Omble à tête plate (Salvelinus confluentus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC 2012 : chapitre 5

  • Populations des rivières Saskatchewan et Nelson
  • Populations de la côte sud de la Colombie-Britannique
  • Populations de l'ouest de l'Arctique
  • Populations du Pacifique
  • Populations de la partie supérieure du bassin versant du fleuve Yukon

Description et importance de l’espèce sauvage

Nom et classification

Phylum : Chordés

Classe : Actinoptérygiens

Ordre : Salmoniformes

Espèce : Salvelinus confluentus (Suckley 1859)

Nom commun français : omble à tête plate

Nom commun anglais : Bull Trout

La taxinomie des ombles nord-américains (Salvelinus), genre auquel appartient l’omble à tête plate (Salvelinus confluentus), présente une histoire complexe. Nombre des incertitudes qui pèsent sur la systématique de ce groupe caractérisé par sa grande plasticité phénotypique découlent des lacunes persistantes des analyses morphologiques dont il a fait l’objet. Ce genre holarctique a été profondément influencé par les glaciations du Pléistocène, et les épisodes de fragmentation de l’aire de répartition qui ont marqué son évolution viennent également obscurcir ses complexes rapports intraspécifiques. Les processus historiques, y compris la fragmentation au sein des refuges (Taylor et al., 1999; Brunner et al., 2001), ainsi que l’introgression entre les espèces au sein des refuges ou des zones libérées des glaces et subséquemment recolonisées (Bernatchez et al., 1995; Wilson et Bernatchez, 1998; Phillips et al., 1999; Redenbach et Taylor, 2002) ont vraisemblablement contribué aux contradictions relevées entre les phylogénies établies à l’aide de divers types de marqueurs -- morphologiques, nucléaires et ADN mitochondrial (Grewe et al., 1990; Phillips et al., 1999; Redenbach et Taylor, 2002; Crespi et Fulton, 2004).

Pendant de nombreuses années, le Dolly Varden (Salvelinus malma) et l’omble à tête plate ont été considérés comme des variantes géographiques faisant partie d’un seul et même « complexe d’espèces », soit celui de l’omble chevalier (Salvelinus alpinus). Même lorsque les analyses morphologiques ont donné à conclure qu’ils divergeaient suffisamment de l’omble chevalier pour être considérés comme des espèces distinctes, le S. confluentus est demeuré partie intégrante du complexe d’espèces S. malma (McPhail, 1961). L’omble à tête plate a souvent été considéré par le passé comme la forme dulcicole du Dolly Varden, mais des analyses ultérieures ont révélé des divergences morphologiques suffisamment marquées pour en faire une espèce distincte en 1978 (Cavender, 1978; Haas et McPhail, 1991). Les phylogénies moléculaires révèlent aujourd’hui que l’omble à tête plate et le Dolly Varden ne sont même pas des espèces sœurs et que leur ancêtre commun remonte probablement à plus d’un million d’années (Grewe et al., 1990; Crane et al., 1994; Phillips et al., 1994). Même s’il existe encore un certain degré d’hybridation et de flux génique (Baxter et al., 1997; Taylor et al., 2001; Redenbach et Taylor, 2003), des observations génétiques ultérieures démontrant que ces deux espèces maintiennent un patrimoine génétique distinct en sympatrie fournissent la preuve la plus concluante à ce jour que le Dolly Varden et l’omble à tête plate constituent deux espèces biologiquement différentes.

Description morphologique

L’omble à tête plate est un poisson au corps long et mince dont la tête et la gueule sont relativement grosses (figure 1), d’où son nom commun anglais de « Bull Trout ». La taille des poissons matures dépend des stratégies de survie utilisées (longueur moyenne et fourchette [en mm] : populations sédentaires = 250 [140-410]; populations fluviales > 400 [240-730]; populations lacustres > 400 [330-900+]; tiré de Pollard et Down, 2001; Rodtka, 2009; Mochnacz et al., en cours d’examen). Même si la documentation scientifique n’en fait pas beaucoup état, il est possible que les ombles à tête plate anadromes atteignent la taille la plus élevée (Brenkman et al., 2007).


Figure 1. Omble à tête plate (Salvelinus confluentus)

Vue latérale de l’omble à tête plate (voir description longue ci-dessous).

Illustration reproduite avec la permission de J.D. McPhail et D.L. McPhail.

Description pour la figure 1

Vue latérale de l’omble à tête plate. Ce poisson au corps long et mince présente une tête et une gueule relativement grosses. Les flancs et le dos portent des taches rondes de couleur pâle, tandis que la face ventrale est pâle. La nageoire caudale est légèrement fourchue.

La couleur du corps de l’omble à tête plate varie de vert olive à gris-bleu, la forme lacustre présentant souvent des flancs argentés (Nelson et Paetz, 1992). Les taches rondes et pâles de couleur rose, lilas, jaune-orange ou rouge qui ornent les flancs et le dos permettent de distinguer cette espèce des autres salmonidés : l’omble de fontaine (Salvelinus fontinalis) se distingue par les marques vermiformes pâles qui ornent le dessus de la tête, le dos et la nageoire dorsale, tandis que la truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss), la truite fardée (O. clarkii) et la truite brune (Salmo trutta) portent des taches foncées (Nelson et Paetz, 1992; McPhail, 2007). Le ventre de l’omble à tête plate est habituellement pâle, mais il peut prendre une coloration rouge ou orange chez les mâles en état de frayer (Nelson et Paetz, 1992). La nageoire caudale est légèrement fourchue, et les nageoires pelviennes et anale présentent parfois un bord antérieur blanc, qui n’est toutefois pas suivi de noir comme chez l’omble de fontaine (Nelson et Paetz, 1992). Les larves d’ombles à tête plate se distinguent de celles des autres salmonidés par la présence, sous le menton, d’une crête charnue proéminente (Gould, 1987).

L’omble à tête plate est morphologiquement très semblable au Dolly Varden. La distinction entre les deux espèces ne tient pas à une caractéristique unique et constante, mais plutôt à un ensemble de caractéristiques variables. En règle générale, la tête de l’omble à tête plate est plus grosse, plus large et plus aplatie que celle du Dolly Varden, et son corps est plus svelte et aplati ventralement (Cavender, 1978; Haas et McPhail, 1991). Le nombre de rayons branchiostèges, le nombre de rayons de la nageoire anale et le rapport de la longueur totale de la mâchoire supérieure sur la longueur normale du corps permettent ensemble, d’une manière générale, d’établir une distinction entre les deux espèces. Le rapport de la longueur de la mâchoire supérieure sur la longueur du corps a tendance à être plus grand chez l’omble à tête plate que chez le Dolly Varden. Le nombre de rayons de la nageoire anale et de rayons branchiostèges est aussi plus élevé (Haas et McPhail, 1991). Haas et McPhail (1991) proposent un protocole d’identification morphométrique fondé sur ces quatre variables.

Structure spatiale et variabilité des populations

La phylogéographie de l’omble à tête plate a été bien étudiée et fournit des preuves solides de l’existence de 2 lignées génétiques majeures de cette espèce dans le nord-ouest de l’Amérique du Nord : un groupe méridional côtier (que l’on désignera désormais sous le nom de lignée génétique 1) et un groupe intérieur (désigné sous le nom de lignée génétique 2). L’étude de l’ADN mitochondrial (ADNmt) a fourni les premiers indices génétiques : une étude des variations de l’ADNmt (115 sites de restriction sur 410 paires de bases) relevées dans 47 populations (n = 348) réparties dans l’ensemble de l’aire géographique a révélé l’existence d’une nette discontinuité dans la répartition géographique des haplotypes (combinaisons d’allèles de loci étroitement liés; Taylor et al., 1999). Si la plupart des sujets appartenant à la lignée génétique 1 définie par l’ADNmt s’observent dans la chaîne Côtière et la chaîne des Cascades ou à l’ouest de ces dernières, la plupart des sujets de la lignée génétique 2 définie par l’ADNmt se trouvent à l’est de ces chaînes de montagnes (figure 2). La divergence de séquence (d) entre ces lignées se compare à celle établie chez d’autres espèces de poissons holarctiques nordiques (d = 0,8 % [Taylor et al., 1999, 2001], alors qu’on obtient une divergence intraspécifique moyenne maximale d’environ 1,2 % pour 25 autres espèces [Bernatchez et Wilson, 1998]). Des études subséquentes de l’ADN nucléaire (microsatellites) réalisées dans l’ensemble de l’aire géographique de l’omble à tête plate corroborent de façon constante la présence et la répartition de ces groupes (Spruell et al., 2003; Taylor et Costello, 2006). Les résultats d’études morphologiques et d’études comparatives du cycle vital (Haas et McPhail, 2001; voir Répartition et migration) corroborent également l’existence de cette subdivision importante des populations d’ombles à tête plate entre les lignées génétiques 1 et 2.


Figure 2. Aire de répartition de 2 grandes lignées de l’omble à tête plate définies par l’analyse du polymorphisme de longueur des fragments de restriction (RFLP) de l’ADN mitochondrial réalisée sur 47 populations de cette espèce (n = 348)

Carte montrant l’aire de répartition de 2 importantes lignées de l’omble à tête plate dans le nord-ouest de l’Amérique du Nord (voir description longue ci-dessous).

Le trait noir continu séparant le groupe A (lignée génétique 1) du groupe B (lignée génétique 2) correspond approximativement à la crête de la chaîne des Cascades et de la chaîne Côtière. Adapté de Taylor et al., 1999.

Description pour la figure 2

Carte montrant l’aire de répartition de 2 importantes lignées de l’omble à tête plate dans le nord-ouest de l’Amérique du Nord. Celles-ci sont définies par l’analyse du polymorphisme de longueur des fragments de restriction de l’ADN mitochondrial (ADNmt) réalisée sur 47 populations.

Cette discontinuité génétique entre les populations de l’intérieur et de la côte qui coïncide avec la crête des chaînes Côtière et des Cascades est un phénomène qui s’observe également chez d’autres espèces de poissons du nord-ouest (p. ex., truite arc-en-ciel : McCusker et al., 2000; truite fardée : Allendorf et Leary, 1988; saumon quinnat (Oncorhynchus tshawytscha) : Teel et al., 2000; saumon coho (Oncorhynchus kisutch) : Small et al., 1998; meunier rouge (Catostomus catostomus) : McPhail et Taylor, 1999) ainsi qu’au sein d’autres taxons (p. ex., amphibiens : Carstens et al., 2005). Elle découle vraisemblablement de l’isolement historique de l’omble à tête plate dans deux refuges glaciaires distincts -- Chehalis et Columbia -- situés à la limite méridionale de l’inlandsis de la Cordillère au cours du Pléistocène tardif, et de sa dispersion postglaciaire subséquente à partir de ces deux refuges (Taylor et al., 1999).

Le refuge Chehalis est une région dominée par les affluents de la rivière Chehalis, entre le fleuve Columbia et le Puget Sound, restée exempte de glace pendant la majeure partie du Pléistocène. Si l’on en juge par la répartition des espèces endémiques et par les populations différenciées de poissons et de plantes qui s’y trouvent, il était probablement isolé du refuge Columbia voisin (voir Taylor et al., 1999). Il a probablement servi de refuge à la lignée génétique 1 de l’omble à tête plate, compte tenu de la présence de cette lignée dans la région méridionale de la Colombie-Britannique (cours inférieur du Fraser, en aval des systèmes du canyon Hell’s Gate et de la rivière Squamish), le Puget Sound et la presqu’île Olympic (ouest de l’État de Washington), le cours inférieur du Columbia et le fleuve Klamath (sud-ouest de l’Oregon (figure 2). La dispersion postglaciaire des ombles à partir de ce refuge jusque dans le cours inférieur du Fraser ou du Columbia, ou dans les systèmes côtiers voisins, pourrait avoir été rendue possible par des voies d’eau douce traversant les basses terres du Puget (McPhail, 1967; Thorson, 1980) ou même par la mer, étant donné le comportement anadrome de ce groupe (voir Dispersion et Migration). Le refuge Columbia a probablement constitué la source des ombles à tête plate colonisateurs postglaciaires de la lignée génétique 2. L’existence avérée de connexions postglaciaires dans le cours supérieur du Columbia, aux États-Unis et au Canada, jusque dans les réseaux hydrographiques situés au nord et à l’est (p. ex., rivière Liard en Colombie-Britannique, cours inférieur de la rivière de la Paix et rivières Athabasca et Saskatchewan Sud en Alberta) aurait contribué à la dispersion de ce groupe au-delà de la ligne continentale de partage des eaux jusque dans les régions intérieures (Lindsey et McPhail, 1986; McPhail et Lindsey, 1986).

Les modes de dispersion postglaciaire des ombles à partir de ces refuges peuvent également expliquer les aspects particuliers de la répartition géographique des deux lignées. Par exemple, les échanges fauniques survenus en amont, entre les bassins hydrographiques de l’intérieur et de la côte, expliquent probablement pourquoi on trouve dans tous les grands bassins versants côtiers situés au nord de la rivière Squamish (p. ex., Skeena, Stikine, Nass, Klinaklini) des ombles à tête plate à l’ADNmt et aux allèles d’ADN microsatellites propres à la lignée génétique 2 (figure 3; figure 4). On soupçonne fort que l’interdigitation des multiples affluents d’amont des cours d’eau ont contribué par le passé à ces échanges (Lindsey et McPhail, 1986; McPhail et Lindsey, 1986) et qu’elle a vraisemblablement favorisé l’expansion de la lignée génétique 2 à l’ouest de la chaîne Côtière, à mi-chemin de son extrémité nord (Taylor et al., 1999; Taylor et Costello, 2006).

On observe une autre anomalie à l’extrémité sud de l’aire de répartition de l’omble à tête plate : la lignée génétique 1 prédomine dans la région du cours inférieur du Columbia, sur la crête de la chaîne des Cascades ou à l’ouest de cette dernière (figure 2; Taylor et al., 1999, Spruell et al., 2003), et ce, malgré le rôle qu’aurait supposément joué la vallée du cours inférieur du Columbia à titre de refuge glaciaire pour la lignée génétique 2. Les poissons du refuge Columbia se sont vraisemblablement concentrés à l’est de la ligne de partage des eaux pour se disperser surtout vers l’intérieur, dans les portions supérieures des bassins du Columbia et du Fraser et d’autres bassins versants de l’intérieur, alors que ceux du refuge Chehalis ont colonisé les portions aval de la vallée du Columbia (Taylor et al., 1999). L’hypothèse selon laquelle le cours inférieur du Columbia ne constituerait pas une unité faunistique unique, s’agissant de la dispersion postglaciaire des poissons d’eau douce, a en fait été émise pour prendre en compte l’absence curieuse de plusieurs autres espèces largement répandues ailleurs dans ce système fluvial (McPhail et Lindsey, 1986).


Figure 3. Dendrogramme UPGMA de la divergence estimée entre les paires de séquences de 21 haplotypes d’ADN mitochondrial obtenu par analyse du RFLP

Dendrogramme UPGMA de la divergence estimée entre les paires de séquences de 21 haplotypes d’ADN mitochondrial (voir description longue ci-dessous).

L’analyse a porté sur 348 échantillons d’ombles à tête plate issus de 47 populations. Le dendrogramme indique les lieux géographiques d’où proviennent chacun des haplotypes. Adapté de Taylor et al., 1999. Les lignées génétiques et les populations anadromes probables (*) sont également indiquées.

Description pour la figure 3

Dendrogramme UPGMA (méthode d'agrégation de paires non pondérées faisant appel aux moyennes arithmétiques) de la divergence estimée entre les paires de séquences de 21 haplotypes d’ADN mitochondrial obtenu par analyse du polymorphisme de longueur des fragments de restriction. L’analyse a porté sur 348 échantillons d’ombles à tête plate issus de 47 populations. Les lieux géographiques d’où proviennent chacun des haplotypes sont indiqués. Les lignées génétiques et les populations anadromes probables sont également indiquées.


Figure 4. Dendrogramme UPGMA de la similitude génétique de 373 échantillons d’ombles à tête plate issus de 20 populations, estimée à partir des variations observées entre 7 loci microsatellites

Dendrogramme UPGMA de la similitude génétique de 373 échantillons d’ombles à tête plate issus de 20 populations (voir description longue ci-dessous).

Les nombres indiqués vis-à-vis des branches représentent les valeurs de bootstrap tirées de l’analyse de 1 000 pseudo-réplicats. Adapté de Taylor et Costello, 2006. Les lignées génétiques et les populations anadromes probables (*) sont également indiquées.

Description pour la figure 4

Dendrogramme UPGMA (méthode d'agrégation de paires non pondérées faisant appel aux moyennes arithmétiques) de la similitude génétique de 373 échantillons d’ombles à tête plate issus de 20 populations, estimée à partir des variations observées entre 7 loci microsatellites. Les lignées génétiques et les populations anadromes probables sont indiquées.

On observe une autre transition abrupte entre les lignées génétiques 1 et 2 de l’omble à tête plate dans la région du canyon du Fraser, portion du fleuve que l’on sait difficile à franchir pour les poissons (figure 3). Ce canyon est associé à des variations abruptes de la répartition des variations génétiques chez certaines autres espèces de poissons (voir Taylor et al., 1999) ainsi qu’à des changements dans la répartition géographique de plusieurs autres espèces (McPhail et Lindsey, 1986). Ce point de changement biogéoclimatique entre les milieux humides côtiers et les milieux secs intérieurs représente de toute évidence un obstacle naturel d’importance à la dispersion des poissons; il a maintenu une zone de contact bimodale entre les deux lignées de l’omble à tête plate qui ont colonisé ce fleuve à partir de deux directions opposées.

Outre la division majeure des ombles à tête plate en 2 lignées évolutionnaires, la division hiérarchique des variations génétiques entre les populations locales nous aide à mieux saisir la portée et l’origine de la diversité observée au sein de cette espèce. Dans l’ensemble de l’aire de répartition, la plupart des variations génétiques se manifestent à l’échelle des populations et des régions. Par exemple, une analyse de l’ADNmt (115 sites de restriction sur 410 paires de bases) réalisée auprès de 47 populations (n = 348) échantillonnées dans l’ensemble de l’aire géographique a révélé que 55 % de la variation se manifestait entre les lignées génétiques 1 et 2, 33 % entre les populations constituant chacun de ces groupes, et 12 % seulement au sein de ces populations (P < 0,00005; Taylor et al., 1999). De même, une étude approfondie des microsatellites (n = 7) au sein de 57 populations (n = 1 561) échantillonnées dans l’ensemble de l’aire de répartition a dévoilé que la plupart des variations (46 %) se manifestaient entre les 2 lignées, 21 % entre les populations constituant chacun de ces groupes et 33 % au sein de ces populations (P < 0,001; Taylor et Costello, 2006).

On conclut donc sans surprise à l’existence d’un haut degré de sous-structure au sein des lignées géographiques; les valeurs globales estimées de FST au sein des populations (n = 8-37) appartenant à l’une ou l’autre des lignées, mais distantes de plusieurs centaines de kilomètres, ont régulièrement oscillé entre 0,30 et 0,39 (P < 0,005) dans les études de microsatellites (N ≥ 5) (Taylor et al., 2001; Costello et al., 2003; Whiteley et al., 2004; Taylor et Costello, 2006). On observe même régulièrement une différenciation significative des microsatellites au sein des populations (P < 0,05) établies dans des endroits bien délimités (Spruell et al., 1999; Taylor et al., 2001; Costello et al., 2003; Taylor et Costello, 2006). Cependant, il convient d’user de prudence lorsqu’on définit les populations d’ombles à tête plate à partir de désignations fondées a priori sur le cours d’eau d’origine. À l’exemple de ce qui a été fait pour d’autres poissons frayant en eau courante, l’examen de la structure à petite échelle des populations d’ombles à tête plate s’appuie généralement sur la désignation de populations génétiques d’après le lieu de capture. Cependant, les cours d’eau d’origine ne correspondent pas tous à des unités génétiques désignables et, même si les niveaux de flux génique sont considérés faibles entre les populations d’ombles à tête plate, rien ne permet d’assurer que chacun des individus prélevés dans un site donné a vu le jour à cet endroit.

Au lieu de supposer d’entrée de jeu l’existence d’une certaine structure géographique des populations, il pourrait s’avérer préférable, lorsqu’on a affaire à des systèmes affichant de faibles niveaux de flux génique, de définir statistiquement des populations génétiques sans égard au lieu de capture en utilisant des méthodes de groupement génétique fondées sur des modèles. Une comparaison des méthodes de groupement génétique et d’une méthode classique fondée sur le cours d’eau d’origine appliquées aux ombles à tête plate du sud-ouest de l’Alberta a montré que la méthode du cours d’eau d’origine avait tendance à surestimer la structure des populations en raison d’effets génétiques et statistiques (Warnock et al., 2010). Par contre, les méthodes de groupement génétique risquent moins d’engendrer des groupements erronés et de les définir dans une structure hiérarchique (Warnock et al., 2010). Comme la désignation des populations influe lourdement sur les décisions de gestion, les études génétiques futures de l’omble à tête plate devraient opter pour cette approche plus objective.

Le flux génique restreint que laisse deviner le haut degré de sous-structure observé au sein des lignées géographiques de l’omble à tête plate favorise la divergence entre divers milieux sélectifs distincts (Lenormand, 2002). Compte tenu des indications empiriques selon lesquelles des estimations de divergence génétique neutre conduisent à des estimations prudentes de la divergence adaptative (Pfrender et al., 2000; Morgan et al., 2001), les résultats d’essais sur la variation génétique neutre effectués à l’aide de microsatellites mèneront vraisemblablement à des estimations prudentes de la biodiversité de l’omble à tête plate. À l’instar de ce qu’on observe communément chez les salmonidés (Quinn et Dittman, 1990), il est probable que les divergences affichées par l’omble à tête plate concernent surtout des caractéristiques quantitatives importantes pour la survie des populations dans des milieux particuliers. Les adaptations locales seront vraisemblablement plus évidentes à des échelles plus grandes; par exemple, au sein de populations occupant les quatre zones biogéographiques nationales d’eau douce (ZBNED) qu’englobe l’aire de répartition de l’omble à tête plate (ZBNED 4 [bassins versants des rivières Saskatchewan et Nelson], 6 [bassin du fleuve Yukon], 11 [Pacifique] et 13 [ouest de l’Arctique]; figure 5). La disjonction créée entre deux groupements de ces écozones (aires 4 et 13, et aires 11 et 6) par les Rocheuses, en particulier, favorise probablement la divergence adaptative.


Figure 5. Aire de répartition canadienne de l’omble à tête plate

Carte de l’aire de répartition canadienne de l’omble à tête plate (voir description longue ci-dessous).

Provenance des données : Province of British Columbia (2007); Rodtka (2009); Laframboise (comm. pers., 2010); Parkinson (comm. pers., 2010); Mochnacz et al., en cours d’examen); Reist et Sawatzky (en préparation); Hagen et Decker, (2011).

Description pour la figure 5

Carte de l’aire de répartition canadienne de l’omble à tête plate. Les zones occupées par les cinq unités désignables de l’omble à tête plate (populations de la côte sud de la Colombie-Britannique, populations de l’ouest de l’Arctique, populations de la partie supérieure du bassin versant du fleuve du Yukon, populations des rivières Saskatchewan et Nelson, et populations du Pacifique) sont indiquées.

Même si la concentration de variations génétiques au sein des populations et des régions géographiques s’observe fréquemment chez les poissons d’eau douce (voir par exemple Ward et al., 1994), cette tendance est plus prononcée chez l’omble à tête plate, et peut-être chez les ombles en général (Wilson et al., 1996; Angers et Bernatchez, 1998), que chez nombre d’autres salmonidés (voir par exemple Bernatchez et Osinov, 1995; Whiteley et al., 2004; Harris et Taylor, 2010). Par contre, la variabilité génétique au sein des populations d’ombles à tête plate est d’ordinaire inférieure à celle observée chez beaucoup d’autres salmonidés d’eau douce, y compris les autres ombles. Une étude des microsatellites (n = 7) réalisée auprès de 20 populations (n = 373) couvrant l’aire de répartition côtière de l’omble à tête plate du nord-ouest de l’État de Washington et du sud de la Colombie-Britannique (mais englobant les lignées génétiques 1 et 2) a permis d’établir l’hétérozygotie moyenne attendue (HE) à 0,35 (Taylor et Costello, 2006). Une autre étude des mêmes loci réalisée auprès de 37 populations canadiennes appartenant à la lignée génétique 2 (n = 1 188) a donnée une valeur moyenne de HE encore plus faible (0,24) (Costello et al., 2003). À titre de comparaison, la valeur HE moyenne de 5 autres espèces de salmonidés d’eau douce s’établit à 0,62 (voir Costello et al., 2003). Le recours à d’autres marqueurs génétiques indépendants (allozymes : Leary et al., 1993; ADNmt : Taylor et al., 1999) ainsi qu’aux microsatellites (Spruell et al., 1999, 2003; Taylor et al., 2001; Whiteley et al., 2006) a laissé constater la même tendance à la faible diversité génétique des populations d’ombles à tête plate dans l’ensemble de l’aire de répartition.

L’appauvrissement de la variation génétique neutre au sein des populations ne se traduit pas nécessairement par une faible variabilité des caractères liés à la valeur adaptative (Armbruster et al., 1998; Pfrender et al., 2000). Cet appauvrissement, couplé à la forte différentiation observée entre les populations, donne fortement à penser que l’omble à tête plate a subi par le passé des réductions importantes et répétées de la taille effective de ses populations. Cette évolution aura en partie été le résultat de l’incidence de la dispersion postglaciaire sur les processus démographiques stochastiques -- événements fondateurs, goulots d’étranglement, dérive génétique (Hewitt, 1996). Les baisses significatives (P < 0,05) observées de la diversité des microsatellites (HE et nombre d’allèles) au sein des populations vivant en périphérie des refuges présumés (Costello et al., 2003; Whiteley et al., 2006) traduisent bien l’incidence de la recolonisation postglaciaire sur la variation génétique. Certains facteurs contemporains influeront également sur ces processus démographiques, modifiant du coup les tendances historiques de la variation génétique intraspécifique. Par exemple, les études de microsatellites montrent que les obstacles à la migration (naturels ou construits par l’homme) influent sur la distribution de la variation génétique au sein des populations d’ombles à tête plate (Costello et al., 2003; Whiteley et al., 2006). Cependant, l’ampleur de cette incidence varie dans l’espace et interagit avec d’autres facteurs importants tels que la superficie du bassin versant et la complexité de l’habitat (Costello et al., 2003; Whiteley et al., 2006).

Les caractéristiques du cycle vital influent profondément sur l’impact de ces processus démographiques. Les ombles à tête plate, prédateurs de niveau trophique supérieur à maturité tardive et à forte longévité, ont tendance à former des populations relativement petites (voir Taille et tendances des populations). Ils sont ainsi particulièrement vulnérables aux effets d’événements fondateurs et de goulots d’étranglement (Avise, 2004). Des études de radiotélémétrie montrent que cette espèce principalement migratrice reste très fidèle à son aire de fraye et à son habitat d’hivernage (Swanberg, 1997a; Bahr et Shrimpton, 2004), caractéristique liée à la différenciation accrue des populations (Quinn et Dittman, 1990). D’autres obstacles intrinsèques, par exemple la tendance de la plupart des populations à éviter l’eau salée, pourraient également limiter le flux génique entre les populations locales. Les salmonidés qui migrent vers la mer présentent habituellement une différenciation génétique moindre que ceux qui sont dulcicoles (Ward et al., 1994). Néanmoins, rien ne prouve d’une manière concluante que la migration vers la mer influe sur la structure génétique de l’omble à tête plate (cette question mérite cependant d’être examinée de plus près) : les populations anadromes (voir Dispersion et migration) appartenant à la lignée génétique 1 (FST = 0,33, P < 0,001; Taylor et Costello, 2006) ne sont pas moins structurées que les populations non anadromes appartenant à la lignée génétique 2 (FST = 0,33-0,39, P < 0,005; Taylor et al., 2001; Costello et al., 2003).

Compte tenu de la pléthore des facteurs historiques, biologiques ou liés au paysage contemporain qui influent sur cette espèce, on ne saurait se surprendre des variations considérables de la structure génétique observées à petite échelle dans l’ensemble de l’aire de répartition. La tendance générale vers une faible diversité génétique au sein des populations et vers une forte différenciation des populations l’une par rapport à l’autre dissimule des différences significatives entre les valeurs moyennes de HE, le nombre d’allèles et l’indice FST par paires de populations entre les divers bassins versants (Whiteley et al., 2006). Cela indique la diversité des rôles joués par la dérive et les flux géniques à cette échelle.

Unités désignables

Les UD de l’omble à tête plate au Canada ont été évaluées d’après le caractère distinct et le caractère important du COSEPAC (2009). S’agissant de l’individualité, l’omble à tête plate s’observe dans 4 des 14 ZBNED du Canada (11 [Pacifique], 4 [rivières Saskatchewan et Nelson], 13 [ouest de l’Arctique] et 6 [bassin du fleuve Yukon]), ce qui laisse supposer l’existence de plusieurs UD distinctes. Divers aspects de la zoogéographie, de l’écologie et de l’histoire évolutionnaire de l’omble à tête plate viennent encore étayer cette hypothèse.

Premièrement, la ZBNED du Pacifique (figure 5) englobe en partie des populations d’ombles à tête plate présentes à l’est de la crête de la chaîne Côtière et de la chaîne des Cascades qui dépendent du Pacifique Nord. La disparition de ces populations entraînerait une perte d’environ 50 % de l’aire de répartition de l’espèce, et de la vaste majorité (> 90 %) de la portion de cette aire située à l’ouest de la ligne continentale de partage des eaux. Cet assemblage de populations est également le seul à contenir des représentants de la lignée génétique 1, principale lignée évolutionnaire d’ombles à tête plate dominant les populations situées à peu près au sud du 50e degré de latitude nord. La lignée génétique 1 renferme les seuls ombles à tête plate anadromes, dont le mode de vie nettement différent de celui des populations dulcicoles résulte de diverses adaptations à la vie en milieu marin. Des études plus approfondies s’imposent, mais rien ne prouve encore d’une manière concluante que la migration vers la mer influe sur le caractère génétique distinct de l’omble à tête plate (Taylor et al., 2001; Costello et al., 2003).

La ZBNED du Pacifique renferme également des représentants de l’autre lignée évolutionnaire principale de l’omble à tête plate : la lignée génétique 2. Bien que la plupart des systèmes fluviaux de cette ZBNED renferment des populations qui n’appartiennent qu’à l’une ou l’autre de ces lignées, un bassin important -- celui du Fraser -- abrite des populations des deux. Ces lignées se distinguent par leur ADNmt ainsi que par des ensembles divers et indépendants de caractéristiques (marqueurs d’ADN nucléaire neutres ou autres caractéristiques ou tendances biogéographiques héréditaires). Il est en conséquence proposé de définir deux UD hypothétiques pour la ZBNED du Pacifique : 1) lignée génétique 1 : populations de la côte sud de la Colombie-Britannique; 2) lignée génétique 2 : populations du Pacifique. Toutes les autres UD supposées ne renferment que des représentants de la lignée génétique 2.

Deuxièmement, la ZBNED du bassin versant du Yukon (figure 5) englobe une UD proposée (lignée génétique 2 : populations de la partie supérieure du bassin versant du fleuve Yukon) dont les populations dépendent du bassin versant du fleuve Yukon. Il s’agit du seul assemblage de populations d’ombles à tête plate situé à l’ouest de la ligne continentale de partage des eaux vivant dans un système tributaire de la mer de Béring. La portion du bassin du Yukon qui se trouve en Colombie-Britannique (où vit l’omble à tête plate) abrite une faune dulcicole particulière : nombre des espèces qui s’y trouvent sont issues du refuge glaciaire de Béring (Lindsey et McPhail, 1986), ce qui fait que les populations d’ombles à tête plate y connaissent des conditions écologiques très inhabituelles pour l’espèce dans son ensemble.

Troisièmement, la ZBNED de l’ouest de l’Arctique (figure 5) englobe une UD (lignée génétique 2 : populations de l’ouest de l’Arctique) dont les populations proviennent du système du Mackenzie (et de ses principaux affluents tels que les rivières Liard, de la Paix et Athabasca). Ces cours d’eau renferment un assemblage zoogéographique particulier de poissons (mélange variable d’espèces issues principalement des régions de Béring et des grandes plaines), et la perte de ces populations réduirait de 30 % environ l’aire de répartition de l’omble à tête plate et signifierait la disparition des quelques populations présentes au nord du cercle arctique.

Enfin, la ZBNED du bassin des rivières Saskatchewan et Nelson (figure 5) constitue une UD proposée (lignée génétique 2 : populations des rivières Saskatchewan et Nelson) dont les populations dépendent de la portion occidentale du cours supérieur des rivières Saskatchewan Nord et Sud. Ces systèmes, en particulier le dernier d’entre eux, sont dominés par une icthyofaune des grandes plaines exposée à des conditions écologiques qui se distinguent passablement de celles observées dans d’autres bassins versants de l’Arctique s’écoulant vers le nord (et à l’est de la ligne continentale de partage des eaux). La perte de ces populations éliminerait la seule composante de l’assemblage d’ombles à tête plate présent dans des bassins versants canadiens tributaires de la baie d’Hudson.

En résumé, la reconnaissance de cinq UD d’ombles à tête plate s’appuie sur le caractère distinct évident que manifestent les deux lignées phylogénétiques occupant quatre ZBNED. Ces UD se distinguent par ailleurs par les conditions écologiques et zoogéographiques auxquelles elles sont associées (et par les différences phylogéographiques et adaptatives réalisées et inférées que cette association suppose), par leur indépendance démographique actuelle (elles ont toutes été historiquement séparées l’une de l’autre par les lignes de partage de bassins versants naturels et le sont encore aujourd’hui), et la disparition de l’une ou l’autre d’entre elles créerait un vide important dans l’aire de répartition canadienne de l’espèce. En conséquence, le présent rapport reconnaît cinq UD pour l’omble à tête plate au Canada (figure 5) :

UD1 [lignée génétique 1 : populations de la côte sud de la Colombie-Britannique]
UD2 [lignée génétique 2 : populations de l’ouest de l’Arctique]
UD3 [lignée génétique 2 : populations de la partie supérieure du bassin versant du fleuve Yukon]
UD4 [lignée génétique 2 : populations des rivières Saskatchewan et Nelson]
UD5 [lignée génétique 2 : populations du Pacifique]

Importance de l’espèce

Le statut d’« espèce vulnérable » attribué à l’échelle mondiale à l’omble à tête plate (NatureServe, 2009; IUCN, 2010) est un reflet du risque modéré de disparition ou d’élimination qu’il court. Malgré le déclin général qu’elle a subi dans l’ensemble de son aire de répartition au cours du dernier siècle, on juge que l’aire de répartition canadienne de cette espèce constitue un bastion naturel. L’examen des tendances des populations du nord au sud montre que les risques augmentent près des limites méridionales de l’aire de répartition (Haas et McPhail, 1991). L’omble à tête plate est considéré comme « en voie de disparition » (« endangered ») aux termes de l’Endangered Species Act des États-Unis (USFWS, 1999), nombre de ses populations étant déjà disparues ou isolées dans ce pays (Rieman et McIntyre, 1993). Compte tenu de sa faible tolérance aux conditions environnementales et de sa large répartition en Colombie-Britannique, l’omble à tête plate est considéré comme une espèce indicatrice dans cette province, où son statut peut être considéré comme représentatif de la santé des bassins versants qu’il fréquente (BCMWLAP, 2002).

Le rôle écologique de l’omble à tête plate a fait l’objet de peu d’études, mais l’appétit vorace de ce poisson piscivore influe probablement beaucoup sur la structure des communautés, de même que sur les flux d’énergie et de nutriments des écosystèmes. Cette supposition s’appuie sur les résultats d’études réalisées sur d’autres poissons piscivores, y compris d’autres ombles, qui démontrent la capacité de régulation exercée indirectement par ces espèces sur les organismes des niveaux trophiques inférieurs (voir par exemple Nakano et al. (1999) et Baxter et al. (2004) sur le Dolly Varden, et Bechara et al. (1992) sur l’omble de fontaine). Combinée à son comportement migratoire, cette caractéristique conduit l’omble à tête plate à servir de lien entre les réseaux trophiques et à favoriser ainsi le flux d’énergie et de nutriments entre les divers milieux. Ici encore, les données qui laissent supposer ce rôle sont issues de la description d’autres espèces de poissons migrateurs (voir par exemple Gende et al., 2002).

L’omble à tête plate se caractérise par la très grande diversité de ses cycles vitaux. Les populations anadromes de la lignée génétique 1 vivant dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique (bassins du Fraser et de la Squamish) et dans le nord-ouest de l’État de Washington présentent un intérêt particulier à cause de leur comportement migratoire unique (Cavender, 1978; Haas et McPhail, 1991; Brenkman et Corbett, 2005; Brenkman et al., 2007). L’espèce se distingue par ailleurs par les hauts degrés de diversité génétique affichés entre les populations et les régions. L’approfondissement des connaissances sur cette phylogéographie nous éclaire sur la biogéographie du nord-ouest de l’Amérique du Nord (voir par exemple Taylor et al., 1999). Les sites de contact entre l’omble à tête plate et le Dolly Varden présentent un intérêt scientifique particulier puisqu’on y constate la persistance de populations sympatriques d’espèces génétiquement distinctes en même temps que se poursuit une hybridation constante. Cette zone de contact offre d’importantes possibilités de recherches dans les domaines de la biogéographie et de l’évolution, par exemple :

  1. contextes historique et géographique d’introgressions passées et d’hybridations actuelles (Rieseberg, 1998);
  2. incidences possibles de l’écologie et de la génétique sur la structuration des zones hybrides et l’évolution de l’isolement reproducteur même (Jiggins et Mallet, 2000);
  3. concordance entre les « zones de suture » aquatiques et terrestres, les vastes zones de contact et l’hybridation entre espèces nettement isolées coïncidant à peu près sur une vaste gamme de taxons (Remington, 1968).

Autrefois jugé « indésirable » à cause de la prédation qu’il exerce sur d’autres salmonidés (McPhail, 2007; Dunham et al., 2008), l’omble à tête plate est aujourd’hui devenu une espèce récréative appréciée des pêcheurs. Il joue par exemple un rôle important dans les activités locales de pêche récréative dans le cours inférieur du Fraser (en particulier entre New Westminster et Vancouver et dans les régions du lac Chilliwack, de la rivière Squamish, du lac Pitt et du cours supérieur de la rivière Pitt (Taylor et Costello, 2006) ainsi que dans la portion supérieure du bassin du Columbia (Hagen, 2008). Enfin, la tendance à confondre l’omble à tête plate avec d’autres espèces d’ombles et de truites (Rodtka, 2009) contribue à accroître la pression exercée par la pêche sur cette espèce déjà particulièrement vulnérable à la surexploitation (Paul et al., 2003; Post et al., 2003).

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