Caribou de Peary et caribou de la Toundra évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 2

Résumé

Caribou de Peary
Rangifer tarandus pearyi
et
Caribou de la toundra
Rangifer tarandus groenlandicus
(Population de Dolphin-et-Union)

Information sur l’espèce

Nom français : Caribou de Peary

Nom anglais : Peary caribou

Nom inuinnaqtun : Ualiniup Tuktui (pluriel). Le mot « tuktu » (singulier) est précédé d’un nom de lieu; par exemple, « kingailik tuktu », signifie « caribou de l’île Prince-de-Galles »

Nom latin : Rangifer tarandus pearyi (Allen 1902)

Le caribou de Peary présente au moins 4 populations distinctes : (1) îles Reine-Élisabeth; (2) île Banks et nord-ouest de l’île Victoria; (3) île Prince-de-Galles et île Somerset, et (4) péninsule de Booth.

Le caribou de la toundra, population de Dolphin-et-Union, est inclus dans le présent rapport parce qu’il l’était dans la précédente évaluation du COSEPAC. Il estive dans l’île Victoria et franchit le détroit de Dolphin-et-Union pour hiverner sur le continent. Ce troupeau est distinct tant du caribou de Peary que des autres caribous de la toundra (Rangifer tarandus groenlandicus) et, aux fins du présent rapport, est considéré séparément.Note de bas de page1

Une révision de la taxinomie du caribou dans les îles de l’Arctique canadien s’impose. En particulier, la description du caribou de Dolphin-et-Union en tant que R. t.  groenlandicus-pearyi (Manning 1960) doit être modifiée pour refléter ses particularités génétiques et phénotypiques.

Le caribou de Peary et le caribou de Dolphin-et-Union sont des éléments cruciaux de la culture, de l’économie et de la spiritualité des Inuits et des Inuvialuits.

Répartition

L’aire de répartition normale du caribou de Peary est entièrement située dans l’archipel Arctique, exception faite d’une population sur la péninsule de Booth. Certains individus de la péninsule de Booth peuvent descendre jusqu’à la rivière Hayes pour hiverner. Quelques caribous de Peary ont été à l’occasion observés sur l’ouest de la côte du continent près du cap Bathurst et à Old Crow, au Yukon, pendant les années où les îles Banks et Victoria subissaient des stress environnementaux. Le caribou de Peary n’est pas présent dans l’île de Baffin ni dans les îles du bassin Foxe et de la baie d’Hudson, où l’on trouve le caribou de la toundra (R. t. groenlandicus).

Habitat

Le caribou de Peary et le caribou du troupeau de Dolphin-et-Union fréquentent uniquement la toundra arctique, dans des environnements qui vont des étendues relativement plates et unies du sud et de l’ouest aux montagnes du nord et de l’est. En cas de conditions hivernales extrêmes de neige et de glace, la survie dépend de l’accès à des crêtes ou autres reliefs exposés présentant une couverture nivale faible ou nulle, où les animaux se nourrissent de divers arbustes, graminoïdes et dicotylédones dans des sites mésiques à xériques.

En règle générale, le caribou de Peary effectue des migrations inter-insulaires saisonnières. Les conditions de l’environnement peuvent en de rares occasions le pousser à gagner d’autres îles ou le continent. Chez le caribou du troupeau de Dolphin-et-Union, on observe des migrations saisonnières sur la glace de mer; les animaux vont hiverner sur le continent et reviennent dans l’île Victoria pour la mise bas, l’estivage et le rut. Le caribou de Peary vit dans un « système de pâturage hors équilibre », où son sort dépend de variables abiotiques imprévisibles et occasionnelles, comme la neige et la glace.

À l’exception des individus de la péninsule de Booth, le caribou de Peary vit dans des îles, et les déplacements inter-insulaires sont critiques à sa survie. À l’intérieur de l’aire traditionnelle, ces déplacements inter-insulaires sont fréquents, et peuvent être considérés comme des changements de territoire saisonniers ou périodiques destinés à optimiser l’exploitation de l’habitat disponible. À l’extérieur des aires traditionnelles, on pense généralement qu’il s’en produit à l’occasion, mais aucun n’a été documenté.

L’habitat du caribou de Peary est stable, vaste plus que 800 000 km2) et relativement peu touché par les activités humaines. Les tendances de la qualité de l’habitat n’ont pas été très documentées. La productivité d’ensemble des terres est basse, et les poches de fourrage de bonne qualité sont très dispersées sur de grandes superficies. Certains déclins des populations étaient liés à des épisodes hivernaux occasionnels de neige et de formation de glace, qui ont rendu le fourrage temporairement inaccessible sur de grandes superficies, et parfois sur l’ensemble du territoire. D’autres ont été plus graduels et plus longs; la rigueur de l’hiver y était parfois en cause, de même que la chasse.

La gestion primaire de toutes les populations relève des conseils de cogestion de la faune créés aux termes de la Convention définitive des Inuvialuits, dans l’ouest, et de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, dans l’est.

Biologie

Le caribou de Peary bénéficie d’une courte période où la nourriture est de grande qualité, pendant la saison de croissance des végétaux, puis d’une dizaine de mois pendant lesquels la plus grande partie des éléments nutritifs des plantes sont stockés dans leurs structures souterraines. Il y a quelques arbustes nains sempervirents, et certaines plantes herbacées et carex ont aussi des feuilles vertes tout l’hiver. La nutrition du caribou de Peary est étroitement liée à la phénologie des végétaux, surtout au verdissement, au printemps, et à la floraison, en été. Toutes les saisons sont critiques : le printemps pour la gestation et la reconstitution des réserves énergétiques utilisées pendant l’hiver, l’été pour la lactation et la croissance, l’été et l’automne pour la constitution des réserves énergétiques pour le rut de début d’hiver, et l’hiver pour l’accès à une quantité suffisante de nourriture permettant de survivre dans le dur environnement de l’Arctique.

Chez le caribou de Peary, les mâles atteignent en général l’âge de la reproduction à 4 ans et les femelles à 3 ans (rarement 2); les deux sexes peuvent rester féconds jusqu’à l’âge d’au moins 13 ans et vivent jusqu’à au moins 15 ans. Les bonnes années, environ 80 p. 100 des femelles de 3 ans et plus peuvent produire des faons. Par les hivers rigoureux, le recrutement d’individus de l’année peut tomber à zéro. Les taux de gravidité varient de près de 0 à 100 p. 100, et sont liés à la condition physique des femelles adultes. Sauf lors des hivers exceptionnellement rudes, la survie des faons à l’hiver varie d’environ 20 à 90 p. 100, et dépasse souvent 50 p. 100.

Les populations de caribous de Peary peuvent s’accroître à des taux annuels de l’ordre de 19 p. 100 sur de courtes périodes de quelques années. À des échelles décennales ou plus longues, on n’a pas observé d’accroissements de population de plus de 13 p. 100.

Le caribou de Peary vit en petits groupes, par comparaison avec le caribou de la toundra, différence qui tient aux stratégies de recherche de nourriture, aux densités relativement basses des animaux et à l’absence de harcèlement intense par les insectes. Le caribou de Peary consomme des proportions relatives de lichens plus basses que les autres caribous, et davantage de mousses. Le rumen est plus grand chez le caribou de Peary que chez les autres caribous, ce qui peut être une adaptation à la consommation de fourrage de moindre qualité nutritionnelle. On note aussi d’autres adaptations au Haut-Arctique, comme un pelage d’hiver long et dense, un mufle velu, un museau court et des sabots courts et larges. En hiver, lorsque la neige et la couche de glace l’empêchent de creuser des cratères pour trouver sa nourriture, ou rendent cette activité énergétiquement inefficace, il se nourrit sur les crêtes et pentes balayées par le vent, et dans les champs de rochers, où la neige est molle, et ne croûte pas sous l’effet du vent. Dans des conditions généralisées de formation de glace, le caribou quitte le territoire englacé et cherche sa nourriture dans des endroits sans neige ni glace, ou à couverture de neige mince, sur les pentes face au sud, les crêtes et les reliefs, qui sont aussi ceux où le verdissement de la végétation survient en premier. Après le verdissement, le caribou de Peary se nourrit de façon sélective, privilégiant les fleurs qui sont riches en énergie et en protéines.

Advenant la disparition du caribou de Peary, il est peu probable que d’autres caribous puissent occuper sa niche écologique actuelle. Il en va probablement de même pour le troupeau de Dolphin-et-Union.

Taille et tendances des populations

Il est difficile d’assurer un suivi des tendances des populations parce que les recensements qui permettent d’estimer les effectifs ont été effectués à intervalles irréguliers (sauf pour ce qui est des populations des îles Banks et Bathurst). L’est des îles Reine-Élisabeth a fait l’objet en 1961 par un recensement aérien qui a couvert la quasi-totalité du territoire, mais n’a fait l’objet d’aucun recensement généralisé depuis. Les populations de caribous de Peary ont continué à décliner depuis le rapport d’évaluation de 1991 (Miller, 1991), qui reposait sur des données remontant à 1987. Le rapport d’évaluation de 1991 indiquait des déclins de 86 p. 100 (entre 1961 et 1987) pour les deux populations locales de l’ouest des îles Reine-Élisabeth, un déclin de 50 p. 100 dans l’île Banks, et des tendances stables ou non détectables pour les autres métapopulations. Les populations de caribous de Peary ont décliné dans l’ensemble d’environ 72 p. 100 au cours des trois dernières générations (donc depuis environ 1980) – et de 84 p. 100 dans les quatre dernières décennies. Depuis 1980, la population de caribous de Peary des îles Reine-Élisabeth a décliné d’environ 37 p. 100 (malgré une augmentation de 13 p. 100 par an entre 1974 et 1994 dans le complexe insulaire de Bathurst), celle de l’île Banks – nord-ouest de l’île Victoria d’environ 72 p. 100, et celle du complexe Prince-de-Galles – Somerset d’environ 99 p.100. La population de la péninsule de Booth a augmenté d’environ 10 p. 100. La meilleure estimation actuelle de l’effectif total (faons inclus) du caribou de Peary est de 7 890, avec une plage de 5 971 à 9 146.

La population de Dolphin-et-Union, autrefois estimée à quelques 100 000 têtes, se réduisait à une poignée d’individus aux alentours de 1924, et est maintenant remontée à environ 25 p. 100 de son abondance passée.

Facteurs limitatifs et menaces

Parmi les facteurs dont on sait qu’ils ont contribué aux déclins du caribou figurent : (1) des événements hivernaux épisodiques caractérisés par une accumulation de neige épaisse et persistante, surtout lorsqu’elle est associée à de la pluie verglaçante ou à des périodes de temps inhabituellement doux, ce qui entraîne la formation d’une couche de glace ou de neige épaisse et croûtée qui emprisonne le fourrage; et (2) une pression de chasse non durable.

Il a aussi été avancé que des interactions avec le bœuf musqué (Ovibos moschatus), faisant peut-être intervenir des relations de prédation ou la concurrence pour l’espace ou la nourriture, avaient pu contribuer au déclin des populations de caribou de Peary, mais on n’a pas pu en faire la preuve, malgré la densité moyenne relativement élevée de bœufs musqués en association avec les caribous. Bien qu’on n’ait pas d’indication que des loups aient pu significativement réduire ces populations de caribou, leur impact potentiel est beaucoup plus élevé maintenant qu’elles sont tombées à de très bas effectifs.

Les activités industrielles pourraient menacer aussi bien le caribou de Peary que celui de Dolphin-et-Union en empêchant les migrations ou en causant des perturbations excessives à des stades critiques du cycle biologique comme la mise bas, le rut ou l’alimentation d’hiver ou de printemps-été. Les impacts au niveau des populations n’ont cependant pas été démontrés.

Pour au moins une population (Prince-de-Galles – Somerset), la diversité génétique et l’effectif sont si bas que sa capacité à s’adapter à des stress environnementaux pourrait être sérieusement compromise, et que sa susceptibilité à des dépressions de consanguinité est à craindre. Il pourrait en aller de même pour le caribou de Peary de l’ouest des îles Reine-Élisabeth.

Le changement climatique est la menace la plus grave. Si les épisodes de formation de glace en hiver devaient devenir plus fréquents ou plus graves, le caribou de Peary pourrait disparaître, du moins à l’échelle locale. Dans ce cas, les populations ne pourraient plus supporter de récoltes annuelles importantes.

Importance de la sous-espèce

Les caribous de Peary et de Dolphin-et-Union sont endémiques au Canada; seuls cervidés présents dans l’archipel Arctique, ils font preuve d’une adaptation unique à leur environnement de désert polaire et ils jouent un rôle clé dans la culture et l’économie des Inuits et des Inuvialuits.

Protection actuelle et autres désignations

Le caribou de Peary est protégé aux termes des ententes territoriales mentionnées plus haut, qui reconnaissent et précisent les droits des Autochtones de récolter les espèces sauvages, sous réserve de considérations de conservation et de sécurité du public, et qui prévoient la création de conseils de gestion de la faune. Les autorités de gestion locales, comme les organisations de chasseurs et trappeurs et les organismes régionaux responsables de la faune, ont le pouvoir de limiter ou d’interdire la chasse par leurs membres. Le pouvoir des conseils de gestion de la faune relève de l’autorité ultime du gouvernement.

Il n’existe pas de zones sur lesquelles la chasse soit interdite par la loi.

Les exploitations industrielles sont normalement tenues d’éviter de harceler les caribous ou de les déranger de quelque manière, aux termes de leurs permis d’exploitation ou licences d’occupation territoriaux et/ou fédéraux.

En 1991, le COSEPAC a désigné la population de caribou de Peary des îles Reine-Élisabeth (« Haut-Arctique ») et celle de l’île Banks sur la liste des espèces en voie de disparition, et les populations du complexe Prince-de-Galles – Somerset, de la péninsule de Booth et de Dolphin-et-Union (collectivement dites du « Bas-Arctique ») sur la liste des espèces menacées. L’Union mondiale pour la nature a déclaré le caribou de Peary « espèce menacée d’extinction » en 1996.

Historique du COSEPAC

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été créé en 1977, à la suite d’une recommandation faite en 1976 lors de la Conférence fédérale-provinciale sur la faune. Le Comité a été créé pour satisfaire au besoin d’une classification nationale des espèces sauvages en péril qui soit unique et officielle et qui repose sur un fondement scientifique solide. En 1978, le COSEPAC (alors appelé Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada) désignait ses premières espèces et produisait sa première liste des espèces en péril au Canada. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) promulguée le 5 juin 2003, le COSEPAC est un comité consultatif qui doit faire en sorte que les espèces continuent d’être évaluées selon un processus scientifique rigoureux et indépendant.

Mandat du COSEPAC

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) évalue la situation, à l’échelle nationale, des espèces, sous-espèces, variétés ou autres unités désignables qui sont considérées comme étant en péril au Canada. Les désignations peuvent être attribuées aux espèces indigènes et incluant les groupes taxinomiques suivants : mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons, arthropodes, mollusques, plantes vasculaires, mousses et lichens.

Composition du COSEPAC

Le COSEPAC est formé de membres de chacun des organismes provinciaux et territoriaux responsables des espèces sauvages, de quatre organismes fédéraux (Service canadien de la faune, Agence Parcs Canada, ministère des Pêches et des Océans et Partenariat fédéral en biosystématique, présidé par le Musée canadien de la nature) et de trois membres ne relevant pas de compétence, ainsi que des coprésidents des sous-comités de spécialistes des espèces et du sous-comité de connaissances traditionnelles autochtones. Le Comité se réunit pour examiner les rapports de situation sur les espèces candidates.

Définitions (depuis mai 2004)

Espèce
Toute espèce, sous-espèce, variété ou population indigène de faune ou de flore sauvage géographiquement ou génétiquement distincte.

Espèce disparue (D)
Toute espèce qui n'existe plus.

Espèce disparue du pays (DP)Note de bas de pagea
Toute espèce qui n'est plus présente au Canada à l'état sauvage, mais qui est présente ailleurs.

Espèce en voie de disparition (VD)Note de bas de pageb
Toute espèce exposée à une disparition ou à une extinction imminente.

Espèce menacée (M)
Toute espèce susceptible de devenir en voie de disparition si les facteurs limitatifs auxquels elle est exposée ne sont pas inversés.

Espèce préoccupante (P)Note de bas de pagec
Toute espèce qui est préoccupante à cause de caractéristiques qui la rendent particulièrement sensible aux activités humaines ou à certains phénomènes naturels.

Espèce non en péril (NEP)Note de bas de paged
Toute espèce qui, après évaluation, est jugée non en péril.

Données insuffisantes (DI)Note de bas de pagee
Toute espèce dont le statut ne peut être précisé à cause d'un manqué de données scientifiques.

 

Service canadien de la faune

Le Service canadien de la faune d’Environnement Canada assure un appui administratif et financier complet au Secrétariat du COSEPAC.

 

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