Gentiane de Victorin évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 6

Biologie

Généralités

La gentiane de Victorin est une plante annuelle ou bisannuelle dont la période de floraison s’étend de la mi-juillet à la mi-septembre. Les fleurs sont soumises à des « mouvements de sommeil » périodiques durant lesquels elles restent fermées lors des jours sombres et lorsque la marée les submerge (Rousseau, 1932) et ouvertes lorsque les conditions sont plus favorables, par exemple durant les belles journées ensoleillées. La pollinisation est effectuée par différents insectes. La fructification débute en août et se poursuit jusqu’en octobre et les graines sont dispersées par l’eau.

Reproduction

Aucun signe de reproduction clonale n’a été observé. La reproduction semble donc assurée par la production de graines. L’observation de divers insectes sur les fleurs (figure 6) nous permet de croire qu’ils assurent la pollinisation. Comme les anthères atteignent au maximum les deux tiers de la longueur du pistil et que la fleur est toujours dressée, il faut des insectes pour effectuer la pollinisation. Le nectar secrété à la base des étamines attire principalement les bourdons (Bremus terricola, etc.), qui restent parfois emprisonnés pour la nuit (Rousseau, 1932; Marie-Victorin, 1995). Bouillé (1996) a mentionné que les mouvements de sommeil périodiques aboutissant à la fermeture des fleurs pourrait entraver la pollinisation par les insectes parce qu’ils limitent leur accès aux fleurs.

Figure 6. Pollinisateurs dans une fleur de gentiane de Victorin

Figure 6. Pollinisateurs dans une fleur de gentiane de Victorin

Survie

La gentiane de Victorin semble être intolérante à la concurrence et est incapable de survivre dans les zones herbacées denses. Ainsi, une partie de la population de Saint-Augustin-de-Desmaures peut varier considérablement car on retrouve la gentiane de Victorin dans les zones dénudées sur l’hydrolittoral supérieur ou sur ses pourtours. Ces zones peuvent évoluer vers une végétation assez dense en quelques années, défavorisant ainsi la gentiane de Victorin.

Aucun prédateur n’a été observé, mais Bouillé (1996) a fait état d’une larve de lépidoptère à l’intérieur d’un ovaire sur un spécimen de Beaumont. Elle mentionne que les graines de la fleur étaient très petites et très foncées comparativement aux autres graines du même individu, ce qui indique l’impact possible de la prédation par des insectes sur la reproduction. De plus, elle ajoute que le mouvement périodique de fermeture des fleurs pourrait entraver la pollinisation par les insectes car il limite leur accès aux parties florales.

La circulation de véhicules tout-terrain sur l’hydrolittoral est la principale cause de mortalité chez la gentiane de Victorin.

Physiologie

La floraison et la fructification des populations en aval de Québec sont plus hâtives que celles des populations en amont de Québec. Ce phénomène est étrange car le climat est généralement plus rigoureux et plus froid en aval de Québec. Aucune autre information n’est disponible sur la physiologie de cette espèce.

Déplacements et dispersion

Caldwell et Crow (1992) ont étudié la dynamique des milieux estuariens et ont constaté trois facteurs contribuant énormément à la structure de la communauté végétale. La durée de l’inondation par les marées constitue le facteur le plus important, suivie par la présence des formes de vie et les perturbations physiques causées par les blocs de glace. Les plantes ayant plus de succès dans des milieux aussi fluctuants sont les annuelles, comme la gentiane de Victorin, et les vivaces fortement rhizomateuses. Une prolifération de rhizomes permet à ces plantes de conserver un équilibre entre la sédimentation et l’érosion constante et d’emmagasiner des réserves nutritives afin d’émerger et de croître rapidement. Produites en grande quantité, les graines des plantes annuelles, comme la gentiane de Victorin, trouvent une protection dans le microrelief de la surface des marais. En outre, les blocs de glace soulèvent des sédiments et même des portions du tapis végétal qui peuvent voyager sur de grandes distances et être redéposés le long du cours d’eau, contribuant ainsi à la dispersion de ces espèces.

Les graines de la gentiane de Victorin sont plus denses que l’eau, mais elles parviennent à flotter grâce aux papilles qui les recouvrent et qui servent de flotteurs. Elles sont donc transportées au large par le mouvement des marées et des vagues. Lorsque les papilles sont imbibées, les graines coulent sous l’effet de la moindre ondulation de l’eau (Rousseau, 1932; Marie-Victorin, 1995). Selon Rousseau (1932), cette propriété contribue peu à répandre l’espèce. Localement, l’hydrochorie (dispersion par l’eau) est très probable, mais il est plausible que les graines soient dispersées sur de vastes distances par « épi-ornithochorie » (Brouillet et al., 1996), les graines étant transportées dans un mélange de boue collée aux pattes des oiseaux.

Comportement et adaptabilité

Les données recueillies au Jardin botanique de Montréal nous indiquent que la gentiane de Victorin a été cultivée pendant au moins deux ans. Il y a eu au moins huit tentatives pour faire germer des graines, mais malgré les diverses méthodes culturales utilisées, presque toutes les tentatives ont échoué.

Teusher (1941) mentionne que le traitement suivant fut appliqué avec succès à la gentiane de Victorin. Avant de semer des graines au printemps, on les faisait préalablement séjourner au réfrigérateur à 35 °F pendant environ trois mois (on peut aussi les semer à l’automne et les hiverner sur une couche froide). La plantation était assez dense dans une terrine de cinq pouces et, lorsque les deux ou trois premières feuilles apparaissaient, on éclaircissait en ne conservant que 10 plantes, ce qui est beaucoup mieux que de transplanter les plantules. On conserve les terrines humides en les plaçant dans une soucoupe toujours pleine d’eau durant la saison de croissance. De vigoureuses rosettes se sont ainsi formées la première année. Après l’hivernage sur une couche froide, elles ont fleuri abondamment l’été suivant.

En 1996, des graines ont été confiées au laboratoire de cytologie environnementale et des ressources phytogénétiques (Université Laval – ministère de l’Environnement et de la Faune du Québec) aux fins d’un comptage chromosomique. Gervais et Trahan (1996) ont réussi à faire germer uniquement les graines de pointe Platon. Le protocole utilisé est le suivant : les graines sont rincées avec de l’alcool éthylique à 70 p.100 pendant trois minutes, puis rincées à l’eau distillée et déposées sur un papier filtre humide dans un pétri. On les laisse deux semaines à température ambiante avant de les mettre un mois au réfrigérateur (Coursol, 1998).

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