Baleine grise (Eschrichtius robustus) évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 11

Importance de l'espèce

Importance écologique

La baleine grise est considérée comme une espèce clé des écosystèmes benthiques de l’Arctique. À titre de principal prédateur dans les mers arctiques peu profondes, elle maintient la structure et la diversité des assemblages d’invertébrés benthiques (Nerini,1984; Oliver et Slattery, 1985). Nerini (1984) a estimé qu’au début des années 1980, ces baleines ont retourné chaque saison une superficie de 3 565 km2 dans l’Arctique, déplaçant ainsi 9 p. 100 de la communauté d’amphipodes. Ces valeurs ont sensiblement augmenté depuis. Comme elle se nourrit sur le fond, la baleine grise, en réarrangeant les sédiments mous, libère les substances nutritives minérales emprisonnées dans les substrats (Feder et al., 1994; Oliver et Slattery, 1985). En outre, même si elle s’alimente d’organismes benthiques, elle défèque et urine dans la colonne d’eau, y ramenant ainsi des substances nutritives (Reeves et Mitchell, 1988). Avec ses fanons grossiers, la baleine grise ne retient que les invertébrés relativement gros (plus grands que le 6 mm) qu’elle extrait des sédiments et rejette les petits près de la surface, où les oiseaux de mer et les poissons s’en nourrissent (Obst et Hunt, 1990; Grebmeier et Harrison, 1992).

Importance culturelle et économique

Étant donné que la baleine grise passe habituellement près du rivage, les peuples autochtones qui vivent le long de son trajet de migration et près de ses aires d’alimentation en dépendent pour se nourrir depuis plusieurs millénaires (O'Leary, 1984). Des Autochtones de l’Arctique et de l’État de Washington la chassent encore à des fins de subsistance. Plusieurs groupes autochtones, y compris les Haïdas et les Tsimshian de la Colombie-Britannique, se nourrissent des baleines échouées (O'Leary, 1984). Sanborn (comm. pers.) rapporte que les Kwakwaka'wakw du nord de l’île de Vancouver et de la côte continentale adjacente ne chassaient pas activement la baleine grise, mais utilisaient les ossements des baleines échouées pour fabriquer des outils.

Les Aléoutes chassaient autrefois la baleine grise dans les eaux de l’ouest de l’Alaska à partir de petites embarcations recouvertes de peau (O'Leary, 1984). Les Koniaq de l’île Kodiak et du littoral adjacent de l’Alaska la chassaient aussi (O'Leary, 1984). Le long du littoral des mers de Béring, des Tchouktches et de Beaufort, les peuples Yup’i, IñupiaQ et Tchouktche la chassaient aussi à l’occasion, mais, d’après certaines indications, ils préféraient la baleine boréale (Balaena mysticetus) lorsqu’ils pouvaient en trouver (Marquette et Braham, 1982; Krupnik, 1987).

Le long de la côte ouest de l’Amérique du Nord, les Nuu-chah-nulth du sud-ouest de l’île de Vancouver et la tribu voisine des Makah de l’État de Washington étaient probablement les Autochtones qui chassaient le plus la baleine (O'Leary, 1984). Ces deux tribus étroitement apparentées chassaient la baleine grise et le rorqual à bosse, quoiqu’elles privilégiaient ce dernier (Happynook, comm. pers.). Les ossements de rorqual à bosse sont un peu plus abondants que ceux de baleine grise au site archéologique préeuropéen d’Ozette (Huelsbeck, 1988), et cela malgré le fait qu’il était probablement plus facile aux Makah d’Ozette de chasser la baleine grise en raison de sa répartition côtière, ce qui semble indiquer aussi qu’ils préféraient le rorqual à bosse. Les Makah et les Nuu-chah-nulth accordaient une grande importance spirituelle et économique à la chasse à la baleine (O'Leary, 1984; Huelsbeck, 1988; Happynook, 2002).

L’observation des baleines est aujourd’hui une importante activité commerciale et la baleine grise est devenue le pilier de l’économie de nombreuses collectivités de la côte ouest de l’Amérique du Nord. En Colombie-Britannique, des voyagistes offrent des excursions d’observation de la baleine grise le long de la côte ouest de l’île de Vancouver. La plupart des bateaux partent de Tofino et d’Ucluelet (Duffus, 1996) et quelques autres, de Bamfield et de Port Renfrew. Bien qu’un certain nombre d’excursions aient lieu durant la migration vers le nord, la plupart sont effectuées en été, ce qui explique pourquoi le groupe résident estival est la principale cible des observateurs de baleines dans cette région (Duffus, 1996).

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