Programme de rétablissement pour l’alasmidonte naine (Alasmidonta heterodon) au Canada (projet) 2007

Illustration of Draft Wedgemussels. J. Domm for Fisheries and Oceans Canada

Juin 2007

Déclaration
Compétences responsables
Auteurs
Remerciements
Évaluation environnementale stratégique
Résidence
Avant-propos

La LEP est la loi fédérale qui constitue l'une des pierres d'assise de l'effort national commun de protection et de conservation des espèces en péril au Canada. Elle est en vigueur depuis 2003 et vise, entre autres, àpermettre le rétablissement des espèces qui, par suite de l'activité humaine, sont devenues des espèces disparues du pays, en voie de disparition ou menacées.

Dans le contexte de la conservation des espèces en péril, le rétablissement est le processus par lequel le déclin d'une espèce en voie de disparition, menacée ou disparue du pays est arrêté ou inversé et par lequel les menaces à sa survie sont éliminées ou réduites de façon à augmenter la probabilité de survie de l'espèce à l'état sauvage. Une espèce sera considérée comme rétablie lorsque sa survie à long terme à l'état sauvage aura été assurée.

Un programme de rétablissement est un document de planification qui identifie ce qui doit être réalisé pour arrêter ou inverser le déclin d'une espèce. Il établit des buts et des objectifs et indique les principaux champs des activités à entreprendre. La planification plus élaborée se fait à l'étape du plan d'action.

L'élaboration de programmes de rétablissement représente un engagement de toutes les provinces et de tous les territoires ainsi que de trois organismes fédéraux -- Environnement Canada, l'Agence Parcs Canada et Pêches et Océans Canada -- dans le cadre de l'Accord pour la protection des espèces en péril. Les articles 37 à 46 de la LEP décrivent le contenu d'un programme de rétablissement publié dans la présente série ainsi que le processus requis pour l'élaborer.

Selon le statut de l'espèce et le moment où elle a été évaluée, un programme de rétablissement doit être préparé dans un délai de un à deux ans après l'inscription de l'espèce à la Liste des espèces en péril de la LEP. Pour les espèces qui ont été inscrites à la LEP lorsque celle-ci a été adoptée, le délai est de trois à quatre ans.

Dans la plupart des cas, un ou plusieurs plans d'action seront élaborés pour définir et guider la mise en oeuvre du programme de rétablissement. Cependant, les recommandations contenues dans le programme de rétablissement suffisent pour permettre la participation des collectivités, des utilisateurs des terres et des conservationnistes à la mise en oeuvre du rétablissement. Le manque de certitude scientifique ne doit pas être prétexte à retarder la prise de mesures efficientes visant à prévenir la disparition ou le déclin d'une espèce.

Cette série présente les programmes de rétablissement élaborés ou adoptés par le gouvernement fédéral dans le cadre de la LEP. De nouveaux documents s'ajouteront régulièrement à mesure que de nouvelles espèces seront inscrites à la Liste des espèces en péril et que les programmes de rétablissement existants seront mis à jour.

Pour en savoir plus sur la Loi sur les espèces en péril et les initiatives de rétablissement, veuillez consulter le Registre public de la LEP et le site Web du Secrétariat du rétablissement (http://www.especesenperil.gc.ca/recovery/).

Ministère des Pêches et des Océans. 2007. Programme de rétablissement pour l'alasmidonte naine (Alasmidonta heterodon) au Canada. Série de programmes de rétablissement de la Loi sur les espèces en péril. Pêches et Océans Canada, Ottawa. vi + 11 p.

Des exemplaires supplémentaires peuvent être téléchargés à partir du site Web du Registre public de la LEP.

Illustration de la couverture: J. Domm pour Pêches et Océans Canada

Also available in English under the title:

« Recovery Strategy for the Dwarf Wedgemussel (Alasmidonta heterodon) in Canada ».


© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre des Pêches et des Océans, 2007. Tous droits réservés.

ISBN : À venir

Numéro de catalogue : À venir

Le contenu du présent document (à l'exceptoin de l'illustration de la couverture et de la figure) peut être utilisé sans permission, à condition que la source soit adéquatement citée.

Le présent programme de rétablissement pour l’alasmidonte naine au Canada a été préparé en collaboration avec les instances décrites dans la préface. Pêches et Océans Canada a examiné le document et l’a accepté comme programme de rétablissement pour l’alasmidonte naine au Canada, tel que requis par la Loi sur les espèces en péril.

En ce moment, le rétablissement de l’alasmidonte naine au Canada est irréalisable sur le plan technique et biologique. Compte tenu que la population est disparue du pays, les efforts de rétablissement d’autres espèces de la même région géographique ou qui font face à des menaces semblables, les programmes généraux de conservation dans la même région géographique ainsi que la protection d’individus, de leur résidence et de leur habitat essentiel grâce aux interdictions prévues par la LEP, ne seront pas efficaces dans le présent cas. Le rétablissement ne pourrait être possible que par la réintroduction de l’espèce, une mesure également jugée irréalisable.

La faisabilité sera évaluée à nouveau lorsqu’un changement des conditions ou de nouvelles connaissances le justifieront ainsi que, en particulier, tous les cinq ans dans le cadre du rapport obligatoire sur la mise en œuvre du programme de rétablissement.

En vertu de la Loi sur les espèces en péril, Pêches et Océans Canada est la compétence responsable pour l’alasmidonte naine.

Ce document a été préparé par Howard Powles (Université d’Ottawa). Il a été révisé par John Loch (Loch Consulting) et par des membres du personnel de Pêches et Océans Canada.

Todd Morris (MPO) et Janice Smith (Environnement Canada) ont fourni des conseils précieux en ce qui concerne la littérature récente et les contacts avec des experts du rétablissement des moules d’eau douce. Jess Jones (US Fish and Wildlife Service), David Berg (Miami University, Hamilton, Ohio) et Richard J. Neves (Virginia Tech) ont fourni des informations précieuses sur le potentiel de rétablissement de populations de moules d’eau douce disparues au pays.

Conformément à la Directive du Cabinet de 1999 sur l'évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, l’objet d’une évaluation environnemental stratégique (EES) est d’incorporer les considérations environnementales à l’élaboration des projets de politiques, de plans et de programmes publics pour appuyer une prise de décisions éclairées du point de vue de l’environnement.

La planification du rétablissement vise à favoriser les espèces en péril et la biodiversité en général. Il est cependant reconnu que des programmes peuvent, par inadvertance, produire des effets environnementaux qui dépassent les avantages prévus. Le processus de planification fondé sur des lignes directrices nationales tient directement compte de tous les effets environnementaux, notamment des incidences possibles sur les espèces ou les habitats non ciblés.

Étant donné que l’alasmidonte naine est disparue du Canada et que son rétablissement est jugé irréalisable, aucune mesure de rétablissement est considérée appropriée à ce moment ci. En conséquence, le présent programme de rétablissement n’aura aucun effet environnemental.

La LEP définit la résidence comme suit : Gîte -- terrier, nid ou autre aire ou lieu semblable -- occupé ou habituellement occupé par un ou plusieurs individus pendant tout ou partie de leur vie, notamment pendant la reproduction, l’élevage, les haltes migratoires, l’hivernage, l’alimentation ou l’hibernation [Paragraphe 2(1)].

La protection de la résidence est une exigence de la LEP distincte de l’élaboration d’un programme de rétablissement car elle se rapporte aux interdictions générales en vertu de la Loi (article 33). Pour faciliter la protection, les descriptions de la résidence ou les raisons pour lesquelles le concept de résidence ne s’applique pas à une espèce donnée sont publiées dans le Registre public de la LEP.

L'interdiction d'endommager ou de détruire la résidence [article 33 de la LEP] ne s'applique pas à une espèce disparue du pays au sujet de laquelle le programme de rétablissement ne recommande pas qu'elle soit réintroduite à l'état sauvage au Canada.

Pêches et Océans Canada a mené la préparation du présent programme de rétablissement pour l’alasmidonte naine au Canada. L’élaboration du programme de rétablissement a compris : i) la préparation d’une ébauche répondant aux exigences de la LEP pour les programmes de rétablissement des espèces disparues du Canada; ii) la diffusion de l’ébauche au gouvernement provincial du Nouveau Brunswick à des fins d’examen et de commentaires; iii) des consultations publiques; et iv) la rédaction définitive de la version proposée pour affichage dans le Registre public de la LEP.

La conclusion selon laquelle le rétablissement est irréalisable, y compris la justification de cette conclusion, a été examinée dans le cadre du processus de consultation et d’examen pour le programme de rétablissement. La décision finale et la formulation de celle ci relevaient du MPO, et ce dernier a pris en considération les commentaires reçus.

En 2000, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a désigné l’alasmidonte naine (Alasmidonta heterodonta) comme étant une espèce disparue du Canada.

L’alasmidonte naine vivait autrefois à environ 70 emplacements dans 15 bassins hydrographiques importants de la Caroline du Nord au Nouveau-Brunswick, et sa présence a toujours été considérée comme étant naturellement occasionnelle ou rare dans l’ensemble de cette aire de répartition. Au Canada, l’alasmidonte naine n’était présente qu’à plusieurs sites dans la rivière Petitcodiac (N.-B.), où elle était une espèce commune en 1960 (d’après un relevé effectué cette année là). L’espèce n’a toutefois pas été observée à nouveau lors des relevés subséquents en 1984 et en 1997 1998. Il existe une importante disjonction de l’aire de répartition de l’espèce entre un lieu de résidence au Vermont (Nord Est des États-Unis) et l’unique lieu d’occurrence historique au Canada. Cette répartition discontinue est peut être due au fait que la population canadienne provient d’un refuge glaciaire (zone sans glace ayant servi d’habitat durant les périodes glaciaires) différent de celui des populations des États Unis. Si tel est le cas, la population canadienne pourrait être isolée génétiquement des populations des États-Unis depuis au plus 50 000 ans et pourrait maintenant posséder des caractéristiques génétiques uniques. L’espèce est désignée en voie de disparition aux États-Unis, et elle peut maintenant être observée uniquement dans 20 des lieux où elle était présente autrefois.

Le cycle de vie de l’alasmidonte naine compte deux stades précoces critiques : le stade larvaire qui parasite un poisson hôte spécifique et le stade d’établissement où un microhabitat aux conditions particulières est nécessaire à la survie. L’identité de l’hôte de l’alasmidonte naine n’est pas connue avec certitude, mais des éléments suggèrent que l’alose savoureuse est l’hôte probable dans le réseau hydrographique de la rivière Petitcodiac. Un fond de sable ou de gravier fin est nécessaire à l’établissement de l’espèce et à la survie des adultes. Les juvéniles et les adultes ont apparemment besoin d’un habitat où l’eau est courante et ils sont sensibles aux faibles teneurs en oxygène, à l’envasement et à la pollution chimique.

La disparition de l’hôte, en raison de l’absence d’une passe à poissons au niveau du pont-jetée entre Moncton et Riverview (construit en 1968), serait la principale cause de la disparition de l’alasmidonte naine de la rivière Petitcodiac. La construction de ce pont jetée à entraîner des changements importants au sein des communautés de poissons, notamment la disparition de plusieurs espèces, y compris l’hôte présumé de l’alasmidonte naine, et une baisse considérable de l’effectif de populations d’autres espèces. Les données disponibles suggèrent qu’il reste encore un habitat de qualité pour l’alasmidonte naine dans le réseau hydrographique de la rivière Petitcodiac et ce, malgré la dégradation dans certains secteurs. Plusieurs autres espèces de moules d’eau douce, y compris deux espèces du même genre que l’alasmidonte naine (A. undulata et A. varicosa), ont récemment été observées dans ce réseau hydrographique.

En ce moment, le rétablissement de l’alasmidonte naine au Canada est jugé irréalisable. Pour que le rétablissement soit possible : 1) le pont jetée doit être reconfiguré afin de permettre le passage des poissons; 2) une nouvelle population de l’hôte de l’alasmidonte naine doit s’établir dans le réseau hydrographique de la rivière Petitcodiac, soit par le biais de processus naturels (l’alose savoureuse et d’autres espèces côtières sont présentes dans le fond de la baie de Fundy) ou par un ensemencement au moyen de poissons d’élevage; 3) des alasmidontes naines d’une autre population ou d’élevage doivent être introduites en nombre suffisant pour permettre l’établissement d’une population viable. Il est probable que plusieurs milliers d’adultes seraient nécessaires pour assurer la viabilité démographique d’une nouvelle population. Toutes ces étapes sont possibles, mais pas sans difficulté, ni incertitude. L’espèce est désignée en voie de disparition aux États Unis, ce qui pourrait limiter le nombre de poissons disponibles pour appuyer un programme de réintroduction.

Date de l'évaluation : Mai 2000

Nom commun : Alasmidonte naine

Nom scientifique : Alasmidonta heterodon

Statut du COSEPAC : Espèce disparue du Canada

Justification de la désignation : Autrefois, cette moule d'eau douce était présente dans un seul bassin hydrographique au Canada. Elle est disparue du pays à la suite de la construction d'un pont-jetée sur la rivière Petitcodiac en 1967-1968, et elle n'a jamais été observée à nouveau malgré les recherches systématiques et intensives effectuées dans son habitat.

Répartition : Nouveau-Brunswick

Historique du statut du COSEPAC : Espèce disparue du Canada en 1968 et désignée disparue du Canada en avril 1999. Statut évalué à nouveau et confirmé en mai 2000. Dernière évaluation fondée sur un rapport de situation publié.


L’alasmidonte naine est une petite moule d’eau douce dont la forme est vaguement trapézoïdale. Clarke (1981, et cité dans Hanson et Locke [1999]: 3-4) a décrit en détail l’espèce de la façon suivante :

Il existe très peu de données sur l’âge et la croissance de l’alasmidonte naine. La taille et l’âge à maturité n’ont jamais été déterminés. La détermination de l’âge est difficile en raison du fait que l’érosion de la coquille des plus gros individus entraîne la dégradation des stries de croissance. Des alasmidontes naines de dix ans ont été signalées, et des individus de 12 à 18 ans peuvent exister en théorie. Dans la rivière Petitcodiac, aucune alasmidonte naine n’a été observé en 1984, soit 16 ans après la construction du pont jetée de Moncton. Cela suggère une mortalité et une disparition rapides des individus vivants au moment de la construction (donc une durée de vie relativement courte), ainsi qu’un échec rapide du recrutement.

L’alasmidonte naine vivait autrefois à environ 70 emplacements dans 15 bassins hydrographiques importants de la Caroline du Nord au Nouveau Brunswick, et sa présence a toujours été considérée comme étant naturellement occasionnelle ou rare dans l’ensemble de cette aire de répartition. L’aire de répartition historique (figure 1) est plus ou moins continue aux États-Unis, de la Caroline du Nord à la rivière Connecticut au Vermont, mais il existe une importante disjonction géographique entre le lieu de résidence le plus au nord aux États-Unis (Vermont) et l’unique lieu d’occurrence historique au Canada (rivière Petitcodiac au Nouveau Brunswick). Aux États-Unis, l’espèce est maintenant présente dans seulement 20 des 70 lieux d’occurrence historiques, et la plupart des populations sont considérées comme petites ou en déclin (Nedeau, 2005). En 1990, l’espèce a été inscrite à la liste des espèces en voie de disparition en vertu de la US Endangered Species Act.

Au Canada, l’alasmidonte naine n’était présente qu’à plusieurs sites dans la rivière Petitcodiac (N.-B.), où elle était une espèce commune en 1960 (d’après un relevé effectué cette année là). L’espèce n’a toutefois pas été observée à nouveau lors des relevés subséquents en 1984 et en 1997 1998. L’espèce n’a jamais été observée dans les autres cours d’eau qui se jettent dans la baie de Fundy, ni dans ceux du Maine et ce, malgré la présence d’habitats aux conditions appropriées (Nedeau, 2005). En raison de la distance entre la population canadienne et les populations aux États Unis, Nedeau (2005) a suggéré que la population de la rivière Petitcodiac provient d’un refuge glaciaire différent de celui des populations des États-Unis et qu’elle pourrait donc être isolée génétiquement de ces autres populations depuis au plus 50 000 ans. Plusieurs autres espèces de moules ont une aire de répartition discontinue de façon semblable, notamment la lampsile jaune (Lampsilis cariosa), une ligumie (Ligumia ochracea), l’alasmidone renflée (Alasmidonta varicosa) et la lampsile rayée (Lampsilis radiata).

Les besoins en matière d’habitat de l’alasmidonte naine sont bien documentés grâce aux efforts de rétablissement menés aux États Unis. L’espèce vit dans des cours d’eau peu profonds à courant lent ou modéré et d’une largeur variant de moins de 5 m à plus de 100 mètres.

Figure 1 : Aire de répartition historique de l'alasmidonte naine en Amérique du Nord (Nedeau, 2005), d'après les données tirées du plan fédéral de rétablissement de l'alasmidonte naine du United States Fish and Wildlife Service (1993).

L’espèce est toujours observée sur des fonds de sable ou de gravier fin et souvent à des endroits caractérisés par des pierres ou des cailloux ainsi que près de rivages sous des arbres en surplomb. De plus, l’espèce tolère très peu les fonds limoneux et les faibles teneurs en oxygène.

Il existe très peu de données disponibles sur la biologie de l’alasmidonte naine, et ce que nous connaissons de cette espèce concorde avec la biologie générale des moules d’eau douce. Les œufs sont fécondés au milieu de l’été ou à l’automne, et les glochidies (larves) arrivent à maturité dans une région spécialisée des branchies des femelles appelée marsupium. Une fois libérées dans l’eau au printemps, les glochidies s’agrippent aux nageoires et aux branchies des poissons à l’aide de petits crochets, puis elles s’enkystent dans les poissons hôtes. Après plusieurs semaines, les kystes se rompent et les moules juvéniles gagnent le fond en tombant. Le succès de l’établissement dépend de la présence d’un substrat adéquat composé de sable ou de gravier fin. Les moules juvéniles s’enfouissent dans les sédiments et se nourrissent en extrayant des algues et des débris organiques fins de l’eau par filtration. Une fois établies, les moules sont essentiellement sédentaires, leurs déplacements les plus longs se mesurant en mètres.

L’identité des poissons hôtes de l’alasmidonte naine sauvage n’est pas connue avec certitude même si, d’après des études en laboratoire, plusieurs espèces sont capables de transporter les larves. L’alasmidonte naine a des exigences beaucoup plus rigoureuses que de nombreuses autres espèces de moules d’eau douce en terme d’hôte. L’hôte principal des alasmidontes naines des populations des États-Unis serait le dard tesselé (Etheostoma olmstedi) [Nedeau, 2005]. Parmi les espèces qui sont capables de jouer le rôle d’hôte pour l’alasmidonte naine, seul les tacons de saumon atlantique (Salmo salar) étaient autrefois présents dans la rivière Petitcodiac. L’hôte le plus probable de l’alasmidonte naine du réseau hydrographique de la rivière Petitcodiac aurait toutefois été l’alose savoureuse (Alosa sapidissima), qui était présente aux endroits où l’alasmidonte naine a été observée et qui est disparue de la rivière immédiatement après la construction du pont jetée (Hanson et Locke, 1999). Il est peu probable que le saumon atlantique ait été le principal hôte puisqu’une population de cette espèce a survécu dans la rivière Petitcodiac jusque dans les années 1990 (l’effectif de cette population ayant été accru par un ensemencement au moyen de tacons), soit longtemps après la disparition de l’alasmidonte naine.

Compte tenu de son abondance historique relativement faible dans l’ensemble de son aire de répartition, il est possible que l’alasmidonte naine n’ait pas joué un rôle important dans les écosystèmes aquatiques. Le réseau hydrographique de la rivière Petitcodiac était un des deux endroits en Amérique du Nord où l’espèce était autrefois considérée comme commune, mais compte tenu des lacunes dans les connaissances sur l’espèce et sa biologie dans ce réseau, il n’est pas possible de décrire quel était son rôle sur le plan écologique.

Les moules d’eau douce, en tant qu’organismes benthiques filtreurs, jouent un rôle dans la transformation du plancton en biomasse benthique puis, en bout de ligne, servent de proies pour des prédateurs aquatiques, aviaires et terrestres. Elles sont considérées comme un bon indice de la qualité de l’eau dans les écosystèmes aquatiques en raison de leur sensibilité à l’envasement, aux faibles teneurs en oxygène et aux changements dans les communautés de poissons.

Comme c’est le cas pour d’autres moules d’eau douce, le cycle de vie de l’alasmidonte naine compte deux stades précoces critiques : le stade qui parasite un poisson hôte spécifique et auquel la dispersion peut se produire; le stade d’établissement où un microhabitat aux conditions particulières est nécessaire à la survie. L’abondance du poisson hôte et la disponibilité de l’habitat pour les adultes et les juvéniles (sable ou gravier fin) sont par conséquent des facteurs limitatifs.

L’alasmidonte naine est sensible à la dégradation de l’habitat, y compris à une réduction du débit, à l’envasement et aux faibles teneurs en oxygène. Le rat musqué est le seul prédateur connu des moules d’eau douce adultes, mais il n’est pas considéré comme facteur important ayant mené à la disparition de l’alasmidonte naine du Canada.

Une évaluation exhaustive des menaces est impossible puisque l’espèce est disparue du Canada et que les données historiques sont peu nombreuses. Les données disponibles suggèrent que la disparition de l’hôte, en raison de l’absence d’une passe à poissons au niveau du pont-jetée entre Moncton et Riverview (construit en 1968), serait la principale cause de la disparition de l’alasmidonte naine. La construction de ce pont jetée à entraîner des changements importants au sein des communautés de poissons, y compris la disparition de populations de plusieurs espèces (l’alose savoureuse [Alosa sapidissima], le saumon atlantique [Salmo salar], le poulamon [Microgadus tomcod] et le bar rayé [Morone saxatilis]) et une baisse considérable de l’effectif de populations d’autres espèces (le gaspareau [Alosa pseudoharengus], l’alose d’été [Alosa aestivalis], l’éperlan arc en ciel [Osmerus mordax] et la truite de mer [Salvelinus fontinalis]). Les informations disponibles suggèrent qu’il existe encore un habitat de qualité pour l’alasmidonte naine dans le réseau hydrographique de la rivière Petitcodiac et ce, malgré la dégradation dans certains secteurs. Plusieurs autres espèces de moules d’eau douce, y compris deux espèces du même genre que l’alasmidonte naine (A. undulata et A. varicosa), ont récemment été observées dans ce réseau hydrographique.


1 Sauf indication contraire, toute l'information présentée dans cette section, à l'exception de l'information sur l'évaluation de l'espèce par le COSEPAC (section 1.1), est tirée de Hanson et Locke (1999).

La seule approche possible au rétablissement de l’alasmidonte naine serait d’établir une population viable en réintroduisant des individus d’une autre population. En ce moment, le rétablissement de l’alasmidonte naine est jugé irréalisable, d’après un examen d’une série de questions dans les sections suivantes.

Des techniques de rétablissement de populations de moules d’eau douce disparues du pays sont présentement en voie d’élaboration et sont prometteuses. Trois approches de rétablissement sont mises à l’essai : la propagation de moules en captivité pour appuyer l’établissement d’individus en milieu sauvage; l’infection de poissons hôtes par des larves et la mise à l’eau de ces poissons afin de permettre aux larves de s’établir dans le milieu sauvage; la translocation directe d’adultes de populations viables dans des secteurs où les moules vivaient autrefois. Toutes ces approches ont déjà mené à l’introduction réussie d’individus viables dans le milieu sauvage, et, dans le cas d’une espèce de lampsile (Lampsilis rafinesqueana), la progéniture a été obtenue en captivité au moyen de méthodes de propagation contrôlées puis elle a été libérée dans le milieu sauvage pour créer une nouvelle population (Jess Jones, comm. pers.).

Bien qu’il n’y ait aucune ligne directrice établie relativement au nombre d’individus requis pour assurer l’établissement d’une population viable sur le plan démographique, il est réaliste de supposer que plusieurs milliers d’adultes seraient probablement nécessaires. Des tailles de population effective de 250 individus (pour être au dessus du seuil « en voie de disparition ») à 1000 individus (pour être au dessus du seuil « menacé ») seraient nécessaires pour assurer une viabilité sur le plan génétique, d’après les critères d’évaluation pour les espèces en péril de l’Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (UICN). Cependant, les tailles de population effective constituent habituellement une petite fraction des tailles d’inventaire (de 5 à 10 %). Par conséquent, des tailles d’inventaire de plusieurs milliers seraient nécessaires pour veiller à ce que les tailles minimales de population effective soient atteintes (Jess Jones, comm. pers.).

L’atteinte de ce niveau d’abondance dans une population rétablie de l’alasmidonte naine nécessiterait soit l’importation de plusieurs milliers d’adultes viables de populations des États-Unis ou un effort considérable de propagation afin de constituer un stock de départ de milliers d’individus à partir d’un petit nombre d’individus importés. Des juvéniles de l’alasmidonte naine ont été obtenus avec succès en captivité (Richard Neves, comm. pers.), ce qui suggère qu’une approche de rétablissement axée sur des individus obtenus par propagation pourrait être efficace.

L’espèce est désignée en voie de disparition aux États Unis. Malgré son abondance relative à un site dans ce pays (Nedeau, 2005), il est incertain qu’un nombre suffisant d’individus pourrait être disponible pour l’établissement d’une population viable au Canada, compte tenu de l’incidence possible du prélèvement d’individus sur les efforts de rétablissement aux États Unis. La propagation en captivité à partir d’un nombre limité de reproducteurs sauvages est peut-être possible et elle réduirait au minimum l’incidence du prélèvement d’individus de populations sauvages.

Il n’est pas certain que les individus des populations des États-Unis auraient les mêmes caractéristiques génétiques que la population canadienne disparue. Compte tenu de l’importante disjonction de l’aire de répartition entre la population canadienne disparue et les populations des États-Unis, de la possibilité d’une origine post glaciaire différente et de la séparation génétique de longue date entre les populations des deux pays (Nedeau, 2005), la population canadienne possédait peut-être des caractéristiques génétiques uniques qui ne pourraient être observées chez des moules provenant des États Unis.

Un habitat adéquat pour les alasmidontes naines adultes et juvéniles semble présent dans le réseau hydrographique de la rivière Petitcodiac (les rivières Little, Petitcodiac, North et Anagance). Une partie de l’ancienne aire de répartition (rivière North, de Fawcett au pont de la route 112) a été dégradée par des activités de développement agricole (ruissellement de produits chimiques, destruction de rivages par les bovins et faibles teneurs en oxygène) et n’est par conséquent plus adéquate. Cet habitat pourrait probablement être restauré.

La faisabilité du rétablissement de l’alasmidonte naine dépend également de la disponibilité d’un habitat suffisant pour le poisson hôte. L’hôte présumé de l’alasmidonte naine (l’alose savoureuse) est disparu de la rivière Petitcodiac après la construction du pont jetée entre Moncton et Riverview. Les conditions préalables nécessaires pour assurer la présence d’un habitat adéquat pour l’alasmidonte naine comprennent donc la restauration d’un passage pour les poissons en enlevant ou en reconfigurant le pont jetée ainsi que le rétablissement d’une population du poisson hôte.

Le gouvernement du Nouveau Brunswick a effectué une évaluation des incidences environnementales de différentes options de reconfiguration du pont jetée (gouvernement du Nouveau Brunswick, 2005) qui a permis de conclure que l’ajout d’une section de pont au pont jetée atténuerait ou éliminerait les répercussions sur la faune aquatique. Plus précisément, une telle modification permettrait le passage des espèces de poissons qui étaient autrefois présentes dans le cours supérieur de la rivière Petitcodiac et elle éliminerait les effets environnementaux aux conséquences néfastes pour les poissons (envasement du passage et état des sédiments dans l’eau). Bien qu’il n’y ait présentement aucun plan particulier en ce qui concerne la reconfiguration du pont jetée, de tels travaux pourraient être entrepris.

Si le pont jetée est reconfiguré de manière à permettre le passage des poissons, les populations d’alose savoureuse pourraient être rétablies par des poissons égarés provenant de populations avoisinantes ou par l’ensemencement à l’aide de poissons d’élevage. L’alose savoureuse est présente dans d’autres réseaux hydrographiques du fond de la baie de Fundy (Chaput et Bradford, 2003), et des individus de tous les réseaux hydrographiques de l’Amérique du Nord qui se jettent dans l’Atlantique se rassemblent dans le fond de la baie de Fundy lors de leur période en mer. L’espèce remonte des rivières qui se jettent dans le cour inférieur de la rivière Saint Jean ainsi que les rivières Shubenacadie et Stewiacke qui se jettent dans le bassin Minas (Chaput et Bradford, 2003). Une expérience menée aux États-Unis a montré que l’ensemencement à l’aide de poissons d’élevage peut appuyer le rétablissement des populations d’alose savoureuse dont l’effectif est bas (Olney et al., 2003; Interstate Commission on the Potomac River, 2004), bien que cette approche ait nécessité un investissement important sur le plan de l’élevage ainsi qu’une période de temps d’au moins une décennie. Peu d’expériences ont porté sur le rétablissement de populations dans des secteurs où celles ci sont disparues, mais un tel rétablissement est jugé possible.

L’alose savoureuse est l’hôte principal présumé de l’alasmidonte naine, mais certaines incertitudes demeurent à ce sujet. En conséquence, les efforts de rétablissement de l’alose savoureuse pourraient ne pas être suffisants pour préparer le terrain pour le rétablissement de l’alasmidonte naine. Le rétablissement de la communauté de poissons présente avant la disparition de l’alasmidonte naine pourrait être nécessaire.

En résumé, bien qu’un habitat de qualité pour les moules existe encore dans la rivière Petitcodiac, un effort considérable serait nécessaire pour restaurer l’habitat du poisson hôte et pour assurer le rétablissement de la population du poisson hôte.

Le rétablissement de l’alasmidonte naine nécessiterait une série d’étapes (la reconfiguration du pont jetée ainsi que le rétablissement de la population du poisson hôte et de celle de l’alasmidonte naine) non sans difficulté, ni incertitude. D’après l’évaluation effectuée aux points précédents, le rétablissement de l’alasmidonte naine est en ce moment jugé irréalisable sur le plan technique et biologique, mais une variation des facteurs qui ont mené à ce jugement pourraient éventuellement justifier une nouvelle évaluation. Les conditions suivantes doivent être satisfaites pour que le rétablissement soit jugé possible :

Il n'est pas certain que des efforts de rétablissement axés sur des individus des États Unis aboutiraient à une population génétiquement équivalente à la population canadienne disparue. En l’absence de données prouvant clairement le contraire, il semble approprié de fonder la réintroduction sur des individus des États-Unis si les conditions préalables susmentionnées sont satisfaites.

Puisque l’alasmidonte naine est disparue du Canada et qu’il existe peu de données sur son écologie et son habitat d’autrefois, il n’est pas possible de déterminer de façon précise l’habitat essentiel de l’espèce. L’habitat important pour l’espèce dans la rivière Petitcodiac était probablement caractérisé par une eau courante à teneur élevée en oxygène et à faible charge en sédiments, ainsi que par un fond de sable ou de gravier fin.

Des mesures de conservation de l’alasmidonte naine ne sont pas envisageables puisque la population est disparue du pays et que son rétablissement est jugé irréalisable. Cela dit, il demeure important de sensibiliser les Canadiennes et les Canadiens aux espèces que nous avons perdues, notamment l’alasmidonte naine.

Sauf indication contraire, l’information présentée dans cette ébauche du Programme de rétablissement est tirée du Rapport de situation du COSEPAC (Hanson et Locke, 1999), qui contient une quantité considérable d’informations originales fondées sur un relevé exhaustif mené par les auteurs en 1997 et en 1998.

Clarke, A. H., 1981. Les Mollusques d’eau douce du Canada. Musée national des sciences naturelles / Musées nationaux du Canada, Ottawa (Ontario). 446 pp.

Chaput, G et R. G. Bradford., 2003. L’Alose savoureuse (Alosa sapidissima) dans l’atlantique Canada. Secrétariat canadien de consultation scientifique. Document de recherche. 2003/009 : 71 pp.

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