Couleuvre d'eau du lac Érié évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 6

Biologie

Cycle vital et reproduction

La couleuvre d’eau du lac Érié peut vivre jusqu’à 12 ans à l’état sauvage (USFWS, 2004). Les femelles atteignent la maturité sexuelle à l’âge de 3 ans, et les mâles à l’âge de 2 ans. Normalement, les femelles arrivent à maturité lorsqu’elles atteignent 60 cm de longueur du museau au cloaque, et les mâles, lorsqu’ils ont environ 44 cm de longueur (King, 1986).

La parade nuptiale et l’accouplement ont lieu entre le début mai et le début juin et, comme chez d’autres natricines, comportent une compétition en mêlée (plusieurs mâles courtisent en même temps la même femelle), qui entraîne une forte concentration de couleuvres (King, 1986; USFWS, 1999; idem, 2003). Certaines femelles se reproduisent chaque année; la fréquence de la reproduction dépend de la taille (plus la femelle est grande, plus il est probable qu’elle se reproduise chaque année) (King, 1986; Bishop et Rouse, données inédites, 1999).

La parturition a lieu à la fin août et au début septembre. Le nombre de couleuvreaux nés varie de 9 à 50, pour une moyenne de 23 nouveau-nés par femelle (NatureServe, 2005). Sur l’île Pelée, Bishop et Rouse (données inédites, 1999) ont observé de 13 à 46 petits nés par femelle, pour une moyenne de 27. Le nombre de couleuvreaux nés est positivement corrélée à la taille de la mère, les grosses femelles produisant non seulement un plus grand nombre de petits, mais aussi des nouveau-nés plus gros (King, 1986). La taille moyenne du nouveau-né est de 18,1 cm du museau au cloaque, et son poids de 4,8 g (King, 1986). Le couleuvreau ne grandit pas beaucoup avant d’entrer en hibernation et a souvent la même taille à la fin de celle-ci (USFWS, 1999; idem, 2003).

Prédateurs

On ne connaît pas bien les prédateurs de la couleuvre d’eau du lac Érié. Parmi ceux qui sont connus figurent le Goéland argenté (Larus argentatus), le Grand Héron (Ardea herodias), le Merle d’Amérique (Turdus migratorius), le raton laveur (Procyon lotor), le renard roux (Vulpes vulpes), la couleuvre agile (Coluber constrictor) et les animaux domestiques, comme les chats et les chiens (King, 1986; USFWS, 2003). Sur les îles habitées par des Cormorans à aigrettes (Phalacrocorax auritus), on a trouvé des couleuvres d’eau du lac Érié mortes qui portaient des blessures dues à des attaques d’oiseau (D. Jacobs, comm. pers., novembre 2004), mais on ignore si ce sont des cormorans qui les ont tuées. Les nouveau-nés et les jeunes sont plus susceptibles d’être des proies que les adultes, mais, apparemment, la prédation n’a pas beaucoup contribué au déclin de l’espèce (USFWS, 2003).

Physiologie

La femelle de la couleuvre d’eau du lac Érié se nourrit pendant une plus longue portion de la saison active que le mâle. Elle grandit également plus vite que lui (0,014 versus 0,012 cm/jour) et devient plus longue (82,1 cm de longueur du museau au cloaque en moyenne versus 62,4 cm) (King, 1986).

Comme c’est le cas chez de nombreux reptiles, l’activité de la couleuvre d’eau du lac Érié dépend beaucoup des conditions météorologiques saisonnières et locales. On en a observé qui entraient dans l’eau dès la première semaine de mai, lorsque la température de l’eau se situe aux environs de 5 ºC (King, 1986). Les couleuvres ne commencent toutefois normalement à sortir de leur hibernation que lorsque la température quotidienne moyenne maximum de l’air atteint 12,8 ºC (avril-mai) et entrent en hibernation lorsque la température quotidienne moyenne minimum chute à15,5 ºC (septembre-octobre) (King, 2003).

Déplacements et dispersion

On sait que certaines couleuvres d’eau du lac Érié parcourent plusieurs kilomètres pour passer d’une île à l’autre, ou d’une île à la terre ferme, mais le phénomène est rare (King, 1987a). Les individus s’éloignent rarement à plus de 50 m du rivage durant la saison active (King, 2003; D. Jacobs, comm. pers., novembre 2004). Selon King (2003), 50 p. 100 de tous les déplacements dans l’eau se font à moins de 8 m du rivage, 75 p. 100 à moins de 13 m et 90 p. 100 à moins de 21 m; seulement 1 p. 100 dépassaient les 47 m. La superficie maximale de rivage utilisée par une couleuvre adulte en Ohio varie de 30 à 1 360 m, pour une moyenne de 252 m par individu (King, 2003). King (2003) a aussi constaté que 50 p. 100 de la population de couleuvres d’eau hibernaient à moins de 27 m du rivage, 75 p. 100 à moins de 69 m, 90 p. 100 à moins de 161 m et 99 p. 100 à moins de 700 m. Au Canada, des études de radiotélémétrie ont montré que la distance entre le site d’hibernation et le rivage variait entre 13 et 105 m, pour une moyenne de 53 m; 50 p. 100 des sites se trouvaient à moins de 56 m du rivage, 75 p. 100 à moins de 69 m et 90 p. 100 à moins de 95 m (D. Jacobs, comm. pers., septembre 2005).

Bien que la migration entre les îles et d’une île vers la terre ferme soit rare, on a pu déterminer qu’une couleuvre d’eau du lac Érié avait parcouru une distance de 11 km en ligne droite entre l’île Middle et l’île Kelleys en 2002 (D. Jacobs, données inédites, 2002-2003). Toutefois, moins de 3 p. 100 des adultes se déplacent même entre deux sites sur la même île, et les déplacements entre les îles sont encore moins fréquents (King, 1987a). On pourrait estimer à neuf par génération le nombre de couleuvres qui se déplacent entre les îles et la terre ferme en Ontario (King et Lawson, 1995). L’étroitesse du domaine vital et la courte distance des déplacements de la couleuvre d’eau du lac Érié se reflètent dans la variation géographique distincte et localisée des niveaux de contamination relevés dans les échantillons prélevés chez les couleuvres sur un segment de 34 km de rivage sur l’île Pelée (Bishop et Rouse, données inédites, 1999).

Relations interspécifiques

La couleuvre d’eau du lac Érié se nourrit aujourd’hui presque exclusivement de gobies arrondis, une espèce qui a récemment envahi le lac (King, 2004a). On ignore quel effet ce changement de régime alimentaire a eu sur ses anciennes proies, le fouille-roche (Percina caprodes) et autres dards. Conant (1951) signale que les couleuvres d’eau mangent parfois les poissons morts échoués sur la plage.

Adaptabilité

La couleuvre d’eau du lac Érié semble s’adapter dans une certaine mesure à la modification de l’habitat riverain. L’île Kelleys abrite la plus forte concentration de couleuvres en Ohio, malgré qu’elle soit la plus développée de l’habitat de l’espèce aux États-Unis (USFWS, 2003). On a observé des couleuvres qui utilisaient des structures faites par les gens (perrés, quais à coffrage de bois ou d’acier avec enrochement) pour s’exposer au soleil et se reposer (King, 2001; idem, 2003; USFWS, 2003). Par contre, les quais de tôle d’acier ou de béton coulé aménagés pour contrôler l’érosion ne sont jamais utilisés et détruisent plutôt un habitat qui aurait pu convenir à l’espèce (USFWS, 2003). Aux États-Unis et au Canada, les études de radiotélémétrie montrent que les couleuvres d’eau du lac Érié sont fidèles à leurs sites d’hibernation et à certains segments particuliers de rivage qui leurs servent d’habitat estival (D. Jacobs, comm. pers., septembre 2005). On ignore dans quelle mesure les individus sont capables de s’adapter à un nouveau milieu après avoir été chassés de leur habitat préféré par l’aménagement ou la destruction de cet habitat.

La couleuvre d’eau du lac Érié se nourrit presque exclusivement de proies aquatiques (King, 1986; idem, 1998). L’ancien rapport de situation du COSEPAC (Campbell et al., 1991) notait que les poissons constituaient plus de 50 p. 100 de son régime alimentaire sur l’île Pelée, et que la moitié de ces poissons étaient des fouille-roches et d’autres dards. Or, le gobie arrondi a envahi les endroits où vit la couleuvre depuis le début des années 1990 (Jude et al., 1992) et est aujourd’hui l’espèce dominante parmi les poissons de fond de l’île (King, 2003). En 1998, ce poisson constituait 24 p. 100 du régime alimentaire de la couleuvre d’eau du lac Érié (King et al., 1999), proportion qui est passée, en 2003, à plus de 92 p. 100 (King, 2004a). Les effets de ce changement de régime pourraient être importants. King (2004a) a constaté que les couleuvres de toutes les tailles et de toutes les classes d’âge mangeaient des gobies, et que les couleuvres de moins de un an étaient plus grandes depuis que les gobies constituaient une proportion plus importante de leurs proies. Le phénomène a d’ailleurs également été observé chez les adultes, dont le taux de croissance a augmenté.

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