Physe des fontaines de Ban (Physella johnsoni) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 2

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COSEPAC
Résumé

Physe des fontaines de Banff
Physella johnsoni

Information sur l’espèce

La physe des fontaines de Banff (Physella johnsoni [Clench, 1926]) est un petit gastéropode aquatique à coquille globulaire, spiralée vers la gauche (senestre) et mesurant jusqu’à11 mm de longueur. Des analyses morphologiques et moléculaires donnent à croire qu’il s’agit d’une espèce valide, mais le statut de ce taxon ne fait pas l’unanimité. La différenciation de cette espèce serait survenue il y a 3 200 à 5 300 ans, ce qui explique la faible divergence génétique observée entre elle et ses ancêtres.

 

Répartition

La physe des fontaines de Banff est confinée à quelques sources thermales situées près de Banff, dans le Parc national du Canada Banff (Alberta). Décrite en 1926, elle a été récoltée dans neuf sources thermales distinctes. Sa présence a été signalée à deux autres sites dans le passé, mais ces mentions résultent d’une opération de pompage d’eau ou sont erronées. En 1996, l’espèce n’occupait plus que cinq sources thermales, dont quatre se trouvent dans un secteur très achalandé, le lieu historique national du Canada Cave and Basin (LHNC&B). En 2002 et en 2003, elle a été réintroduite dans deux sources thermales d’où elle avait disparu, et elle y forme aujourd’hui deux sous-populations autosuffisantes. Ces deux sous-populations peuvent être considérées aux fins de l’évaluation de la situation de l’espèce en vertu des lignes directrices du COSEPAC sur les populations manipulées. Tous les sites abritant ou ayant déjà abrité l’espèce – 100 p. 100 de sa répartition mondiale – se trouvent au Canada, dans le Parc national du Canada Banff. La superficie combinée des sept sites actuellement occupés par l’espèce équivaut à l’espace qui s’étend entre la ligne bleue et la bande arrière la plus proche d’une patinoire de hockey sur glace de dimensions nord-américaines.

 

Habitat

La physe des fontaines de Banff est une espèce spécialiste des sources thermales qui a besoin d’un apport continu d’eaux thermales chaudes (environ 30 à 38 °C) contenant de fortes concentrations de minéraux dissous, en particulier de sulfure d’hydrogène, et abritant une communauté microbienne complexe jouant le double rôle de source de nourriture et d’élément structural de l’habitat. La plupart des individus se tiennent à l’interface air-eau, fixés à des tapis flottant d’algues, de bactéries, de débris ligneux et de feuilles ou sur les arêtes de roches émergentes, les parois en béton et les toiles en caoutchouc des bassins ou le bord des sources. Comme l’espèce vit uniquement dans des sources thermales et presque exclusivement dans les tronçons supérieurs de ces sources, son habitat est naturellement fragmenté et dispersé. Toutes les sources thermales qui ont déjà abrité ou qui abritent actuellement l’espèce ont été touchées par diverses activités de développement, mais certaines ont retrouvé un état plus naturel.

 

Biologie

La physe des fontaines de Banff est un organisme hermaphrodite (chaque individu porte les caractéristiques des deux sexes). En aquarium, l’espèce peut se reproduire dès que la longueur de la coquille atteint 3 mm de longueur (à l’âge de neuf semaines). Les œufs sont déposés sur divers supports à l’interface air-eau, sous forme de petites capsules (environ 2 mm × 5 mm) transparentes en forme de croissant contenant en moyenne 12 œufs. L’éclosion survient dans les 6 jours suivant la ponte. La physe des fontaines de Banff se reproduit fort probablement durant toute l’année dans les sources thermales. Elle se nourrit des diverses espèces qui composent la communauté microbienne, et tout particulièrement d’une bactérie filamenteuse blanche qui oxyde le soufre. Des physes adultes ont survécu durant 11 mois après avoir été introduites dans des aquariums.

 

Taille et tendances des populations

On ne dispose d’aucune estimation de la taille des sous-populations historiques de la physe des fontaines de Banff. Toutefois, depuis janvier 1996, les sous-populations existantes font l’objet d’un dénombrement toutes les 3 ou 4 semaines. Ces sous-populations subissent d’importantes fluctuations annuelles qui peuvent excéder 2 ordres de grandeur. Elles atteignent leur niveau le plus bas en été, et leur niveau le plus élevé à la fin de l’hiver. Depuis le début des suivis, des creux annuels d’aussi peu que 30 et 43 individus ont été observés dans différentes sources thermales. En revanche, près de 34 000 individus ont été dénombrés en décembre 2005. Cette valeur est la plus forte jamais observée. Des hausses significatives (P < 0,05) des tailles minimales, maximales et moyennes de la population ont été observées, mais seulement après l’ajout des 2 sous-populations réintroduites aux 2 sous-populations initiales. Une modélisation démographique fondée sur les données de dénombrement amassées au cours d’une période de 7 ans a permis de déterminer le risque de disparition après 40 ans pour chacune des 5 sous-populations initiales. Ce risque varie de 3 p. 100 à près de 30 p. 100 selon les sous-populations considérées, mais il est nul si les 5 sous-populations initiales sont combinées. Il faut toutefois faire preuve de prudence dans l’interprétation des résultats fournis par les modèles démographiques et tenir compte des hypothèses inhérentes à ces modèles.

 

Facteurs limitatifs et menaces

Les menaces naturelles (N) et anthropiques qui pèsent sur l’espèce et son habitat, qu’elles soient liées à l’exploitation des installations (EI) dans certains réseaux de sources thermales ou à d’autres activités humaines (Hu), ont été déterminées et cotées par ordre décroissant de gravité comme suit : interruptions (N), réductions ou fluctuations (N/EI) et dérivations (N/EI) de l’écoulement des sources thermales; habitat limité ou de piètre qualité (N/EI); immersion et baignade (Hu); effondrement des sous-populations et reproduction consanguine (N); piétinement et perturbations locales (Hu); trempage des mains et des pieds (Hu); événements stochastiques (N); autres menaces (prédation, compétition, récolte, extraction de l’eau par redressement des branches d’arbres au printemps) (Hu/N).

 

Importance de l’espèce

La physe des fontaines de Banff est endémique aux sources thermales du Parc national du Canada Banff, un des quatre réseaux de sources thermales naturellement occupés par des gastéropodes aquatiques de la famille des Physidés au Canada. Elle est une indicatrice de la santé de l’écosystème des sources thermales, et elle est peut-être une espèce clé de la communauté d’organismes aquatiques associée à cet écosystème. Le fait qu’elle soit confinée à un parc national lui confère une importance encore plus grande, compte tenu du rôle essentiel que doivent jouer les parcs nationaux dans l’atteinte des engagements nationaux et internationaux du Canada liés à la conservation de la biodiversité et des espèces en péril.

 

Protection actuelle ou autres désignations de statut

La physe des fontaines de Banff figure à l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril (LEP) et est de ce fait protégée en vertu de cette loi et de la Loi sur les parcs nationaux du Canada. Elle est classée dans la catégorie de risque la plus élevée aux échelles tant mondiale (G1) que provinciale (S1 en Alberta). Depuis janvier 1996, le programme de recherche et de rétablissement visant cette espèce est mené selon les orientations énoncées dans le plan de gestion des ressources approuvé par Parcs Canada. Les orientations futures du programme sont précisées dans le Programme de rétablissement et plan d’action visant la physe des fontaines de Banff au Canada.

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