Buse à épaulettes (Buteo lineatus) évaluation et rapport de situation du COSEPACchapitre 7

Habitat

Besoins en matière d’habitat

La Buse à épaulettes se reproduit dans divers types de forêt, y compris les forêts de feuillus sises en terrain bas, les zones riveraines, les marécages à feuillus inondés et les forêts mixtes de conifères et de feuillus sises en terrain élevé. Il est essentiel que des milieux humides ou d’autres zones aquatiques soient situés à proximité. La Buse à épaulettes n’utilise pas d’emblée les forêts sises en terrain élevé, sauf dans les zones adjacentes à des basses terres ou à des milieux riverains (Bednarz et Dinsmore, 1981; Howell et Chapman, 1997) ou encore à des étangs ou à des milieux humides (Szuba et Norman, 1989). Cette espèce est vulnérable à la superficie d’habitat, préférant les vastes peuplements forestiers de grands arbres, matures à vieux, formant un couvert, avec un sous-étage de densité variable (Crocoll, 1994). Un couvert forestier fermé semble constituer une caractéristique essentielle des lieux de nidification (Jacobs et Jacobs, 2002). Les peuplements forestiers présentant une composition en espèces, un âge et une densité appropriés occupent habituellement au moins 10 ha au sein d’une forêt mature d’au moins 100 ha (Naylor et Szuba, 1992). Bien que l’espèce ait été observée en Ontario dans des terrains boisés d’une superficie de seulement 4 ha (Campbell, 1975), elle occupe habituellement des forêts beaucoup plus vastes (Bryant, 1986; Naylor et Szuba, 1992). Il est possible que certains couples demeurent pendant quelques années dans des lieux qui ne sont plus convenables en raison de leur degré élevé de fidélité au partenaire et au site (Bryant, 1986).

En Ontario, les nids de Buse à épaulettes sont généralement observés dans des peuplements comptant un fort pourcentage d’érables à sucre (Acer saccharum), de bouleau jaune (Betula lutea) ou d’autres feuillus tels que le hêtre à grandes feuilles (Fagus grandifolia), l’érable rouge (A. rubrum) et le chêne rouge (Quercus rubra). L’espèce préfère les vieux peuplements (d’au moins 60 ans), et la fermeture du couvert forestier doit être de plus de 70 p. 100. L’habitat de nidification optimal a aussi pour caractéristique une surface terrière totale d’au moins 20 m2/ha, dont au moins 5 m2 constitués d’arbres de plus de 40 cm dhp (Naylor et Szuba, 1992). Puisque la Buse à épaulettes a besoin de milieux humides pour s’alimenter, la plupart des nids sont situés à moins de 250 m d’un plan d’eau.

Les vastes forêts continues sont essentielles au maintien de populations nicheuses de cette espèce. Une étude menée au Québec a établi que la taille moyenne du domaine vital s’établit à 91,2 ha selon la moyenne harmonique et à 122,9 ha selon la moyenne des polygones convexes (Nature-Action Québec, 1999).

 

Tendances en matière d'habitat

La quantité totale et l’aire de répartition de l’habitat propice à la Buse à épaulettes ont fortement diminué en Amérique du Nord au cours des 200 dernières années. Les forêts de feuillus qui couvraient la majeure partie de l’est de l’Amérique du Nord, y compris le sud de l’Ontario, étaient originellement des forêts humides de plaines inondables et composées de peuplements de hêtres, chênes et pruches ainsi que d’érables, soit un habitat idéal pour la Buse à épaulettes. Avec la colonisation du continent, les forêts ont été graduellement rasées ou rendues plus clairsemées, d’où une diminution de la quantité d’habitats forestiers. La qualité globale de l’habitat s’est également détériorée au fur et à mesure que les terrains ont été drainés ou ont fait l’objet de coupe sélective. En moyenne, les cantons du sud de l’Ontario (au sud du Bouclier canadien) ne comptaient que 24 p. 100 de couvert forestier dans les années 1950, et de nombreux n’en comptaient que 8 p. 100 (Ontario Department of Lands and Forests, 1957). Malgré ce vaste changement, la Buse à épaulettes continuait de nicher dans cette région, même dans des secteurs ne comptant que 11 p. 100 et 16 p. 100 de couvert forestier (Ontario Department of Lands and Forests, 1957; Caster et Perks, 1961). On ignore cependant si ces tentatives de nidification ont été fructueuses.

Au cours des années 1950, la perte d’habitat a commencé à diminuer en raison de la régénération forestière dans les terres agricoles abandonnées. Actuellement, il semble que l’habitat convenable dans l’est et le centre de l’Ontario soit suffisant pour maintenir l’espèce. Cependant, de nombreux comtés au sud du Bouclier canadien comptent moins de 25 p. 100 de couvert forestier, et la plupart beaucoup moins. Dans le passé, la déforestation pour l’aménagement de terres agricoles dans le sud-ouest de l’Ontario a eu une importante incidence négative sur la Buse à épaulettes, et la destruction et la fragmentation de l’habitat y sont encore préoccupantes. L’ouverture du couvert forestier et la fragmentation de la forêt continue ont créé un habitat mieux propice aux espèces plus grosses et plus agressives que sont le Grand-duc d’Amérique (Bubo virginianus) et la Buse à queue rousse (l’espèce compétitrice la plus importante pour la Buse à épaulettes; Bednarz et Dinsmore, 1981).

Dans d’autres régions, il est possible que l’établissement de chalets réduise l’habitat de reproduction de la Buse à épaulettes (Armstrong et Euler, 1983), bien que, dans certains secteurs, on ait observé des individus nicheurs depuis des chalets (Brian Naylor, comm. pers.). Quelques Buses à épaulettes se reproduisent actuellement au sud-ouest de Toronto (deuxième atlas des oiseaux nicheurs de l’Ontario, données inédites). Au Québec, il semble que l’habitat convenable soit suffisant, mais la fragmentation forestière constitue une préoccupation dans toute l’aire de répartition de l’espèce, car la forêt continue d’être exploitée et transformée pour l’agriculture et l’expansion urbaine. Les données quantitatives concernant les répercussions de la perte d’habitat sur les populations sont insuffisantes (Crocoll, 1994).

 

Protection et propriété

La Buse à épaulettes est présente sur des terres publiques et privées; cependant, il existe peu de données sur la répartition de l’espèce en rapport avec le type de propriété. Au Nouveau-Brunswick, il semble que la Buse à épaulettes occupe davantage des terres privées (Hart, 2004), et qu’il en est de même au Québec (F. Shaffer, comm. pers.). Il existe 29 terres autochtones en Ontario et au Québec dans l’aire de reproduction de la Buse à épaulettes, mais on ignore lesquelles sont occupées par l’espèce. La Buse à épaulettes est présente dans plusieurs parcs nationaux et lieux historiques nationaux dans toute son aire de répartition, dont les suivants : en Ontario, le parc national de la Péninsule-Bruce, le parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne, le canal Rideau, le parc national des Îles-du-Saint-Laurent et la Voie navigable Trent Severn; au Québec, la Réserve nationale de faune de Cap-Tourmente, le parc de la Gatineau, le parc national de la Mauricie, la Réserve nationale de faune du lac Saint-François et le champ de tir de la Défense nationale à Saint-Bruno, au Québec. En Ontario, la reproduction a été confirmée dans les parcs provinciaux suivants : Algonquin, Bon Echo, lac Charleston, Inverhuron, Peter’s Woods, Frontenac, région caractéristique des Hautes-Terres de Kawartha, Murphy’s Point, MacGregor Point, lac Silent, Fitzroy, Smokey Head-White Bluff et Killbear. Toujours en Ontario, les nids se trouvant dans les terres de la Couronne se trouvent protégés grâce au processus de planification de l’aménagement forestier (Forest Management Planning Process), lequel prévoit des zones tampons spatiales et temporelles. Au Québec, la Buse à épaulettes est présente dans les parcs provinciaux suivants : Frontenac, Mont-Orford, Mont-Saint-Bruno, Oka, Yamaska et Mont-Tremblant.

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