Omble à tête plate (Salvelinus confluentus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC 2012 : chapitre 9

Taille et tendances des populations

Activités et méthodes d’échantillonnage

La principale méthode d’évaluation des stocks d’ombles à tête plate adultes est le comptage visuel des nids de fraye (Dunham et al., 2001; USFWS, 2008). Il s’agit d’une des méthodes d’évaluation des populations d’adultes les moins coûteuses et les moins invasives. La forme et la propreté des nids et la faible profondeur de l’eau qui caractérisent en général les frayères au début de l’automne font de cette méthode un indicateur fiable de l’effectif des reproducteurs. La corrélation étroite établie entre les nids de fraye dénombrés et les valeurs estimées indépendantes de la taille des populations ont confirmé l’utilité de la méthode (Dunham et al., 2001; Al-Chokhachy et al., 2005), même si sa fiabilité et la répétabilité de ses résultats poussent à émettre plusieurs mises en garde concernant son utilisation.

Les erreurs (omissions et identifications erronées) doivent être raisonnablement limitées pour que le dénombrement des nids de fraye puisse donner une indication exacte de l’état d’une population et fournir un indice des tendances affichées par cette dernière. Le degré de variabilité entre les différents observateurs peut devenir une source importante d’inexactitude et d’imprécision (Dunham et al., 2001), et nuire à l’élucidation des tendances sur des périodes de temps limitées (Rieman et Myers, 1997). Il est cependant possible de réduire grandement le risque d’erreurs en utilisant des critères détaillés d’identification des nids et en faisant appel à des observateurs expérimentés (Muhlfeld et al., 2006; Decker et Hagen, 2008).

Outre les problèmes d’application de la méthode, les variations du taux de détection d’un cours d’eau à l’autre ou d’un moment à l’autre peuvent également conduire à des erreurs. Bien qu’il soit possible dans certaines conditions d’établir un inventaire complet des nids de fraye, les conditions météorologiques et le type de cours d’eau échantillonné peuvent entraîner une sous-estimation du nombre de nids (Decker et Hagen, 2008). Par exemple, un débit d’eau trop élevé peut retarder les dénombrements et mener à des sous-estimations puisque les nids deviennent plus difficiles à reconnaître à mesure que le temps s’écoule après la fraye (Decker et Hagen, 2008). De plus, lorsque la superficie des lits de gravier est limitée, que les nids sont très nombreux ou que la sélection des sites de fraye est hautement spécifique, il peut arriver que les nids se superposent (Baxter et McPhail, 1996). Dans de telles circonstances, le comptage des nids doit s’appuyer sur une évaluation subjective (Decker et Hagen, 2008).

La prudence s’impose lorsqu’on cherche à estimer le nombre d’adultes à partir du nombre de nids reconnus. Étant donné la tendance de l’omble à tête plate à ne frayer que 1 année sur 2 ou à intercaler des périodes de repos entre les épisodes reproducteurs consécutifs (Pollard et Down, 2001), il n’est possible d’estimer que le nombre d’adultes reproducteurs. Par ailleurs, le facteur de conversion du nombre de nids au nombre de reproducteurs peut varier entre les populations puisque les femelles peuvent construire plus de 1 nid (Leggett, 1980) et qu’il peut arriver, dans certaines populations, que des mâles satellites se faufilent pour féconder subrepticement une partie des œufs (Kitano et al.,1994; Baxter, 1997; McPhail, 2007). Certains mâles peuvent féconder les œufs de plus de 1 nid, et certains nids peuvent être fécondés par plusieurs mâles (Fraley et Shepard, 1989). Un examen de 3 études d’étalonnage fondées sur des estimations indépendantes de la taille des populations (2 en Colombie-Britannique et 1 en Idaho) a permis d’établir le nombre moyen d’ombles à tête plate reproducteurs par nid à 2,2 (Decker et Hagen, 2008), tandis qu’on établissait ce ratio à 1,5 et à 3 dans 2 autres rivières de la Colombie-Britannique (Pollard et Down, 2001). L’examen réalisé par Al-Chokhachy et al. (2005) de 5 études effectuées dans le bassin du Columbia vient étayer ces résultats : il conduit à établir un facteur moyen de 2,7 (étendue de 1,2 à 4,3).

D’autres méthodes peuvent servir à estimer l’effectif des populations reproductrices, y compris le piégeage des poissons migrateurs, la pêche à l’électricité, les recensements effectués par des plongeurs avec tuba, les recensements aériens et, depuis peu, l’utilisation de compteurs à résistivité (Hagen et Decker, 2011). Toutes ces méthodes demandent plus de travail que le dénombrement des nids, et chacune présente des inconvénients qui lui sont propres. Par exemple, la capacité des poissons d’éviter les pièges peut fausser les résultats du piégeage. La pêche à l’électricité donne des résultats variables en fonction de la taille des poissons, et son efficacité diminue dans les eaux à faible vitesse de courant, à faible conductivité et à nombreux abris, habitat de prédilection de l’omble à tête plate (Bonneau et al., 1995; Peterson et al., 2004). Les dénombrements effectués de jour et de nuit par des plongeurs avec tuba peuvent permettre de prendre en compte les variations dielles (sur 24 heures) de l’utilisation de l’habitat par l’omble à tête plate, mais la limpidité de l’eau et le type d’habitat peuvent influer sur l’exactitude des dénombrements (Thurow et Schill 1996; Dunham et al., 2001; Thurow et al., 2006). L’installation de compteurs à résistivité est une opération coûteuse, et la fiabilité de ces appareils pour le recensement des ombles à tête plate reste à évaluer (Decker et Hagen, 2008). Les estimations quantitatives de la densité des adultes dans les lacs sont rares, mais des recensements hydroacoustiques ont déjà été utilisés à cette fin (McPhail et Baxter, 1996). Les variations de l’utilisation de l’habitat en fonction de l’heure du jour par les populations lacustres doivent être prises en compte lors du choix des sites et des techniques d’échantillonnage.

La pêche à l’électricité et la plongée avec tuba sont les méthodes les plus communément utilisées pour estimer la densité des ombles à tête plate juvéniles. À l’instar de toutes les autres méthodes de recensement, elles présentent des risques de biais. Les variations quotidiennes et saisonnières de l’utilisation de l’habitat par les ombles à tête plate juvéniles risquent en particulier d’influer sur la densité des poissons présents dans les sites d’échantillonnage et sur l’efficacité de ces méthodes (Jakober et al., 2000). La tendance des juvéniles à rester dissimulés dans des abris pendant le jour complique l’évaluation des populations à partir des données des recensements réalisés le jour (Jakober et al., 2000). Les variations de l’efficacité de la méthode de pêche à l’électricité en fonction de la taille des poissons portent à conclure que les estimations établies à partir de cette méthode sont plus biaisées que celles obtenues par les plongeurs avec tuba travaillant la nuit (Decker et Hagen, 2005).

Abondance

Des évaluations ont été réalisées dans les aires principales de l’Alberta (Rodtka, 2009; annexe 1; figure 11) et de la Colombie-Britannique (Hagen et Decker, 2011; annexe 2) afin de déterminer l’effectif, les tendances et le statut de conservation (cote) des populations actuelles d’ombles à tête plate. Ces études des aires principales --analogues à des métapopulations -- se sont inspirées des méthodes utilisées par le Fish and Wildlife Service (FWS) des États-Unis dans son analyse des aires principales de l’omble à tête plate dans ce pays (Fredenberg et al., 2005). En bref, on a utilisé une combinaison de données empiriques et d’avis d’experts pour déterminer l’effectif le plus vraisemblable des populations en utilisant des approches élaborées par Master et al. (2003). L’approche retenue par le FWS des États-Unis et appliquée à l’étude de l’omble à tête plate dans les aires principales de l’ensemble de l’aire de répartition états-unienne (Fredenberg et al., 2005) ainsi qu’en Alberta (Rodtka, 2009) et en Colombie-Britannique (Hagen et Decker, 2011) a suivi le même protocole.

Plusieurs facteurs ont été pris en compte pour définir les 51 aires principales de l’omble à tête plate en Alberta (annexe 1, figure 11), notamment : l’aire de répartition historique; l’effectif des adultes; la présence d’obstacles aux déplacements; la probabilité d’une disparition permanente (ou la vraisemblance d’un rétablissement naturel advenant une disparition) (Girard, comm. pers., 2010). Une évaluation détaillée estimant l’abondance des adultes à l’intérieur de chacune des 51 aires principales de la province a été réalisée à partir des données disponibles (p. ex., estimations des populations, recensements de reconnaissance, résultats de campagnes de piégeage, recensements des nids; Girard, comm. pers., 2010). Les données recueillies ont servi, dans chaque aire principale, à extrapoler les estimations de densité correspondant à un habitat particulier à l’ensemble de la zone d’occupation (en supposant l’uniformité de la qualité de l’habitat). Pour les zones ne faisant pas l’objet de données, la médiane calculée pour l’ensemble des catégories d’aires de répartition a été retenue en guise d’estimation de l’effectif (Fredenberg, 2005; Girard, comm. pers., 2010).


Figure 11. Carte de répartition spatiale des aires principales de l’omble à tête plate en Alberta indiquant leur cote

Carte de répartition spatiale des aires principales de l’omble à tête plate en Alberta (voir description longue ci-dessous).

L’évaluation a été réalisée par la Fish and Wildlife Division d’Alberta Sustainable Resource Development, et elle repose sur une adaptation de la méthode de classement du Natural Heritage Network fondée sur les critères d’évaluation de NatureServe. Les zones où l’espèce est disparue ne sont pas indiquées. Carte préparée par Velma Hudson (Alberta Conservation Association) à partir de données tirées de Rodtka (2009).

Description pour la figure 11

Carte de répartition spatiale des aires principales de l’omble à tête plate en Alberta indiquant leur cote : gravement en péril; en péril; peut-être en péril; et non classé. L’aire de répartition historique de l’omble à tête plate est indiquée.

Les 115 aires principales de l’omble à tête plate définies en Colombie-Britannique (annexe 2) englobent 26 « unités hydrographiques écologiques » (UHE); elles sont décrites en détail par Hagen et Decker (2011). En bref, elles ont été définies à l’aide des critères suivants : elles contiennent ou sont capables de contenir de multiples populations locales interreliées; elles s’étendent d’ordinaire sur 100 à 250 kmdans leur plus grande dimension, à moins d’être limitées par la présence d’obstacles à la migration (la télémétrie et les études génétiques peuvent fournir une estimation plus fiable de leurs dimensions); elles renferment tous les éléments de l’habitat essentiel; elles sont comprises à l’intérieur de l’aire de répartition connue de l’espèce dans la province. Des avis ont été recueillis auprès d’un large éventail de biologistes afin d’estimer la répartition, l’effectif d’individus matures, les tendances de l’effectif et les menaces pesant sur l’espèce dans chacune des aires principales présumées. Il importe de noter que la plupart de ces aires principales sont définies de façon provisoire puisque la disponibilité des données portant sur la répartition, la structure des populations, les déplacements et les obstacles à la migration de cette espèce varient considérablement d’une zone à l’autre (Hagen et Decker, 2011).

La structure génétique des populations d’une vaste majorité de ces aires principales n’a été définie ni en Alberta ni en Colombie-Britannique. Étant donné la différenciation génétique détectée entre les populations d’ombles à tête plate à petite échelle, c’est-à-dire à l’intérieur des limites des bassins versants sur des distances d’à peine quelques kilomètres (Spruell et al., 1999; Taylor et al., 2001; Costello et al., 2003; Taylor et Costello, 2006), il est possible et même probable que, dans certains cas, le nombre de populations d’ombles à tête plate génétiquement distinctes surpasse le nombre d’aires principales définies jusqu’à maintenant à l’intérieur de chaque UD. Les connaissances actuelles sur chacune des UDcanadiennes sont résumées ci-dessous.

UD1 [lignée génétique 1 : populations de la côte sud de la Colombie-Britannique]

Les populations d’ombles à tête plate de cette UD sont limitées à la Colombie-Britannique : seules 3 des 26 UHE occupées par l’omble à tête plate dans cette province sont réputées abriter des ombles appartenant à la lignée génétique 1 (annexe 2). Par ailleurs, sur les 115 aires principales provisoires de l’omble à tête plate définies dans cette province, 5 seulement ont été reconnues avec un degré raisonnable de certitude à l’intérieur de cette UD (annexe 2). On dispose d’une certaine quantité de données de suivi à court terme pour 3 populations (rivière Skagit, ruisseau Phelix et rivière Cheakamus) qui représentent 3 de ces aires principales provisoires; dans tous les cas, le nombre de reproducteurs recensés au cours de la plupart des années d’étude a largement dépassé la centaine (tableau 1). En fait, le dénombrement le plus récent réalisé en plongée avec tuba dans la rivière Skagit (2010) a estimé à plus de 1 500 le nombre d’adultes présents. Compte tenu de cette information, les experts consultés estiment que plusieurs milliers de reproducteurs (de 1 000 à plus de 2 500) pourraient être présents dans cette UD (Hagen et Decker, 2011).

Tableau 1. Résumé des 31 ensembles de données sur l’effectif d’ombles à tête plate adultes établis pour 22 aires principales englobant 12 des 26 unités hydrographiques écologiques (UHE) définies en Colombie-Britannique. Les données sur les tendances (analyse de régression simple) sont disponibles pour 23 de ces ensembles englobant 11 UHE de l’omble à tête plate (ensembles de données établis sur une période de plus de 5 ans à l’aide d’une méthode cohérente). Adapté de Hagen et Decker (2011). Version accessible du Tableau 1
Aire principale Cours d’eau ou lac Nombre d’années Effectif estimé Tendance à court terme
UD1[lignée génétique 1 : populations de la côte sud de la Colombie-Britannique
UHE cours inférieur du Fraser  
Lillooet Phelix 5 27-185 Non
UHE Puget Sound  
Skagit Skagit 5 159-1 650 Positive (P = 0,03)
UHE côte sud  
Squamish Cheakamus 13 75-316 Tendances multiples
UD2 [lignée génétique 2 : populations de l’ouest de l’Arctique]
UHE cours supérieur de la rivière de la Paix
Bras Finlay Davis 9 37-85 Non
Bras Parsnip Misinchinka 5 35-58 Non
  Scott 2 58-106 Inconnue
Bras Peace Point 5 5-39 Non
Thutade Lac Thutade 16 122-288 Positive (P = 0,01)
UHE cours inférieur de la rivière de la Paix
Halfway-Peace Chowade 6 55-864 Positive (P = 0,01)
  Needham 3 52-103 Inconnue
  Cypress 3 18-120 Inconnue
Cours inférieur de la rivière Murray Wolverine 3 25-67 Inconnue
UD5 [lignée génétique 2: populations du Pacifique]
UHE Columbia-lacs en Flèche
Pend d’Oreille Salmo 12 38-109 Non
Réservoir des lacs en Flèche – ensemble Lacs en Flèche 23 0,02-0,13
CPUE (poissons/h)
Non
Réservoir des lacs en Flèche – sud Affluents des lacs en Flèche 2 198-260 Inconnue
Réservoir des lacs en Flèche – nord Affluents des lacs en Flèche 2 586-755 Inconnue
UHE cours inférieur de la Kootenay
Lac Kootenay Irishman 8 13-32 Non
  Duncan 9 202-725 Non
  Kaslo 5 716-1 219 Non
  Crawford 3 336-486 Inconnue
  Lac Kootenay 34 0,02-0,15
CPUE (poissons/h)
Tendances multiples
UHE cours supérieur de la Kootenay
Elk Line 19 28-184 Positive (P = 0,001)
Cours supérieur de la Kootenay Skookumchuck 14 64-189 Non
  White 10 93-193 Non
Koocanusa Wigwam 17 105-2 298 Tendances multiples
UHE cours supérieur de la Skeena
Cours supérieur de la Sustut Sustut 19  3-70 Négative (P = 0,04)
Cours moyen de la Skeena Kitwanga 7 31-495 Non
Cours inférieur de la Sustut/Skeena Damshilgwet 11 22-302 Positive (P = 0,01)
UHE cours supérieur du Fraser
Cours supérieur du Fraser Goat 5 55-163 Non
UHE cours moyen du Fraser
Chilko Long Valley 2 433-693 Inconnue
UHEThompson
Cours supérieur de la Shuswap Lac Sugar 4 0,01-0,26
CPUE (poissons/h)
*Positive (P = 0,02)

* Seulement 4 années de données, mais prise en compte dans l’analyse de tendances puisque ces données couvrent une période de 20 ans.

UD2 [lignée génétique 2 : populations de l’ouest de l’Arctique]

Les populations d’ombles à tête plate qui vivent dans le vaste territoire du bassin versant du Mackenzie se répartissent entre 2 provinces et 2 territoires canadiens. Quinze des 51 aires principales de l’omble à tête plate définies en Alberta se trouvent dans cette UD(bassins des rivières Athabasca, de la Paix et Smoky; annexe 1; figure 11). On estime qu’environ 23 000 ombles à tête plate adultes vivent dans les lacs et cours d’eau albertains de cette UD, dans les bassins versants des rivières Athabasca, de la Paix et Smoky (annexe 1). La taille moyenne des populations de ces 15 aires principales s’établit à 1 545 individus, mais on observe de très grandes variations (écart-type = 1 960) : de 25 adultes pour la rivière de la Paix à 7 450 adultes pour la rivière Kakwa (nord du bassin des rivières de la Paix et Smoky; annexe 1).

Trente des 115 aires principales provisoires de l’omble à tête plate définies en Colombie-Britannique se trouvent dans cette UD qui recoupe 4 UHE (annexe 2). Dans au moins 1 de ces UHE (cours supérieur de la Liard; Hagen et Decker, 2011), le nombre d’aires principales reste très incertain. Il existe des données de surveillance pour 9 populations représentant 6 aires principales provisoires des UHE des cours supérieur et inférieur de la rivière de la Paix (tableau 1). La population d’ombles à tête plate des bras du lac Thutade est celle qui a fait l’objet de la plus longue période de suivi, soit 16 ans. L’étude la plus récente, réalisée en 2009, a permis de recenser 235 nids de fraye (tableau 1; Hagen et Decker, 2011). Le nombre de nids variait avec le temps et d’un système à l’autre chez les 8 populations recensées dans les 5 autres aires principales provisoires de l’omble à tête plate qui ont fait l’objet d’activités de surveillance à court terme, mais il est resté chaque année égal ou inférieur à 100, sauf dans la rivière Chowade, où les estimations réalisées en 2010 ont fait état de la présence de plus de 800 nids (tableau 1; Hagen et Decker, 2011). Il n’existe aucune information sur l’effectif d’ombles dans les UHE des cours supérieur et inférieur de la Liard (Hagen et Decker, 2011). Seules 5 des 30 aires principales provisoires ont pu faire l’objet d’une évaluation par les experts, qui ont estimé le nombre total d’adultes à 5 000 à 10 000. L’effectif reste inconnu dans 25 des aires principales provisoires (Hagen et Decker, 2011).

On en sait peu sur le nombre ou la taille des populations d’ombles à tête plate de l’ouest de l’Arctique dans les Territoires du Nord-Ouest, où des études récentes commencent à peine à déterminer la limite septentrionale de l’aire de répartition de cette espèce. L’omble à tête plate représentait 1 % (Mochnacz et Reist, 2007) et 4 % (Mochnacz et al., 2009) des prises totales réalisées dans le cadre de 2 recensements récents (pêche à l’électricité et pêche à la ligne, fixe ou non) réalisés dans 29 cours d’eau des régions du sud (Deh Cho) et du centre (Sahtu) des Territoires du Nord-Ouest. Ces résultats sont conformes aux observations générales selon lesquelles l’omble à tête plate représente d’ordinaire moins de 5 % des prises totales réalisées dans le cadre des études générales sur la faune (examiné par McPhail et Baxter, 1996). Comme la productivité diminue généralement à mesure qu’on se déplace vers le nord à cause des températures plus basses et de la saison de croissance plus courte, les données initiales faisant état de populations petites mais largement répandues dressent vraisemblablement un aperçu juste de l’état des populations d’ombles à tête plate dans les portions septentrionales de l’aire de répartition.

La seule étude disponible sur l’omble à tête plate des Territoires du Nord-Ouest a été réalisée dans le ruisseau Funeral sur une population des eaux d’amont que l’on croit sédentaire (ministère des Pêches et des Océans, comm. pers., 2010). Quatre sections de cours d’eau choisies au hasard dans cette zone (~200 m) ont fait l’objet d’une pêche à l’électricité (Mochnacz et al., 2006). La taille des populations estimée à l’aide de la méthode de vraisemblance maximale (intervalles de confiance [IC] à 95 %) variait d’une manière semblable chez les adultes (n = 17 [IC à 95 % = 16-18] et 21 [IC à 95 % = 18-23]) et les juvéniles (n = 17 [IC à 95 % = 16-18] et 23 [IC à 95 % = 20-28]; Mochnacz et al., 2006). Ces résultats donnent à conclure que les 2 groupes forment de petites populations comparativement aux autres espèces, ce qui est typique des populations d’ombles à tête plate dans l’ensemble de l’aire de répartition.

Dans le sud-est du Yukon, on a signalé la présence de l’omble à tête plate dans de nombreux affluents et lacs de la rivière Liard (Can-nic-a-nick Environmental Sciences, 2004), et l’espèce est probablement répandue dans le bassin versant (Miller, comm. pers., 2010). Ces populations nordiques de la région de l’ouest de l’Arctique sont probablement petites, mais il n’existe à ce jour aucune information sur leur nombre ou sur leur taille.

UD3 [lignée génétique 2 : populations du bassin du fleuve Yukon]

On possède peu de données sur la répartition des populations d’ombles à tête plate du bassin du Yukon, mais on croit qu’elles pourraient s’étendre de part et d’autre de la frontière entre le Yukon et la Colombie-Britannique (voir Répartition).

UD4 [lignée génétique 2 : populations des bassins versants des rivières Saskatchewan et Nelson]

Les populations d’ombles à tête plate de cette UD ne se trouvent qu’en Alberta. Trente-six des 51 aires principales de l’omble à tête plate définies dans cette province appartiennent à cette UD (annexe 1; figure 11). On estime qu’environ 10 000 adultes vivent dans les lacs et les cours d’eau albertains de cette UD, dans les bassins des rivières Oldman, Bow, Red Deer et Saskatchewan Nord (annexe 1). Les populations de ces 36 aires principales du sud de l’Alberta ont tendance à être plus petites que celles de l’ouest de l’Arctique qui se trouvent plus au nord en Alberta; leur taille moyenne s’établit à 300. Ici encore, cependant, on observe une très grande variation (écart-type = 368), de 10 adultes dans le cours moyen de la Bow (portion méridionale du bassin de cette rivière) à 1 275 dans la rivière Brazeau (annexe 1).

UD5 [lignée génétique 2 : populations du Pacifique]

Les populations d’ombles à tête plate de cette UD sont largement répandues dans l’ensemble du territoire de la Colombie-Britannique; elles s’observent dans la plupart (n = 78) des 115 aires principales provisoires définies dans cette province et s’étendent dans 17 UHE (annexe 2). Plusieurs projets de suivi à court ou à long terme de l’omble à tête plate ont été entrepris dans cette UD. La majorité (n = 13) des 19 ensembles de données sur l’abondance disponibles pour cette région portent sur le bassin du Columbia (tableau 1); ils décrivent 7 aires principales provisoires réparties dans 3 UHE contenant chacune au moins une population dont l’abondance estimée reste inférieure à 200 (tableau 1). Ces UHEcontiennent néanmoins également des populations dont l’effectif estimé dépasse ce seuil (tableau 1). On possède peu de données sur l’effectif de l’espèce dans les bassins côtiers du nord, la rivière Thompson ou les cours moyen et supérieur du Fraser appartenant à cette UD (tableau 1). Les experts ont estimé qu’on pourrait y trouver plus de 39 000 adultes, mais les données sur lesquelles ils ont fondé leurs calculs ne couvrent que 25 aires principales provisoires (Hagen et Decker, 2011).

Taille effective des populations

Un modèle général de simulation fondé sur l’âge prenant en compte un éventail de types de cycles vitaux et d’autres aspects caractéristiques des populations d’ombles à tête plate a permis d’estimer que la taille effective des populations de cette espèce correspondait à environ 0,5 à 1,0 fois le nombre moyen d’adultes frayant chaque année dans une population donnée (Rieman et Allendorf, 2001). L’objectif de gestion à long terme recommandé selon lequel il conviendrait de maintenir une population moyenne d’au moins 1 000 adultes reproducteurs chaque année (Rieman et Allendorf, 2001) sera difficile à atteindre étant donné que nombre des populations de cette espèce ont tendance à être plus petites (données du présent rapport; Rieman et McIntyre, 1993). La conservation de groupes de populations interreliées est une stratégie qui pourrait permettre d’atteindre cette taille minimale suggérée tout en préservant l’ensemble des variations du cycle vital et des processus naturels de dispersion et de flux génique (Rieman et Allendorf, 2001).

Fluctuations et tendances

Au cours des récentes décennies, les populations d’ombles à tête plate ont connu des déclins dans l’ensemble de l’aire de répartition, surtout dans les portions méridionale et orientale aux États-Unis (Rieman et al., 1997; USFWS, 1999, 2008) et en Alberta (Rodtka, 2009). Cette évolution s’est traduite d’une manière générale par des disparitions localisées, mais on a aussi signalé que l’espèce était disparue de deux systèmes aux États-Unis (McCloud, en Californie; Willamette, en Oregon; McPhail et Baxter, 1996). Le taux de réduction des populations semble augmenter à mesure qu’on se déplace du nord vers les portions méridionales de l’aire de répartition (Haas et McPhail, 1991; McPhail, 2007). Cette tendance est probablement due au moins en partie à la meilleure qualité de l’environnement qui caractérise les régions nordiques (Haas et McPhail, 1991).

Outre cette tendance générale à la réduction des effectifs, certaines données laissent deviner une perte de la vaste gamme de types de cycles vitaux affichés par les diverses populations. On craint en particulier que les individus plus gros et plus féconds des formes migratrices de l’omble à tête plate ne soient particulièrement exposés à un déclin (Nelson et al., 2002; Post et al., 2003). Par exemple, les gros ombles à tête plate des formes fluviale ou lacustre étaient communs dans le sud-ouest de l’Alberta avant 1950, mais nombre des populations qui persistent aujourd’hui sont constituées de poissons sédentaires plus petits, qui n’occupent qu’une fraction de l’aire de répartition originale (Fitch, 1997). On a également souligné que les populations lacustres de la portion supérieure du bassin du Columbia renferment souvent des individus plus gros et plus âgés que ceux des populations méridionales, ce qui donne à penser que les populations nordiques subissent une exploitation moins intense tout en affichant un taux de croissance moins élevé (Hagen, 2008).

Cette tendance générale au déclin des effectifs est nette, mais deux facteurs compliquent la mesure de sa portée au sein des populations. Premièrement, les fluctuations naturelles des effectifs (Paul et al.,2000) compliquent l’évaluation des tendances des populations sur de courtes périodes de temps. En raison des effets de ces fluctuations et des lacunes des méthodes de suivi (Rieman et Myers, 1997; Dunham et al., 2001; Al-Chokhachy et al., 2009), la détection de changements modérés dans les effectifs d’ombles à tête plate exige beaucoup de temps et de ressources. Les résultats d’études à long terme réalisées aux États-Unis donnent à penser qu’il faudrait peut-être consacrer plus d’une décennie à la surveillance de l’omble à tête plate pour pouvoir détecter statistiquement un déclin important des populations (Rieman et Myers, 1997; Al-Chokhachy et al., 2009). Comme les populations de cette espèce sensible ont déjà naturellement tendance à rester faibles, il est possible que beaucoup d’entre elles atteignent un seuil critique avant même qu’on ne parvienne à démontrer l’existence d’une tendance naturelle (Rieman et Myers, 1997).

En dépit de ces obstacles, la surveillance est souvent l’outil préconisé pour évaluer les tendances des effectifs, et reconnaître et atténuer les effets de la gestion des terres. Il conviendra de rassembler des données quantitatives normalisées sur plusieurs populations d’ombles à tête plate pendant des décennies pour pouvoir évaluer rigoureusement les tendances et le statut de l’omble à tête plate dans chacune des UD. Quelques projets de surveillance à long terme des effectifs d’ombles à tête plate sont déjà en cours au Canada, mais l’utilisation de méthodes d’échantillonnage non normalisées nuit à la qualité des données quantitatives recueillies dans le cadre de ces projets. La plupart des connaissances actuelles sur les tendances des populations sont qualitatives et fondées sur l’avis d’experts (Rodtka, 2009; Girard, comm. pers., 2010; Hagen et Decker, 2011).

Cependant, de nouveaux projets de suivi et d’évaluation de base sont en cours d’exécution. Par exemple, 31 ensembles de données sur les effectifs ont été établis pour les populations d’ombles à tête plate de la Colombie-Britannique (2 années ou plus d’informations recueillies à l’aide d’une méthode cohérente; tableau 1). Quinze de ces ensembles de données couvrent une période d’au moins 7 ans (approximation raisonnable de la durée d’une génération chez l’omble à tête plate en Colombie-Britannique; Westover et Conroy, 1997), 7 couvrent une période de plus de 14 ans (c’est-à-dire, 2 générations), et 2 couvrent une période de plus de 21 ans (3 générations). Combinées aux évaluations des aires principales (Rodtka, 2009; Hagen et Decker, 2011), ces études devraient procurer des données utiles pour l’évaluation des tendances des populations nécessaire aux futures déterminations du statut de l’espèce. Des lacunes importantes persistent néanmoins. Par exemple, les 31 ensembles de données établis en Colombie-Britannique ne couvrent que 22 des 115 aires principales provisoires, soit 12 seulement des 26 UHE de l’omble à tête plate définies dans cette province (tableau 1).

Les connaissances actuelles sur les tendances des populations d’ombles à tête plate de chacune des UD canadiennes sont résumées ci-dessous.

UD1 [lignée génétique 1 : populations de la côte sud de la Colombie-Britannique]

Il existe des données sur les tendances à court terme pour trois populations locales de cette UD (rivière Skagit, ruisseau Phelix et rivière Cheakamus, tableau 1) représentant trois des cinq aires principales provisoires définies dans cette UDet chacune des trois UHE qui s’y trouvent. Les recensements récents (2010) ont laissé constater une évolution positive de la population de la rivière Skagit, qui a été multipliée par près de six depuis 1998. Cette tendance reflète en grande partie le rétablissement de la population qui a suivi la mise en application d’une réglementation plus stricte de la pêche (Hagen et Decker, 2011). Les données provenant de la rivière Cheakamus ont montré une tendance comparable jusqu’en 2006, soit un an après un déversement d’hydroxyde de sodium. Le nombre d’adultes a diminué régulièrement à partir de ce moment, mais les recensements les plus récents (2010-2011) indiquent cependant une croissance de la population (Hagen et Decker, 2011). Une modification de la réglementation sur la pêche sportive dans le ruisseau n’a pas eu le même effet (aucune tendance), et il pourrait être nécessaire dans ce cas d’adopter de nouvelles règles plus strictes (Jesson, comm. pers., 2011).

Une évaluation fondée sur les avis d’experts a fait ressortir des différences dans les tendances observées dans chacune des cinq aires principales provisoires de cette UD : « hausse », « stabilité », « baisse » ou « inconnu » (annexe 2). En résumé, ni les données quantitatives limitées ni les avis d’experts n’ont permis de dégager une tendance cohérente dans cette UD; la situation semble varier d’un grand bassin versant à l’autre en fonction des pressions locales et de la gravité des menaces.

UD2 [lignée génétique 2 : populations de l’ouest de l’Arctique]

Certaines informations à caractère anecdotique et des données historiques limitées donnent à penser que les effectifs d’ombles à tête plate ont subi un déclin important, tant du point de vue de l’abondance que de celui de la répartition, dans tous les systèmes fluviaux de l’Alberta où elles se trouvent depuis le début du XXe siècle, y compris dans les portions des bassins des rivières de la Paix et Athabasca correspondant à cette UD(Rodtka, 2009; figure 6). À l’exemple de ce qu’on observe aux États-Unis (Rieman et al., 1997), la plupart des populations autosuffisantes albertaines sont aujourd’hui limitées à des eaux d’amont moins accessibles (Rodtka, 2009).

Cette tendance historique au déclin se reflète dans les tendances à court terme observées aujourd’hui en Alberta (annexe 1). Même si les estimations de la taille actuelle des populations varient grandement entre les 15 aires principales de l’omble à tête plate de cette UD, les tendances à court terme sont dominées par des déclins (n = 11, 73 %; annexe 1). Trois d’entre elles seulement (20 %) sont jugées stables, et une seule laisse constater une augmentation (6,7 %; annexe 1). Ces tendances reposent à la fois sur des données quantitatives (estimations pluriannuelles de l’abondance) et sur des données qualitatives (avis d’experts) établies à l’aide d’une version adaptée de la méthode de classement du Natural Heritage Network fondée sur les critères d’évaluation de NatureServe (Rodtka, 2009; Girard, comm. pers., 2010).

Bien que tous les systèmes fluviaux albertains fréquentés par l’omble à tête plate, y compris les portions des bassins des rivières de la Paix et Athabasca correspondant à cette UD, aient déjà fait l’objet d’un suivi et d’évaluations de base, il manque toujours des données sur les tendances à long terme. La plupart des efforts de suivi ont porté sur les populations du sud-ouest de l’Alberta, comprises dans l’UD4 [lignée génétique 2 : populations des rivières Saskatchewan et Nelson](examiné par Rodtka, 2009). Le ruisseau Eunice, dans le bassin versant de l’Athabasca, dont le suivi a fourni des renseignements précieux sur la dynamique des populations d’ombles à tête plate dans des conditions relativement peu perturbées, est le seul à faire exception. Interdit aux pêcheurs sportifs depuis 1966 et protégé jusqu’en 1985 contre la plupart des projets de mise en valeur (Hunt et al., 1997), ce milieu a connu en un peu plus de quinze ans des fluctuations de deux ordres de grandeur des effectifs d’ombles à tête plate (Paul et al., 2000), traduisant ainsi les grandes fluctuations naturelles qui peuvent caractériser les populations de cette espèce.

Certaines données donnent à penser que des populations lacustres faisant l’objet d’un suivi moins étroit pourraient connaître une croissance par suite de l’application d’une réglementation plus stricte de la pêche sportive en Alberta, notamment dans le lac Pinto, qui fait partie de cette UD (examiné par Rodtka, 2009). Les tendances affichées dans cette province par les populations sédentaires et fluviales sont moins nettes. Dans cette UD, les recensements réalisés par pêche à l’électricité et par pêche sportive dans la rivière Kakwa n’ont révélé aucune variation des effectifs de l’espèce dans ce système depuis la mise en œuvre panprovinciale, en 1995, d’une interdiction totale de capture de cette espèce et la fermeture totale de la pêche sportive dans le ruisseau Lynx, principal cours d’eau de fraye de l’omble à tête plate dans le bassin de la Kakwa (examiné par Rodtka, 2009).

Il existe des données sur les tendances des populations d’ombles à tête plate adultes en Colombie-Britannique pour 5 populations de cette UD (tableau 1); elles correspondent à 5 des 30 aires principales provisoires définies. Quatre de ces populations se trouvent dans l’UHE du cours supérieur de la rivière de la Paix, et la cinquième se trouve dans l’UHE du cours inférieur de cette rivière, mais il n’existe aucune information sur les tendances concernant les UHE des cours supérieur ou inférieur de la rivière Liard (Hagen et Decker, 2011). Comme en Alberta, on signale le cas d’une population d’ombles à tête plate autrefois exploitée dans la province et qui a grandi après l’atténuation des menaces qui pesaient sur elle : la très nette tendance à la croissance que laissent deviner les résultats de 6 années de dénombrement des nids de fraye réalisés sur une période de 15 ans dans la rivière Chowade, dans l’UHE du cours inférieur de la rivière de la Paix, reflète le rétablissement d’une population appauvrie grâce à la mise en œuvre, au cours des années 1990, d’une réglementation plus stricte concernant la pêche sportive (Hagen et Decker, 2011). L’augmentation moins forte du nombre de reproducteurs observée pendant 16 années de surveillance des ombles à tête plate du bassin du lac Thutade (qui constituent peut-être une métapopulation), dans l’UHEdu cours supérieur de la rivière de la Paix, pourrait simplement être le fait de variations normales, même si les mesures d’atténuation des effets liés à l’exploitation de la mine de cuivre et d’or à ciel ouvert Kemess (y compris l’aménagement de passes migratoires, la création d’aires de fraye et la destruction de barrages de castor infranchissables) ont probablement eu des effets bénéfiques (Bustard and Associates, 2010). La réglementation sur la pêche sportive a probablement eu moins d’incidence sur ce bassin versant éloigné qui fait l’objet d’un effort de pêche relativement faible (Hagen et Decker, 2011). Les 3 autres populations locales de cette UHE(rivières Davis, Misinchinka et Point, affluents du réservoir Williston) sont restées plus ou moins stables au fil du temps.

Il n’existe cependant pas de données sur l’abondance ou la répartition de l’omble à tête plate dans la grande majorité des aires principales provisoires. En résumé, les données quantitatives limitées et les évaluations fondées sur des avis d’experts révèlent de manière évidente des tendances à la stabilité ou à la hausse, mais le statut d’une majorité des aires principales provisoires de l’omble à tête plate en Colombie-Britannique demeure inconnu.

Il n’existe aucune information sur les tendances affichées par les populations d’ombles à tête plate des Territoires du Nord-Ouest, où des études récentes commencent tout juste à établir la limite septentrionale de l’aire de répartition de cette espèce (Mochnacz et al., en cours d’examen). Il en est de même au Yukon, où la répartition demeure obscure. Cependant, ces populations nordiques (qui vivent généralement dans un habitat moins productif que celui des populations vivant plus au sud) risquent d’être plus petites et donc plus sensibles aux perturbations que les populations du sud. On considère en fait l’omble à tête plate comme l’une des espèces les plus sensibles de la portion supérieure du bassin de la Liard (Can-nic-a-nick Environmental Sciences, 2004).

UD3 [lignée génétique 2 : populations du bassin versant du fleuve Yukon]

Il n’existe aucune information sur les tendances des populations d’ombles à tête plate de cette UD.

UD4 [lignée génétique 2 : populations des bassins versants des rivières Saskatchewan et Nelson]

Les tendances historiques vers le déclin des populations d’ombles à tête plate de l’Alberta ont été particulièrement marquées dans les régions du sud de cette province correspondant à cette UD. L’espèce est disparue de beaucoup d’endroits dans les bassins versants des rivières Saskatchewan Sud et Nord (Rodtka, 2009). On pense que l’introduction de l’omble de fontaine dans le sud-ouest de l’Alberta pourrait avoir contribué à cette tendance en provoquant la disparition d’environ 70 % des populations indigènes d’ombles à tête plate (Fitch, 1997).

Cette tendance historique au déclin se reflète dans les tendances à court terme observées actuellement en Alberta (annexe 1). Même si les estimations de la taille actuelle des populations varient grandement entre les 36 aires principales de l’omble à tête plate définies dans cette UD, les tendances à court terme affichées par les populations existantes laissent surtout deviner des déclins (n = 19, 53 %; annexe 1). Quatorze des populations sont jugées stables ou à la hausse (48 %; annexe 1). Cette tendance générale au déclin est particulièrement prononcée dans le sud; dans le bassin de la rivière Saskatchewan Sud, on constate un déclin dans les 2 aires principales du bassin de la rivière Red Deer, et un déclin ou une disparition dans 11 des 15 aires principales du bassin de la Bow et dans 5 des 10 aires principales du bassin de la Oldman.

La plupart des efforts de suivi déployés en Alberta ont porté sur des populations correspondant à cette UD(examiné par Rodtka, 2009). L’ensemble de données le plus complet porte sur la population lacustre du lac Lower Kananaskis, dont le nombre d’adultes présents dans un ruisseau de fraye a chaque année fait l’objet d’un suivi à l’aide de pièges et de dénombrements des nids de fraye pendant plus de 12 ans (Johnston et al., 2009). Ces données montrent un rétablissement rapide d’une population qui faisait autrefois l’objet d’une pêche intensive grâce à la mise en œuvre, en 1992 d’une réglementation stricte sur la pêche sportive : cette population de moins de 100 adultes au départ était 28 fois plus grande en 2000 (Johnston et al., 2009). D’autres populations lacustres faisant l’objet d’un suivi moins étroit semblent également avoir augmenté sous l’effet de la mise en œuvre d’une réglementation stricte de la pêche sportive (p. ex., celles des lacs Jacques et Harrison) (examiné par Rodtka, 2009), même si la tendance affichée par les populations sédentaires et fluviales de cette UD est moins évidente. Les populations de certaines des autres rivières semblent stables (p. ex., rivières Elbow et Highwood et ruisseau Quirk), tandis que d’autres semblent augmenter (rivières Clearwater et Sheep). L’absence de méthodes cohérentes et la longueur des intervalles qui séparent certaines des évaluations nuisent toutefois à la rigueur de l’interprétation des données (examiné par Rodtka, 2009).

UD5 [lignée génétique 2 : populations du Pacifique]

Cette UD renferme plus d’aires principales provisoires de l’omble à tête plate que toutes les autres UD de la Colombie-Britannique (78 sur 115), mais les ensembles de données sur les tendances affichées par les adultes sont très limités, et portent principalement sur les tendances à court terme. Il n’existe que 15 ensembles de données correspondant à 12 aires principales provisoires représentant 6 des 17 UHE qui abriteraient des ombles à tête plate dans cette UD (tableau 1). La majorité de ces ensembles de données (n = 10) portent sur le bassin versant du Columbia (tableau 1).

La tendance positive observée dans le ruisseau Line, situé dans le bassin versant susnommé, reflète le rétablissement des stocks qui a suivi la mise en œuvre d’une réglementation plus stricte de la pêche (Hagen et Decker, 2011). Une forte tendance positive observée de 1994 à 2006 dans la rivière Wigwam a été suivie d’un déclin (jugé acceptable et conforme aux critères de gestion des stocks pour cette population en santé). Cette évolution reflète les changements apportés à la réglementation; l’espèce a fait l’objet d’une pêche limitée au cours des récentes années (de 2004 à 2010), après une décennie de réglementation plus contraignante (Hagen et Decker, 2011). Certains des autres systèmes du bassin versant du Columbia ont montré des tendances plus ou moins stables (p. ex., bassin de la rivière Salmo et cours supérieur de la rivière Kootenay), tandis que les ensembles de données portant sur deux autres systèmes réglementés (lac Kootenay et réservoir des lacs en Flèche) reflètent une situation plus complexe, affichant à la fois des tendances positives et négatives (tableau 1). On pense que les fluctuations observées sur plus d’une décennie dans le réservoir Duncan -- partie de l’aire principale du lac Kootenay -- refléteraient l’évolution des concentrations de nutriments et de la disponibilité des poissons proies (p. ex., le saumon rouge; Hagen et Decker, 2011). Les tendances dévoilées par un ensemble de données à long terme (près de 50 ans) sur les captures par unité d’effort (CPUE) provenant du lac Kootenay (censé constituer une métapopulation) suivent également les fluctuations historiques des charges en nutriments dues à la présence d’une fabrique d’engrais et à sa fermeture ultérieure, à l’aménagement de barrages sur les rivières et, plus récemment, à la mise en œuvre d’un programme annuel de fertilisation panlacustre. Toutefois, la méthode de suivi des CPUE a varié au fil du temps et pourrait ne pas avoir été suffisamment sensible pour détecter les réductions de l’abondance (Hagen et Decker, 2011). Les données de CPUE du réservoir des lacs en Flèche, qui sont également censées représenter une métapopulation, présentent les mêmes variations et la même sensibilité aux expériences d’apports de nutriments, mais sont considérées comme plus ou moins stables depuis les trois dernières décennies (Hagen et Decker, 2011).

Il existe peu d’informations sur les bassins versants côtiers du nord, la rivière Thompson et les cours moyen et supérieur du Fraser compris dans cette UD (tableau 1). Trois ensembles de données ont été établis à l’aide de barrières de dénombrement dans l’UHE du cours supérieur de la rivière Skeena, sur la côte nord. L’un de ces ensembles (rivière Sustut) indique une tendance négative; un autre (ruisseau Damshilgwet), une tendance positive; le troisième, aucune tendance. On craint cependant que ces observations ne soient en fait, du moins en partie, des artéfacts dus à la méthodologie employée (Hagen et Decker, 2011). On pense que la tendance positive dévoilée par les données de CPUE du lac Sugar, dans la portion supérieure du bassin de la rivière Shuswap située dans l’UHE Thompson du sud intérieur (supposé constituer une métapopulation) refléterait la mise en œuvre d’une réglementation plus stricte de la pêche (Hagen et Decker, 2011). Dans l’UHE du cours supérieur du Fraser, les tendances des populations ne peuvent être évaluées que sur une période relativement courte (5 ans) et dans un seul bassin, celui de la rivière Goat, où l’effectif paraît stable.

Une évaluation fondée sur des avis d’experts a montré que la situation semble varier d’un grand bassin versant à l’autre en fonction des pressions et menaces locales : « hausse », « stabilité », « baisse » ou « inconnu » (annexe 2). En résumé, ni les données quantitatives limitées ni les avis d’experts n’ont permis de dégager une tendance cohérente dans cette UD. Cependant, étant donné l’absence de données quantitatives dans la plupart des aires principales contenues dans cette UD, il ne paraîtrait pas approprié de considérer les données disponibles sur les tendances comme représentatives de zones géographiques plus étendues. Cela dit, les bassins les plus préoccupants sont ceux des rivières Flathead et Pend d’Oreille et du fleuve Columbia (en aval du réservoir des lacs en Flèche), où les experts sont d’avis que le faible effectif et les tendances au déclin sont très préoccupants dans les trois aires principales (Hagen et Decker, 2011). Par contre, d’autres aires principales du bassin du Columbia (cours supérieur de la rivière Kootenay et lac Kookanusa) manifestent une tendance stable ou à la hausse, et comptent un grand nombre d’adultes.

Immigration de source externe

En théorie, l’immigration à partir de populations voisines, qu’elles se trouvent au Canada ou aux États-Unis, pourrait permettre le rétablissement d’une population d’ombles à tête plate réduite ou disparue. La possibilité d’une telle immigration de source externe dépendra cependant de plusieurs facteurs, y compris l’intensité des migrations entre les populations, la viabilité des immigrants dans leur nouvel environnement et l’état de santé des populations voisines.

Les études génétiques indiquent de faibles niveaux de flux génique entre les populations. On observe fréquemment des différences génétiques importantes entre les populations d’ombles à tête plate, même à l’intérieur d’un même bassin versant (Spruell et al., 1999; Taylor et al., 2001; Costello et al., 2003; Taylor et Costello, 2006), même si le degré de divergence est plus élevé à une échelle plus régionale (Taylor et al., 2001; Costello et al., 2003; Whiteley et al., 2004; Taylor et Costello, 2006). La grande fidélité qu’affichent d’ordinaire les ombles à tête plate à l’égard de leurs aires de fraye et d’hivernage, révélée par des études de radiotélémétrie (Swanberg, 1997a; Bahr et Shrimpton, 2004), donne par ailleurs à penser que les flux migratoires entre les populations sont faibles. La probabilité d’un rétablissement des populations d’ombles à tête plate par le biais d’une immigration importante de source externe s’en trouve donc réduite. Il semble par ailleurs particulièrement improbable que les ombles se déplacent en nombres importants d’un bassin versant à l’autre, même si certains rapports faisant état de tels transferts à l’échelle locale (Swanberg, 1997a; O’Brien, 2001; Bahr et Shrimpton, 2004) et la mention d’au moins un cas de migration d’un bassin à l’autre (Brenkman et Corbett, 2005) laissent penser que la migration à partir de sources voisines devrait pouvoir jouer un rôle dans le rétablissement de populations réduites ou disparues.

Bien que les adaptations locales de l’omble à tête plate risquent de réduire la viabilité des immigrants dans leur nouvel environnement (Nosil et al., 2005) et de limiter ainsi les possibilités d’immigration à partir de populations voisines, la plasticité phénotypique de l’espèce pourrait bien faire contrepoids dans une certaine mesure à ce facteur. Les divergences des caractéristiques quantitatives d’un environnement à l’autre seront vraisemblablement les plus faciles à distinguer à plus grande échelle -- par exemple, entre des populations vivant dans des UDdifférentes. Cependant, des adaptations locales pourraient exister même à une échelle plus petite, étant donné que des divergences fondées sur les microsatellites, qui semblent procurer une estimation prudente de la divergence adaptative (Pfrender et al., 2000; Morgan et al., 2001), ont souvent été détectées entre les populations occupant des milieux restreints (Spruell et al., 1999; Taylor et al., 2001; Costello et al., 2003; Taylor et Costello, 2006).

Toute immigration de source externe proviendra donc vraisemblablement d’une population voisine connectée à la population d’accueil par un habitat contigu propice. De telles conditions pourraient exister dans plusieurs bassins versants abritant des populations transfrontalières d’ombles à tête plate -- par exemple, la rivière Flathead, le cours supérieur de la rivière Kootenay, le lac Kootenay, la rivière Salmo, la rivière Skagit et le bassin versant de la Chilliwack. Les ombles migrateurs se déplaceront fort probablement du Canada aux États-Unis puisque les populations canadiennes sont à la fois beaucoup plus nombreuses et plus abondantes que leurs homologues états-uniens. L’aire de répartition de l’omble à tête plate se trouve en très grande partie du côté canadien de la frontière (Rieman et al.,1997), et les populations canadiennes de cette espèce sont généralement considérées comme plus stables que les populations états-uniennes menacées (« threatened ») (USFWS, 2008). Les populations d’ombles à tête plate du nord des États-Unis sont en majorité considérées comme appauvries (Rieman et al., 1997). Comme il n’existe que très peu de populations vigoureuses ou protégées à proximité de la frontière canado-états-unienne (Rieman et al., 1997), il est très peu probable qu’une population d’ombles à tête plate des États-Unis puisse servir de source d’immigrants à une population canadienne.

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