Physe des fontaines de Ban (Physella johnsoni) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 7

Habitat

Besoins de l’espèce en matière d’habitat

Au Canada, on trouve des sources thermales uniquement dans les secteurs montagneux des régions cordillériennes de l’Alberta, de la Colombie-Britannique, du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest (Van Everdingen, 1991). Ces écosystèmes fragiles de superficie restreinte sont caractérisés par des conditions microclimatiques rares déterminées et conditionnées par l’activité géothermique locale et peuvent être considérés comme des milieux hostiles (températures élevées, fortes concentrations de minéraux dissous et faibles concentrations d’oxygène dissous) (Brues, 1924, 1927). À l’exception de la source Vermilion Cool, les sources thermales du mont Sulphur coulent le long de la faille de chevauchement du mont Sulphur, le long d’un gradient altitudinal s’étendant des sources Upper Hot à Cave & Basin (figure 5). La source Vermilion Cool se trouve le long de la faille Bourgeau (Grasby et Lepitzki, 2002). On croit que les sources thermales du mont Sulphur sont alimentées par les précipitations qui tombent sous forme de pluie et de neige sur le mont Rundle, voisin du mont Sulphur (Grasby et Lepitzki, 2002). Cette eau météorologique s’écoule jusqu’à une profondeur d’environ 3,2 km; la chaleur et les minéraux dissous proviennent du roc avoisinant (Grasby et Lepitzki, 2002). De façon générale, les sources thermales situées plus en altitude sont les plus chaudes (Upper Hot), la température maximale de l’eau diminuant le long du gradient altitudinal (figure 6). Les paramètres physicochimiques de l’eau fluctuent de façon saisonnière, et les fluctuations les plus importantes se produisent généralement dans les sources situées plus en altitude. La température de l’eau atteint sa valeur maximale en hiver (figure 7), alors que l’infiltration résultant de la fonte de la neige et de la glace est réduite. Durant la période de ruissellement printanier, l’apport additionnel d’eau souterraine peu profonde entraîne une hausse des débits, du pH et des concentrations d’oxygène dissous et une baisse de la température de l’eau, de la conductivité et des concentrations de sulfure d’hydrogène (figure 8). Ces fluctuations provoquent des changements saisonniers chez les communautés microbiennes des sources thermales (Van Everdingen, 1970; Grasby et Lepitzki, 2002).


Figure 6 : Physicochimie de l’eau aux points d’origine des sources thermales occupées historiquement par le Physella johnsoni

Figure 6. Physicochimie de l’eau aux points d’origine des sources thermales occupées historiquement par le Physella johnsoni.

Les moyennes, les erreurs-types de la moyenne et les intervalles des paramètres physico-chimiques mesurés entre mars 1998 et décembre 2005 (à partir de janvier 2001 à la source Gord’s Pool) à l’aide d’un multimètre portatif et d’un spectrophotomètre portatif (sulfure) durant les dénombrements des physes sont présentés. Les intervalles importants résultent de l’assèchement des sources et/ou de fluctuations saisonnières des débits.

 


Figure 7 : Température de l’eau au point d’origine de la source Kidney, mesurée automatiquement toutes les heures (ligne continue) et durant les relevés de population (points) entre mai 1998 et le 9 septembre 2006

Figure 7. Température de l’eau au point d’origine de la source Kidney, mesurée automatiquement toutes les heures (ligne continue) et durant les relevés de population (points) entre mai 1998 et le 9 septembre 2006.

Les plongeons du tracé en 1998 et 1999 sont erronés : le premier plongeon, en 1998, a été causé par la sortie de l’enregistreur hors de l’eau, et les autres résultent d’un mauvais fonctionnement de l’appareil. Le plongeon du tracé en 2002 a été causé par l’assèchement de la source.

 


Figure 8 : Physicochimie de l’eau au point d’origine de la source Kidney, mesurée à l’aide d’un multimètre et d’un spectrophotomètre portables entre mars 1998 et décembre 2005

Figure 8. Physicochimie de l’eau au point d’origine de la source Kidney, mesurée à l’aide d’un multimètre et d’un spectrophotomètre portables entre mars 1998 et décembre 2005. L’absence de mesures au début de l’année 2002 résulte de l’assèchement de la source.

L’absence de mesures au début de l’année 2002 résulte de l’assèchement de la source.

Des fluctuations spatiales touchant la communauté microbienne (Lepitzki, obs. pers.; Londry, 2005a, b) et la physicochimie de l’eau – diminution de la température de l’eau et des concentrations de sulfure, et hausse du pH et des concentrations d’oxygène dissous - se produisent également d’amont en aval, depuis le bassin d’origine en amont jusqu’à l’exutoire (Lepitzki, 2002a; Londry, 2005a, b). La présence de ces gradients biotiques et abiotiques pourrait expliquer la microrépartition particulière de la physe des fontaines de Banff dans les sources thermales où elle vit, la plupart des individus d’une sous-population donnée demeurant durant une bonne partie de l’année dans le bassin d’origine de la source ou dans son voisinage immédiat (figure 9). La physe des fontaines de Banff est dès lors considérée comme un spécialiste des sources thermales qui a besoin d’un apport constant d’eaux thermales chaudes contenant de fortes concentrations de minéraux dissous, en particulier de sulfure d’hydrogène, et abritant une communauté microbienne complexe jouant le double rôle de source de nourriture et d’élément structural de l’habitat. La plupart des individus se tiennent à l’interface air-eau, fixés à des tapis flottant d’algues, de bactéries, de débris ligneux et de feuilles ou sur les arêtes de roches émergentes, les parois en béton et les toiles en caoutchouc des bassins ou le bord des sources. Bien que les tronçons supérieurs et les bassins d’origine des sources thermales constituent l’habitat naturel et préféré de l’espèce, des physes ont très bien survécu dans des aquariums munis d’un système de circulation continue de l’eau, dans de l’eau thermale naturelle, avec ou sans apport de nourriture pour poissons, et dans de l’eau du robinet chauffée, avec apport de nourriture pour poissons (Lepitzki, 2003a, b, 2004; voir la sous-section Adaptabilité).

Comme l’espèce vit uniquement dans des sources thermales, son habitat est naturellement fragmenté et dispersé, et seuls les tronçons supérieurs des sources sont préférés. De façon générale, la diversité des autres composantes de la flore et de la faune dépendant des sources thermales augmente plus on s’éloigne des bassins d’origine. Des travaux récents ont mené à la découverte de 2 espèces de demoiselles rares (Rice, 2002; Acorn, 2004; Hornung, 2005; Hornung et Pacas, 2006) et d’un certain nombre d’espèces de mousses et d’hépatiques rares (Krieger, 2003). Les sources abritent également une grande diversité d’algues (de 40 à 50 espèces réparties dans 26 genres; Hebben, 2003) et de nouvelles souches de bactéries, dont bon nombre sont peut-être endémiques aux sources thermales de Banff (Yurkov et Bilyj, 2005). Au moins 2 plantes vasculaires, soit le panic laineux (Panicum acuminatum) et la fougère-aigle (Pteridium aquilinum), semblent avoir disparu, car les plus récentes observations de ces 2 espèces au LHNC&B remontent à 1899 (Wallis, 2002). Une sous-espèce de poisson, le naseux des rapides de Banff (Rhinichthys cataractae smithi), endémique aux sources du LHNC&B, a également disparu (COSEPAC, 2006).

 


Figure 9 : Microrépartition du Physella johnsoni à la source Upper C&B de 1996 à 2001

Figure 9. Microrépartition du Physella johnsoni à la source Upper C&B de 1996 à 2001.

Les physes ont été dénombrées dans quatre microsites, situés dans le bassin d’origine et l’exutoire.

La physe des fontaines de Banff tolère, dans une certaine mesure, les perturbations naturelles et elle est capable de s’adapter aux fluctuations saisonnières naturelles des paramètres physicochimiques de l’eau et aux cycles naturels de la communauté microbienne. Elle a résisté aux travaux d’aménagement au LHNC&B (voir la sous-section Tendances en matière d’habitat). Toutefois, au cours des 70 années qui ont suivi sa découverte, elle a disparu d’au moins la moitié des sites où elle vivait, et ce, même si tous ces sites se trouvaient dans un parc national.


Tendances en matière d’habitat

Les paramètres physicochimiques de l’eau de certaines des sources thermales du mont Sulphur sont mesurés depuis 1916 et 1917 (Satterly et Elworthy, 1917; Elworthy, 1918). De façon générale, les valeurs de température de l’eau mesurées au tournant du siècle dernier se comparent aux valeurs enregistrées plus récemment. La température et les paramètres chimiques de l’eau des sources thermales sont habituellement constants dans le temps (Grasby et al., 2000), mais dans un contexte géologique, la disparition de certaines sources est possible. Brues (1928) a démontré qu’un très grand nombre de très grandes sources aujourd’hui disparues coulaient dans des secteurs qui contiennent encore des sources. Même dans le secteur des sources Middle, certains signes nous indiquent qu’au moins une source s’est asséchée définitivement, il y a peut-être des centaines d’années (Lepitzki, obs. pers.). Les gros blocs de tuf qui se trouvent près de l’origine actuelle de la source Upper C&B sont en réalité les vestiges d’une caverne effondrée (Grasby et al., 2003). Le gros amoncellement de tuf à la source Upper Hot donne à croire que le débit était normalement plus élevé ou plus dispersé qu’il l’est aujourd’hui, bien que l’installation de conduites et de bassins destinés à retenir l’eau des sources d’eau ait également favorisé la croissance d’une végétation vigoureuse sur le dépôt (Grasby et Lepitzki, 2002).

Bien qu’il soit normal que les débits diminuent à mesure que les réserves d’eau souterraine s’épuisent à la fin de l’hiver et au début du printemps (Van Everdingen, 1970, 1972; Grasby et Lepitzki, 2002), l’assèchement de sources thermales se produit de plus en plus fréquemment. Le seul cas historique documenté touchant une source du mont Sulphur est celui de la source Upper Hot, qui a cessé de couler entre le 12 mars et le 11 mai 1923 (Elworthy, 1926; Warren, 1927). Depuis 1996, la source Upper Hot s’est asséchée au cours de huit hivers (figure 10), pendant des périodes variant d’environ 1 semaine à 32 semaines (Grasby et Lepitzki, 2002, Lepitzki, données inédites). Des précipitations anormalement faibles en 1922 seraient à l’origine de l’assèchement de la source Upper Hot en 1923 (Warren, 1927). Le même phénomène pourrait expliquer les interruptions de débit récentes (Grasby et Lepitzki, 2002). L’année la plus sèche documentée à ce jour (2001) (Grasby et Lepitzki, 2002) a été suivie par la plus longue interruption de débit à la source Upper Hot et, pour la première fois, par l’assèchement de la source Kidney (Lepitzki et Pacas, 2003). Bien qu’on puisse s’attendre à ce que les sources situées le plus en hauteur le long de la faille de chevauchement s’assèchent en premier (Grasby et Lepitzki, 2002), de façon inexplicable, la source Upper Middle a cessé de couler pendant au moins 12 semaines au cours de l’hiver 1995-1996 (Grasby et Lepitzki, 2002), et la source Gord’s Pool s’est asséchée au cours des automnes et hivers 2005-2006 et 2006-2007, alors que toutes les autres sources thermales du mont Sulphur continuaient de couler (figure 10).

En ce qui a trait aux précipitations, les prévisions liées aux changements climatiques pour le Parc national du Canada Banff laissent entrevoir une diminution en été et une augmentation en hiver et au printemps (Scott et Suffling, 2000; Scott et Jones, 2005). Par conséquent, le débit des sources thermales du mont Sulphur devrait se maintenir approximativement au niveau actuel ou diminuer légèrement (Scott et Suffling, 2000). Si les dix dernières années sont une indication de ce que nous réservent les changements climatiques à venir, il faut s’attendre à d’autres anomalies des écoulements, dont des interruptions.

 


Figure 10 : Moment et durée des interruptions du débit de sources thermales survenues entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 2006 au Parc national du Canada Banff

Figure 10. Moment et durée des interruptions du débit de sources thermales survenues entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 2006 au Parc national du Canada Banff.

L’assèchement de la source Upper Hot, qui a duré du 12 mars au 11 mai 1923, est le seul autre cas documenté d’assèchement d’une source thermale au mont Sulphur. Les lignes continues entre les repères verticaux correspondent aux périodes durant lesquelles les sources se sont asséchées (confirmées par des observations directes et les données de température enregistrées automatiquement). À la source Gord’s, la surveillance a commencé seulement en janvier 2001.

Toutes les sources thermales anciennement ou actuellement occupées par la physe des fontaines de Banff ont été touchées par les activités de développement, mais un certain nombre d’entre elles ont retrouvé un aspect plus naturel. La source Upper Hot alimente la seule installation thermale où la baignade publique est encore permise dans le Parc national du Canada Banff, et elle a été utilisée sans interruption à cette fin depuis au moins 1918 (Van Everdingen, 1972). Près de 300 000 personnes se sont baignées dans la source Upper Hot au cours de l’année financière 1995-1996 (Davidson, comm. pers., 1996). Les taux de fréquentation actuels semblent comparables. À l’origine, plusieurs exutoires ont contribué à la formation de l’important amoncellement de tuf à la source Upper Hot, mais à la fin des années 1800, l’eau de la source a été acheminée par des conduites vers une citerne souterraine en béton (Grasby et Lepitzki, 2002). On laisse l’eau s’écouler à la surface du sol en amont de l’avenue Mountain jusqu’à ce qu’elle rejoigne l’eau de bassin usée et chlorée et rejaillisse à la surface en aval de l’avenue Mountain pour se jeter dans l’exutoire seulement lorsqu’un excès d’eau s’accumule dans la citerne ou lorsque l’eau est trop fraîche pour être utilisée dans le bassin de baignade. En aval, l’exutoire se jette dans la rivière Spray (figure 5). Le pavillon principal et le bassin ont fait l’objet d’importants travaux de rénovation et de réaménagement en 1996. Le réseau de sentiers reliant la source Upper Hot et l’aire de stationnement du téléphérique du mont Sulphur a également été réaménagé, et une clôture en lisse et une promenade en bois enjambant l’exutoire ont été construites en amont de l’avenue Mountain. Durant leur marche vers le bassin de baignade, les visiteurs sont invités à profiter d’une ouverture dans la clôture pour toucher aux eaux thermales naturelles.

Avant 1927, les eaux de la source Kidney, située à environ 200 m au nord de la source Upper Hot (figure 5), se déversaient dans une petite citerne en béton (~ 0,87 m x 0,87 m) pour être pompées vers la piscine de l’hôtel Banff Springs (Van Everdingen, 1972). On ne sait pas exactement à quel moment cette activité a pris fin, mais les vieilles conduites rouillées sont encore visibles sur le site et le long du pipeline menant à l’hôtel Banff Springs. Au cours des 10 dernières années, des inconnus ont excavé l’origine de la source, située sur une paroi de falaise, permettant à l’eau de ruisseler à la surface du sol jusqu’à la petite citerne en béton et dans une petite conduite souterraine. De nombreux visiteurs s’arrêtaient à la citerne pour se baigner. L’existence de cette citerne est même mentionnée dans un guide récent sur les sources thermales de l’Ouest canadien (Woodsworth, 1999). La baignade est aujourd’hui interdite dans la source Kidney, et en prévision de la réintroduction de l’espèce, une clôture a été érigée en novembre 2001 autour de la source. Après l’adoption d’une série de mesures visant à protéger l’habitat, une diminution significative (P < 0,05) de la gravité des altérations de l’habitat causées les humains a été constatée durant les relevés réguliers de dénombrement (Lepitzki et Pacas, 2002, 2003). On a également inséré un déversoir à échancrure triangulaire dans la conduite qui achemine l’eau vers la citerne en béton en avril 2002, alors que la source était asséchée, afin de permettre une mesure plus précise du débit de la source (Lepitzki et al., 2002a; Hayashi, 2004; Schmidt, 2005).

Parmi les sources thermales du mont Sulphur, ce sont probablement les sources Middle qui ont été les moins perturbées par les travaux d’aménagement et qui ont le plus conservé leur état original (Van Everdingen, 1972). Selon une croyance populaire, les eaux des sources Middle auraient été utilisées par le sanatorium du Dr Brett, érigé entre 1886 et 1888 sur le site actuellement occupé par le bâtiment d’administration du parc (Van Everdingen, 1972). Selon Elworthy (1926), les sources Middle étaient encore intactes en août 1923. Marsh (1974) estime que l’eau utilisée au sanatorium et commercialisée sous le nom de Lithia Water par le Dr Brett provenait d’un site en aval des sources Middle. Les eaux des sources Middle ont ensuite été captées et détournées vers une alevinière au début des années 1940 (Marsh, 1974). Bien que rapidement abandonné, le projet a altéré le tracé et le débit des sources (Marsh 1974). À une certaine époque, l’eau des sources Middle était également pompée vers le LHNC&B (Parcs Canada, 1958). Des vestiges de tuyaux et des morceaux de béton jonchent encore le sol dans le secteur des sources Middle, en particulier à proximité des points d’origine des sources.

La totalité du secteur des sources Middle a été désignée site écologiquement fragile en 1988 (Environnement Canada, 1988) et est actuellement comprise dans le corridor faunique du mont Sulphur (Parcs Canada, 1997). Cette désignation reconnaissait le fait que les sources Upper Middle et Lower Middle étaient les seules sources thermales encore relativement intactes sur le mont Sulphur, que leurs eaux minérales chaudes procuraient un habitat exceptionnel à des plantes et invertébrés rares et que le Service des parcs devait prendre des dispositions pour faire l’acquisition de la propriété sur laquelle se trouvent les sources Middle en vue de la ramener à son état naturel (Environnement Canada, 1988).

Au cours de l’été 1995, des problèmes de pollution fécale humaine ont entraîné la fermeture au public des sources Middle à proximité des cavernes de la source Upper Middle (Pacas et al., 1996). En juin 1997, le directeur du parc a ordonné la fermeture du secteur des sources Middle pour protéger la physe des fontaines de Banff contre les perturbations anthropiques. Même après la fermeture au public du corridor faunique du mont Sulphur en novembre 1997, des gens ont continué d’utiliser illégalement les sources thermales. À la source Kidney, l’ampleur des perturbations anthropiques a diminué de façon perceptible seulement après l’adoption de mesures additionnelles au début de 2002, en prévision de la réintroduction de la physe (Lepitzki et Pacas, 2001, 2002, 2003). Des déversoirs à échancrure triangulaire ont également été installés dans les exutoires des sources Upper Middle et Lower Middle en juillet 2002.

Le plus célèbre réseau de sources thermales au Parc national du Canada Banff se trouve au LHNC&B. Son développement a débuté avec la « découverte » de la caverne en 1883 (Parcs Canada, 1998). Le site, berceau du réseau des parcs nationaux du Canada (Parcs Canada, 1998), a fait l’objet de nombreux travaux de développement (Van Everdingen, 1972) et d’aménagement.

[Traduction] « Les conditions naturelles du secteur ont été irrévocablement altérées par la construction des installations existantes. Le rejet incontrôlé d’eau thermale ne peut plus être autorisé en raison des dommages qu’une telle pratique risque d’occasionner aux installations. Il est donc impossible de rétablir l’état naturel original du secteur. Tout ce que l’on peut espérer, c’est de recréer des conditions quasi naturelles permettant de récupérer et de réguler entièrement les rejets d’eaux thermales. » (Van Everdingen et Banner, 1982).

Plus récemment, Grasby et Bednarski (2002) ont donné plus de poids à cette conclusion en affirmant que pour préserver ce site, pour des raisons historiques et écologiques, il faut le maintenir artificiellement. Avec le temps, la caverne devrait finir naturellement par s’effondrer (Grasby et al., 2003), mais en raison des préoccupations soulevées par la préservation de l’intégrité commémorative du site, on ne laissera pas pareil scénario se produire (voir la section Protection et propriété).

Les derniers travaux importants de réaménagement au LHNC&B ont été entrepris en 1985, en prévision du centenaire de la création du premier parc national du Canada. Une série de promenades menant aux points d’origine des sources thermales et enjambant les exutoires de ces sources ont été construites, un nouveau réservoir avec revêtement en caoutchouc, le bassin Billy’s, a été aménagé à la source Lower Cave & Basin, et le bassin Basin a été reconstruit. À l’heure actuelle, les eaux thermales sont entièrement confinées dans des bassins construits et des exutoires de surface. Une série de drains, de conduites et de vannes assure la régulation du débit de l’exutoire avant que celui se jette dans le marais Cave and Basin, désigné Zone 1 - Préservation spéciale (Parcs Canada, 1997). Le LHNC&B a accueilli près de 165 000 visiteurs au cours de l’année financière 1998-1999 (Parcs Canada, données inédites). Les taux d’affluence annuelle ont toutefois chuté à environ 100 000 visiteurs au cours des dernières années (Parcs Canada, 2006).

Au cours des dix dernières années (Lepitzki et al., 2002b; Lepitzki et Pacas, 2007), le resserrement des mesures de protection de l’habitat a permis d’améliorer la qualité de l’habitat au LHNC&B. La baignade est désormais interdite dans les bassins Basin et Cave; de nouveaux panneaux de signalisation et de nouvelles vannes à articulation ont été installés, des lattes verticales ont été ajoutées sur les promenades à plusieurs sites, et des dispositifs de surveillance électronique, des projecteurs détecteurs de mouvement et des alarmes sonores ont été installés à certains autres sites clés. Un ordre d’activité restreinte émis en 2002 par le directeur du parc interdit à quiconque de manipuler ou de perturber toute forme de matière organique et/ou d’organismes aquatiques dans toutes les sources et exutoires au LHNC&B et à la source Kidney. Malheureusement, cet ordre n’est pas encore entièrement respecté (Lepitzki, données inédites; Parcs Canada, données inédites). Comme aux autres sources thermales, un déversoir triangulaire a été installé dans l’exutoire de la source Basin en novembre 2005 dans le but d’améliorer la qualité de l’habitat en prévision de l’ajout des physes élevées en captivité et d’accroître la précision des mesures des débits (Lepitzki, 2005).

Les sources Cool, au lac Third Vermilion (figure 5), représentent le dernier site historique apparent de l’espèce (figure 5). Bien que le tracé naturel de ces sources ait été détruit durant les années 1950 lors de la construction de la route transcanadienne, (Holroyd et Van Tighem, 1983), les eaux chaudes de ces sources continuent de maintenir une zone du lac exempte de glace en hiver. En novembre 2005, un des bassins d’origine des sources s’est asséché, mais ses eaux ont resurgi à la surface de l’autre côté de la route longeant les lacs Vermilion (figure 5), fournissant une autre démonstration de la nature dynamique des écosystèmes des sources thermales.

Bien que les causes et le moment exact de la disparition de l’espèce aux sources Upper Hot, Kidney, Upper Middle et Gord’s depuis 1926 ne seront jamais connues, l’assèchement de ces sources apparaît comme une explication plausible. L’assèchement d’une source thermale peut être assimilé à une perte d’habitat ou à une grave réduction de la qualité de l’habitat à court terme, mais seulement si cette source se remet à couler. Pour la physe des fontaines de Banff, la probabilité de survie en pareil cas dépend de la durée de l’assèchement et de la période de l’année durant laquelle il se produit. Toutes les sous-populations disparues occupaient des sources thermales qui se sont asséchées depuis 1996 pendant des périodes variant entre une semaine à plus de six mois (figure 10). Selon les renseignements dont on dispose, aucune source, à l’exception de la source Upper Hot, ne se serait asséchée avant 1996. Comme on ignore à quel moment et à quel endroit les physes ont été récoltées à la source Upper Hot et si elles étaient vivantes ou mortes (coquilles vides) au moment de leur récolte, il est impossible d’associer la disparition de la sous-population de la source Upper Hot à l’assèchement de cette source en 1923. On ignore également si des épisodes d’assèchement plus anciens et non documentés ont entraîné la disparition d’autres sous-populations. Des réductions saisonnières et normales de débit, couplées au captage et à la dérivation de volumes d’eau importants, pourraient avoir contribué à la disparition de l’espèce à certains sites.


Protection et propriété

Tout l’habitat de la physe des fontaines de Banff se trouve dans le Parc national du Canada Banff, propriété fédérale, ce qui fait que suffisamment d’habitat pour assurer la survie à long terme de l’espèce devrait être protégé. Toutefois, 4 des 5 sous-populations naturelles se trouvent dans le LHNC&B, secteur touristique très fréquenté où le maintien de l’intégrité écologique (Patrimoine canadien, 1994) n’est pas le seul principe directeur. L’intégrité écologique est définie comme un état où la structure et le fonctionnement d’un écosystème sont restés intacts en dépit des activités humaines et sont susceptibles de le demeurer (Patrimoine canadien, 1994). Le LHNC&B a été désigné lieu historique national en 1985 (Parcs Canada, 1998), et bien qu’il soit situé dans le Parc national du Canada Banff et assujetti à la Loi sur les parcs nationaux du Canada et à la Loi sur les espèces en péril et à leurs règlements d’application, il est également géré (Lepitzki et Pacas, 2007) de manière à préserver son intégrité commémorative conformément au plan de gestion du site (Parcs Canada, 2006) et à l’énoncé d’intégrité commémorative (Parcs Canada, 1998). Le concept d’intégrité commémorative signifie protéger, mettre en valeur et gérer les resources culturelles (Lepitzki et Pacas, 2007). Au cours des dix dernières années, le LHNC&B a éprouvé des difficultés à concilier ses objectifs liés à l’intégrité écologique et à l’intégrité commémorative. Dans le Programme de rétablissement et plan d’action visant la physe des fontaines de Banff (Lepitzki et Pacas, 2007), il est indiqué que « le fait que les sources thermales servant d’habitat à cette espèce se trouvent à la fois dans le PNB [Parc national du Canada Banff] et le lieu historique national du Canada Cave and Basin (LHNC&B) fait en sorte que le rétablissement n’est envisageable que si les valeurs d'intégrité commémorative et d’intégrité écologique sont entièrement intégrées. » Il y est également mentionné qu’un des principaux enjeux liés à la mise en œuvre de ce programme de rétablissement et plan d’action consiste à protéger et à restaurer les populations de physes et les sources thermales qui leur servent d’habitat tout en préservant l’intégrité commémorative du LHNC&B. Cette tâche pourrait devenir encore plus ardue, car l’ébauche de plan de gestion du LHNC&B prévoit pour les trois prochaines années une hausse de 5 p. 100 du nombre annuel de visiteurs, qui s’établit actuellement à plus de 100 000 (Parcs Canada, 2006).

La source Upper Hot est un autre secteur très fréquenté où l’espèce a déjà été présente. Les interruptions du débit et les protocoles qui régissent actuellement l’exploitation des installations réduisent la qualité de cet habitat historique pour la physe (voir la section précédente), et avant de songer y réintroduire l’espèce, il faudra apporter des correctifs importants (Lepitzki et al., 2002b) pour préserver l’intégrité de cet habitat et assurer un apport constant d’eaux thermales d’une température et qualité appropriées. Les travaux visant à déterminer si la réintroduction de l’espèce à la source Upper Hot est réalisable se poursuivent (Lepitzki et Pacas, 2007).

Le développement et l’exploitation des installations ont également compromis la qualité de l’habitat pour l’espèce au LHNC&B. La restauration et l’amélioration des exutoires au LHNC&B sont au nombre des mesures prévues dans le programme de rétablissement de l’espèce (Lepitzki et Pacas, 2007).

Le Programme de rétablissement et plan d’action visant la physe des fontaines de Banff (Lepitzki et Pacas, 2007) prévoyait également l’élaboration d’un plan d’intervention en cas de destruction de l’habitat et d’assèchement des sources thermales. Ce plan d’intervention évoquait la possibilité de laisser certaines sous-populations disparaître avant d’intervenir (Lepitzki, obs. pers.; Parcs Canada, 2005a). Le Programme de rétablissement et plan d’action visant la physe des fontaines de Banff réitère cette idée en indiquant que l’objectif du plan d’intervention est de « maintenir un ensemble de sources thermales dans le cas d’une catastrophe entraînant une perte d’habitat pouvant toucher une ou plusieurs sources simultanément. » (Lepitzki et Pacas, 2007).

Les autres sources thermales occupées par l’espèce, dont les sources Kidney et Middle, se trouvent dans des zones interdites d’accès aux personnes non autorisées. L’accès à ces zones est protégé par d’excellents dispositifs de surveillance électronique. Les contrevenants sont passibles de poursuites devant les tribunaux en vertu de la Loi sur les parcs nationaux du Canada et de la Loi sur les espèces en péril.

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