Chauve-souris à queue frangée (Myotis thysanodes) évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 6

Biologie

Généralités

La biologie générale de la chauve-souris à queue frangée ressemble à celle de la plupart des chauves-souris de la famille des Vespertilionidés des régions tempérées. Cette chauve-souris est capable d’entrer en torpeur pour conserver son énergie et a une longévité élevée et un faible taux de reproduction. L’espèce a besoin de gîtes pour se protéger contre les prédateurs, s’abriter et trouver des conditions physiologiques appropriées. La chauve-souris utilise l’écholocation pour s’orienter en vol et détecter ses proies. Presque toutes les données sur la biologie générale de l’espèce proviennent d’études réalisées aux États-Unis.

Reproduction

O’Farell et Studier (1972, 1973) ont étudié la biologie de la reproduction d’une colonie de maternité nichée dans un bâtiment au Nouveau-Mexique. On ignore le calendrier exact de la copulation, mais l’accouplement a lieu quelque temps après le départ du gîte de maternité à l’automne. Les femelles qui arrivent à la colonie de maternité au début d'avril portent déjà du sperme dans leur utérus, mais l’ovulation et la fécondation ont lieu près d’un mois plus tard. Les femelles donnent naissance à un unique petit et ne produisent qu’une litière au cours de la saison de reproduction. La période de gestation dure de 50 à 60 jours. Dans la colonie du Nouveau-Mexique, la période de parturition était synchrone, avec des naissances du 25 juin au 7 juillet. Le petit se développe rapidement et atteint la taille adulte en 3 semaines. Seize jours et demi après la naissance, il commence à voler gauchement, et après 20,5 jours, il vole comme un adulte. On possède très peu de données sur la reproduction pour la population canadienne. Une femelle gravide a été capturée un 27 juin; on a aussi trouvé des femelles allaitantes entre le 9 et le 29 juillet (Roberts et Roberts, 1993; Holroyd et al., 1994). La colonie de maternité de Vernon abritait de jeunes chauves-souris un 19 juillet au moment où Maslin (1938) l’étudiait. Les femelles pourraient se reproduire dès leur première année; les mâles, eux, doivent attendre leur deuxième année.

Survie

Les données sur les taux de survie et la mortalité sont peu nombreuses. Chez certaines chauves-souris des régions tempérées, le taux de mortalité au cours de la première année pourrait toutefois approcher 1 p. 100. Tuttle et Stevens (1987) font état d’une chauve-souris à queue frangée baguée qu’ils ont trouvée dans une mine en Oregon, et qui était âgée d’au moins 18,3 ans. Constantine et al. (1979) ont décrit la rage chez plusieurs chauves-souris à queue frangée aux États-Unis. Aucun cas de prédation n’est signalé dans la littérature.

Physiologie

Dans le sud-ouest des États-Unis, Jones (1965) a attrapé des chauves-souris à queue frangée à des températures ambiantes de 9 à 25 °C. Selon Studier et O’Farrell (1972), l’hyperthermie commence à des températures ambiantes de 24 °C; au-dessus de 28 °C, c’est l’hyperthermie complète. À des températures ambiantes de 24 °C ou moins, les femelles reproductrices ont recours à la torpeur ou régulent leur température corporelle en augmentant la vitesse de leur métabolisme. C’est pendant la lactation que la demande en énergie atteint son sommet chez cette espèce (Studier et al., 1973), et les femelles allaitantes qui demeurent homéothermes maintiennent une température corporelle inférieure d’environ 2 °C à celle des femelles gravides ou en période de post-allaitement. Dans les gîtes de maternité, les individus de cette espèce font plusieurs déplacements quotidiens pour trouver le régime thermique idéal pour la thermo-régulation.

Au Nouveau-Mexique, Studier et O’Farrell (1972) ont observé des chauves-souris à queue frangée qui n’avaient pas accumulé suffisamment de réserves de graisses pour hiberner au moment d’abandonner le gîte de maternité à l’automne. Ils en ont conclu que cette chauve-souris était par moment active pendant l’hiver. On a toutefois trouvé des chauves-souris à queue frangée qui hibernaient en Oregon et dans le Dakota du Nord (Martin et Hawks, 1972; Perkins et al., 1990). Aucune chauve-souris à queue frangée n’a jamais été observée en hiver en Colombie-Britannique. Les relevés de 18 cavernes et mines effectués en hiver dans l’aire de répartition canadienne de l’espèce n’ont permis de trouver aucun animal en hibernation (Nagorsen et al., 1993).

Déplacements et dispersion

On ne possède aucune mesure des distances parcourues par cette chauve-souris depuis son gîte de jour jusqu’aux sites d’alimentation nocturnes. Toutefois, des études de radiopistage (Cryan et al., 2001) ont montré qu’elle occupe en général un territoire limité d’environ 4 km². Les gîtes, notamment les colonies de maternité, aménagés dans des structures permanentes comme des bâtiments sont en général occupés pendant toute la durée de l’été (O’Farrell et Studier, 1975). Toutefois, les chauves-souris à queue frangée qui gîtent dans les arbres et les fentes de rochers changent souvent de gîtes et ne restent au même endroit que quelques jours (Cryan et al., 2001; Weller et al., 2001). La distance parcourue entre les abris est courte. Dans le nord-ouest de la Californie, Weller et al. (2001) ont calculé que la distance moyenne entre les gîtes n’était que de 254 m (fourchette de 7 à 641 m). Dans les Black Hills du Dakota du Sud, où elle gîte autant dans les arbres que dans les crevasses, la chauve-souris à queue frangée ne parcourt jamais plus de 2 km entre ses abris (Cryan et al., 2001). Lorsqu’elles se déplacent d’un gîte à un autre, les femelles allaitantes transportent leur petit qui ne vole pas encore.

Selon Studier et O’Farrell (1972), les chauves-souris à queue frangée du Nouveau-Mexique migreraient à la fin de l’été depuis les sites de maternité estivaux jusqu’à leur aire d’hivernage. Hoffmeister (1970) a relevé dans des observations estivales et hivernales faites en Arizona un changement qu’il a attribué à des déplacements migratoires. Aucune donnée précise n’évoque toutefois des déplacements sur de longues distances ou des mouvements migratoires chez cette chauve-souris. On n’a connaissance d’aucun mouvement migratoire dans la population canadienne.

Alimentation et relations interspécifiques

On ne possède aucune donnée sur l’alimentation pour la population canadienne de l’espèce. Au Nouveau-Mexique, Black (1975) signale avoir trouvé des coléoptères dans 73 p. 100 des boulettes fécales échantillonnées et des papillons de nuit (Lépidoptères) dans 36 p. 100 des échantillons. En Oregon, on a trouvé des papillons de nuit, des chrysopes (Neuroptères) et divers invertébrés non volants, comme des araignées (Arachnides), des grillons (Gryllidés) et des faucheurs (Phalangides), dans les contenus stomacaux (Whitaker et al., 1977, 1981). Toutes ces études se fondaient cependant sur des échantillons de petite taille. Une analyse d’un grand échantillon de boulettes fécales (68) réalisée en Arizona a révélé que le régime alimentaire de l’espèce était composé surtout de papillons de nuit, de coléoptères, de mouches (Diptères) et de chrysopes (Warner, 1985).

Selon Bell (1980), le vol lent et maniable de cette espèce et les signaux d’écholocation à modulation de fréquences d’intensité modérée à faible qu’elle émet seraient des adaptations lui permettant d’adopter une stratégie de glanage pour capturer ses proies. Studier et O’Farrell (1980) pensent que ses membranes alaires résistantes aux perforations sont aussi une adaptation lui permettant de glaner ses proies au sol ou sur une végétation dense et épineuse.

Avec 12 à 14 espèces, dont 7 espèces de Myotis, les prairies du sud intérieur de la Colombie-Britannique abritent la communauté de chauves-souris la plus diversifiée du Canada, certaines espèces s’y trouvant par ailleurs en grandes densités (Fenton et al., 1980). La plupart des chauves-souris de la région s’alimentent de façon opportuniste dans les vallées, au-dessus des lacs, des marais, des prairies et des forêts clairsemées. La stratégie de glanage de la chauve-souris à queue frangée pourrait réduire les chevauchements alimentaires avec quelques-uns des abondants fourrageurs aériens de la région, comme la petite chauve-souris brune (Myotis lucifugus) et la chauve-souris de Yuma (Myotis yumanensis).

Comportement et adaptabilité

La chauve-souris à queue frangée est coloniale. Les colonies de maternité aménagées dans des bâtiments peuvent abriter jusqu’à 1 000 ou 1 200 individus (O’Farrell et Studier, 1975). Dans ces grandes colonies, on trouve rarement des mâles adultes. Les colonies aménagées dans les arbres ou les crevasses sont moins grosses. Cryan et al. (2001), par exemple, font état d’un effectif maximum de 27 chauves-souris à queue frangée dans les gîtes installés dans des arbres et des crevasses; ils notent que les colonies de maternité maintiennent l’intégrité du groupe, les mêmes individus restant ensemble lors des changements de gîte. Bien qu’elles se déplacent souvent entre divers gîtes aménagés dans les arbres ou des crevasses, les chauves-souris à queue frangées font preuve de fidélité à l’égard de leurs sites locaux et reviennent chaque année dans la même région (Cryan et al., 2001). Elles pourraient aussi être fidèles à leurs gîtes nocturnes : Collard et al. (1990) en ont en effet recapturé 13 à la mine Suzie, dont 4 individus bagués l’année précédente au même endroit. Un individu bagué à la mine Suzie en août 1982 a également été recapturé au même endroit en avril 1990 (Nagorsen et Brigham, 1993).

D’après O’Farrell et Studier (1973), les chauves-souris à queue frangée femelles adultes sont facilement dérangées dans la colonie de maternité. Elles sont notamment vulnérables aux perturbations à la fin de la grossesse, avant la parturition, lorsqu’elles se font discrètes et deviennent pratiquement impossibles à approcher. La capacité de changer de gîte, couplée à une familiarité avec les autres gîtes de remplacement, pourrait toutefois leur permettre de changer d’abri lorsqu’une aire de gîte vient à disparaître.

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