Lupin densiflore (Lupinus densiflorus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 8

Biologie

Généralités

Le Lupinus densiflorus est une plante annuelle d’hiver. Une grande partie des graines germent en automne, et les plantules survivent à l’hiver. Aucune information n’est actuellement disponible sur la biologie et l’écologie de l’espèce en Colombie-Britannique.


Cycle vital et reproduction

L’information sur la pollinisation du Lupinus densiflorus est contradictoire. D’une part, Dunn et Gillett (1966) ont avancé que la population canadienne survit grâce à l’autopollinisation obligée, et d’autre part, Riggins (comm. pers.) décrit l’espèce comme étant cléistogame. Des observations de première main à l’île Trial et à la pointe Macaulay laisse présumer un différent mode de reproduction. Les pétales ne seraient pas entièrement soudés, et on a observé des bourdons s’alimenter sur les plantes. Les bourdons allaient d’une plante à l’autre, choisissant seulement les fleurs neuves et entièrement développées. Elles ont semblé minutieusement examiner les fleurs, ce qui laisse croire que les populations canadiennes de Lupinus densiflorus sont chasmogames et font régulièrement l’objet d’un croisement extérieur.

Les relevés effectués de septembre 2001 à février 2002 dans les populations de la Colombie-Britannique montrent que ces populations ont produit beaucoup de graines, ce qui est compatible avec le cycle de vie d’une espèce annuelle, qui doit compter sur la présence d’un réservoir de graines dans le sol.


Germination

Une partie des graines germent en automne, dès novembre dans la région de Victoria. Vers le début de février 2002, des graines non germées ont été observées à la surface du sol dans la plupart des placettes d’observation. Au printemps, ces graines peuvent germer, ou entrer dans le réservoir de graines du sol, ou être détruites par la prédation ou d’autres facteurs.

Chez les lupins, les exigences de la germination semblent varier énormément d’une espèce à l’autre. Les graines peuvent rester longtemps en dormance si leur tégument dur doit être perforé ou se décomposer pour qu’elles puissent germer. Neilson (1964) a découvert que les graines du Lupinus densiflorus demeurent viables pendant au plus quatre ans. La scarification peut grandement favoriser la germination; Neilson (1964) a constaté une germination de la totalité des graines scarifiées (n=10) chez le L. densiflorus au cours de son étude sur les graines de populations de Californie. Les graines de certaines espèces de lupins germent mieux dans un sol meuble et humide, à des températures assez basses, proches du point de congélation, la nuit (Dunn, 1956). Dans des conditions contrôlées, avec un taux d’humidité adéquat, Neilson (1964) a obtenu les taux de germination les plus élevés avec les températures de 13 à 27 °C; il avait utilisé des graines de L. densiflorus récoltées en Californie.


Écologie des plantules

Les plantules passent l’hiver au stade des cotylédons ou au stade où quelques feuilles primaires sont en train d’apparaître. Selon Neilson (1964), les primordiums foliaires du Lupinus densiflorus sont efficacement recouverts par des excroissances des cotylédons, ce qui constituerait un des mécanismes les plus efficaces de protection des plantules chez le genre Lupinus. Les cotylédons sont persistants – des plantules portant encore des cotylédons ont été récoltées à Victoria en mars et en avril (spécimens 142029 et 40414 de l’herbier RBCM).

Des placettes d’observation ont été établies durant l’automne 2001 dans les populations 1 et 2 pour suivre la survie des plantules pendant l’hiver. Des plantules avaient déjà levé à la fin de l’automne (dès novembre), et elles ont passé l’hiver avec les cotylédons dilatés et quelques feuilles primaires. De nombreuses plantules ont survécu au début et au milieu de l’hiver, mais la densité des plantules a diminué dans la plupart des placettes à mesure que l’hiver avançait.

Des observations générales effectuées durant l’hiver 2001-2002 ont révélé que les graines peuvent germer sur toutes sortes de substrats, notamment dans le gravier, le bois en décomposition et les fissures du bois de plage. Cependant, la plupart de ces plantules n’ont pas survécu, et aucune plante adulte ne poussait sur un tel substrat l’été précédent. Indépendamment du substrat, c’est l’immersion en eau salée par les grandes marées d’automne qui constituait la principale cause de mortalité des plantules.

L’argile saturée d’eau par les pluies hivernales est le substrat qui a donné le meilleur taux de levée des plantules. Ce type de sol est souvent soumis à des micro-glissements qui mettent à nu des matières minérales présentant des fissures où peuvent facilement pénétrer les racines pivotantes. Les plantules peuvent s’enraciner dans les argiles marines, en terrain plat, comme on a pu observer dans la population 3. Il faut noter que, dans la population 2, aucune plantule de Lupinus densiflorus n’était présente sur les lentilles de sable et le limon sablonneux.


Survie

Même si les graines du Lupinus densiflorus peuvent germer dans une variété de microhabitats, la mortalité des plantules et des jeunes plantes est élevée. Inversement, la répartition des plantes adultes semble plus restreinte, possiblement en raison de leurs exigences édaphiques ou de la compétition d’autres espèces; néanmoins, les observations faites sur le terrain pendant l’été 2001 n’ont révélé aucun taux appréciable de mortalité adulte.


Herbivores et prédateurs

Un peu de prédation des graines, des fleurs et des feuilles a été constatée dans la plupart des populations, mais ce facteur n’est pas jugé décisif pour la survie de l’espèce. Chez certaines plantules, une grande portion des cotylédons avait été consommée par des herbivores, ce qui pouvait nuire à leur capacité de survie. La compétition interspécifique ainsi que les événements fortuits survenant pendant cette période déterminent sans doute les fluctuations démographiques observées d’année en année.

Selon des documents trouvés sur Internet (voir par exemple, Crescent Bloom (en anglais seulement)), les graines, les gousses et les feuilles de l’espèce contiennent un alcaloïde toxique, l’anagyrine, qui pourrait limiter la prédation.


Physiologie

On en sait peu sur la physiologie du Lupinus densiflorus, mais il semble que l’espèce vit en symbiose avec des bactéries du genre Rhizobium capables de fixer l'azote atmosphérique. En effet, les racines des jeunes plantes présentent d’abondantes nodosités qui ressemblent à celles qui contiennent les Rhizobium; ce facteur pourrait également influer sur la survie et la reproduction. Comme l’habitat semble offrir à la plante peu d’éléments nutritifs et d’eau pendant l’été, cette symbiose lui donnerait un avantage compétitif.

Le Lupinus densiflorus est physiologiquement adapté aux conditions hivernales, car ses graines germent en automne, lorsque l’eau est disponible, et ses plantules demeurent au stade des cotylédons, ceux-ci formant un couvert protecteur pour les primordiums foliaires. L’intolérance au sel fait obstacle aux populations sur le bas des pentes éclaboussées par les vagues.


Déplacements et dispersion

Chez le Lupinus densiflorus, si une partie ou la totalité des fleurs sont cléistogames, il n’existe aucune possibilité de dispersion du pollen. Sinon, la dispersion du pollen peut être limitée par le comportement des pollinisateurs en quête de nourriture. Certaines espèces d’abeilles sont capables de transporter le pollen sur d’assez grandes distances; cependant, très peu de signes de pollinisation ont été constatés dans les populations. De toute manière, la pollinisation permettrait un transfert génétique à l’intérieur des sous-populations, mais non entre les trois populations canadiennes ou entre celles-ci et celles du Washington. Il est plus probable que la pollinisation ait lieu entre les fleurs d’une même inflorescence, compte tenu de la densité des fleurs et du comportement alimentaire présumé des pollinisateurs.

La plupart des graines sont probablement dispersées par gravité, de manière passive. En hiver, les vents du large qui soufflent sur les falaises côtières de la région de Victoria sont très forts et peuvent charrier les graines sur une petite distance, même si celles-ci sont peu adaptées pour la dispersion par le vent. Ce facteur deviendrait particulièrement important si les populations étaient menacées par une diminution progressive du nombre d’individus sur le haut des pentes. Une déhiscence explosive des capsules mûres a été constatée chez certains lupins, entre autres par Dunn (1956) et Neilson (1964), mais ce phénomène n’a pas été observé sur le terrain par les rédacteurs du présent rapport.

Comme les populations de la Colombie-Britannique sont localisées et ont apparemment un effectif inférieur à la capacité biologique du milieu, il semble que la dispersion des graines et l’établissement des plantules sont des phénomènes rares et qu’une immigration de source externe aurait un effet limité, même entre les trois populations de la région de Victoria.


Relations interspécifiques

La relation symbiotique possible entre le Lupinus densiflorus et les bactéries du genre Rhizobium pourrait favoriser de manière appréciable la survie des plantules ou des jeunes individus ainsi que la capacité du L. densiflorus à concurrencer les autres espèces. La capacité des Rhizobium de fixer l’azote atmosphérique chez les légumineuses hôtes poussant en milieu pauvre en cet élément est attestée par de nombreuses sources. Également importante est la relation antagoniste existant entre le L. densiflorus et d’autres plantes indigènes ou exotiques; à cet égard, les Rhizobium confèrent sans doute au L. densiflorus un certain avantage compétitif.


Adaptabilité

Nous avons déjà traité de la germination des graines du Lupinus densiflorus. Les autres formes d’adaptation, telles que le taux élevé de grenaison et de germination, la phénologie saisonnière et les réservoirs de graines du sol, sont fréquentes chez les plantes annuelles vivant dans des milieux imprévisibles.

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