Isopyre à feuilles biternées (Enemion biternatum) évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 6

Biologie

Physiologie

La floraison débute lorsque les températures sont propices à la croissance et aux pollinisateurs et se termine avant la fermeture du couvert forestier (Schemske et al., 1978). En Ontario et en Illinois, l’Enemion biternatum fleurit à la fin du mois d’avril ou en mai et est en fruits au début juin (Melampy et Heyworth, 1980). La floraison a lieu plus tôt dans le sud. Dans le centre du Kentucky, par exemple, la floraison débute à la mi-mars et se poursuit jusqu’au début du mois de mai, et elle est à son apogée à la fin mars ou au début d’avril (Baskin et Baskin, 1986). La période de floraison a lieu plus tôt dans les climats plus doux et peut être retardée dans les climats plus froids (Schemske et al., 1978). La floraison dure entre 7 et 10 jours, dont 3 ou 4 constituent une phase femelle (stigmates réceptifs avant l’ouverture des anthères; voir Schemske et al., 1978). Lorsque l’apogée de la floraison survient tardivement, la production de graines peut être affectée (Schemske et al., 1978).

En Ontario, les graines arrivent à maturité au début de juin. On ne leur connaît aucun mode de dispersion particulier (Schemske et al., 1978). Les feuilles commencent à jaunir ou à brunir lorsque les graines mûrissent, et elles ont toutes atteint la sénescence au début ou au milieu de juin (Baskin et Baskin, 1986). Dans le centre du Kentucky, de nouvelles feuilles apparaissent à la mi-septembre et demeurent vertes tout l’hiver, et il arrive que quelques plantes fleurissent à l’automne. Vers le début de mars, les feuilles d’hiver ont rougi et de nouvelles feuilles printanières apparaissent (Baskin et Baskin, 1986). La floraison automnale n’a pas été observée dans les régions plus au nord (Austen, 1990).

L’Enemion biternatum est une plante hermaphrodite (organes mâles et femelles dans une même fleur) qui pousse en colonies, probablement clonales (Melampy et Heyworth, 1980). L’espèce est autocompatible, mais non autogame (l’autopollinisation est impossible dans une même fleur). L’autogamie semble empêchée par la protogynie, en vertu de laquelle les stigmates ne sont plus réceptifs au moment de la déhiscence des anthères (Melampy et Hayworth, 1980). Melampy et Hayworth (1980) ont observé qu’il y avait géitonogamie 26 p. 100 du temps, croisement entre individus d’une même colonie 16 p. 100 du temps et croisement entre individus de colonies différentes 28 p. 100 du temps. La possibilité d’une pollinisation géitonogame, c’est-à-dire entre fleurs d’un même individu génétique, peut entraîner des conséquences telles qu’une augmentation du taux d’autofécondation, qui peut résulter en une dépression de consanguinité, ou une diminution du succès de reproduction découlant d’une faible pollinisation entre individus.

Reproduction et dispersion

L’Enemion biternatum est une espèce entomophile (pollinisée par des insectes). Melampy et Hayworth (1980) n’ont observé aucun pollinisateur nocturne. Cela est probablement lié à la fraîcheur des nuits au début du printemps, lorsque l’espèce fleurit. Une variété d’insectes ont été observés visitant les fleurs de l’Enemion biternatum (diverses abeilles, dont l’Apis mellifera et des andrénidés et halictidés, des syrphidés et autres mouches et des coléoptères). La fréquence de visite de ces insectes est toutefois faible, même lorsque l’espèce est en fleurs. L’Enemion biternatum est une plante qui ne produit pas de nectar et ne représente pas une ressource favorite pour les insectes pollinisateurs lorsque des fleurs porteuses de nectar d’espèces telles que le Claytonia virginica et le Cardamine concatenata (Dentaria laciniata) sont présentes dans les environs (Melampy et Hayworth, 1980). Les plantes qui ne produisent pas de nectar peuvent recevoir la visite d’insectes en étendant leur période de floraison de façon à ce qu’elle comprenne des intervalles durant lesquels peu de plantes productrices de nectar sont en fleurs. Il est possible que l’Enemion biternatum ait recours à cette stratégie (Melampy et Hayworth, 1980).

La clé pour qu’il y ait maximisation de la production de graines chez l’Enemion biternatum est le maintien d’une faible disponibilité de fleurs par unité de temps et l’extension de la saison de floraison de façon à ce qu’elle comprenne des périodes de pollinisation potentielle entre ou après les périodes de floraison des espèces sympatriques. On a observé une production maximale de graines après l’apogée de la floraison du Claytonia virginica, ce qui laisse croire que lorsque les espèces favorites des pollinisateurs deviennent moins abondantes, les insectes commencent à visiter plus souvent les fleurs de l’Enemion biternatum et à en polliniser davantage (Melampy et Hayworth, 1980). La fréquence de visite peu élevée de l’Enemion biternatum par les insectes pollinisateurs laisse penser que l’espèce serait tributaire des erreurs d’insectes butineurs qui visitent ses fleurs en recherchant en fait celles d’autres espèces. Le nombre d’erreurs peut augmenter ou des insectes peuvent être forcés de visiter la plante occasionnellement lorsque les espèces favorites des pollinisateurs ne sont plus aussi abondantes. Ainsi, un disponibilité réduite de pollinisateurs pourrait limiter la production de graines (Melampy et Hayworth, 1980). Le vent jouerait aussi un rôle dans la pollinisation de l’Enemion biternatum; en effet, dans le cadre d’une étude réalisée sur le terrain, Melampy et Hayworth (1980) ont observé que trois fleurs sur trente-sept recouvertes d’un fin grillage de nylon ont produit des graines.

Dans le cadre d’une étude réalisée sur le terrain en Illinois, qui examinait la phénologie de l’espèce, on a observé que la production maximale de graines est survenue chez les fleurs qui étaient déjà ouvertes durant l’apogée de la floraison en 1975 et chez celles qui étaient en fleurs juste avant l’apogée de la floraison en 1976 (Schemske et al., 1978). Il semble donc que, de façon générale, l’espèce fleurisse rarement au moment idéal (Schemske et al., 1978).

Baskin et Baskin (1986) ont mis en terre et placé dans une serre non chauffée des graines d’Enemion biternatum recueillies dans le centre du Kentucky. Il y a eu croissance de l’embryon et germination complète (émergence de la radicule et des cotylédons) à l’automne. Les embryons ont crû lentement durant l’été, mais ont connu une croissance rapide au début du mois de septembre, la germination ayant eu lieu en octobre.

La germination de l’Enemion biternatum ressemble à celle des espèces à dormance épicotylaire : la radicule nécessite une période de stratification chaude durant l’été avant d’émerger en automne, lorsque les températures sont favorables. Les cotylédons émergent toutefois aussi à l’automne, tandis que chez les espèces à dormance épicotylaire, la graine dont la radicule pointe doit connaître une stratification froide durant l’hiver pour que les cotylédons puissent se déployer (Baskin et Baskin, 1986). Avant que les graines de l’espèce puissent germer, la longueur des embryons doit passer de moins de 0,2 mm à plus de 1 mm. On a observé que les températures optimales (jour/nuit) pour la germination des graines ayant récemment atteint la maturité étaient de 20/10 degrés Celsius. Des graines ont aussi fini par germer aux températures de 30/15 et 25/15 degrés Celsius (Baskin et Baskin, 1986). Les embryons ne connaissent pas de période de dormance et les graines ont besoin de beaucoup de temps à des températures élevées pour mener à terme la croissance de l’embryon et germer (Baskin et Baskin, 1986). Des études réalisées en laboratoire laissent penser que l’exposition des graines à des températures d’été élevées pourrait favoriser la germination à des températures de début d’automne (Baskin et Baskin, 1986).

Le régime de germination de l’Enemion biternatum diffère de celui de toutes les autres vivaces herbacées de forêts de feuillus mésiques étudiées jusqu’à maintenant. La plupart des espèces forestières connaissent une dormance profonde et germent au printemps. La graine de l’Enemion biternatum ne connaît pas de période de dormance hivernale, car elle germe à l’automne (Baskin et Baskin, 1986). On n’a pas encore étudié les régimes de germination de l’espèce en Ontario (Austen, 1990).

Comme elles sont produites à l’automne, les plantules d’Enemion biternatum bénéficieraient d’une période d’établissement et de croissance beaucoup plus longue avant le début de la période de dormance, en juin, que si la germination était retardée jusqu’au printemps. L’espèce pourrait donc prendre moins de temps entre la dispersion des graines et l’atteinte de la maturité reproductive que les plantes poussant à partir de graines qui germent au printemps, après avoir passé l’hiver. Il pourrait toutefois y avoir un désavantage à passer l’hiver à l’état de plantule plutôt qu’à l’état de graine (Baskin et Baskin, 1986).

Aucune étude détaillée n’a été réalisée sur la démographie, la phénologie et l’écologie de la reproduction de l’Enemion biternatum en Ontario (Austen, 1990). L’espèce est une vivace qui se propage considérablement de façon végétative et cela peut, jusqu’à un certain point, diminuer l’importance d’une forte production de graines dans une année donnée (Schemske et al., 1978). Des plantes observées au début du mois de juin dans le comté d’Elgin avaient produit une grande quantité de graines. On ne connaît pas le moment de la germination dans les populations ontariennes. La superficie couverte par ces dernières varie de petites colonies de moins de 1 x 1 m (environ 50 plantes) à de grandes zones forestières couvertes de milliers de plantes (Austen, 1990).

Relations interspécifiques

On n’a trouvé aucun renseignement sur les relations interspécifiques, dont la compétition, qui influent sur les populations d’Enemion biternatum. L’écologie des populations en Ontario n’a toujours pas été étudiée.

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