Bruant des prés de la sous-espèce princep plan de gestion : chapitre 3

PRÉSENTATION GÉNÉRALE

2.1 Biologie, habitat et aire de répartition

Les Bruants des prés de la sous-espèce princeps ont un taux de reproduction très élevé. Ils atteignent la maturité au cours de la première année; possèdent un haut taux de survie annuel des adultes (de 28 à 42 %), un succès d’envol élevé (de 72 à 84 %) et ils élèvent de deux à trois nichées par saison de reproduction (Stobo et McLaren, 1975).

Le Bruant des prés de la sous-espèce princeps est le seul passereau qui niche en nombre significatif à l’île de Sable. Il se nourrit de divers insectes et graines, notamment de graines d’ammophile et, en hiver, de graines d’uniola paniculée. Parmi les espèces prédatrices, il faut compter les prédateurs des nids tels que les goélands, les corneilles, les étourneaux (Sturnus vulgaris) et les oiseaux de la sous-famille des Ictérinés. Les adultes sont également la proie des rapaces, sans doute davantage pendant la migration et dans le territoire d’hivernage. En présumant qu’aucun secteur d’abondance particulière n’a été négligé, on peut conclure que la population est trop éparse dans le territoire d’hivernage pour former un groupe écologiquement important. Sur l’île de Sable, cependant, ce bruant est l’oiseau terrestre dominant, même si l’importance de son rôle dans les processus écosystémiques est inconnue (p. ex. il est encore impossible de déterminer s’il s’agit d’une espèce clé).

Le Bruant des prés de la sous-espèce princeps niche presque exclusivement sur l’île de Sable et y a probablement évolué alors qu’il était isolé des Bruants des prés « typiques » (Passerculus sandwichensis sandwichensis) du continent. On ne connaît ni ne suspecte l’existence d’aucun autre site de reproduction bien que des individus s’accouplent occasionnellement sur le continent avec des Bruants des prés « typiques ».  Les parties de l’île de Sable qui sont couvertes de végétation constituent l’habitat de reproduction de ce bruant. Toute la superficie de l’habitat de reproduction disponible sur l’île de Sable semble être occupée, bien qu’à des densités variables selon les communautés végétales et l’année. L’introduction de la sous-espèce à d’autres endroits n’est pas souhaitable en raison du degré de spécialisation de ce bruant à l’égard de son habitat, et des risques d’hybridation avec des Bruants des prés « typiques » du continent.

Le Bruant des prés de la sous-espèce princeps passe l’hiver sur la côte de l’Atlantique, de la Nouvelle-Écosse à la Floride, les concentrations les plus élevées se trouvant au centre du littoral de l’Atlantique (voir la carte en annexe). Cette répartition n’a pas changé, du moins au cours de la période historique. Les caractéristiques essentielles de l’habitat hivernal sont mal connues. L’oiseau hiverne dans des parcelles d’ammophile sur les dunes extérieures, et il se peut qu’il préfère les secteurs réunissant les caractéristiques suivantes : accès à l’eau douce, terrain inégal et vastes étendues où l’ammophile pousse en touffes denses (Stobo et McLaren, 1971). Les concentrations les plus fortes se rencontrent entre le New Jersey et la Virginie, mais on ignore encore l’importance relative de ce secteur par rapport aux autres zones d’hivernage de la sous-espèce sur ce littoral de quelque 3000 km. Il se peut que le gros de la population hiverne dans des îles au large de la Virginie, mais celles-ci n’ont encore fait l’objet d’aucun recensement.

2.2 Menaces

Deux principaux facteurs limitatifs intrinsèques caractérisent la sous-espèce, à savoir la petite étendue de son aire de reproduction et sa dispersion sur une aire d’hivernage de vaste étendue. (McLaren, 1979; Horn, 1999). La population n’est actuellement soumise à aucune menace connue. Cependant, son aire de répartition très localisée la rend particulièrement vulnérable à des menaces potentielles, tels les événements stochastiques, la prédation, l’activité humaine et la perte d’habitat. Les études réalisées sur d’autres bruants des milieux herbeux donnent à penser que, en théorie, la population pourrait également être menacée par des fluctuations démographiques stochastiques et par la perte de diversité génétique (Walters et al., 2000). À la lumière des données existantes, il semble que si l’on excepte les événements stochastiques, aucun de ces facteurs ne constitue actuellement une menace pour la population.

2.2.1 Perte d’habitat de nidification

L’érosion des parcelles couvertes de végétation est le principal facteur à considérer dans la gestion de la plupart des habitats dunaires. De toute évidence, ce phénomène pourrait nuire à la population de la sous-espèce princeps. Les preuves de la réduction de l’étendue des terrains couverts de végétation sur l’île de Sable  ne sont pas claires : il se peut que la superficie ait diminué (Gray, 1992), qu’elle se soit déplacée (McCann et Byrne, 1994) ou qu’elle soit restée stable (Freedman, 1996). Pour régler la question, il faudrait procéder à une analyse détaillée des récentes photos aériennes géoréférencées (Desjardins, 2002).

Le broutement et le piétinement par les chevaux pourraient entraîner une perte de végétation (voir p. ex. DeStoppelaire et al., 2001). Toutefois le broutement peut aussi contribuer au maintien de la diversité de la flore en retardant la succession (Van Dijk, 1992). Pour ce qui est du Bruant des prés de la sous-espèce princeps, il se peut que le broutement préserve son habitat en empêchant les arbustes ligneux d’envahir les parcelles de graminées (Horn, 1999). En outre, le broutement pourrait s’avérer bénéfique pour plusieurs autres espèces de bruants, même si ses effets varient d’un endroit à l’autre (Walk et Warner, 2000). Des recherches plus poussées seront donc nécessaires pour savoir si la présence de chevaux a un effet bénéfique ou nuisible sur l’habitat des bruants.
 2.2.2 Activité humaine

Tout nouveau projet proposé pour l’île de Sable est susceptible d’avoir des répercussions sur la population de bruants ou sur son habitat. Le type de projet le plus susceptible de se concrétiser en affectant les populations de bruants serait la mise en place de nouvelles structures, par exemple de bâtiments, de tours, de cheminées ou d’éoliennes. Comme cet oiseau a des habitudes sédentaires et qu’il connaît bien les objets se trouvant sur son territoire, les risques posés par les collisions avec de telles structures sont minimes et ne constituent pas une menace significative. Par ailleurs, si la surface occupée par un seul ouvrage force le déplacement du territoire de quelques bruants seulement, les projets de constructions multiples auraient bien entendu un effet destructeur cumulatif sur l’habitat. De plus, les travaux d’excavation, même s’ils sont à petite échelle, peuvent entraîner des problèmes d’érosion sur une vaste étendue avec comme conséquence, des effets dévastateurs sur l’habitat.

En raison de son isolement, l’île de Sable accueille peu d’êtres humains. Toutefois, cet isolement est appelé à diminuer avec la disponibilité croissante de moyens de navigation de plus en plus perfectionnés et abordables qui facilitent les déplacements jusqu’à l’île. La plupart des visites, qu’elles soient informelles ou organisées dans le cadre d’un projet (p. ex. pour l’entretien des installations ou pour des recherches), sont peu susceptibles de nuire à la population de bruants. Néanmoins, il existe un faible risque que les visiteurs, intentionnellement ou par inadvertance, causent de graves dommages à l’habitat de la sous-espèce, par exemple en allumant des feux ou en introduisant des mammifères prédateurs ou des plantes non indigènes. Ces deux dernières menaces en particulier ont marqué l’histoire du biote de l’île de Sable.

Les projets pétroliers extracôtiers, dont le développement s’accélérait au moment de la mise à jour du rapport de situation (Horn, 1999), n’ont eu jusqu’ici aucun effet connu sur les bruants ou sur leur habitat; les compagnies évitent d’atterrir sur l’île et, lorsqu’elles y envoient du personnel, elles se conforment aux lignes directrices à l’intention des visiteurs, notamment celles qui ont trait au piétinement de la végétation (Z. Lucas, comm. pers.). Cependant, si l’exploitation extracôtière se poursuit, il ne faudra relâcher en rien les efforts déployés pour en limiter les effets.

Au cours de l’examen public du Projet énergétique extracôtier de l’île de Sable, certains participants ont dit craindre que les bruants qui approchent de l’île ou s’en éloignent soient attirés ou désorientés par les plateformes en haute mer, ou qu’ils s’y heurtent pendant leur trajet (Fournier et al., 1997).

En cas d’ingestion ou d’absorption, les produits chimiques toxiques (diesel, carburant d’avion, huile à moteur et autres combustibles liquides) peuvent rendre les oiseaux malades ou les tuer.

2.2.3 Événements stochastiques

On sait que les rigueurs de l’hiver constituent une menace car ce facteur climatique a fortement réduit le taux de survie hivernal et par conséquent la population nicheuse en 1977-1978 (McLaren, 1979). En théorie, en raison de l’aire de répartition limitée de la sous-espèce, le mauvais temps et la maladie pendant la saison de reproduction semblent être, après l’hiver, les événements stochastiques les plus susceptibles de nuire à la population entière. Le taux de reproduction de la population est cependant très élevé, même au cours d’une même saison, si bien que le rétablissement se ferait probablement assez rapidement (McLaren, 1979; Horn, 1999).

2.2.4 Fluctuations démographiques stochastiques

L’effectif des populations fluctue de façon aléatoire de sorte qu’en période de diminution de l’effectif, la population court le risque de disparaître sous l’effet des variations stochastiques. Les données résumées dans les rapports de situation antérieurs permettent de conclure à d’importantes fluctuations annuelles (McLaren, 1979; Horn, 1999), vraisemblablement liées au mauvais temps pendant la migration et l’hivernage (voir Événements stochastiques ci-dessus). Le taux de reproduction élevé de la population joue probablement un rôle de tampon contre les effets de ces fluctuations. Cependant, pour le confirmer, il faudrait pouvoir déterminer l’ampleur de ces variations avec plus de précision (Smith et al., 2003).

2.2.5 Prédation

Plusieurs espèces d’oiseaux sont des prédateurs possibles des œufs et des oisillons de la sous-espèce princeps, notamment les goélands, les corneilles, les étourneaux et les oiseaux de la sous-famille des Ictérinés. D’après le premier rapport de situation et sa mise à jour, il se peut que, certaines années, la prédation ait entraîné la perte d’un grand nombre de nids, mais pas suffisamment pour menacer la population (McLaren, 1979; Horn, 1999). Les données sur le succès de nidification pour 2001 et 2002 montrent un taux de prédation presque nul tant dans les habitats denses que dans les habitats clairsemés (Taylor et al., 2001; Horn et al., 2003a).

L’introduction d’un mammifère prédateur à l’île de Sable pourrait avoir des conséquences désastreuses, comme cela a été le cas pour d’autres oiseaux insulaires, bien que l’histoire démontre que la population a survécu à la présence prolongée de mammifères prédateurs, en particulier de chats et de renards (Elliot, 1968).

2.2.6 Perte de diversité génétique

La mise à jour du rapport de situation fait état de deux menaces génétiques possibles : l’hybridation dans la zone de chevauchement avec les Bruants des prés du continent et l’endogamie au sein de la population de l’île de Sable (Horn, 1999); depuis lors, l’existence de ces deux types de menaces a été démontrée chez de nombreuses populations animales (Frankham et al., 2002). Cependant, les résultats préliminaires des études réalisées depuis la mise à jour du rapport de situation donnent à penser que ni l’hybridation (Mockford et al., 2003; Zink et al., 2005), ni le faible effectif génétiquement efficace de la population (Temple, 2000; Horn et al., 2003a) ne représentent une menace immédiate.

2.3 Historique du suivi

De 1967 à 1979, les estimations de l’effectif de la population nicheuse au début de juin (c’est-à-dire après l’arrivée des adultes, mais avant l’éclosion des premiers œufs), variaient de 2100 à 3300 individus, sauf pour 1977 et 1978, années où l’effectif a été évalué à 1700 et à 1250 individus respectivement, probablement à la suite d’hivers rigoureux ayant causé une mortalité élevée (McLaren, 1979). En 1979, l’effectif était revenu à 2000 individus. Le recensement suivant n’a eu lieu qu’en 1995, la population se chiffrait alors à 3400 individus (Horn, 1999). Un recensement effectué en 1998 à l’aide de méthodes différentes a mené à une estimation de 5962 individus, soit presque le double du maximum estimé par les recensements de 1967 à 1979. Ce dernier chiffre indique soit une importante croissance démographique, soit une lacune de l’une ou l’autre des méthodes de recensement (ou des deux).

Les populations hivernantes ne sont dénombrées qu’à l’occasion des recensements des oiseaux de Noël (CBC). Les totaux enregistrés semblent indiquer de grandes fluctuations de la mortalité hivernale et de la période pendant laquelle les oiseaux meurent, ils sont cependant si peu élevés dans chaque zone de recensement que leur fiabilité peut être mise en doute (Horn, 1999).

2.4 Lacunes dans les connaissances

Les travaux réalisés par Stobo et McLaren (1975) demeurent un classique parmi les études menées sur une espèce d’oiseau d’Amérique du Nord et ils fournissent des données exhaustives sur l’écologie du Bruant des prés de la sous-espèce princeps. Nos connaissances restent cependant incomplètes dans plusieurs des domaines clés énumérés ci-après.

2.4.1 Utilisation de l’habitat de reproduction et tendances

On ignore encore dans quelle mesure l’accès à des habitats variés permet de limiter les pertes de population lors des années où le taux de prédation est élevé, mais ces connaissances seront nécessaires pour orienter tout décision future sur les mesures de gestion de l’habitat visant à atténuer lesdites pertes.

La dynamique des écosystèmes dunaires a déjà été bien étudiée ailleurs, mais elle varie grandement d’une région à l’autre (Doody, 2001), et celle de l’île de Sable pourrait posséder des caractéristiques distinctes en raison de la situation géographique et du biote exceptionnel de l’île. Les facteurs qui contribuent à maintenir la stabilité à long terme de l’habitat des bruants sur l’île de Sable restent encore mal compris, tout comme le rôle que jouent les chevaux dans les communautés d’ammophile et de gesse maritime. Des recherches sont nécessaires pour clarifier les processus responsables de la création et du maintien de l’habitat des bruants, par exemple sur la succession et sur le cycle des substances nutritives dans les communautés denses d’ammophile, de gesse maritime et de bruyère.

2.4.2 Utilisation de l’habitat hivernal et tendances

On manque de données détaillées sur l’habitat d’hivernage et en particulier, sur le profil de son utilisation par la sous-espèce. En outre, les connaissances sur la mortalité pendant la migration et l’hivernage, qui semble représenter la plus importante limite pour la population, demeurent très incomplètes. Les facteurs limitatifs inhérents aux territoires d’hivernage, tels que la disponibilité de l’habitat, la nourriture et la prédation, doivent être identifiés avec plus de précision.

Lorsqu’on aura mieux identifié l’habitat d’hivernage, il faudra examiner les tendances qui l’affectent.

2.4.3 Menaces d’ordre génétique

L’étendue et la stabilité de la zone d’hybridation, le succès des couples mixtes et les profils de dispersion sur l’île comme en dehors de l’île n’ont encore jamais été étudiés.

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