Tradescantie de l’ouest (Tradescantia occidentalis) programme de rétablissement 2013 : chapitre 4

4. Menaces

4.1 Évaluation des menaces

Tableau 2. Tableau d'évaluation des menaces. Version accessible du Tableau 2
Menace Niveau de préoccupationa Étendueb Occurrencec Fréquenced Gravitée Certitude causalef
Espèces exotiques, envahissantes ou introduites
Espèces exotiques envahissantes
Euphorbe ésule (Euphorbia esula)
Élevé Généralisée (Routledge, Lauder, Elbow) Actuelle Saisonnière Modérée Élevée
Gypsophile paniculée (Gypsophila paniculata)
Agropyre à crête (Agropyron cristatum)

 

Moyen

 

Localisée (Pakowki, Elbow)

 

Actuelle

 

Saisonnière

 

Faible

 

Faible à moyenne

Changements à la dynamique écologique ou aux processus naturels
Altération ou suppression des régimes de pâturage et d’incendie Moyen Généralisée (toutes les dunes) Actuelle Saisonnière Faible à modérée Moyenne
Broutage excessif par les animaux domestiques ou sauvages Faible à moyen Généralisée (Lauder, Routledge, Elbow) Actuelle Saisonnière Modérée Faible à moyenne
Perte d'habitat ou dégradation de l'habitat
Agriculture Moyen Localisée (Lauder, Pakowki) Historique, actuelle Unique Modérée Élevée
Climat et catastrophes naturelles
Périodes climatiques humides prolongées Faible à moyen Généralisée (toutes les dunes) Historique, courante Inconnue Inconnue Moyenne
Perte d'habitat et dégradation de l'habitat
Activités d’extraction (sablières et gravières) Faible Généralisée (Lauder, Pakowki) Inconnue, prévue Unique, récurrente Inconnue Élevée
Entretien des routes ou construction de routes Faible Localisée (Elbow, Lauder) Courante, anticipée Unique, saisonnière, récurrente Faible Moyenne à élevée
Activités pétrolières et gazières Faible Localisée (Pakowki) Anticipée Continue Faible Moyenne à élevée
Perturbations ou destruction
Activités récréatives Faible Localisée (Routledge, Lauder) Courante Saisonnière, unique, récurrente Faible Élevée

a Niveau de préoccupation – indique si la gestion de la menace est, dans l’ensemble, une préoccupation de niveau élevé, moyen ou faible pour le rétablissement de l’espèce compte tenu de tous les facteurs énumérés ci-dessus.
b Étendue – indique si la menace est généralisée, localisée ou inconnue dans l’ensemble de l'aire de répartition de l'espèce.
c Occurrence – indique si la menace est historique (elle a contribué au déclin, mais n'a plus d'incidence sur l'espèce), courante (elle a actuellement une incidence sur l'espèce), imminente (elle devrait prochainement avoir une incidence sur l'espèce), anticipée (elle pourrait avoir une incidence sur l'espèce dans l’avenir) ou inconnue.
d Fréquence – indique si la menace a une occurrence unique, saisonnière (soit parce que l’espèce est migratrice ou que la menace n'a lieu qu'à un certain moment de l'année), continue (la menace se poursuit), récurrente (la menace a lieu de temps à autre, mais non sur une base annuelle ou saisonnière) ou inconnue.
e Gravité – indique si le niveau de la gravité de la menace est élevé (un très grand effet sur l’ensemble de la population), modéré, faible ou inconnu.
f Certitude causale – indique si les meilleures connaissances disponibles au sujet de la menace et de son impact sur la viabilité de la population sont de qualité élevée (les preuves établissent un lien causal entre la menace et les stress sur la viabilité de la population), moyenne (corrélation entre la menace et la viabilité de la population, opinion d'un expert, etc.) ou faible (si la menace est seulement présumée ou plausible).

4.2 Description des menaces

Toute perte supplémentaire d'habitat des populations connues de tradescanties de l'Ouest aurait un effet défavorable sur la survie de l'espèce au Canada (Smith, 2002; Remarchuk, 2006). Toute les pertes futures d'habitat découleront très probablement d'activités ayant un impact direct, comme l’agriculture ou les activités pétrolières et gazières, ou d’une dégradation de l'habitat résultant de processus comme l'invasion par des espèces exotiques envahissantes et de facteurs ayant une incidence sur la stabilisation des dunes (climat, broutage et régimes d’incendie). Les menaces qui pèsent sur la tradescantie de l'Ouest ne sont pas les mêmes dans toute l'aire de répartition et sont plus pressantes pour certaines populations que pour d'autres. Les menaces sont classées de la plus préoccupante à la moins préoccupante.

Espèces exotiques envahissantes

Certaines espèces de plantes exotiques envahissantes peuvent être relativement non appétissantes pour le bétail ou la faune, ou peuvent modifier les caractéristiques des combustibles et les régimes d’incendie (Brooks et coll., 2004). Une invasion de ces espèces de plantes exotiques envahissantes pourrait ainsi stabiliser les dunes et représenter une menace indirecte pour l'habitat de la tradescantie de l'Ouest. Certaines plantes exotiques envahissantes peuvent entrer directement en compétition et donc représenter une menace directe : grâce à leur compétitivité supérieure, ces espèces peuvent supplanter des espèces indigènes et réduire ainsi la diversité ou la richesse des espèces, et avoir une incidence négative sur le fonctionnement de l'écosystème (Wilson, 1989; Wilson et Belcher, 1989; Reader et coll., 1994; Christian et Wilson, 1999; Bakker et Wilson, 2001; Henderson, 2005; Henderson et Naeth, 2005).

L'euphorbe ésule, une espèce eurasienne envahissante, est présente aux endroits ou à proximité des endroits où se sont établies les populations de tradescanties de l'Ouest en Saskatchewan et au Manitoba (Smith, 2002). Elle réduit l'abondance des espèces indigènes dans les secteurs où elle est présente et elle est susceptible de transformer ces secteurs en peuplements monospécifiques stabilisés (Wilson et Belcher, 1989). Au Manitoba, 95 % des occurrences d'euphorbe ésule étaient associées à des perturbations anthropiques telles que des coupe-feu ou des pistes laissées par les véhicules, car il est plus facile pour l'euphorbe de s'établir dans des secteurs où le sol est plutôt dénudé (Wilson et Belcher, 1989); les dunes mobiles peuvent être particulièrement vulnérables à l'établissement de l'euphorbe ésule. L'agropyre à crête a été observé dans les dunes Pakowki et Elbow, et la gypsophile paniculée dans les dunes Pakowki; les effets à long terme de ces espèces sur la tradescantie de l'Ouest ou son habitat ne sont pas connus. Il est aussi possible que la tradescantie de l'Ouest soit détruite ou que son habitat soit altéré par l'emploi inconsidéré d'herbicides dans l'intention de contrôler les espèces envahissantes.

Altération ou suppression des régimes de pâturage et d’incendie

La tradescantie de l'Ouest préfère les habitats dunaires, spécifiquement les versants de dunes récemment ou partiellement stabilisées (Godwin et Thorpe, 2006); sans les perturbations qui contribuent à créer des parcelles de sable partiellement mobiles ou mobiles, l'espèce pourrait connaître un déclin (Smith, 2002; Godwin et Thorpe, 2006). Les dunes du sud des Prairies canadiennes se sont stabilisées au cours du dernier siècle par l'effet combiné du climat et des changements dans les pratiques d'utilisation des terres depuis la colonisation européenne (Epp et Townley-Smith, 1980; Wallis, 1988; Wallis et Wershler, 1988; Commission géologique du Canada, 2001). Les changements dans les pratiques d'utilisation des terres qui contribuent à la stabilisation des dunes sont notamment l'éradication du bison (Bison bison), une réduction de la fréquence et de l'étendue des feux de prairies, ainsi qu'une uniformisation des régimes de pâturage (Higgins et coll., 1989; Frank et coll., 1998; Brockway et coll., 2002; Samson et coll., 2004; Hugenholtz et Wolfe, 2005). On estime que, dans les Prairies, moins de 1 % des dunes sont toujours mobiles, alors que 10 % à 20 % l’étaient il y a quelques centaines d'années (Wolfe et coll., 2001), et que le taux de stabilisation a été de 10 % à 20 % par décennie sur une période de 40 ans (Manitoba; Wolfe et coll., 2000), quoiqu’on ait vu des taux aussi élevés que 40 % par décennie sur une période de 50 ans (Middle Sand Hills; Bender et coll., 2005) ou que 30 % à 90 % depuis les années 1940 (Wallis, 1988). À défaut de perturbations naturelles comme le broutage et les feux, qui interagissent avec les cycles de sécheresse et perturbent la croissance de la végétation, la succession écologique peut mener à la stabilisation et à végétalisation complète des dunes (Potvin et Harrison, 1984; Hulett et coll., 1966). La stabilisation des parcelles de sable ouvertes peut entraîner une diminution de la capacité de colonisation (de nouveaux secteurs) ou de dispersion (dans les secteurs qu’elle occupe déjà) de la tradescantie de l'Ouest par dissémination de ses graines.

L’évolution des plantes de prairies a été influencée par des processus écologiques comme les feux et le broutage. Historiquement, les perturbations naturelles, qui se produisaient fréquemment, au hasard et à différentes échelles et ampleurs dans l'ensemble de l’habitat, ont contribué à la structure et à la composition des communautés végétales ainsi qu'à l'intégrité écologique générale des prairies (Daubenmire, 1968; White, 1979; Lesica et Cooper, 1999). Il est possible que, historiquement, les feux survenus en été et en automne aient contribué à la génération d’une végétation luxuriante au printemps suivant, végétation qui aurait attiré de grands troupeaux de ruminants, comme le bison (Higgins, 1986; Vinton et coll., 1993), ce qui aurait entraîné la réactivation des dunes. La déstabilisation des dunes et la perturbation de la succession végétale sont plus susceptibles d’être provoquées par la combinaison des feux et du broutage que par chacune de ces perturbations prises séparément (Lesica et Cooper, 1999). Les dunes se sont stabilisées dans des secteurs soumis à des feux répétés, mais à peu de broutage, de même que dans des secteurs ayant subi un broutage intensif, mais peu de feux (Wallis et Wershler, 1988). Historiquement, on pensait que la stabilisation des dunes mobiles était une bonne pratique de conservation, et les gestionnaires de terres essayaient de stabiliser les dunes en éteignant les feux, en ressemant intensivement, en changeant les régimes de pâturage et en comblant les creux dunaires en y plaçant des objets (comme des pneus ou des balles) (David, 1977; Wallis et Wershler, 1988). Ce n'est que récemment que l'on a compris l’importance des dunes mobiles pour la faune.

Agriculture

En général, les secteurs dunaires actuels qui sont occupés par la tradescantie de l'Ouest ne sont pas considérés comme étant de grande qualité pour l'agriculture en raison du faible taux d’humidité du sol, de la pauvreté du sol et du risque élevé d'érosion éolienne (Commission géologique du Canada, 2001). Néanmoins, ces secteurs sont entourés de prairies mixtes qui sont généralement converties en terres cultivées; les dunes deviennent alors des îlots dans un paysage dominé par les cultures (Neufeld et Henderson, obs. pers.). En outre, au sein des complexes dunaires où la topographie est relativement plane, l’irrigation est possible pour la culture de la pomme de terre, de la betterave à sucre et du maïs (Neufeld, obs. pers.). Une bonne partie des dunes Pakowki (en Alberta) est constituée de plaines sablonneuses pratiquement planes, bordées de dunes. Des complexes dunaires de l'Alberta et du Manitoba, qui ont un modelé semblable, ont déjà été convertis en cultures irriguées (Neufeld et Henderson, obs. pers.); cette menace relative est vraisemblablement atténuée par l’investissement qu’exige l'aménagement des systèmes d'irrigation et d'approvisionnement en eau. La conversion historique des habitats de prairies sablonneuses indigènes en terres cultivées a sans doute contribué à la destruction et à la fragmentation de l'habitat historique de la tradescantie de l'Ouest. L'agriculture entraînera des pertes d'habitat définitives pour lesquelles aucune mesure d'atténuation n'existe (Alberta Western Spiderwort Recovery Team, 2004).

Périodes climatiques humides prolongées

À l’échelle historique, le climat a joué un rôle important dans la stabilité des dunes, car les périodes de sécheresse et d'humidité peuvent avoir une incidence sur la couverture végétale des dunes en exposant plus ou moins le sable à l'érosion éolienne (Thorpe et coll., 2001; Wolfe et coll., 2001). Une augmentation des cycles climatiques humides au cours des 100 à 150 dernières années a stimulé la croissance de la végétation et la stabilisation des dunes, en dépit des courtes périodes de sécheresse (Wolfe et coll., 1995; Vance et Wolfe, 1996; Wolfe et coll., 2000; idem, 2001). Les prévisions et les modèles récents en matière de changements climatiques pour les dunes des Prairies canadiennes prévoient la réactivation de certaines crêtes dunaires en raison de l'augmentation de l'aridité et des températures, et ce, malgré une augmentation des précipitations en hiver et au printemps (Thorpe et coll., 2001; Wolfe et coll., 2001). Toutefois, en raison de l'incertitude liée à ces modèles, il est difficile d'évaluer l'incidence que les changements climatiques auront sur les espèces des écosystèmes dunaires, et les répercussions peuvent varier selon l'utilisation des terres. Par conséquent, l’adoption de mesures de gestion adéquates de conservation de cet habitat unique et des espèces qu'il abrite doit être l'objectif principal si l'on veut préserver les dunes et assurer le maintien des espèces y vivent.

Broutage excessif par les animaux domestiques ou sauvages

Le broutage par les ongulés est une perturbation naturelle historique pour tradescantie de l'Ouest; elle devrait donc tolérer un certain niveau de broutage. Il est cependant possible que le mode d’alimentation (moment, durée, lieu, contenu) d’aujourd’hui des animaux, bétail ou ongulés sauvages, diffère du mode d’alimentation des ongulés sauvages avant la colonisation européenne. Le broutage peut bénéficier à l'habitat de la tradescantie de l'Ouest en réduisant la couverture végétale, et en augmentant la perturbation des sols et la réactivation des dunes stabilisées (Lesica et Cooper, 1999; Hugenholtz et Wolfe, 2005). Cependant, le broutage excessif peut être dommageable : si les plants sont piétinés ou broutés à répétition au cours de la période névralgique de floraison et que la production de graines est gênée, cela pourrait avoir une incidence sur leur aptitude phénotypique et leur productivité. En Saskatchewan, l'herbivorie par les cerfs a entraîné une réduction de près de 50 % de la floraison trois années sur quatre (Godwin et Thorpe, 2007). Au Manitoba, l'herbivorie par les cerfs et le bétail a été observée directement, ce qui a permis de constater des différences marquées dans la floraison entre les secteurs de pâturage du bétail et les zones d'exclusion (Goulet et Kenkel, 1997). Les plants broutés produisent des rejets; selon toute vraisemblance, la survie à long terme des plants mères n'est pas menacée par le broutage occasionnel (Hohn, 1994; Goulet et Kendel, 1997). Toutefois, Remarchuk (2006) a observé un plus grand nombre de rejets non reproducteurs sur les plants de tradescantie de l'Ouest qui avaient été broutés. De plus, en Oklahoma, la tradescantie de l'Ouest était beaucoup moins répandue dans les pâturages dunaires ayant été broutés modérément sur une période de 50 ans que dans les dunes non broutées situées à proximité (fréquence de 4,6 % contre 18,9 %, respectivement; Sims et coll., 1995).

Autres menaces

Le sable et le gravier extraits des dunes sont utilisés pour la construction des routes, les activités pétrolières et gazières (p. ex. fracturation), l'agriculture (p. ex. culture de pommes de terre), et à des fins personnelles. À l'heure actuelle, des sablières sont en activité près de la population des dunes Lauder, et du sable a été extrait d'une dune au site Pakowki, récemment et dans le passé. Bien qu’aucune occurrence ne soit menacée dans l'immédiat par des activités d'extraction à grande échelle, il est possible que ces dunes soient également considérées comme des sources de granulats si les besoins continuent d'augmenter.

La tradescantie de l'Ouest est présente le long de quelques droits de passage au Manitoba et en Saskatchewan. Les activités d'entretien et d'amélioration des routes telles que l'élargissement et la réparation des routes, le fauchage et les traitements herbicides visant à contrôler les mauvaises herbes et la végétation ligneuse sont des menaces potentielles pour ces occurrences.

Des activités pétrolières et gazières ont déjà été envisagées dans les dunes Pakowki. Elles pourraient un jour représenter une menace pour les populations de l'Alberta et du Manitoba (Hohn, 1994; Smith, 2002; Remarchuk, 2005; idem, 2006). À l'heure actuelle, le site Pakowki est le seul où des puits sont situés à moins de un kilomètre de populations de tradescanties de l'Ouest.

Des véhicules motorisés ou récréatifs (p. ex. motos tout-terrain, motoneiges, véhicules tout-terrain, camions à quatre roues motrices) sont utilisés au Manitoba. Dans les dunes Lauder, une partie des dunes sert de piste de motocross. Certains dommages attribuables aux motoneiges ou aux motos tout-terrain ont été observés dans les dunes Routledge (Goulet et Kenkel, 1997; Krause-Danielson et Friesen, 2009). Il est possible que des plants de tradescantie de l'Ouest aient déjà été prélevés à Routledge pour être transplantés dans des jardins (Goulet et Kenkel, 1997), mais cette pratique est maintenant interdite en vertu de la Loi sur les espèces en voie de disparition du Manitoba.

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