selon les estimations, il n’en reste que de 1 p. 100 à 5 p. 100 à l’état presque naturel (état d’avant l’arrivée des Européens) (Fuchs, 2001; Lea, 2002). Malgré les efforts en cours pour protéger ce qui reste de cet écosystème, la majeure partie de l’habitat restant de la plagiobothryde odorante demeure menacée par le développement urbain.

Malgré tout, on pense qu’il y aurait encore suffisamment d’habitat propice à l’espèce, sous la forme de basses prairies humides, de zones de suintement et de falaises marines, pour soutenir une population viable de plagiobothryde odorante au Canada dans ces milieux, si des mesures de réintroduction de l’espèce étaient jugées nécessaires. Par ailleurs, les rédacteurs du présent rapport n’excluent pas complètement la possibilité que l’espèce soit encore présente dans l’île de Vancouver ou ailleurs dans les îles Gulf.

Les tendances en matière d’habitat pour le Plagiobothyrs figuratus ssp. figuratus dans l’État de Washington et en Oregon ne sont pas actuellement évaluées étant donné que la sous-espèce n’y est pas considérée comme en péril. Cependant, deux taxons étroitement apparentés, soit le p.figuratus ssp. corallicarpus et le p. hirtus, sont considérés comme rares (rare) (S1) en Oregon. Le p. hirtus figure sur la liste des espèces en péril (endangered) du gouvernement fédéral américain avec la cote G1N1S1. À propos de son habitat en péril (endangered) en Oregon, où les occurrences connues de l’espèce sont très peu nombreuses, il est mentionné, dans le plan de rétablissement de cette plagiobothryde (USFWS, 2003), ce qui suit :

[Traduction] « Depuis l’arrivée des colons européens, les régimes d’utilisation des terres ont grandement influé sur la végétation dans tout l’Ouest, et la destruction des habitats s’est tout particulièrement soldée par la perte d’étangs printaniers et d’espèces des terres humides saisonnières. Dès 1941, on avait établi que la transformation des terres humides en champs agricoles avait largement contribué à la disparition d’espèces des étangs printaniers (Hoover 1941), et actuellement, les chercheurs estiment que de 60 p. 100 à 90 p. 100 des étangs existant à l’époque de l’établissement des Européens ont aujourd’hui disparu, avec les espèces végétales et animales endémiques qui y étaient associées (Keeley et Zedler, 1998; King, 1998). Dans la vallée de l’Umpqua, la transformation des terres humides en terres agricoles au moyen de modifications du régime hydrologique a très fortement réduit le nombre de terres humides saisonnières propices au p. hirtus. ».

Les prairies humides de la vallée de la Willamette, où la majorité des récoltes de plagiobothryde odorante ont été réalisées, constituent l’un des écosystèmes les plus rares et les plus menacés des États-Unis (Noss et al., 1995). La zone naturelle de la plaine inondable de la Willamette, qui renferme peut-être la meilleure et la plus vaste part de l’écosystème humide qu’on trouve dans ces prairies, a été dégradée au cours des dernières décennies, principalement à cause de la lutte contre les incendies et de la prolifération subséquente d’arbustes, d’arbres et de plantes herbacées exotiques (Wilson, 1999).

Protection et propriété

Le seul site connu abritant encore la plagiobothryde odorante en Colombie-Britannique (baie Whaling Station, dans l’île Hornby) se trouve sur un terrain privé où l’espèce ne bénéficie d’aucune protection. Le statut foncier de tous les sites historiques est inconnu.

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