Rat kangourou d'Ord (Dipodomys ordii) évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 8

Biologie

Notre connaissance du rat kangourou d’Ord au Canada repose principalement sur les recherches menées dans les Middle Sand Hills par Gummer et ses collègues. Le présent rapport renvoie à d’autres études réalisées dans des emplacements plus au sud et sur d’autres espèces de Dipodomys lorsque des données détaillées sur la population canadienne de rats kangourous ne sont pas disponibles.


Cycle vital et reproduction

Les rongeurs du désert vivent relativement longtemps et sont lents à se reproduire pour leur taille (Stearns et Crandall, 1981; Kenagy et Bartholomew, 1985; Brown et Harney, 1993), mais les rats kangourous canadiens échappent à cette tendance (Gummer, 1997a). La plupart des individus survivent moins d’un an. Selon des études de marquage et de recaptureportant sur plus de 3 150 individus sur 11 ans dans les Middle Sand Hills, la survie hivernale est souvent ≤10 p. 100, (étendue de 5 à 34 p. 100) selon la rigueur de l’hiver (Kenny, 1989; Gummer, 1997a; Gummer et Robertson, 2003b; Gummer et Bender, données inédites), ce qui signifie que la population atteint son creux au début du printemps. Les facteurs qui contribuent à la mortalité sont les prédateurs (Gummer et Robertson, 2003c), les macroparasites (larves d’hypodermes; Gummer et al., 1997), la circulation automobile, l’équipement agricole et industriel qui écrase les individus dans leurs terriers souterrains, le piétinement par de gros brouteurs, comme les bovins et les wapitis, et l’inanition (Gummer, 1997a). On a relevé 2 individus qui ont survécu au moins 4 ans en milieu sauvage (Gummer et Robertson, 2003b).

Les rats kangourous s’accouplent dès que les conditions sont favorables (Beatley, 1969; Beatley, 1976; Hoditschek et Best, 1983; Best et Hoditschek, 1986; Kenagy et Bartholomew, 1985; Gummer, 1997a). L’accouplement se fait à la surface (Engstrom et Dowler, 1981). Chez les rats kangourous canadiens, la reproduction n’a lieu que lorsqu’il n’y a pas de neige, en général du début du printemps (de mars à avril) au début de l’automne (septembre; Kenny, 1989; Gummer, 1997a). Toutefois, on a observé, une année, des tentatives d’accouplement au milieu d’un hiver doux (Gummer, 2005).

La taille moyenne des portées est de 3 rejetons, selon le compte d’embryons et de cicatrices placentaires des spécimens de musée (étendue de 1 à 6, n = 16; Royal Alberta Museum) et est semblable dans l’ensemble de l’aire de répartition géographique de l’espèce (Gummer, 1997a). La gestation dure environ 29 jours (Duke, 1944; Day et al., 1956; Smith et Jorgensen, 1975; Jones, 1993) et la lactation est de 14 à 21 jours (McCulloch et Inglis, 1961). Les femelles en lactation semblent capables de concevoir avant le sevrage de leur portée précédente (Nielson, 1941; Gummer, 1997a). Le nombre de juvéniles sevrés parmi 98 portées dans les Middle Sand Hills a varié de 1 à 4 (Gummer, 1997a).

Les femelles adultes au Canada peuvent avoir jusqu’à 4 portées par année (Gummer, 1997a), ce qui est considérablement plus élevé que le nombre d’autres populations (1 à 2 portées par année; Gummer, 1997a). Les femelles juvéniles arrivent à maturité sexuelle lorsqu’elles atteignent environ 73 p. 100 de la masse corporelle d’un individu adulte, ce qui correspond à un âge moyen d’environ 47 jours à la première reproduction (Gummer, 1997a). Cela est beaucoup plus précoce que dans d’autres populations (de 60 à 90 jours; Best et Hoditschek, 1986; McCulloch et Inglis, 1961; Smith et Jorgensen, 1975; Jones, 1985; Eisenberg, 1993). Les mâles peuvent se reproduire lorsqu’ils ont atteint 61 jours et environ 79 p. 100 de leur masse corporelle adulte (Gummer, 1997a). La plupart des rats kangourous septentrionaux ne survivent pas plus d’un an, et produisent jusqu’à 2 portées au cours de leur première année (Gummer, 1997a); par conséquent, le temps de génération de cette population est de moins d’un an.


Prédateurs

Les prédateurs connus du rat kangourou d’Ord au Canada sont le grand-duc d’Amérique (Bubo virginianus; Schowalter et al., 2002), la chevêche des terriers (Athene cunicularia; Gummer, données inédites; Poulin et al., comm. pers., 2005), le crotale de l'Ouest (Crotalus viridis; Gummer et Robertson, 2003c) et le blaireau d'Amérique (Taxidea taxus; Gummer, données inédites). On a vu des chats domestiques chassant dans l’habitat du rat kangourou dans les Middle Sand Hills (Gummer, données inédites); autant les chats que les chiens ont rapporté des rats kangourous morts à leurs propriétaires (Royal Saskatchewan Museum, Gummer, données inédites). Bien que les rapaces diurnes ne soient pas, en général, considérés comme des prédateurs des rats kangourous, Gummer (données inédites) a rapporté le témoignage d’un propriétaire foncier affirmant avoir vu des rapaces diurnes (non identifiés) attraper des rats kangourous le jour lorsque les terriers étaient perturbés par les cultures. Parmi les autres prédateurs probables des rats kangourous au Canada, on compte le hibou des marais (Asio flammeus), le hibou moyen-duc (A. otus), le renard roux (Vulpes vulpes), le renard véloce (V. velox), le coyote (Canis latrans), le lynx roux (Lynx rufus), la belette pygmée (Mustela nivalis), la belette à longue queue (M. frenata), la moufette rayée (Mephitis mephitis), le raton laveur (Procyon lotor) et la couleuvre à nez mince (Pituophis melanoleucus).

Les rats kangourous disposent de nombreuses stratégies pour déjouer les prédateurs. Leur bipédie erratique est sans doute une évolution déterminée par la sélection naturelle pour éviter les prédateurs, surtout parce que ce mode de locomotion assure un déplacement rapide vers la sécurité des terriers et qui demande peu d’énergie sur des surfaces dégagées (Bartholomew et Caswell, 1951, Yousef et al., 1970). L’oreille moyenne du rat kangourou d’Ord peut détecter les fréquences acoustiques des bruissements d’ailes des strigidés et du mouvement de frappe des serpents, ce qui lui permet de se protéger contre ces prédateurs (Webster et Webster, 1971; Webster et Webster, 1975). Les rats kangourous Dipodomys spectabilis tapent du pied pour sonner l’alarme (Randall et Stevens, 1987). Les rats kangourous d’Ord peuvent également taper du pied (Brown, 1989) pour alerter les serpents prédateurs qu’ils ont été détectés et leur faire abandonner leur chasse (Randall et Stevens, 1987). Les rats kangourous sont moins actifs dans les habitats dégagés au clair de lune ou pendant les aurores boréales, probablement pour éviter d’être repérés par les prédateurs qui s’orientent à la vue (O’Farrell, 1974; Rosenzweig, 1974; Kaufman et Kaufman, 1982; Gummer, données inédites).


Physiologie

Les rats kangourous sont adaptés aux milieux chauds, secs et désertiques (MacMillen, 1983; French, 1993; Tracy et Walsberg, 2002). Leur nature nocturne et fouisseuse leur permet d’éviter la chaleur et de conserver l’eau (Mullen, 1971). Les rats kangourous peuvent survivre sans eau exogène : ils satisfont leurs besoins métaboliques en mangeant des graines (Schmidt-Nielsen, 1964; MacMillen et Hinds, 1983). Ils sélectionnent les graines ayant la plus haute teneur en eau dans des essais d’alimentation (Frank, 1988), et les graines cachées dans les terriers ont la capacité d’emmagasiner de l’eau en absorbant l’humidité ambiante (Reichman et al., 1986; Nagy et Gruchacz, 1994). Les voies nasales du rat kangourou sont formées de sorte que l’humidité se condense au moyen d’un système d’échange thermique à

contre-courant, réduisant la perte d’eau (Jackson et Schmidt-Nielsen, 1964; Schmidt-Nielsen et al., 1970; Collins et al., 1971). En moyenne, les rats kangourous ont un métabolisme plus lent et perdent moins d’eau que d’autres mammifères de taille comparable (Schmidt-Nielsen, 1951; Fairbanks et al., 1983; Hinds et MacMillen, 1985). Kenny (1989) considère ces adaptations comme des signes que les rats kangourous d’Ord septentrionaux pourraient être vulnérables à la sécheresse, bien que cette hypothèse ne concorde pas avec le fait que l’espèce est adaptée aux conditions sèches et désertiques ailleurs dans son aire de répartition. Il est plus probable que le froid et la neige soient des facteurs limitatifs pour les rats kangourous d’Ord septentrionaux, parce qu’ils augmentent les besoins énergétiques et limitent la recherche de nourriture (Gummer, 1997a; Gummer, 2005).

Pour conserver leur énergie pendant l’hiver, les rats kangourous d’Ord canadiens entrent quotidiennement en léthargie (Gummer, 1997a; Gummer et Robertson, 2003c; Gummer, 2005). Des enregistreurs de données de température externes ou implantés ont permis d’observer que les rats kangourous n’entraient en léthargie que l’hiver, lorsque le sol était enneigé (Gummer, 1997a; Gummer et Robertson, 2003c; Gummer, 2005). Les rats kangourous sont surtout entrés en léthargie le jour, les épisodes pouvant durer jusqu’à 17 heures et les températures internes tomber à 13,5 ºC. Les individus sont sortis de leur léthargie en début de soirée et se sont probablement nourris dans les caches de nourriture souterraines pendant la nuit. Les individus ne sont généralement pas sortis des terriers lorsqu’il y avait de la neige au sol. Les rats kangourous entrent en léthargie jusqu’à 70 jours par hiver (Gummer, 2005), bien que certains individus ne le fassent pas lorsque l’hiver est doux (Gummer, 2005).

La population canadienne de rats kangourous d’Ord est la seule population du genre connue pour entrer en léthargie en milieu sauvage. Des études en laboratoire de congénères révèlent un taux extrême de perte de masse corporelle et de mortalité en l’espace de quelques jours lorsque la faim et le froid forcent les individus à entrer en léthargie (Dawson, 1955; Carpenter, 1966; Yousef et Dill, 1971; Breyen et al., 1973; MacMillen, 1983). De la même veine, on a relevé des captures et des observations de rats kangourous d’Ord à la surface du sol dans les emplacements plus au sud tout au long de l’année (Reynolds, 1958; Kenagy, 1973; O’Farrell, 1974; Nagy et Gruchacz, 1994), même lorsque la température de l’air frôlait - 19 ºC (Kenagy, 1973; O’Farrell, 1974) et qu’il y avait jusqu’à 40 p. 100 d’enneigement (Mullen, 1971; Kenagy, 1973; O’Farrell, 1974).


Territorialité, domaine vital et dispersion

Les rats kangourous sont territoriaux et défendent leurs terriers et leurs caches de nourriture souterraines (Eisenberg, 1963). Ils ne vivent pas en colonies : les individus sont solitaires et peu tolérants envers les conspécifiques qui partagent leur territoire (Bartholomew et Caswell, 1951; Garner, 1974; Daly et al., 1984). Certaines espèces tapent du pied pour signaler leur territoire (Ward et Randall, 1987).

Le cœur du domaine vital des rats kangourous auxquels on a posé un collier émetteur totalise environ 1 750 ± 620 m2 (écart-type ± 1, n = 28; Gummer et Robertson, 2003c). Il arrive toutefois que les rats kangourous d’Ord s’aventurent au-delà de cette limite la nuit, la superficie globale du domaine vital totalisant alors quelque 7 830 ± 2 930 m2 (n = 38). La largeur maximale moyenne du domaine vital est de 130 ± 35 m (n = 38).

Les juvéniles tendent à se disperser davantage que les adultes. Les distances de dispersion des juvéniles ne diffèrent pas selon le sexe. Elles sont très variables, et la médiane s’établit à 100 m; 75 p. 100 des juvéniles se dispersent sur moins de 500 m (Gummer, 1997a). Un mâle juvénile a parcouru environ 10 km le long d’un pare-feux sablonneux (Gummer, données inédites). La forte contiguïté des habitats façonnés par l’humain pourrait favoriser la dispersion et la colonisation d’autres habitats semblables. Les rats kangourous sont peu susceptibles de se disperser avec succès dans les dunes oùla végétation est dense, parce qu’ils ne peuvent pas se déplacer dans ces zones sans être vus.


Relations interspécifiques

La diète du rat kangourou d’Ord est composée principalement de graines. Les rats kangourous utilisent leurs abajoues pour transporter la nourriture jusqu’à leurs terriers. Outre les graines, ils recueillent de la végétation verte (Best et Hoditschek, 1982) et d’autres parties de plantes (silicules, gousses, pédoncules), des insectes (Johnson, 1961, Alcoze et Zimmerman, 1973; Flake, 1973) et des fragments osseux pour compléter leur diète et des herbes sèches pour fabriquer leur nid. Les rats kangourous canadiens récoltent les graines d’au moins 55 espèces de plantes indigènes (Beaudoin et Gummer, données inédites) comme l’hélianthe des prairies (Helianthus couplandii), le cactus (Opuntia spp.) et la psoralée lancéolée (Psoralea lanceolata). La diète comprend également une proportion élevée d’espèces de mauvaises herbes non indigènes comme la renouée des oiseaux (Polygonum aviculare) et la soude kali (Salsola kali), particulièrement dans les habitats façonnés par l’humain (perturbés).

Les rats kangourous sont importants dans les terres herbeuses et désertiques parce qu’ils mangent les graines et l’herbe et qu’ils remuent le sol (Brown et Heske, 1990; Heske et al., 1993; Kerley et al., 1997; Curtin et al., 2000; Brock et Kelt, 2004a). Le faible taux de survie des rats kangourous d’Ord septentrionaux (Gummer, 1997a) combiné avec leur activité de récolte et de stockage de graines fait qu’un grand nombre de graines cachées sont abandonnées sous le sol, oùelles peuvent germer ou profiter à d’autres granivores.

Parmi les autres petits rongeurs sympatriques avec le rat kangourou d’Ord au Canada, on compte la souris à abajoues des Plaines (Perognathus fasciatus), le rat à queue touffue (Neotoma cinerea), la souris sylvestre (Peromyscus maniculatus), la souris à sauterelles (Onychomys leucogaster), la souris des moissons (Reithrodontomys megalotis), la souris commune (Mus musculus), le campagnol des champs (Microtus pennsylvanicus), le campagnol de Gapper (Clethrionomys gapperi), le campagnol des armoises (Lagurus curtatus), le gaufre gris (Thomomys talpoides), le spermophile rayé (Spermophilus tridecemlineatus) et le spermophile de Richardson (S. richardsonii) (Epp et Waker, 1980; Smith, 1993; Reynolds et al., 1999). Dans une étude sur la compétition interspécifique, Munger et Brown (1981) ont constaté que l’exclusion des Dipodomys faisait augmenter l’abondance des plus petits rongeurs granivores et ne touchait pas les espèces omnivores. Dans certains cas, la souris à sauterelles omnivore (Onychomys leucogaster) semble déplacer le rat kangourou d’Ord vers des microhabitats oùle risque de prédation peut être plus élevé (Rebar et Conley, 1983).

Les rats kangourous d’Ord canadiens sont la seule population du genre connue pour être parasitée par des larves d’hypodermes, Cuterebra polita (Gummer et al., 1997). Le principal hôte du C. polita est sans doute le gaufre gris (Capelle, 1970), mais aucun des 86 gaufres gris capturés dans les Middle Sand Hills de 1994 à 2004 n’avait été parasité (Reynolds et al., 1999; Gummer, données inédites). Le C. polita pourrait avoir choisi le rat kangourou comme principal hôte, ou alors il pourrait s’agir d’une espèce d’hypoderme qui n’était pas connue auparavant. Le parasitisme par des larves d’hypodermes compromet la survie, la reproduction et la croissance de certains petits mammifères (Boonstra et al., 1980; Burns et al., 2005). Le parasitisme des rats kangourous d’Ord canadiens par des hypodermes réduit considérablement leur taux de reproduction et de survie hivernale (Gummer, données inédites). Les rats kangourous qui habitent des habitats façonnés par l’humain affichent une prévalence supérieure d’hypodermes (46 p. 100, n = 263) comparativement à ceux qui occupent des habitats naturels (15 p. 100, n = 252; Bender et al., 2005).


Adaptabilité

L’adaptabilité des rats kangourous canadiens est mise en évidence par leur utilisation opportuniste des zones sablonneuses produites par les activités humaines (Nero et Fyfe, 1956; Smith et Hampson, 1969; Gummer, 1999; Bender et al., 2005), semblable à celle observée chez d’autres rats kangourous (Stangl et al., 1992; Price et al., 1994; Brock et Kelt, 2004b). Bien que les habitats façonnés par l’humain semblent, à première vue, représenter des habitats supplémentaires pour les rats kangourous, on évalue actuellement la qualité de ces habitats et leurs effets sur la persistance à long terme de la population canadienne. On croit que les habitats façonnés par l’humain agissent comme des puits de population (Gummer, 1999; Bender et al., 2005).

Les rats kangourous canadiens affichent des taux de reproduction élevés (Gummer, 1997a) et s’accouplent dès que les conditions sont favorables (Gummer, 1997a; Gummer, 2005). Cela accroît le potentiel de colonisation de nouveaux habitats. De la même façon, les modèles d’activités saisonnières et le recours à la léthargie semblent varier selon la quantité de vivres dans les caches souterraines et les conditions climatiques (Gummer, 2005). Ensemble, ces stratégies permettent probablement à la population de rats kangourous de réagir rapidement au beau temps, aux changements climatiques ou à la gestion de l’habitat.

Les caractéristiques distinctes du cycle vital (p. ex. l’âge à la première reproduction; Gummer, 1997a) et de la physiologie (p. ex. la léthargie; Gummer, 2005) des rats kangourous d’Ord septentrionaux pourraient représenter une plasticité phénotypique ou une différenciation génétique (Gummer, 1997a, Gummer, 2005).

Les rats kangourous réduisent temporairement la superficie de leur domaine vital jusqu’à 50 p. 100 lorsque des activités industrielles ont lieu de jour dans les environs immédiats (Gummer et Robertson, 2003c). La contraction du domaine vital diminue sans doute les occasions de trouver de la nourriture, menant à l’épuisement des caches de nourriture souterraines et à la diminution des occasions de reproduction, qui pourraient éventuellement avoir des répercussions très négatives sur la population locale.

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