Aster d’Anticosti (Symphyotrichum anticostense) : programme de rétablissement 2012

Loi sur les espèces en péril
Série de Programmes de rétablissement

Illustration de Anticosti Aster.

Table des matières

Information sur le document

Programme de rétablissement de l’aster d’Anticosti (Symphyotrichum anticostense) au Canada – 2012.

Couverture de la publication : Programme de rétablissement de l’aster d’Anticosti (Symphyotrichum anticostense) au Canada – 2012.

Aster d’Anticosti

Illustration de Anticosti Aster.

Référence recommandée :

Environnement Canada. 2012. Programme de rétablissement de l’aster d’Anticosti (Symphyotrichum anticostense) au Canada. Série de Programmes de rétablissement de la Loi sur les espèces en péril, Environnement Canada, Ottawa, v + 19 p.

Pour télécharger le présent programme de rétablissement ou pour obtenir un complément d’information sur les espèces en péril, incluant les rapports de situation du COSEPAC, les descriptions de la résidence, les plans d’action et d’autres documents connexes sur le rétablissement, veuillez consulter le Registre public des espèces en péril.

Illustration de la couverture : © Réjean Roy

Also available in English under the title:
"Recovery Strategy for the Anticosti Aster (Symphyotrichum anticostense) in Canada"

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de l’Environnement, 2012. Tous droits réservés.
ISBN 978-1-100-98987-7
No de catalogue En3-4/131-2012F-PDF

Le contenu du présent document (à l’exception des illustrations) peut être utilisé sans permission, mais en prenant soin d’indiquer la source.

Préface

En vertu de l’Accord pour la protection des espèces en péril (1996), les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux signataires ont convenu d’établir une législation et des programmes complémentaires qui assureront la protection efficace des espèces en péril partout au Canada. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (L.C. 2002, ch. 29) (LEP), les ministres fédéraux compétents sont responsables de l’élaboration des programmes de rétablissement pour les espèces inscrites comme étant disparues du pays, en voie de disparition ou menacées et sont tenus de rendre compte des progrès réalisés d’ici cinq ans.

Le ministre de l’Environnement est le ministre compétent pour le rétablissement de l’aster d’Anticosti et a élaboré ce programme, conformément à l’article 37 de la LEP. Ce programme a été préparé en collaboration avec le gouvernement du Québec et le gouvernement du Nouveau-Brunswick.

La réussite du rétablissement de l’espèce dépendra de l’engagement et de la collaboration d’un grand nombre de parties concernées qui participeront à la mise en œuvre des recommandations formulées dans le présent programme. Cette réussite ne pourra reposer seulement sur Environnement Canada ou sur toute autre compétence. Tous les Canadiens et toutes les Canadiennes sont invités à appuyer le programme et à contribuer à sa mise en œuvre pour le bien de l’aster d’Anticosti et de l’ensemble de la société canadienne.

Le présent programme de rétablissement sera suivi d’un ou de plusieurs plans d’action qui présenteront de l’information sur les mesures de rétablissement qui doivent être prises par Environnement Canada et d’autres compétences et/ou organisations participant à la conservation de l’espèce. La mise en œuvre du présent programme est assujettie aux crédits, aux priorités et aux contraintes budgétaires des compétences et organisations participantes.

Remerciements

Le présent programme de rétablissement a été préparé par Andrew G. Horn et Diane L. Amirault-Langlais (Environnement Canada, Service canadien de la faune, Région de l’Atlantique), et leur travail est très apprécié. Le Centre de données sur le patrimoine naturel du Québec, le plan de conservation du Québec (Jolicœur et Couillard, 2007) et les travaux effectués au Nouveau-Brunswick par le ministère des Ressources naturelles du Nouveau-Brunswick et le Centre de données sur la conservation du Canada atlantique ont beaucoup aidé à la préparation du présent rapport. Patricia Désilets, Guy Jolicoeur et Jacques Labrecque (ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec), Mark McGarrigle (ministère des Ressources naturelles du Nouveau-Brunswick), Alain Branchaud et Matthew Wild (Environnement Canada, Service canadien de la faune, Région du Québec), Sean Blaney (Centre de données sur la conservation du Canada atlantique) et Andrew Boyne (Environnement Canada, Service canadien de la faune, Région de l’Atlantique) ont fourni des commentaires précieux sur ce programme de rétablissement. Marie-José Ribeyron, Carolyn Seburn et Marla Sheffer (Environnement Canada, Service canadien de la faune, Région de la Capitale nationale) ont offert des conseils sur le contenu et la présentation pendant les étapes initiales de la préparation du présent programme. Karine Picard et Emmanuelle Fay (Environnement Canada, Service canadien de la faune, Région du Québec), Maureen Toner (ministère des Ressources naturelles du Nouveau-Brunswick) et Samara Eaton (Environnement Canada, Service canadien de la faune, Région de l’Atlantique) ont fourni des commentaires importants pendant la révision du document.

Sommaire

L’aster d’Anticosti (Symphyotrichum anticostense) est une plante vivace. L’espèce est inscrite comme menacée à l’Annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril. Au Canada, la répartition actuelle est limitée aux zones côtières du centre sud de l’île d’Anticosti, aux rivières dont l’embouchure se trouve sur la rive nord de la baie des Chaleurs, en Gaspésie, et au lac Saint-Jean (une localité, à Mashteuiatsh) au Québec et le long de plusieurs rivières au courant fort du nord, du centre et du sud du Nouveau-Brunswick. La présence de l’aster d’Anticosti est confirmée ou l’espèce serait présente dans 31 localités au Canada, soit le long de 26 rivières et de cinq lacs dans les provinces du Nouveau-Brunswick et du Québec.

Il a été déterminé récemment que l’identification de l’aster d’Anticosti sur le terrain en s’appuyant sur ses caractéristiques morphologiques pose des difficultés, et ce, particulièrement au Nouveau-Brunswick (Mazerolle et Blaney, 2011). Des incertitudes entourent donc les estimations de la répartition de l’espèce et de son abondance. Avant de mettre en œuvre l’ensemble des approches de rétablissement et de désigner l’habitat essentiel, une analyse génétique doit être menée pour déterminer la présence de l’aster d’Anticosti, en particulier au Nouveau-Brunswick, et pour établir la répartition et l’abondance de l’espèce ainsi que la structure de ses populations. Compte tenu de ces incertitudes, aucun habitat essentiel n’est désigné dans le cadre du présent programme de rétablissement. L’habitat essentiel sera désigné après l’achèvement des études figurant au calendrier des études.

Les menaces auxquelles fait face l’aster d’Anticosti comprennent l’aménagement du littoral, les activités récréatives, la construction de barrages et l’aménagement de la zone riveraine, les débris ligneux, le broutage par le cerf de Virginie, l’hybridation et les espèces envahissantes. Toutes ces menaces qui pèsent sur l’aster d’Anticosti sont locales et aucune ne semble mettre en péril la persistance de l’espèce à l’échelle nationale.

Le rétablissement de l’aster d’Anticosti a été évalué comme étant réalisable sur les plans technique et biologique. Les objectifs en matière de population et de répartition de l’aster d’Anticosti sont de maintenir la population canadienne à sa taille, sa répartition et sa zone d’occupation connues actuelles.

Ces objectifs seront atteints grâce à la mise en œuvre de plusieurs stratégies et approches générales, y compris la recherche, les relevés et les suivis ainsi que l’éducation et la sensibilisation. La mise en œuvre des mesures énoncées dans le Plan de conservation de l’aster d’Anticosti du Québec contribuera à atteindre les objectifs en matière de population et de répartition au Québec.

Un ou plusieurs plans d’action seront publiés dans les cinq années suivant la publication du programme de rétablissement dans le Registre public des espèces en péril.

Résumé du caractère réalisable du rétablissement

En se fondant sur les quatre critères suivants présentés dans les politiques relatives à la Loi sur les espèces en péril (Gouvernement du Canada, 2009), le rétablissement de l’aster d’Anticosti est considéré réalisable sur les plans biologique et technique :

1. Des individus de l’espèce sauvage capables de se reproduire sont disponibles maintenant ou le seront dans un avenir prévisible pour maintenir la population ou augmenter son abondance.

Oui. En général, l'espèce semble avoir un taux de reproduction élevé et se multiplier rapidement par voie clonale, sauf dans l'habitat marginal.

2. De l’habitat convenable suffisant est disponible pour soutenir l’espèce, ou pourrait être rendu disponible par des activités de gestion ou de remise en état de l’habitat.

Oui. L’habitat convenable est abondant et encore en grande partie à l’état naturel. La nature éphémère et changeante de l’habitat de l’espèce (c.–à–d. des rives de gravier apparaissant ou étant exposées périodiquement et étant affouillées dans diverses localités de grands réseaux fluviaux) est néanmoins un défi continu dans l’ensemble de l’aire de répartition de l’aster. Dans la mesure où les processus hydrologiques naturels sont maintenus, cet habitat devrait continuer d’être disponible dans l’aire de répartition de l’aster.

3. Les principales menaces pesant sur l’espèce ou son habitat (y compris les menaces à l’extérieur du Canada) peuvent être évitées ou atténuées.

Oui. Les principales menaces qui pèsent sur l’espèce et son habitat sont généralement mineures et localisées et peuvent être évitées ou atténuées.

4. Des techniques de rétablissement existent pour atteindre les objectifs en matière de population et de répartition ou leur élaboration peut être prévue dans un délai raisonnable.

Oui. Il existe des techniques de rétablissement efficaces dans le cas des localités menacées par l’aménagement du territoire. Dans les localités menacées par le broutage du cerf de Virginie (c.–à–d. sur l’île d’Anticosti), l’élimination du cerf n’est pas une solution viable, et il faudra étudier et mettre à l’essai des approches existantes de réduction et d’atténuation du broutage.

1. Évaluation de l'espèce par le COSEPAC

Date de l'évaluation : Mai 2000

Nom commun (population) : Aster d'Anticosti

Nom scientifique : Symphyotrichum anticostense

Statut selon le COSEPAC : Menacée

Justification de la désignation : Certaines populations ont disparu de cette espèce endémique très localisée du golfe du Saint-Laurent qui se trouve dans des habitats spécialisés près des rivières à seulement quelques sites au Nouveau-Brunswick et au Québec.

Présence au Canada : Québec, Nouveau-Brunswick

Historique du statut selon le COSEPAC : Espèce désignée « menacée » en avril 1990. Réexamen et confirmation du statut en mai 2000.

2. Information sur la situation de l'espèce

L’aster d’Anticosti est inscrit comme espèce menacée en vertu de l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril (LEP). Au Québec, il est inscrit parmi les espèces menacées en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables de la province. Au Nouveau-Brunswick, il est désigné comme étant une espèce menacée et est protégé par les dispositions de la loi provinciale, soit la Loi sur les espèces menacées d’extinction.

L’aster d’Anticosti a reçu la cote G3 (vulnérable) à l’échelle mondiale, la cote N3 au Canada, la cote S3 (vulnérable) au Nouveau-Brunswick et la cote S3 (vulnérable) au Québec (NatureServe, 2006).

Aux États-Unis, l’espèce a la cote N1 (gravement en péril) et la cote S1 (gravement en péril) au Maine où l’espèce était considérée comme étant disparue avant qu’elle soit redécouverte récemment (Haines, 2000 et NatureServe, 2006). L’aster d’Anticosti a été répertoriée dans un seul site du Maine et elle est par conséquent très susceptible de disparaître. L’espèce atteint l’extrémité méridionale de son aire de répartition dans cet État.

3. Information sur l'espèce

3.1 Description de l'espèce

L’aster d’Anticosti (Symphyotrichum anticostense; auparavant appelé Aster anticostensis, un synonyme d’Aster gaspensis) est une plante herbacée vivace d’environ 25 à 75 cm de haut. Son apparence est semblable à celles de certaines espèces d’aster plus répandues et plus familières, comme l’aster de la Nouvelle-Belgique (S. novi-belgii). Il s’en différencie par une combinaison de tiges rigides, de feuilles coriaces, rigides et de forme linéaire à lancéolée et de longs pédicelles portant des fleurs de couleur pourpre, lilas ou (parfois) blanche.

Il semblerait que l’aster d’Anticosti soit le résultat de l’hybridation de l’aster de la Nouvelle-Belgique (Symphyotrichum novi-belgii) et de l’aster boréal (Symphyotrichum boreale) et que l’espèce ressemble souvent fortement à l’une ou l’autre de ses espèces parentes ainsi qu’à d’autres espèces d’asters fréquentes au Nouveau-Brunswick mais absentes de la Gaspésie et de l’île d’Anticosti, comme l’aster lancéolé (Symphyotrichum lanceolatum). Il peut être particulièrement difficile de distinguer les traits morphologiques  de l’aster d’Anticosti de ceux du très commun aster de la Nouvelle-Belgique, qui peut souvent se trouver dans des habitats similaires. Le potentiel d’hybridation entre les espèces de Symphyotrichum contribue aussi aux difficultés d’identifier l’aster d’Anticosti à partir de sa seule morphologie. Compte tenu de la variabilité de l’aster d’Anticosti et de ses ressemblances morphologiques avec plusieurs autres taxons, il est souvent nécessaire de mener une analyse génétique pour confirmer l’identité des spécimens recueillis en examinant leur nombre chromosomique (Mazerolle et Blaney, 2011).

3.2 Populations et répartition

La taille et la répartition des populations d’asters d’Anticosti sont actuellement mal connues, car il a été récemment démontré qu’il est difficile d’identifier l’aster d’Anticosti sur le terrain selon ses caractéristiques morphologiques, particulièrement au Nouveau-Brunswick (Mazerolle et Blaney, 2011). Par conséquent, il existe des incertitudes quant à la fiabilité des données actuellement disponibles qui ont servi à déterminer la répartition de l’espèce et à estimer son abondance. D’autres incertitudes existent quant à la structure des populations, car une étude de 2008 sur l’origine du S. anticostense semble indiquer qu’il existe trois segments de population distincts : 1) celui du lac Saint-Jean; 2) celui de la Gaspésie, du Nouveau-Brunswick et du Maine et 3) celui de l’île d’Anticosti (Vaezi, 2008).

Au Québec, la répartition actuelle est limitée aux zones côtières du centre sud de l’île d’Anticosti, au lac Saint-Jean (une localité, à Mashteuiatsh) et aux rivières dont l’embouchure se trouve sur la rive nord de la baie des Chaleurs, en Gaspésie. La présence de l’espèce a été enregistrée dans 17 localités du Québec (13 rivières et quatre lacs), dont 11 abritent des populations importantes et six, des populations plus petites (Jolicoeur et Couillard, 2007, G. Jolicoeur, comm. pers.; P. Désilets, comm. pers.). Au Québec, le nombre total de tiges individuelles est d’approximativement 200 000 tiges (Jolicoeur et Couillard, 2007; P. Désilets, comm. pers.). Il ne faut cependant pas oublier que l’espèce peut se reproduire par voie clonale, de sorte que même si, selon la définition du COSEPAC, le nombre de tiges est équivalent au nombre d’individus, le nombre d’individus génétiquement distincts risque d’être considérablement surestimé.

Au Nouveau-Brunswick, la présence de l’aster d’Anticosti a été enregistrée dans deux sites de la rivière Restigouche et dans trois sites du cours supérieur de la rivière Saint-Jean, sont deux sites existants et un site présumé disparu (depuis 1945, près de Woodstock) (COSEPAC, 2000). Les travaux menés sur le terrain depuis 2000 ont permis de consigner de l’information sur des asters ressemblant à l’aster d’Anticosti présents le long de rivières et de lacs occupant une vaste superficie qui s’étend vers l’ouest, le centre et le nord du Nouveau-Brunswick (Mazerolle et Blaney, 2011). Ces asters ont été identifiés comme étant des asters d’Anticosti en se fondant sur leur morphologie, mais certaines incertitudes ont été notées quant à l’identification de l’espèce.

Compte tenu de ces incertitudes, une analyse génétique utilisant le nombre chromosomique a été entreprise sur 15 spécimens d’asters d’Anticosti potentiels provenant de neuf localités réparties dans l’aire de répartition du Nouveau-Brunswick. Des comptages précis des chromosomiques n’ont pas pu être obtenus, mais les résultats ont montré que seulement deux des 15 spécimens étaient possiblement des asters d’Anticosti (Blaney et Mazerolle, 2011). Les 13 spécimens qui n’étaient pas des asters d’Anticosti venaient des quatre coins de l’aire de répartition potentielle au Nouveau-Brunswick, y compris des rivières Saint-Jean et Restigouche où les occurrences avaient auparavant été considérées comme étant confirmées. Bien que l’aster d’Anticosti puisse se trouver au Nouveau-Brunswick, ces résultats révèlent que les spécimens du Nouveau-Brunswick ne peuvent pas être réellement identifiés en fonction de leur morphologie et que l’identification de toutes les mentions d’asters d’Anticosti de la province est incertaine. Au Québec, ces problèmes d’identification morphologiques sont moins fréquents.

3.3 Besoins de l’aster d’Anticosti

L’aster d’Anticosti est strictement associé à des affleurements calcaires (c.–à–d. alcalins et à teneur élevée en calcium; pierre à chaux dans cette région) ou à du gravier le long de rivières (sauf dans cinq localités situées sur le bord du Grand Lac au Nouveau-Brunswick et des lacs Saint-Jean, Smith, Creux et du Rat Musqué au Québec) (Labrecque et Brouillet 1988, 1990). L’espèce occupe, en règle générale, des zones situées au-dessus du lit de la rivière, sous la ligne des hautes eaux (c.–à–d. dans le géolittoral) et ayant une faible pente (généralement de 2 à 3 %, normalement moins de 5 %; Dietz et Bishop, 2002). L’affouillement périodique de la rive par les hautes eaux et la glace semble essentiel à la persistance de l’aster, très vraisemblablement parce que cet affouillement arrête la succession de la végétation qui peut lui faire de l’ombre et l’envahir. Les substrats trop meubles (p. ex. le sable) ne lui conviennent pas, peut-être parce qu’ils enterrent la plante ou favorisent la croissance d’espèces concurrentes lorsqu’ils sont inondés (Labrecque et Brouillet, 1988). Le fait que la présence de l’aster est limitée à des latitudes particulières semble indiquer que, comme d’autres plantes ayant une répartition semblable, il ne peut tolérer qu’un climat de 2 300 à 2 500 degrés jours. Même si l’aster d’Anticosti peut être présent dans des milieux estuariens, il se retrouve généralement dans le cours supérieur des écosystèmes riverains, souvent à 20 km de l’embouchure, ce qui laisse supposer qu’il ne tolère peut-être pas les milieux salins.

L’aster d’Anticosti est une plante vivace dont la plus grande partie de la reproduction est clonale et s’effectue par des rhizomes souterrains. La durée de vie des plants est inconnue. Les graines germent probablement au début du printemps, la floraison s’étend de la mi-juillet jusqu’en septembre, et les graines sont vraisemblablement disséminées entre la mi-août et la fin de l’automne (Labrecque et Brouillet, 1988).

L’aster est une espèce pionnière des secteurs de gravier ou de sable récemment exposés, surtout le long des rivières mais aussi, à l’échelle locale, le long de routes de gravier ou de l’assise de voies de chemin de fer. Les espèces végétales poussant dans les mêmes zones incluent des espèces répandues dans les aires ouvertes et les habitats humides, ainsi que des espèces qui se limitent plus à des sols dont la teneur en calcaire est élevée (calcicoles). Puisque les plantes avec lesquelles l’aster est très fréquemment associé sont répandues, il est impossible de repérer des emplacements de l’aster en cherchant une communauté végétale particulière (Dietz et Bishop, 2002). Comme il s’agit d’une espèce pionnière, l’aster est remplacé par des espèces secondaires si la croissance de celles-ci n’est pas perturbée. Dans des conditions naturelles, les crues printanières, les éboulements ou l’effondrement du substrat le long des rives des rivières et des lacs produisent cette perturbation, ce qui explique probablement pourquoi l’aster pousse surtout le long de grandes rivières ou de grands lacs qui connaissent ces conditions.

Les observations empiriques semblent indiquer que l’aster d’Anticosti, comme d’autres asters (Mani et Saravanan, 1999), est pollinisé par un large éventail de pollinisateurs. Les cerfs de Virginie se nourrissent de ces plantes, en particulier sur l’île d’Anticosti (voir la section 4, Menaces, ci-dessous). Autrement, les prédateurs, les parasites et les maladies de cette plante ne sont pas consignés.

L’aster d’Anticosti peut être limité par ses besoins restrictifs en matière d’habitat et par sa faible capacité de compétition en présence d’autres plantes.

4. Menaces

4.1 Classification des menaces

Tableau 1. Tableau de classification des menaces
Menace Niveau de préoccu- pation1 Étendue Occurrence Fréquence Gravité2 Certitude causale3
Perte ou dégradation de l’habitat
Construction de barrages, gestion du niveau des eaux et de la zone riveraine Moyen Généralisée Continue Unique Modérée Moyenne
Aménagement des rivages (chalets, campings et parcs de roulottes) Moyen Généralisée Currante / Anticipée Continue / Récurrente élevée / Modérée élevée / Moyenne
Activités industrielles Moyen Généralisée Potentielle Unique Modérée Moyenne
Activités récréatives Moyen Généralisée Courante Continue Modérée Moyenne
Débris ligneux Faible Localisée Courante Récurrente Inconnue Inconnue
Modifications de la dynamique écologique ou des processus naturels
Broutage Moyen Localisée Courante / Inconnue Continue / Récurrente élevée / Faible élevée / Faible
Hybridation Moyen Généralisée Courante / Inconnue Continue / Récurrente Inconnue élevée / Faible
Espèce ou génome exotique, envahissant ou introduit
Espèces envahissantes Faible Localisée Courante Continue Modérée / Faible Moyen
Climat et catastrophes naturelles
Changements climatiques Faible Généralisée Inconnue Inconnue Inconnue Inconnue

1 Niveau de préoccupation : signifie que la gestion de la menace constitue une préoccupation (élevée, moyenne ou faible) pour le rétablissement de l’espèce compte tenu des objectifs en matière de population et de répartition. Ce critère tient compte de l’évaluation de toute l’information figurant dans le tableau.

2 Gravité : indique l’effet à l’échelle de la population (élevée : très grand effet sur l’ensemble de la population, modérée, faible ou inconnue).

3 Certitude causale : indique le degré de preuve connue de la menace (élevée : la preuve disponible établit un lien fort entre la menace et les stress sur la viabilité de la population; moyenne : il existe une corrélation entre la menace et la viabilité de la population, par exemple selon l’opinion d’un expert; faible : la menace est présumée ou plausible).

4.2 Description des menaces

1) Construction de barrages, gestion du niveau des eaux et de la zone riveraine

L’aster d’Anticosti a besoin de l’affouillement périodique des rives des rivières et des lacs, qui supprime les espèces concurrentes. Dans la nature, un tel affouillement se produit tous les printemps, mais la construction de barrages ou de murs faits de pierre ou autres matériaux solides associés à ces barrages ou à d’autres fins peut interrompre ce cycle naturel. La construction d’un barrage pourrait expliquer la petite taille de la population d’asters à Somerville, au Nouveau-Brunswick (Labrecque et Brouillet, 1990). Les barrages peuvent aussi inonder l’habitat de l’aster, un effet qui explique la destruction d’au moins un emplacement (près du barrage Tinker, sur la rivière Aroostook, au Maine; Haines, 2000) et qui a peut-être réduit l’habitat disponible à un autre endroit (à Mashteuiatsh, au lac Saint-Jean, au Québec; COSEPAC, 1999). La construction d’ouvrages en pierre ou en béton à des fins de stabilisation des rives des lacs et des rivières modifie aussi définitivement les caractéristiques de l’habitat ce qui entraîne une perte de l'habitat et peut également détruire les plantes qui sont présentes dans le secteur. Toute modification du régime d’écoulement des eaux peut entraîner des éboulements ce qui peut également modifier les caractéristiques de l’habitat local et mener à la mort d’individus et à la disparition de populations locales.

Parmi les rivières où se trouve l’habitat de l’aster au Canada, seule la rivière Saint-Jean compte des barrages (à Grand-Sault, à Beechwood et à Mactaquac). Il n’est pas clair si les effets régulateurs des barrages ont des incidences sur les populations de l’aster, puisqu’il y a des asters à la fois en aval et en amont du barrage Mactaquac, ainsi que le long du réservoir de barrage (ministère des Ressources naturelles du Nouveau-Brunswick, données non publiées). Un barrage est également présent au lac Saint-Jean, ce qui fait que le niveau de l’eau est plus stable et plus élevé que ce qu’il était avant la construction des installations de régularisation des eaux. Des changements au régime actuel de gestion du niveau des eaux du lac Saint-Jean entraînant des niveaux d’eau plus élevés que la normale pendant des périodes prolongées, notamment durant la floraison, pourraient causer la disparition de populations locales d’asters d’Anticosti.

2) Aménagement des rivages

La perturbation de l’habitat de l’aster le long des rives des rivières et des lacs résultant de l’activité humaine va de la destruction de l’habitat au piétinement, qui peut détruire des plants individuels et créer des conditions favorisant les espèces végétales concurrentes. Ce genre de perturbation n’est pas considéré comme répandu, si l’on en juge par les visites de sites connus (Dietz et Bishop, 2002). Néanmoins, on a constaté des perturbations de l’habitat dues à la construction de chalets, de camping, et de parcs de roulottes, et aux activités qui y sont associées (rampes d’accès à l’eau, aires de pique-nique, débarcadères, sentiers riverains, fauchage de la végétation riveraine, etc.) pour la rivière Bonaventure (Jolicœur et Couillard, 2007), à la construction d’une aire de pique-nique pour la rivière Restigouche et aux mesures de lutte contre l’érosion à Somerville (Dietz et Bishop, 2002) et au lac Saint-Jean (Jolicoeur et Couillard, 2007). La construction près de l’habitat de l’aster augmenterait aussi vraisemblablement le risque d’introduction d’espèces envahissantes non indigènes qui pourraient avoir des incidences négatives sur les populations d’asters d’Anticosti établies.

3) Activités industrielles

L’érosion causée par l’extraction de gravier, la construction et l’exploitation forestière ou d’autres activités de défrichement peut accroître le ruissellement et l’envasement (Haines, 2001). Une étude de la rivière Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, a permis d’établir que 42 % du rivage a fait l’objet de certains travaux d’aménagement (FPSNNB, 2005). Sur la rivière Petit Pabos, la réfection d’un pont menant à un site d’exploitation forestière a entraîné la perte d’une partie de la population de l’aster d’Anticosti. L’ampleur de ce facteur n’a pas été quantifiée le long d’autres rivières où l’on trouve cette espèce.

4) Activités récréatives

La présence de véhicules tout-terrain (VTT) a été observée sur les bords des rivières où l’aster est présent. Quand les véhicules tout-terrain circulent dans l’habitat de l’aster, ils peuvent écraser les plants et compacter le substrat, rendant ainsi peu probable la formation de nouvelles colonies. Les véhicules tout-terrain pourraient aussi transporter des graines ou d’autres propagules de plantes pouvant faire concurrence au S. anticostense ou s’hybrider avec lui. Cette menace existe à un faible degré dans toutes les localités du Québec, mais est considérée comme intense le long de la rivière Bonaventure (Jolicœur et Couillard, 2007). Au Nouveau-Brunswick, elle a été constatée dans seulement 3 des 25 localités de la province (Dietz et Bishop 2002).

La pêche récréative peut entraîner la construction de multiples points d’accès permettant d’atteindre les rivières et les lacs. L’aménagement sur le bord des rivières et des lacs de sentiers destinés à la randonnée pédestre ou aux véhicules tout-terrain peut perturber ou détruire l’habitat de l’aster d’Anticosti.

5) Débris ligneux

La présence de billes de bois et débris ligneux dans l’habitat est spécifique à la population du lac Saint-Jean au Québec. Cette menace est liée à la période de la drave sur certains tributaires du lac. Les billes présentes au fond de l’eau échouent sur le rivage lors de fortes tempêtes. Ceci a pour effet de réduire l’habitat disponible à l’espèce et peut même entraîner l’écrasement direct d’individus (Conseil des Montagnais du Lac-Saint-Jean, 2012).

6) Broutage

Le cerf de Virginie (Odocoileus virginianus), introduit sur l’île d’Anticosti entre 1896 et 1897, y est maintenant abondant, et la chasse au cerf représente une composante importante de l’économie de l’île. Le broutage par le cerf a eu des effets considérables sur la flore de l’île et ceux-ci persistent de nos jours, et ce, même si la population de cerfs approche la capacité de charge de l’île (Viera, 2003; Tremblay et al., 2005). Le broutage semble avoir réduit la hauteur de la plupart des populations de l’aster sur l’île (Jolicœur et Couillard, 2007). Bien que ceux-ci n’aient pas été consignés en détail, les taux de floraison ont probablement aussi été réduits, à la fois par le broutage direct des fleurs et par l’effet du broutage sur la tendance de croissance des plants individuels (Côté et al., 2004).

7) Hybridation

L’aster d’Anticosti s’hybride facilement avec l’aster de la Nouvelle-Belgique (S. novi-belgii), une espèce généraliste répandue, et s’hybride parfois avec d’autres espèces d’asters, lorsque ces dernières abondent à ses côtés. Les hybrides sont des intermédiaires morphologiques et cytologiques qui compliquent l’identification du S. anticostense. Ils semblent particulièrement fréquents le long de la rivière Saint-Jean (Dietz et Bishop, 2002) et sont aussi présents le long des rivières Grande Rivière, Brick et Bonaventure (COSEPAC, 1999; Jolicœur et Couillard, 2007). Vu la grande proximité du S. novi-belgii dans la plupart des localités, il est possible que l’intégrité génétique du S. anticostense soit menacée, notamment dans les milieux perturbés par l’homme, où le niveau de population du S. novi-belgii peut être plus élevé que la normale.

8) Espèces envahissantes

Les espèces végétales non indigènes qui envahissent facilement les habitats perturbés ont été citées comme une menace potentielle aux plantes indigènes occupant l’habitat de l’aster dans l’est du Maine et l’est du Québec (Labrecque et Brouillet, 1988; Haines, 2001; voir aussi St. Hilaire, 2003). Ces espèces, parmi lesquelles se trouvent l’alpiste roseau (Phalaris arundinacea), la vesce jargeau (Vicia cracca), la renouée du Japon (Fallopia japonica) et le mélilot blanc (Melilotus albus) peuvent coloniser assez rapidement et pourraient ainsi facilement éliminer l’aster d’Anticosti par compétition si elles étaient libres de se répandre (Haines, 2001).

9) Changements climatiques

L’habitat de l’aster est très étroitement associé à l’affouillement et aux crues saisonnières qui ne sont cependant pas considérés comme des menaces. Il convient toutefois de souligner que la modification récente du régime des crues et des glaces causée par les changements climatiques est une perturbation possible de l’habitat de l’aster qui devrait être surveillée.

5. Objectifs en matière de population et de répartition

Les objectifs en matière de population et de répartition pour l’aster d’Anticosti sont de maintenir  la population canadienne à sa taille, sa répartition et sa zone d’occupation connues actuelles. Compte tenu des incertitudes liées à la génétique de l’aster d’Anticosti, cet objectif dépend des résultats obtenus à la suite de l’exécution des approches de recherche urgentes mentionnées dans le tableau 2 de la section 6.2.

6. Stratégies et approches générales pour l'atteinte des objectifs

6.1 Mesures déjà achevées ou en cours

  • En 1997, la municipalité régionale de comté du Rocher-Percé, en Gaspésie, a adopté l’aster d’Anticosti comme emblème floral, accroissant ainsi la visibilité de l’espèce dans la région.
  • En 2001 et en 2002, la Fondation pour la protection des sites naturels du Nouveau-Brunswick et le Centre de données sur la conservation du Canada atlantique ont effectué des relevés pour les asters d’Anticosti ainsi que pour d’autres plantes rares dans le cours supérieur de la rivière Saint-Jean.
  • En 2002, dans la cadre d’un projet financé par le programme d’intendance de l’habitat, le ministère des Ressources naturelles du Nouveau-Brunswick (MRNNB) a fait faire un relevé ayant pour but de revisiter les localités connues et de tenter de trouver de nouvelles occurrences de l’aster d’Anticosti au Nouveau-Brunswick.
  • En 2006, la Direction du patrimoine écologique et des parcs du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec a élaboré un plan de conservation pour l’aster d’Anticosti (Jolicoeur et Couillard, 2007).
  • En 2006, le MRNNB a préparé un programme de rétablissement provisoire pour l’aster d’Anticosti.
  • En 2006 et en 2007, le Fonds autochtone pour les espèces en péril du gouvernement du Canada a contribué financièrement à deux projets portant sur la population du lac Saint-Jean de l’aster d’Anticosti. Ces projets ont notamment permis de réaliser un relevé du site, de mettre l’accent sur la sensibilisation des propriétaires fonciers, des villégiateurs et des membres de la communauté de Mashteuiatsh et sur l’élaboration de recommandations pour la protection de l’habitat.
  • En 2007 et en 2008, le Centre de données sur la conservation du Canada atlantique a réalisé des relevés des plantes rares qui visaient notamment à confirmer la présence et l’abondance de l’aster d’Anticosti sur les bords de la rivière Restigouche et d’autres rivières du centre et du sud du Nouveau-Brunswick (Blaney et al., 2007; Blaney et Mazerolle, 2009). Ces relevés ont permis de repérer des populations du S. anticostense dans des localités auparavant inconnues, ce qui semblait indiquer dans un premier temps que l’espèce était commune et répandue sur les bords des réseaux fluviaux du centre du Nouveau-Brunswick. Une analyse génétique reposant sur le nombre de chromosomes a toutefois été effectuée, en raison de certaines incertitudes liées aux caractéristiques morphologiques de l’espèce. Les résultats indiquent qu'il existe maintenant des incertitudes pour tous les sites identifiés auparavant comme contenant de l'aster d'Anticosti.
  • Un relevé des plantes rares a été effectué le long de onze rivières et de quatre lacs de l’île d’Anticosti en 2008. Même si de nouvelles occurrences de l’aster d’Anticosti ont été découvertes sur les bords de trois nouvelles rivières (les rivières Martin, aux Plats et aux Rats) et de trois nouveaux lacs (les lacs Creux, Smith et du Rat Musqué), ces populations sont relativement petites et leur effectif varie de plusieurs centaines à plusieurs milliers de plantes (G. Jolicoeur, comm. pers.).
  • Des recherches sur l’origine du S. anticostense ont été réalisées en 2008 (Vaezi, 2008). Ses travaux fournissent des preuves que le S. anticostense est un hybride du S. novi-belgii et du S. boreale. Les résultats de ces recherches tendent de plus à indiquer qu’il existe des segments distincts de population 1) au lac Saint-Jean, 2) en Gaspésie, au Nouveau-Brunswick et dans le Maine et 3) sur l’île d’Anticosti. Ses constatations auront des répercussions notables sur les évaluations futures de la situation de l’espèce et sur sa gestion.
  • En 2009, un contrat octroyé à la communauté de Mashteuiatsh par Environnement Canada a servi à élaborer un protocole de suivi, à effectuer le suivi de la population du lac Saint-Jean et à rechercher de nouvelles populations dans le secteur.
  • Dans le cadre d'un projet financé par le Fonds autochtones pour les espèces en péril, les inventaires réalisés par la Première nation Gespeg sur trois rivières (Dartmouth, Douglastown et Saint-Jean) ont permis de découvrir une nouvelle population sur les bords de la rivière Saint-Jean.
  • Des relevés ciblés ont été réalisés en 2009 par le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs dans le cadre de la mise à jour du rapport de situation le long de cinq rivières de la Gaspésie (Petit Pabos, Grand Pabos, Grande Rivière, Bonaventure, Restigouche). Ces relevés ont permis de déterminer que la population des rivières de la Gaspésie était plus abondante que ce qui était connu avant au Centre de données sur le patrimoine naturel du Québec (P. Désilets, comm. pers.).
  • Le Fonds interministériel pour le rétablissement (FIR) a également permis de financer deux étapes d’un projet de conservation (de 2008 à 2009 et de 2009 à 2010) de l’aster d’Anticosti dans la collectivité de Masheuiatsh. L’objectif de ce projet était d’élaborer un plan de conservation pour la population de l’aster d’Anticosti à Mashteuiatsh et d’effectuer le suivi des populations.

6.2 Orientation stratégique pour le rétablissement

Avant d’entreprendre toutes les approches du rétablissement mentionnées dans le tableau 2 et d’identifier l’habitat essentiel (section 7), une analyse génétique doit être menée pour établir la présence de l’aster d’Anticosti, particulièrement au Nouveau-Brunswick, ainsi que pour déterminer sa répartition, son abondance et la structure de ses populations. Les études génétiques menées récemment sur l’aster d’Anticosti et décrites ci-dessus ont révélé que les caractéristiques morphologiques utilisées pour distinguer l’aster d’Anticosti des autres espèces d’asters similaires ne sont pas complètement fiables pour l’identification de l’espèce, particulièrement au Nouveau-Brunswick. Par conséquent, la fiabilité de l’occurrence de l’espèce dans les sites déjà connus est incertaine et, de ce fait, la répartition, l’abondance et la structure des populations ne sont pas clairs. Il faut noter, toutefois, qu’en l’absence de résultats provenant de l’analyse génétique, les approches de rétablissement urgentes mentionnées dans le tableau 2 doivent se poursuivre, particulièrement au Québec.

Tableau 2. Tableau de planification du rétablissement
Menace ou élément limitatif Priorité Stratégie générale pour le rétablissement Description générale des approches de recherche et de gestion
A. Recherche
Lacunes dans les connaissances Urgente Mener des recherches
  • Mener des analyses génétiques pour déterminer la présence de l’espèce, sa répartition, son abondance et la structure de ses populations (aussi nécessaire pour désigner l’habitat essentiel)
Broutage, hybridation, espèces envahissantes, débris ligneux Nécessaire Mener des recherches
  • Mener des recherches génétiques sur l’hybridation
  • Mesurer les conséquences du broutage par le cerf de Virginie et l'impact potentiel des espèces envahissantes et des débris ligneux
  • Établir les besoins en matière d’habitat (substrat, compétition et pollinisateurs, car ils ont des conséquences sur la colonisation et la persistance des populations)
  • persistance et viabilité des populations
B. Relevés
Tous Nécessaire Effectuer des inventaires, et faire le suivi des populations et de l’habitat
  • Développer des protocoles pour les inventaires et les suivis
  • Effectuer des relevés des populations et de l’habitat
  • Recueillir de l’information sur les menaces
  • Mettre en œuvre un protocole de suivi, y compris pour le suivi des menaces
C. Éducation et sensibilisation
Aménagement résidentiel des rivages, activités commerciales, activités récréatives Urgente Protéger l’espèce et son habitat
  • Assurer une application et une mise en œuvre constante des mesures et des lois existantes relatives à la protection
Aménagement résidentiel des rivages, véhicules récréatifs Bénéfique Éduquer et sensibiliser la communauté
  • Promouvoir la sensibilisation de la communauté à l’espèce et à son habitat ainsi que sa participation

6.3 Commentaires à l’appui du tableau de planification du rétablissement

Recherche

Tel qu’il est décrit ci-dessus, le domaine de la génétique de l’espèce, soit la structure des populations, l’hybridation, l’expression morphologique des différences génétiques, la génétique des populations est urgente et prioritaire. D’autres domaines ont aussi leur importance : la persistance des populations, les besoins en matière d’habitat, les conséquences du broutage par le cerf de Virginie et l’impact potentiel des espèces végétales non indigènes envahissantes et des débris ligneux.

Relevés

Une fois que la répartition, l’abondance et la structure des populations de l’espèce sont connues, de nouveaux relevés doivent être menés régulièrement dans les localités pour estimer les tendances de la population qui sont inconnues à l’heure actuelle. Il faudra alors établir une méthodologie, y compris définir le nombre de localités qui devront de nouveau faire l’objet de relevés, établir la façon de sélectionner ces localités et la fréquence à laquelle il faut les revisiter. Un plan de suivi à long terme doit être établi selon une approche comportant deux volets : un relevé aléatoire à grande échelle pour obtenir de l’information sur les tendances et une évaluation plus détaillée d’un sous-ensemble des localités pour obtenir de l’information sur la reproduction. L’information sur la taille et la répartition de la population devrait être conservée dans une base de données centralisée (p. ex. les centres de données sur la conservation) afin de fournir des données permettant d’assurer le suivi de l’efficacité des mesures de rétablissement, d’établir une corrélation entre les caractéristiques de l’habitat et la présence et la densité de l’aster (voir Recherche, ci-dessous), et de recueillir de l’information sur les menaces.

En ce qui concerne l’île d’Anticosti, des relevés supplémentaires pourraient être effectués dans les zones où il peut y avoir de fortes concentrations d’asters qui sont menacés dans l’immédiat (Jolicœur et Couillard, 2007). Une meilleure compréhension de la répartition et de la taille de la population est essentielle pour affiner les éléments clés du processus de planification du rétablissement (stratégies et approches générales, menaces et habitat).

Protection

À l’heure actuelle, l’habitat de l’aster est régi par diverses mesures au Québec et au Nouveau-Brunswick. Il est important d’établir une bonne communication entre les ministères et les organismes pour garantir l’application des règlements visant à protéger l’habitat de l’espèce. Il existe divers mécanismes pour garantir la protection adéquate de l’habitat des localités connues, y compris des outils juridiques et des accords d’intendance ou volontaires.

Éducation et sensibilisation

Des activités éducatives à grande échelle pourraient aider à accroître la sensibilisation du grand public en ce qui concerne l’aster et son habitat. Cette sensibilisation permettra de mieux apprécier de l’habitat qui, autrement, a peu d’importance écologique aux yeux du public, et entraînera donc une plus grande autosurveillance des activités qui pourraient le perturber. Des panneaux d’interprétation placés à des endroits pittoresques et aux points d’accès pour les activités récréatives, ainsi que la distribution de dépliants dans les centres d’information du public (y compris les parcs, les bibliothèques, les centres communautaires et les haltes routières) se trouvant le long des rivières où pousse l’aster pourraient renseigner le public.

Dans les localités très fréquentées où les concentrations d’asters sont particulièrement grandes (p. ex. sur les bords de la rivière Bonaventure), il faudrait communiquer avec les propriétaires fonciers le long des localités et tout juste en amont de celles-ci afin de faire en sorte qu’ils soient au courant de la réglementation qui protège l’habitat de l’aster et l’hydrologie naturelle. Certains propriétaires fonciers, en particulier ceux qui possèdent de longues étendues de rivage, pourraient être encouragés à élaborer des plans de conservation des sites et même à donner des servitudes de conservation. Dans les secteurs soumis à une utilisation récréative intensive (p. ex. ceux où circulent souvent des VTT), il faudrait envisager l’installation de clôtures ou la pose d’affiches pour protéger les populations.

7. Habitat essentiel

7.1 Désignation de l’habitat essentiel de l’espèce

Pour le moment, l’habitat essentiel de l’espèce n’est pas désigné, car des études génétiques récentes sur l’aster d’Anticosti ont révélé que les caractéristiques morphologiques utilisées pour distinguer l’aster d’Anticosti des autres espèces d’asters similaires ne sont pas complètement fiables pour l’identification de l’espèce. Par conséquent, la fiabilité de l’occurrence de l’espèce dans les sites déjà connus est incertaine et, de ce fait, la répartition, l’abondance et la structure des populations ne sont pas claires.

7.2 Calendrier des études visant à désigner l’habitat essentiel

L’activité présentée dans le calendrier des études est la même que celle de l’approche de recherche urgente mentionnée dans le tableau 2.

Tableau 3. Calendrier des études
Description de l’activité Résultat anticipé/justification Échéance
Mener des analyses génétiques pour déterminer la présence de l’espèce, sa répartition, son abondance et la structure de ses populations Connaître l’occurrence de l’espèce et avoir une compréhension claire de la structure des populations dans l’aire de répartition de l’espèce 2016

8. Mesure des progrès

Les indicateurs de rendement présentés ci-dessous proposent un moyen de déterminer et de mesurer les progrès vers l’atteinte des objectifs en matière de population et de répartition.

  • La taille de la population de l’aster d’Anticosti a été maintenue.
  • La répartition et la zone d’occupation de l’aster d’Anticosti ont été maintenues.

9. Énoncé sur les plans d’action

Un ou plusieurs plans d’action seront réalisés dans les cinq années suivant la publication du programme de rétablissement dans le Registre public des espèces en péril. Des plans d’action provinciaux peuvent être développés pour aborder les besoins et les défis distincts de chaque province.

10. Références

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Annexe A : Effets sur l'environnement et sur les espèces non ciblées

Une évaluation environnementale stratégique (EES) est effectuée pour tous les documents de planification du rétablissement en vertu de la LEP, conformément à La directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes. L’objet de l’EES est d’incorporer les considérations environnementales à l’élaboration des projets de politiques, de plans et de programmes publics pour appuyer une prise de décisions éclairée du point de vue de l’environnement.

La planification du rétablissement vise à favoriser les espèces en péril et la biodiversité en général. Il est cependant reconnu que des programmes peuvent, par inadvertance, produire des effets environnementaux qui dépassent les avantages prévus. Le processus de planification fondé sur des lignes directrices nationales tient directement compte de tous les effets environnementaux, notamment des incidences possibles sur des espèces ou des habitats non ciblés. Les résultats de l’EES sont directement inclus dans le programme lui-même, mais également résumés dans le présent énoncé, ci-dessous.

Il est improbable que la mise en œuvre du présent programme de rétablissement ait des répercussions néfastes sur les espèces non ciblées qui se trouvent dans l’habitat occupé par l’aster d’Anticosti. Plusieurs espèces végétales rares présentes dans l’aire de répartition de l’aster d’Anticosti, en particulier la pédiculaire de Furbish, une espèce en voie de disparition, dépendent d’un habitat et de conditions hydrologiques similaires, et pourraient donc bénéficier des mesures de rétablissement prises pour l’aster.

La possibilité que le présent programme de rétablissement produise, par inadvertance, des effets négatifs sur l’environnement et des espèces non ciblées a été envisagée. Étant donné que la majorité des mesures recommandées sont de nature non intrusive, y compris les relevés et les activités de sensibilisation du public, nous concluons qu’il est improbable que le présent programme de rétablissement produise des effets négatifs importants.

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