Caribou (Rangifer tarandus) population de la toundra, évaluation et rapport de situation du COSEPAC 2016 : chapitre 3

Description et importance de l’espèce sauvage

Nom et classification

Le caribou est un cervidé (ordre des Artiodactyles, famille des Cervidés, sous-famille des Capréolinés, genre Rangifer, espèce tarandus; Gilbert et al., 2006). Banfield (1961) a classé le genre Rangifer en sous-espèces et en « intergrades » (formes intermédiaires), principalement en fonction de mesures morphométriques de crânes et d’os de pattes ainsi que de la coloration du pelage et de la forme des bois. Cette taxinomie n’a pas été mise à jour, et ce, même si elle était souvent fondée sur quelques spécimens et si les techniques ont changé, y compris les analyses d’ADN qui révèlent les relations évolutives entre les caribous. Le COSEPAC (COSEWIC, 2011) a compilé des données récentes pour décrire la diversité des caribous et les classer en UD distinctes d’une même espèce.

Le présent rapport porte sur la sous-espèce de la toundra (Rangifer tarandus groenlandicus), qui comprend la sous-population migratrice de la Porcupine, que Banfield (1961) a classée comme étant constituée d’« intergrades » du R. t. granti présentant des caractéristiques semblables à celles du R. t. groenlandicus (le R. t. granti pur était celui de la péninsule de l’Alaska). Le COSEPAC (2011) a combiné les « intergrades » du R. t. groenlandicus et du R. t. granti au Canada en fonction de leur lignée phylogénétique et de leurs comportements adaptatifs communs. Dans ce rapport, les caribous de l’UD 3 (COSEWIC, 2011) sont appelés des caribous de la toundra (voir la section Unités désignables).

D’après les analyses d’ADN nucléaire et mitochondrial, le caribou de la toundra est de la lignée béringienne, qui comprend d’autres caribous de l’Alaska et les caribous des montagnes du Nord (Zittlau, 2004; Weckworth et al., 2012; COSEWIC, 2014a). Le caribou a colonisé le centre-nord du Canada il y a 6 000 ans, et l’établissement des sous-populations d’Ahiak et de Qamanirjuaq remonte à seulement 2 000 à 3 000 ans (Zittlau, 2004).

Description morphologique

Le caribou de la toundra est un cervidé de taille moyenne qui est caractérisé par de gros sabots, un museau large et un pelage d’automne brun et blanc distinctif. Les ergots sont gros et proéminents, et ils offrent au caribou une grande surface flexible et portante sur la glace et dans la neige. Les motifs du pelage sont particulièrement marqués chez les mâles en rut; la bande blanche et brun foncé sur leur flanc fait ressortir le brun du dos par rapport au ventre blanc et aux pattes brunes. Le cou comporte souvent une crinière blanche proéminente qui contraste avec la tête brun foncé. Les nouveau-nés sont habituellement roux. Les motifs du pelage et sa coloration (qui varie de pâle à foncée) changent en fonction des saisons, et le moment de la mue du pelage d’hiver varie selon le sexe et la catégorie d’âge. Le caribou est le seul cervidé chez qui les femelles possèdent des bois. Certaines femelles ne portent pas de bois chaque année, peut-être en raison des fluctuations de leur état nutritionnel (Reimers, 1993; Bergerud et al., 2008).

Les femelles adultes peuvent peser entre 90 et 135 kg à l’automne et perdre environ 10 % de leur poids durant l’hiver, mais cela varie grandement en fonction des conditions d’alimentation en hiver puisque le poids corporel tend à varier selon les conditions environnementales et l’abondance de la population (voir la section Biologie) [Boertje, 1996; Miller, 2003]. Comparativement aux femelles adultes, les mâles matures sont de 10 à 15 % plus gros, leur poids est de 10 à 50 % plus élevé, leurs bois sont plus massifs et leur tête a un profil plus convexe. Les femelles ont une crinière moins développée; leurs bois sont plus petits et comportent des andouillers plus courts et un tronc principal moins massif. Les mâles juvéniles ont une taille similaire à celle des femelles et peuvent être distingués de celles-ci par les organes génitaux externes (Miller, 2003).

L’apparence du caribou varie d’une saison à l’autre, le pelage devenant plus décoloré et terne durant l’hiver. Les mâles et les faons perdent ce pelage à l’été, tandis que les femelles allaitantes le perdent plus tard au cours de la même saison (Cuyler et al., 2012). Les mâles matures perdent leurs bois après la période de rut, alors que les femelles conservent leurs bois jusqu’à la fin de l’hiver. Les femelles gravides ne perdent habituellement leurs bois qu’après l’arrivée des nouveau-nés. La taille et la ramification des bois varient en fonction de l’état corporel (Bergerud et al., 2008).

Le caribou de la toundra diffère des autres sous-espèces de caribous par sa taille, ses proportions corporelles, son pelage et son comportement. Ses pattes ne sont pas aussi longues que celles du caribou boréal, mais elles ne sont pas aussi courtes que celles des caribous de Peary et de Dolphin-et-Union. Son corps est également plus gros que celui de ces deux dernières UD. À l’été et au début de l’automne, le caribou de la toundra se distingue clairement par le velours brun foncé de ses bois, comparativement au velours gris du caribou de Peary. Les pattes et le dos sont habituellement d’un brun plus foncé que ceux des caribous de Peary et de Dolphin-et-Union, mais les différences s’atténuent plus tard en saison, quand le pelage ternit. Toutefois, la face et les pattes plus longues du caribou de la toundra demeurent distinctives à la fin de l’hiver. Le caribou boréal possède un pelage foncé similaire à celui du caribou de la toundra, mais il s’en distingue par ses pattes relativement plus longues et son comportement (COSEWIC, 2014b).

Structure spatiale et variabilité de la population

Dans l’ensemble de la partie continentale de l’aire de répartition du caribou de la toundra, il existe peu d’obstacles géographiques visibles (chaînes de montagnes ou rivières importantes) qui pourraient imposer une structure aux sous-populations en limitant les déplacements de celles-ci. La vallée du fleuve Mackenzie pourrait constituer une exception puisqu’il s’agit d’une vallée basse comptant une forêt boréale dense qui pourrait constituer un obstacle partiel pour la sous-population de la Porcupine, dont le territoire annuel est situé à l’ouest du Mackenzie. Dans la partie est de l’aire de répartition du caribou de la toundra, les îles Southampton, Coats et Mansel, dans la baie d’Hudson, sont généralement isolées par de forts courants et de grandes marées. Récemment, toutefois, la glace de mer a relié l’île Southampton au continent en hiver (Campbell et Boulanger, 2016). L’île de Baffin est isolée en bonne partie du continent, et sa topographie montagneuse pourrait contribuer à la structure de la sous-population dans l’île (Campbell et al., 2014).

Les connaissances actuelles sur le caribou de la toundra appuient l’existence d’un continuum entre les sous-populations distinctes et sympatriques et les sous-populations spatialement complexes (les dèmes avec ou sans dynamique source-puits) plutôt que de catégories fixes (Ciannelli et al., 2013). Les sous-populations spatialement complexes pourraient varier au fil de la fluctuation de l’abondance et de la répartition ainsi que de l’augmentation de la dispersion ou de la grégarité durant la période de la mise bas. Toutefois, les lacunes dans les connaissances sont évidentes, comme cela est décrit dans les sections suivantes.

Critères comportementaux pour la structure des sous-populations

Depuis les années 1960, le mécanisme comportemental pour la structure des sous-populations est fondé sur le nombre de femelles qui retournent chaque année dans des aires géographiques particulières pour la mise bas, un comportement traditionnel transmis d’une génération à l’autre (Lent, 1964; Kelsall, 1968; Thomas, 1969; Bergerud, 1974; Gunn et Miller, 1986). Le lien entre les femelles d’une aire de mise bas donnée est maintenu toute l’année, et ce, malgré le fréquent chevauchement de leur aire d’hivernage avec celles de sous-populations voisines. Par exemple, d’après les plus de 10 000 étiquettes d’oreille et colliers récupérés, Heard (1983) a observé une fidélité de 93 à 95 % au sein des sous-populations de Beverly, de Bathurst et de Qamanirjuaq entre 1959 et 1981. De même, Nagy et al. (2011) ont noté que les liens entre les femelles munies d’un collier émetteur à transmission par satellite dans les aires de mise bas persistent pendant le reste de l’année. Leurs analyses statistiques par grappes des déplacements annuels des femelles munies d’un tel collier émetteur établissaient les mêmes sous-populations que celles définies en fonction de la fidélité aux aires de mise bas. Les femelles qui entretiennent un lien pendant la période de mise bas maintiennent ce lien pendant la période de rut, ce qui appuie l’utilisation de la fidélité aux aires de mise bas pour définir les sous-populations (Gunn et al., 2013a).

Les stratégies de mise bas et la structure des sous-populations varient lorsque les densités relatives de la population sont faibles (voir la section Habitat) ou lorsque l’abondance varie. La mise bas est plus dispersée dans le nord-est du continent – une région caractérisée par une faible productivité végétale où les densités sont relativement faibles lors de la période de mise bas (Heard et Stenhouse, 1992; Nagy et al., 2011; annexe B). Les réactions à une faible productivité végétale peuvent être accentuées par l’incidence de la fluctuation de l’abondance sur le lien entre les femelles. Par exemple, dans le nord de l’île de Baffin, la migration grégaire a fait place à des domaines vitaux individuels dispersés parallèlement à une grande diminution de l’abondance (Baffinland, 2012).

Les données disponibles sur la fidélité aux aires de mise bas sont inégales pour l’ensemble de l’aire de répartition du caribou de la toundra. Pour les sous-populations définies en fonction de la fidélité aux aires de mise bas, la fidélité a fait l’objet d’un échantillonnage sur une période moyenne de 35 ans (écart-type de 2,7 ans). La fidélité des femelles adultes à une aire de mise bas particulière est habituellement élevée (~ 95 %; Gunn et al., 2012). Les naissances sont grandement synchronisées puisque la plupart des faons naissent au cours d’une période de quelques jours seulement. Cela signifie que pendant la période de mise bas et les quelques mois qui suivent, les femelles et les faons sont exposés à des conditions similaires d’alimentation et de prédation. Cela permet également d’expliquer les différences relatives aux indices vitaux entre les sous-populations (voir la section Fluctuations et tendances). Un tel comportement donne lieu à des structures de sous-populations distinctes et sympatriques; il ne s’agit pas ici de sous-populations fermées, mais l’immigration/émigration a habituellement moins d’incidence sur l’abondance que les naissances et les décès (Boulanger et al., 2011).

Le comportement grégaire pendant la période de mise bas et la période qui suit est probablement favorisé par la prévisibilité associée à un lieu connu (Gunn et al., 2012), ce qui explique l’avantage que présente la fidélité à un lieu géographique donné. Le lieu géographique utilisé pour la mise bas peut changer, mais le lien entre les femelles demeure le même. Le chevauchement entre les aires de mise bas consécutives varie d’une année à l’autre (Griffith et al., 2002; Gunn et al., 2007, 2008; Nagy, 2009a). Un changement d’orientation sur plusieurs années peut mener à une différence de lieu géographique pour la mise bas, comme cela a été le cas pour l’aire de mise bas de la sous-population de Bathurst qui était différente lors de la période d’abondance maximale. Ce dernier changement était probablement lié aux densités élevées dans les aires de mise bas. À l’inverse, une densité exceptionnellement faible de femelles qui mettent bas pourrait susciter un changement d’aire de mise bas (Gunn et al., 2012; Adamczewski et al., 2015). Les changements imposés par l’environnement, comme la formation de glace (Nagy, 2009a), peuvent donner lieu à des fluctuations temporaires de la fidélité de caribous à certaines aires de mise bas (voir la section Répartition).

Critères génétiques pour la structure des sous-populations

Outre l’isolement comportemental, aucune technique de détermination de la structure des sous-populations pour le caribou de la toundra, comme les analyses de la morphologie non métrique du squelette, n’a été mise en œuvre. L’évaluation des régimes de variation génétique par rapport à la structure des sous-populations suscite beaucoup d’intérêt, mais la variation génétique et l’isolement démographique fonctionnent à des échelles spatiales et temporelles différentes (par exemple, Esler et al., 2006). L’ampleur de la variation génétique à laquelle on peut s’attendre au sein des sous-populations est tempérée par la dispersion postglaciaire récente et l’absence d’obstacles géographiques. Ces deux facteurs réduisent la probabilité d’une forte différenciation génétique pour le caribou de la toundra (McFarlane et al., 2016).

Les limites des analyses génétiques comprennent la répartition géographique inégale de l’échantillonnage et la taille inégale des échantillons, en particulier pour les mâles. La capacité de distinction de la structure génétique des sous-populations dépend également des techniques d’analyse puisque l’ADN mitochondrial, contrairement à l’ADN nucléaire, est hérité seulement des femelles (Zittlau, 2004; Cronin et al., 2005; Weckworth et al., 2012). Les analyses génétiques actuelles dépendent de l’échantillonnage de gènes insensibles à l’influence de la sélection naturelle (gènes neutres) [Kennedy et al., 2010], mais des gènes fonctionnels pourraient peut-être permettre de détecter une structure génétique précise à l’échelle de la sous-population.

Le flux génique est caractérisé par une dispersion en fonction du sexe. La dispersion par les mâles au Canada est mesurable par le prélèvement d’échantillons d’ADN, à l’exception des sous-populations de l’île Southampton et de la Porcupine (McFarlane et al., 2016). Une partie de la variation annuelle du flux génique reflète probablement les déplacements du caribou quand l’abondance est élevée et quand la probabilité de dispersion est la plus élevée (McFarlane et al., 2016). Une dispersion occasionnelle par les femelles est survenue, mais selon les échantillons d’ADN, les déplacements ne se poursuivent pas.

Sous-populations prises en considération dans le présent rapport

Il y a présentement 14 ou 15 sous-populations prises en considération dans le présent rapport, selon la fidélité des femelles pendant la période de mise bas, le rassemblement des femelles munies d’un collier émetteur à transmission par satellite qui entretiennent un lien toute l’année et les zones géographiques isolées ou semi-isolées (tableau 1; voir la section Aire de répartition canadienne). Certaines sous-populations ont été combinées aux fins des analyses des tendances de la population, pour un total de 13 unités (voir la section Taille et tendances des populations). Bien que des sous-populations importantes (communément appelées « hardes ») soient systématiquement reconnues, le nombre total de sous-populations de caribous de la toundra est incertain en raison de l’évolution des données, des nouvelles analyses, des changements de noms et des changements de définitions. Des relevés peu fréquents et un effectif faible d’individus marqués ont donné lieu à des interprétations différentes dans la définition des sous-populations, en particulier celles de Beverly, d’Ahiak et du nord-est du continent (annexe B).

Parker (1971) a fait état de quatre populations importantes dans la partie continentale du Canada, mais également de plusieurs hardes dans chacune de ces populations. En 1991, Ferguson et Gauthier (1992) ont reconnu onze « populations » définies en termes vagues. Entre 1991 et 2009, les relevés aériens et la télémétrie ont permis de reconnaître six autres sous-populations dans le nord-est du continent. Une nouvelle analyse des données des relevés aériens et des données télémétriques (Nagy et al., 2005; Nagy, 2009a) a mené à la division de la sous-population de Bluenose en trois unités : cap Bathurst, Bluenose Ouest et Bluenose Est. La sous-population de Tuktoyaktuk a été reconnue en 2005, à la suite du retrait du renne domestiqué (Branigan, 2005; Nagy et Johnson, 2006; Davison et Branigan, 2011).

Campbell et al. (2015b) ont résumé les données relatives à trois sous-populations sur l’île de Baffin. Bien que les relevés aériens antérieurs aient révélé le retour de caribous migrateurs dans les aires de mise bas, d’autres caribous ne migraient pas et la mise bas était dispersée. Ferguson et Gauthier (1992) ont d’abord délimité trois « populations » sur l’île de Baffin (Sud, Nord, Nord-Est), d’après les étiquettes d’oreille et les colliers émetteurs à transmission par satellite récupérés et les aires de rassemblement des caribous pour le rut à l’automne. Jenkins et al. (2012) ont souligné que les données disponibles et l’Inuit Qaujimajatuqangit (IQ ou connaissances traditionnelles des Inuits) appuient ces trois « populations démographiquement indépendantes ». Campbell et al. (2015b) ont utilisé les données du relevé de 1987 à 1994 et les données de télémétrie satellitaire de 2008 à 2011 pour cartographier ces populations.

Tableau 1. Sous-populations de caribous de la toundra au Canada et certitude relative de leur délimitation, en fonction de la durée de l’étude (1972-2014), du nombre de relevés aériens des aires de mise bas, de la télémétrie et de l’échantillonnage génétique. Les noms en italique indiquent les sous-populations prises en considération dans le présent rapport (n=15), les sous-populations Beverly/Ahiak et Lorillard/baie Wager) étant combinées aux fins d’analyses des tendances des populations (voir les notes de bas de page; n=13).
Type de certitude Sous-population (ou aire) Durée de l’étude (années) Nombre de relevés Télémétrie Génétique
(ADN échantillonné)
Certitude raisonnable Porcupine 38 20 Oui Oui
Certitude raisonnable Cap Bathursta 32 20 Oui Oui
Certitude raisonnable Bluenose Ouesta 32 22 Oui Oui
Certitude raisonnable Bluenose Esta 32 22 Oui Oui
Certitude raisonnable Bathursta 52 24 Oui Oui
Certitude raisonnable Beverlya, b 37 23 Oui Oui
Certitude raisonnable Qamanirjuaqa 45 19 Oui Oui
Certitude raisonnable Ahiakb 25 7 Oui Oui
Certitude raisonnable Baie Wagerc 28 4 blank Inconnu
Certitude raisonnable Lorillarda,c 25 4 blank Inconnu
Isolement géographique (île) Southampton blank blank Non Oui
Isolement géographique (île) Coats blank blank Non Inconnu
Incertitude (données limitées) Péninsule de Tuktoyaktuk 2 2 Non déclaré Inconnu
Incertitude (données limitées) Presqu’île de Boothia 36 5 Faible nombre Inconnu
Incertitude (données limitées) Basses terres Arrowsmithd 3 6 Faible nombre Inconnu
Incertitude (données limitées) Baie Keithd 20 3 Faible nombre Inconnu
Incertitude (données limitées) Lac Simpsond 26 4 Faible nombre Inconnu
Incertitude (données limitées) Péninsule Simpsond 22 3 Faible nombre Inconnu
Incertitude (données limitées) Sud de la presqu’île Melvilled 1 1 Faible nombre Inconnu
Incertitude (données limitées) Île de Baffine 8 2 Oui Oui

a Sous-populations considérées comme robustes (Nagy et al., 2011).

b Dans le présent rapport, pour la période après 2011, ces sous-populations sont considérées comme étant l’unité de population combinée Beverly-Ahiak. Voir l’analyse des autres interprétations de la structure de la population dans les sections Sous-populations et Tendances des sous-populations.

c Dans le présent rapport, les estimations des sous-populations de Lorillard et de la baie Wager sont combinées.

d Renommée « Ahiak » par Campbell et al. (2012) et incluses dans le présent rapport au sein de l’unité de population combinée Beverly-Ahiak.

e La structure de ces sous-populations est incertaine (Campbell et al., 2015b).

Il existe deux interprétations de la structure des sous-populations de Beverly et d’Ahiak (parfois appelées sous-populations du golfe de la Reine-Maud), et elles reposent principalement sur des explications différentes du moment, de l’ampleur et du mécanisme sous-jacent de la migration des femelles de l’intérieur du continent vers les aires de mise bas en milieu côtier (voir les sections Déplacements et dispersion et Tendances des sous-populations). Une hypothèse veut que la sous-population de Beverly ne soit plus identifiable puisque le nombre d’individus dans les aires de mise bas de l’intérieur du continent (traditionnelles) a diminué entre 1994 et 2006, à un point tel que les quelques femelles restantes ont gagné les aires de mise bas de la sous-population d’Ahiak le long de la côte du golfe de la Reine-Maud (Gunn et al., 2012, 2013a; Adamczewski et al., 2015). Une autre explication (voir par exemple Nagy et al., 2011 et Campbell et al., 2014) veut que les deux sous-populations continuent d’exister et fréquentent des aires de mise bas qui se chevauchent partiellement ou qui sont contiguës le long de la côte du golfe de la Reine-Maud. Selon cette interprétation, la sous-population de Beverly aurait abandonné l’intérieur du continent et commencé à mettre bas le long de la partie ouest non occupée de la côte du golfe de la Reine-Maud dans le milieu des années 1990. Ces auteurs affirment que le changement de la répartition de la mise bas se serait étalé sur de nombreuses années.

Ces interprétations sont limitées par des lacunes importantes dans les données des relevés et les données des colliers radioémetteurs, et les perspectives de résolution de ce débat sont clairement limitées pour l’instant. Aucun programme de colliers émetteurs n’a été lancé avant 2001 pour les sous-populations d’Ahiak et de Beverly (et le nombre de colliers utilisés était faible; Gunn et D’Hont, 2002). Le premier relevé stratifié a été réalisé en 1986, mais il n’a été répété qu’en 2008 (voir la section Tendances des sous-populations). Par conséquent, il existe des lacunes importantes dans les données (Campbell et al., 2014; Adamczewski et al., 2015), et ces lacunes rendent impossible la résolution de ce débat. Dans la présente évaluation, les données relatives aux sous-populations de Beverly et d’Ahiak avant 2011 sont présentées conformément aux définitions initiales de ces sous-populations ainsi qu’aux publications et rapports gouvernementaux pertinents. Pour ce qui est des données après 2011, le présent rapport regroupe les deux sous-populations en tant qu’unité combinée « Beverly/Ahiak », qui comprend l’aire de mise bas traditionnelle de l’intérieur du continent de la sous-population de Beverly et l’aire de mise bas le long de la côte du golfe de la Reine-Maud.

Unités désignables

Le COSEPAC (2011) a reconnu que le caribou de la toundra et l’ensemble de ses sous-populations constituent une des onze UD de caribous existantes. Le caribou de la toundra est une unité distincte et importante qui diffère sur le plan phylogénétique du caribou migrateur de l’Est du Québec et du Labrador et de l’Ontario et du Manitoba, lequel a un comportement similaire de rassemblement durant la période de mise bas (COSEWIC, en préparation). Le comportement de rassemblement permet de distinguer le caribou de la toundra des caribous de Peary (COSEWIC, 2016) et de Dolphin-et-Union. Banfield (1961) a classé les sous-populations de cette unité dans deux sous-espèces (R. t. groenlandicus et R. t. granti), mais le COSEPAC (2011) les a regroupées dans une seule UD en raison de leurs similarités sur le plan génétique et comportemental (COSEWIC, 2011).

De façon périodique ou saisonnière, le territoire du caribou de la toundra peut chevaucher celui d’autres UD, y compris les caribous des montagnes du Nord (COSEWIC, 2014a), de Dolphin-et-Union, de Peary (COSEWIC, 2016), boréal (COSEWIC, 2014b) et migrateur de l’Est (COSEWIC, en préparation). Le caribou de Peary et le caribou de la toundra occupent périodiquement des territoires adjacents dans l’ouest et l’est, respectivement, de la presqu’île de Boothia (Thomas et Everson, 1982; Gunn et al., 2000a). Le caribou de Dolphin-et-Union migre vers le continent depuis l’île Victoria après la période de rut et passe l’hiver le long de la côte. territoire pourrait chevaucher celui des caribous de la toundra qui passent l’hiver dans la toundra (Gunn et al., 2000b; McFarlane et al., 2016; COSEWIC, en préparation). On manque de données sur l’ampleur et la fréquence du chevauchement spatial et temporel. Le chevauchement saisonnier de la répartition des sous-populations de Bluenose Ouest, de Bluenose Est, de Bathurst, de Beverly et de Qamanirjuaq par rapport à la répartition du caribou boréal et du caribou migrateur de l’Est survient dans la forêt boréale en hiver, en particulier quand l’abondance est élevée. Les déplacements des caribous de la sous-population de Qamanirjuaq munis d’un collier radioémetteur vers le territoire du caribou du cap Churchill (caribou migrateur de l’Est) sont connus, mais leur ampleur et leur fréquence sont inconnus (COSEWIC, 2011).

Le territoire annuel de la sous-population de la Porcupine est séparé de celui des sous-populations voisines au Canada par la vallée et le delta du fleuve Mackenzie (voir la section Aire de répartition canadienne), mais cette sous-population ne présente aucune différence génétique ou comportementale importante qui pourrait justifier la définition d’une UD distincte (COSEWIC, 2011). Le COSEPAC (2011) a provisoirement inclus la sous-population de Forty-Mile dans la population de caribous de la toundra et il l’a classée comme exigeant un examen plus approfondi. Dans la présente évaluation, cette sous-population n’est toutefois pas incluse dans l’UD du caribou de la toundra. De plus, cette sous-population n’est actuellement pas assignée à une UD de caribous au Canada. Comme la sous-population de Nelchina, le caribou de la sous-population de Forty-Mile passe souvent l’hiver dans le centre-ouest du Yukon (Gross, 2011), mais le territoire annuel de cette sous-population se situe dans une chaîne de montagnes transfrontalière; contrairement à toutes les autres sous-populations prises en considération dans la présente évaluation, les sous-populations de Forty-Mile et de Nelchina ne migrent pas au nord de la limite forestière. La migration avant la mise bas est plutôt en altitude jusque dans la toundra alpine. Le pic de la mise bas pour la sous-population de Forty-Mile a lieu autour du 17 mai, soit deux semaines avant celui des sous-populations de la toundra.

Importance de l’espèce

L’importance écologique du caribou de la toundra découle principalement de l’abondance de celui-ci. Les espèces (ou populations) communes peuvent modeler les écosystèmes simplement par la force du nombre (Gaston et Fuller, 2008). Le caribou de la toundra est également souvent considéré comme une espèce clé. Les réseaux trophiques boréaux et arctiques comptent relativement peu de liens interspécifiques comparativement aux réseaux plus au sud. Dans les écosystèmes nordiques, les éléments nutritifs disponibles sont limités, une grande part du carbone et de l’azote étant inaccessible parce qu’une mince couche de sol seulement dégèle chaque année. Le caribou, par l’intermédiaire de son alimentation et du produit de celle-ci (matières fécales), a des effets complexes qui sont nettement répartis dans le temps et dans l’espace. Au fil des déplacements et des périodes de repos du caribou sur les cours d’eau gelés, les nutriments regagnent les écosystèmes aquatiques (par l’intermédiaire des matières fécales), où les larves qui se nourrissent par filtration contribuent au cycle des nutriments. En outre, les moustiques femelles adultes se nourrissent du sang des caribous et se joignent à une communauté complexe et diverse de parasites qui dépendent du caribou (Kutz et al., 2012). De plus, le caribou de la toundra soutient des prédateurs et des détritivores.

Les découvertes archéologiques liées au suivi de la répartition de l’humain et du caribou de la toundra par rapport au retrait des glaciers il y a environ 8 000 ans, dans les régions centrales de la toundra (Gordon, 2005), et il y a aussi longtemps que 24 000 ans (années étalonnées avant le présent), dans le centre de l’aire de répartition de la sous-population de la Porcupine (Bourgeon et al., 2017), montrent clairement l’importance du caribou de la toundra pour le peuplement du nord du Canada. Nombre de peuples autochtones reconnaissent le rôle central du caribou dans l’écologie de la toundra et de la taïga, et ils révèrent le caribou de la toundra, en plus de simplement dépendre des quantités de viande et de peaux qu’il leur fournit. Le caribou de la toundra a été et demeure une ressource importante pour les habitants du nord du Canada; dans certains cas, l’importance de cette population est telle que des familles la suivent au fil de sa migration (Benson, 2015). Les activités de chasse dont le caribou de la toundra fait l’objet, principalement celles aux fins de subsistance, ont une valeur économique directe importante. Le caribou de la toundra contribue à l’économie du Nord par l’intermédiaire du tourisme faunique et de la chasse récréative. De plus, il a une valeur culturelle incalculable pour les peuples autochtones dans l’ensemble des aires de répartition de ses sous-populations (Gunn et al., 2011b; InterGroup Consultants Ltd., 2013).

Répartition

Aire de répartition mondiale

Étant donné que le COSEPAC (2011) n’a pas tenu compte des sous-populations dont la totalité de l’aire de répartition est située à l’extérieur du Canada, l’aire de répartition mondiale de cette UD est incertaine. La limite occidentale de l’aire de répartition actuelle du caribou de la toundra, comme elle est établie par le COSEPAC (2011), est parfois repoussée jusque dans l’est de l’Alaska en raison des déplacements saisonniers de la sous-population de la Porcupine. Les similarités sur le plan écologique entre les grandes sous-populations côtières en Alaska (p. ex. hardes de l’ouest de l’Arctique, de Teshekpuk et du centre de l’Arctique) et l’UD du caribou de la toundra au Canada suggèrent que l’aire de répartition mondiale de cette UD pourrait s’étendre jusqu’à la côte de la mer de Béring dans le nord de l’Alaska (figure 1). De même, la limite orientale pourrait être située dans l’ouest du Groenland. Banfield (1961) a classé l’homologue écologique du caribou de la toundra dans le nord de la Russie comme une sous-espèce différente (R. t. sibiricus).

Aire de répartition canadienne

L’aire de répartition combinée des 14 ou 15 sous-populations de caribous de la toundra (voir les sections Sous-populations et Tendances des sous-populations) est grande et continue dans le nord du continent au Canada, dans les îles de la baie d’Hudson et dans l’île de Baffin. La limite occidentale correspond à la frontière entre le Yukon et l’Alaska, dans le nord-ouest du territoire. L’aire de répartition s’étend vers l’est, jusqu’à la côte ouest de l’île de Baffin (figures 1 et 2). Des caribous sont présents dans les grandes îles de la baie d’Hudson (Southampton, Coats et Mansel), mais il manque de données récentes sur l’île Mansel, et celle-ci n’est pas prise en considération dans le présent document. Des rennes domestiques (R. t. tarandus) ont été introduits dans les îles Belcher. À l’heure actuelle, le caribou n’est pas présent dans les îles au large de la côte ouest de l’île de Baffin dans le détroit d’Hudson (Mill, Salisbury et Nottingham) et dans le bassin Foxe (Koch et Rowley) (Jenkins et al., 2012). La limite sud de l’aire de répartition du caribou de la toundra correspond à la région nord de la Saskatchewan, de l’Alberta et du Manitoba. L’aire de répartition de la sous-population de la Porcupine s’étend jusqu’en Alaska.

Figure 1. Aire de répartition du caribou de la toundra en Amérique du Nord par rapport aux autres unités désignables. Le caribou de la toundra migrateur en Alaska pourrait faire partie de la même UD.
Aire de répartition du caribou de la toundra en Amérique du Nord
Photo: © Carte préparée par Meg Southee, WCS Canada.
Description longue de la figure 1

Carte de l’aire de répartition du caribou de la toundra en Amérique du Nord par rapport aux autres unités désignables.

Figure 2. Sous populations de caribous de l’UD du caribou de la toundra. Carte préparée par Bonnie Fournier, gouvernement des Territoires du Nord Ouest.
Sous populations de caribous de l’UD du caribou de la toundra.
Photo: © Carte préparée par Bonnie Fournier, gouvernement des Territoires du Nord Ouest.
Description longue de la figure 2

Carte délimitant les sous populations dans l’unité désignable du caribou de la toundra.

La vallée et le delta du Mackenzie sont probablement à l’origine d’une disjonction dans l’aire de répartition ouest du caribou de la toundra et isolent la sous-population de la Porcupine des sous-populations à l’est (WMAC [North Slope] and Aklavik Hunters and Trappers Committee, 2009). L’analyse génétique de certains caribous échantillonnés dans les contreforts des monts Mackenzie (Territoires du Nord-Ouest) révèle que ces caribous ressemblent davantage aux caribous de la toundra qu’aux caribous boréaux et aux caribous des montages du Nord échantillonnés plus haut dans les monts et plus à l’ouest (Polfus et al., 2016). Ces résultats cadrent avec les descriptions formulées par un résident au sujet des déplacements antérieurs du caribou de la toundra de la rive est à la rive ouest du fleuve Mackenzie (section sur les connaissances traditionnelles, SARC, 2016). Au sud de Norman Wells, en 1954, le caribou traversait le Mackenzie en provenance de l’est (J. Antoine, consigné dans Beaulieu, 2012). Les conditions de la glace donnent lieu à une fragmentation de la répartition du caribou de la toundra dans la baie d’Hudson et confinent le caribou aux îles. De même, les conditions des glaces marines limitent essentiellement la répartition du caribou à l’île de Baffin.

Tendances historiques en matière de répartition

Les données disponibles pour évaluer les tendances historiques (vers les années 1950) sont éparses en ce qui concerne l’aire de répartition nordique du caribou de la toundra. Ces tendances historiques sont principalement fondées sur des travaux de relevé et de cartographie peu fréquents portant sur un faible nombre de femelles munies d’un collier émetteur à transmission par satellite (voir la section Activités de recherche) ainsi que sur les CTA, notamment obtenues par l’intermédiaire de la chasse de subsistance (voir par exemple SARC, 2016). Les CTA compilées indiquent un rétrécissement marqué hors de la partie sud de l’aire de répartition historique du caribou de la toundra au cours des 60 dernières années, aire qui s’étendait aussi loin vers le sud que Fort Smith, Fort Resolution et la rivière Rocher dans les Territoires du Nord-Ouest, ainsi que Fort Fitzgerald et Fort Chipewyan en Alberta (ACFN Elders et al., 2003a; idem, 2003b; WRRB, 2010b; Beaulieu, 2012; BQCMB, 2014a). Les tendances en matière de répartition peuvent être influencées par les fluctuations de l’abondance et les changements correspondants dans la répartition saisonnière. Les données antérieures aux années 1950 sur les aires de mise bas et d’estivage, obtenues à partir de sites archéologiques et de marques de sabots sur les racines d’épinettes, documentent la fidélité à long terme aux voies migratoires avant la mise bas, aux aires utilisées après la mise bas et aux passages de cours d’eau (Gordon, 2005; Zalatan et al., 2006). Blythe et Bath (SARC, 2016) ont utilisé les données tirées des sources de connaissances traditionnelles citées (figure 3) pour cartographier l’aire de répartition du caribou de la toundra dans les années 1990, une décennie marquée par le pic le plus récent de la population.

Dans l’ensemble, les données indiquent un rétrécissement des parties sud et sud-ouest de l’aire de répartition du caribou de la toundra depuis 1935 (Banfield, 1954, 1961; Kelsall, 1968; SARC, 2016). Kelsall (1968) a cartographié la répartition du caribou de la toundra à l’ouest de la rivière des Esclaves dans le parc national Wood Buffalo depuis 1935, et Beaulieu (2012) a constaté la présence de caribous aussi loin au sud que Fort Chipewyan au cours de la période de 1948 à 1958, ce qui suggère que la partie sud de l’aire d’hivernage s’est rétrécie vers le nord dans le cas des sous-populations de Beverly et de Bathurst (Thomas et al., 1998; Gunn et al., 2011a). Thomas et al. (1998) ont dressé un résumé des données historiques, et celles-ci suggèrent un rétrécissement d’au moins 200 à 300 kilomètres entre les années 1960 et 1990. À l’aide des données sur la répartition tirées des relevés gouvernementaux (des années 1940 à 2011), des données radiotélémétriques recueillies (1993-2012) et des connaissances traditionnelles des chasseurs de caribou, le Conseil de gestion des caribous de Beverly et de Qamanirjuaq (Beverly and Qamanirjuaq Caribou Management Board – BQCMB, 2014a) a documenté la fin de l’utilisation d’une grande partie de l’aire d’hivernage historique en Alberta et en Saskatchewan dans les aires de répartition combinées des sous-populations de Beverly et de Qamanirjuaq.

L’évaluation des tendances annuelles en matière de répartition de sous-populations individuelles est limitée en raison de la variation annuelle élevée et du fréquent chevauchement des aires d’hivernage de sous-populations voisines (Thomas et al., 1998; Gunn et D’Hont, 2002; Nagy et al., 2005; Nagy et Campbell, 2012). La sous-population de la Porcupine, dont l’aire de répartition n’a pas chevauché celles des sous-populations voisines depuis le début du suivi assuré au moyen de colliers émetteurs à transmission par satellite en 1985 et qui utilise cette aire de répartition de manière relativement prévisible (Fancy et al., 1989; McNeil et al., 2005), constitue une exception. De même, des données suggèrent un rétrécissement de la partie sud des territoires utilisés par la sous-population de Bathurst à l’automne et en hiver ainsi que des déclins de l’abondance. D’Hont (comm. pers., 2005) a relié ce rétrécissement à une réduction de la distance de la migration préalable à la mise bas entre l’aire d’hivernage et l’aire de mise bas (figure 4). En outre, bien que la superficie de l’aire de rut ait diminué, d’après la distance en ligne droite entre le centroïde des aires de mise bas annuelles et le centroïde de l’aire de rut, la partie nord de l’emplacement de l’aire de rut s’est également rétrécie. Entre 1996 et 2011, le rétrécissement s’est chiffré à environ 200 kilomètres.

Figure 3. Aire de répartition maximale du caribou de la toundra au Canada dans les années 1990, d’après les données compilées à partir des sources de connaissances traditionnelles citées (Blyth et Bathe dans SARC, 2016) et l’aire de répartition actuelle.
Aire de répartition maximale du caribou de la toundra au Canada dans les années 1990
Photo: © Carte préparée par Bonnie Fournier, gouvernement des Territoires du Nord Ouest.
Description longue de la figure 3

Carte délimitant l’aire de répartition maximale du caribou de la toundra au Canada dans les années 1990, d’après les données compilées à partir des sources de connaissances traditionnelles citées et l’aire de répartition actuelle.

Figure 4. Tendance de la superficie de l’aire de rut et distance en ligne droite entre le centroïde des aires de mise bas annuelles et le centroïde des aires de rut annuelles pour la sous population de Bathurst.
Tendance de la superficie de l’aire de rut et distance en ligne droite
Photo: © D’Hont, comm. pers., 2005; GNWT, données inédites, 2013
Description longue de la figure 4

Graphique illustrant les tendances (de 1996 à 2011 environ) de la superficie de l’aire de rut et la distance en ligne droite entre le centroïde des aires de mise bas annuelles et le centroïde des aires de rut annuelles pour la sous population de caribous de la toundra de Bathurst.

L’île de Baffin constitue la limite orientale de l’aire de répartition du caribou de la toundra au Canada. L’abondance a connu un déclin marqué depuis les années 1990 (Goorts, 2014). Historiquement, quand l’abondance est faible, le territoire utilisé, particulièrement en hiver, rétrécit pour n’englober que les refuges traditionnels, un phénomène bien connu des aînés autochtones (Ferguson et Vivaventsova, 2007; DOE-GN, 2013). Au cours de l’évaluation environnementale d’une grande mine à ciel ouvert en 2012, des données historiques ont été compilées pour le nord de l’île de Baffin (Baffinland, 2012; Campbell et al., 2015a). Au cours de la période actuelle de faibles effectifs, l’aire de répartition a rétréci et les femelles sont dispersées dans des domaines vitaux individuels, et non concentrées dans une aire de mise bas reconnaissable et utilisée de manière grégaire.

Selon la répartition cumulative des femelles munies d’un collier émetteur à transmission par satellite (de 1996 à 2011), des zones du nord-est du continent (péninsule Simpson, nord de la presqu’île Melville, ouest de la presqu’île de Boothia et île King William; annexe B) semblent inoccupées (figure 2.2 dans Nagy et Campbell, 2012). Il est toutefois impossible de déterminer si ces résultats sont dus à un changement sur le plan de l’abondance ou à l’utilisation de techniques différentes pour déterminer l’aire de répartition. Par exemple, en mai 2014, Campbell et al. (2015a) ont fait état de faibles effectifs de caribous dans le nord de la presqu’île Melville. Historiquement, le caribou migrait du continent à l’île King William pour mettre bas et pour y passer la saison estivale, et il était chassé pendant sa migration automnale vers le sud jusqu’à la presqu’île Adelaide. Bien que l’abondance du caribou dans le nord-est du continent, y compris la presqu’île de Boothia, ait augmenté dans les années 1980 et 1990, ce ne fut pas le cas dans l’île King William (résumé dans Gunn et Ashevak, 1990; Gunn et al., 2000a). Les Inuits font état de la présence récente de caribous durant toute l’année dans cette île (Ljubicic, comm. pers., 2014).

Une réduction des territoires utilisés à l’automne et en hiver durant les périodes de faible abondance complique la distinction des rétrécissements globaux de l’aire de répartition en raison du risque que la répartition actuelle soit considérée comme « normale ». Cela pourrait être considéré comme un exemple d’une base de référence changeante (Pauly, 1995), c’est-à-dire que la perception de la situation passée de l’espèce se détériore d’une génération humaine à l’autre au fil du déclin de la population sauvage.

Zone d’occurrence et zone d’occupation

La zone d’occurrence correspond à la superficie incluse dans un polygone convexe qui englobe la répartition géographique de toutes les populations connues de l’espèce, à l’exception des cas de nomadisme. Pour la plupart des sous-populations, les gouvernements ont produit les cartes de répartition à partir de données de télémétrie satellitaire. La zone d’occurrence est fondée sur les polygones produits à l’aide des données sur les femelles munies d’un collier émetteur à transmission par satellite. L’hypothèse selon laquelle ces femelles sont représentatives de la répartition des sous-populations n’est bien appuyée que pour la répartition générale de la mise bas (voir les commentaires ci-après sur la zone d’occupation). La taille de l’échantillon (colliers-années) et la dépendance à l’égard des femelles adultes munies d’un collier émetteur introduisent des incertitudes dans les estimations de la zone d’occurrence. Le nombre de colliers-années varie en fonction de la sous-population et de l’année, et il a augmenté depuis 2005 pour certaines sous-populations pendant une période de déclin de l’abondance. Par conséquent, les données sur la zone d’occurrence peuvent être biaisées par des contraintes d’échantillonnage et les changements sous-jacents de l’abondance de la population.

Aucune carte n’était disponible pour comparer la zone d’occurrence en période de pic d’abondance (environ au milieu des années 1990) et celle en période de faible abondance (environ de 2008 à 2012). La zone d’occurrence a plutôt été calculée au moyen des données du Réseau circumpolaire de surveillance et d’évaluation du caribou (CircumArctic Rangifer Monitoring and Assessment – CARMA) et du ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles des Territoires du Nord-Ouest pour la période d’environ 2006 à 2012 (compilées par K. McGreish, à partir des données du CARMA et du système de gestion de l’information sur les espèces sauvages [Wildlife Information Management System – WMIS] du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest). La zone d’occurrence, en période de pic d’abondance et pour tenir compte des différences possibles sur le plan de la répartition des mâles (puisque dans la plupart des sous-populations, seules des femelles ont été munies d’un collier émetteur), pourrait être supérieure à 5 à 10 % puisque dans la forêt boréale, les mâles adultes sont habituellement présents plus au sud que les femelles (Thomas et al., 1998).

La superficie de la zone d’occurrence, calculée au moyen d’un seul polygone englobant les 17 sous-populations (2006-2012), se chiffrait à 4 253 842 km2. La zone d’occupation est définie par l’UICN (2016) comme étant la plus petite superficie essentielle à tout stade pour assurer la survie des sous-populations existantes. Pour le caribou de la toundra migrateur, il s’agit des aires de mise bas, y compris la zone occupée par les femelles reproductrices jusqu’à trois semaines après la mise bas. Cette définition est semblable à celle utilisée pour les mammifères pélagiques migrateurs, comme les otaries à fourrure du Nord (Callorhinus ursinus), pour lesquels les sites de reproduction ont été évalués comme étant des zones d’occupation (COSEWIC, 2010). La zone d’occupation est mesurée comme une estimation de la superficie réelle occupée (« occupation biologique ») et comme un indice de la zone d’occupation (IZO), qui utilise un facteur de correction pour normaliser cette estimation à différentes échelles spatiales. L’IZO est calculé selon la superficie des carrés de grille de 2 km de côté qui recoupent la superficie réellement occupée par l’espèce sauvage. L’IZO du caribou de la toundra a été calculé comme étant l’aire cumulative annuelle de mise bas de huit sous-populations entre 2006 et 2012, totalisant 247 840 km2. Toutefois, le nord-est du continent, l’île Southampton et l’île de Baffin n’ont pas été inclus dans ce calcul en raison de connaissances insuffisantes.

Activités de recherche

La répartition historique est principalement fondée sur des relevés aériens menés dans les années 1940 et 1950 et ciblant de vastes zones de la toundra et de la forêt boréale du continent (Banfield, 1954; Kelsall, 1968; Urquhart, 1981) ainsi que sur les CTA (figure 3). La limite sud de l’aire de répartition du caribou de la toundra correspond à l’aire d’hivernage, mais depuis les années 1960, cette limite n’est cartographiée que peu fréquemment au moyen de relevés aériens (voir par exemple D’Hont et al., 2009; Gunn, 2013).

Dans les années 1960, les activités de recherche visaient la cartographie de la répartition de la mise bas (tableau 2), mais les activités de recherche ont été inégales d’une sous-population à l’autre. Huit sous-populations ont été cartographiées fréquemment, et ont compté un grand nombre de femelles qui ont été munies d’un collier émetteur à transmission par satellite (tableaux 2 et 3). En 2007 et en 2008, la normalisation des relevés de la répartition de la mise bas a augmenté à l’échelle des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut (Poole et al., 2013). En 2010 et en 2011, des relevés aériens relativement vastes ont été réalisés au mois de juin afin de cartographier les répartitions de la mise bas dans le nord-est du continent (Campbell et al., 2014; annexe B). Dans le cadre des relevés antérieurs, les critères utilisés pour établir les limites des aires de mise bas n’étaient pas toujours comparables ou déclarés. Par conséquent, il n’est pas toujours évident de déterminer si, par exemple, les caribous non reproducteurs (juvéniles et jeunes mâles) ont été pris en compte dans les estimations des relevés.

Les activités de recherche visant à cartographier la répartition du caribou de la toundra ont été modifiées au milieu des années 1980, quand la télémétrie VHF a été utilisée, puis à nouveau au milieu des années 1990, quand la télémétrie satellitaire a été mise en œuvre. Le nombre de colliers-années pour évaluer la répartition varie considérablement d’une sous-population et d’une année à l’autre, et il pourrait constituer une source de biais dans la détermination de la taille des aires de mise bas (tableau 3). Les territoires utilisés annuellement par le caribou dans la région de Kivalliq, au Nunavut, sont cartographiés dans un atlas récent (Campbell et al., 2012), d’après des relevés aériens et les données sur des femelles munies d’un collier émetteur.

La plupart des caribous munis d’un collier émetteur à transmission par satellite sont des femelles adultes. Des mâles ont été munis d’un collier émetteur dans cinq sous-populations de l’ouest dont l’abondance est estimée en fonction de photographies des rassemblements après la mise bas. Les lieux de ces rassemblements sont établis à l’aide des caribous munis d’un collier émetteur à transmission par satellite ou radio. La répartition des mâles, comme l’indiquent les positions satellitaires, n’a pas été comparée à la répartition des femelles. En hiver, les mâles sont souvent observés plus au sud que les femelles (Kelsall, 1968). Les calculs de la zone d’occupation font également appel aux données de télémétrie satellitaire, ce qui, pour les femelles, est représentatif de la répartition agrégative pendant la période de mise bas, du moins dans le cas des grandes sous-populations (Griffith et al., 2002; Gunn et al., 2008). Des analyses des noyaux (établies habituellement à 95 % ou à 99 %, mais des pourcentages de 50 à 70 % sont également utilisés dans des études et pour des sous-populations) sont utilisées pour définir les limites de la zone d’occupation. Toutefois, les analyses des noyaux sont sensibles à la taille des échantillons, ce qui ajoute une incertitude aux estimations de la zone d’occupation (Seaman et al., 1999).

Tableau 2. Sommaire de la période, du nombre de relevés aériens effectués pendant la période de mise bas et des documents publiés ou experts consultés pour les huit sous-populations de caribous de la toundra pour lesquelles on possède le plus d’information.
Sous-population Période Nombre de relevés aériens Références
Porcupine 1972-2012 41 Fancy et Whitten, 1991 (1983-90); Russell et al., 1992 (1970-1990); Griffith et al., 2002; Caikoski, 2011
Cap Bathurst 1974-2012 22 Nagy et Johnson, 2006; Nagy, 2009a; Davison et al., 2014; Davison et Veitch, en préparation
Bluenose Ouest 1974-2012 24 Nagy et Johnson, 2006; Nagy, 2009a; Davison et al., 2014; Davison et Veitch, en préparation
Bluenose Est 1974-2013 22 Nagy, 2009a; Nagy et al., 2008; Adamczewski et al., 2013; Adamczewski, comm. pers., 2014
Bathurst 1965-2012 29 Sutherland et Gunn, 1996; Gunn et al., 2008; Nishi et al., 2007, 2010; Boulanger et al., 2015
Ahiak 1986-2011 8 Gunn et al., 2013a; Johnson et al., 2008; Campbell et al., 2014
Beverly 1957-2011 29 Gunn et Sutherland, 1997b; Johnson et al.,2009; Campbell et al., 2014
Qamanirjuaq 1963-2008 19 Campbell et al., 2010
Tableau 3. Statistiques descriptives pour le nombre de colliers-années de caribous de la toundra femelles disponibles le 10 juin ou près de cette date de 1995 à 2012 pour les sous-populations de caribous de la toundra dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut. Données de la sous-population de la péninsule de Tuktoyaktuk à la sous-population de Beverly compilées par J. Williams (gouvernement des Territoires du Nord-Ouest), à partir des données du WMIS; données de la sous-population du golfe de la Reine-Maud à la sous-population de Qamanirjuaq tirées de Nagy et Campbell (2012); données de la sous-population de la Porcupine compilées par M. Kienzler (gouvernement du Yukon).
Harde Moyenne ET Minimum Maximum Années
Porcupine 77,7 2,74 53 95 18
Péninsule de Tuktoyaktuk 12,0 2,05 5 20 7
Cap Bathurst 9,9 1,80 1 22 17
Bluenose Est 16,5 4,23 3 47 15
Bluenose Ouest 15,3 3,22 2 46 17
Bathurst 13,6 1,31 3 22 17
Ahiakf 13,4 2,88 2 39 15
Beverlyg 2,0 0,70 0 8 12
Golfe de la Reine-Maud 6,9 3,12 1 27 9
Lorillard 8,6 1,23 2 12 9
Baie Wager 5,5 1,28 1 11 10
Qamanirjuaq 13,3 2,13 7 31 15

f Mise bas le long du golfe de la Reine-Maud.

g Mise bas dans les aires de mise bas traditionnelles de la sous-population de Beverly, au sud du lac Garry.

Habitat

Besoins en matière d’habitat

Le caribou de la toundra a besoin de territoires annuels relativement grands qui permettent aux individus d’adapter leur répartition saisonnière aux fluctuations annuelles et décennales des conditions de l’environnement (Bergerud et al., 2008). Cela comprend les effets directs des conditions météorologiques et les effets indirects de celles-ci sur les caractéristiques de l’habitat, comme l’épaisseur de la neige, le régime et l’intensité des feux de forêt, le harcèlement par les insectes, la qualité des plantes servant de nourriture et le moment de la croissance végétale. Le caribou effectue des migrations saisonnières et des déplacements à l’échelle locale dans le but de satisfaire ses besoins alimentaires et de réduire au minimum le risque de prédation et possiblement de parasitisme (Heard et Williams, 1992; Heard et al., 1996; Kutz et al., 2014; Klaczek et al., 2016).

Le caribou est présent dans quatre écozones (taïga du Bouclier, taïga des plaines, taïga de la Cordillère et Arctique). L’écozone de l’Arctique est subdivisé en trois écorégions (Bas-Arctique, Haut-Arctique et Cordillère arctique; Eamer et al., sous presse). La plupart des sous-populations de caribous de la toundra migrent vers le nord jusqu’à la côte arctique pour mettre bas et pour passer l’été et la période de rut dans la toundra de l’écorégion du Bas-Arctique.

Les îles dans la baie d’Hudson et l’île de Baffin sont situées dans l’écorégion du Bas-Arctique de l’écozone de l’Arctique. Le nord-est de la partie continentale du Nunavut, y compris la presqu’île de Boothia et la presqu’île Melville, l’île King William et la majorité des régions de l’ouest et du centre de l’île de Baffin, est situé dans l’écorégion du Haut-Arctique, alors que l’extrémité est de l’île de Baffin est située dans la Cordillère arctique. Nombre de caribous de la toundra retournent vers le sud chaque automne pour passer l’hiver dans la forêt boréale des écozones de la taïga des plaines et de la taïga du Bouclier (Gunn et al., 2011b). À l’ouest du fleuve Mackenzie, la sous-population de la Porcupine utilise beaucoup l’écozone de la taïga de la Cordillère, mais elle met bas le long de l’étroit prolongement côtier de l’écozone du Bas-Arctique. La majorité de l’écozone de la taïga de la Cordillère consiste en une toundra montagneuse, et la forêt de conifères est principalement confinée aux basses terres (ESTR Secretariat, 2011).

Les besoins alimentaires dépendent du moment du cycle de reproduction annuel par rapport à la brève saison de croissance végétale et aux longs hivers qui caractérisent les régions arctique et subarctique (voir par exemple Russell et al., 1993). Ils sont élevés au printemps et au début de l’été, après l’épuisement des réserves corporelles en hiver et quand les femelles doivent combler les coûts métaboliques liés à la grossesse, à la migration préalable à la mise bas et à l’allaitement. Ces besoins ne peuvent être toujours satisfaits en raison du risque de harcèlement par les insectes et de prédation par les loups. L’alimentation à la fin de l’été et à l’automne est donc importante puisque c’est à cette période que les réserves corporelles sont constituées (Heard et al., 1996). Nous en savons beaucoup sur les besoins en protéines et en glucides, mais les besoins en micronutriments sont moins connus (Kuropat et Bryant, 1980). Les deux sexes recherchent les eaux riches en minéraux présentes sur les lacs gelés durant la migration printanière, et les femelles lèchent les dépôts de minéraux riches en sodium au moins dans les aires de mise bas de l’intérieur du continent des sous-populations de Beverly et de Bathurst (Fleck et Gunn, 1982; Heard et Williams, 1990).

Sauf en hiver, le caribou satisfait ses besoins en nutriments en choisissant des végétaux en fonction de leur stade de croissance plutôt que de l’espèce (Kuropat et Bryant, 1980). La croissance végétale débute quand la neige fond. Le caribou de la toundra synchronise donc sa migration préalable à la mise bas vers la toundra de manière à tirer parti du pic de valeur nutritionnelle des plantes pour ses besoins en énergie et en protéines, qui ne sont pas les mêmes pour les mâles que pour les femelles non gravides (White et Trudell, 1980; Russell et al., 1993; Heard et al., 1996; Chen et al., 2012). Étant donné la quantité limitée de ressources alimentaires dans les aires de mise bas et les coûts croissants de l’allaitement, les femelles gravides devancent la croissance végétale et gagnent des zones de verdure après la mise bas (Heard et al., 1996).

Le caribou peut satisfaire ses besoins en matière d’habitat de mise bas dans des paysages de toundra relativement divers, variant de plaines côtières en basse altitude à des zones intérieures montagneuses et rocheuses en altitude (Chen et al., 2012). La stratégie consiste à réduire au minimum les rencontres avec les prédateurs dans les aires de mise bas (Fancy et Whitten, 1991; Griffith et al., 2002; Bergerud et al., 2008; Heard et Williams, 1992) ainsi que l’exposition aux diptères parasitoïdes (Folstad et al., 1991).

Les besoins en matière d’habitat après la période de mise bas et en été visent un équilibre entre la consommation de nourriture et une exposition réduite aux diptères piqueurs et parasitoïdes (voir par exemple Russell et al., 1993). Les milieux privilégiés comprennent des zones à altitude élevée caractérisées par de forts vents et des eaux peu profondes où le caribou peut éviter les diptères parasitoïdes; ces eaux pourraient également constituer un lieu stratégique pour se rafraîchir (voir la section Parasites et maladies). À l’automne, les besoins en matière d’habitat sont liés à la sélection d’aliments nutritifs et digestibles pour compenser le temps d’alimentation perdu en raison du harcèlement par les insectes et de l’évitement de ceux-ci. Les milieux privilégiés comprennent ceux constitués d’arbustes, de graminées, de carex et de champignons (Russell et al., 1993). Les besoins en matière d’habitat sont satisfaits dans la toundra et à la limite forestière. Le moment des premières chutes de neige et des tempêtes automnales a une incidence sur les déplacements du caribou à l’automne (McNeil et al., 2005). Boertje (1984) fait état du fait que le caribou de la toundra consomme beaucoup de champignons en Alaska.

Les besoins en matière d’habitat hivernal comprennent des zones à couverture de neige relativement mince ou molle afin de réduire les coûts énergétiques liés à l’obtention de lichens, de carex et de feuilles d’arbustes séchées. Les lichens forment des tapis, sont faciles d’accès aux fins d’alimentation et ont une teneur élevée en glucides digestibles (Svihus et Holand, 2000), mais ils contiennent peu de protéines. Le caribou compense cette faible teneur en protéines en recyclant l’azote, et il choisit des plantes vasculaires à teneur élevée en protéines (Aagnes et al., 1995; Parker et al., 2005). Le caribou peut satisfaire ses besoins en matière d’habitat hivernal dans la toundra, dans la zone de transition de la limite forestière ou dans la forêt boréale (Gunn et al., 2013b).

En hiver, le caribou choisit la forêt boréale aux derniers stades de succession puisque les lichens prennent des décennies à se rétablir après un feu. Le caribou a donc tendance à éviter les zones récemment perturbées par le feu (Thomas et Kiliaan, 1998). Toutefois, le caribou peut tout de même traverser de telles zones tôt en hiver (Thomas et al., 1998; Barrier et Johnson, 2012) et il choisit également des zones en périphérie des zones brûlées (Anderson et Johnson, 2014).

L’étendue de la zone de toundra augmente entre l’inlet Bathurst et la côte ouest de la baie d’Hudson, avec le recul de la limite forestière vers le sud (Timoney et al., 1992). Les sous-populations qui suivent un gradient allant de l’ouest au nord-est sur le continent satisfont leurs besoins en matière d’habitat en passant de plus en plus de temps dans la toundra chaque année. Les sous-populations du cap Bathurst, de Tuktoyaktuk et du nord-est du continent passent l’hiver dans la toundra et dans la zone de transition (la limite forestière).

Les besoins en matière d’habitat pendant la migration préalable à la mise bas favorisent des déplacements efficaces, car la distance entre les aires d’hivernage et les aires de mise bas peut être de plusieurs centaines de kilomètres. Les conditions environnementales, comme la formation de glace à l’automne, peuvent forcer le caribou à modifier son aire d’hivernage, ce qui peut donner lieu à une augmentation de la distance de migration avant la mise bas (McNeil et al., 2005). Le caribou choisit et établit des sentiers le long des cours d’eau et lacs gelés avec une couche de neige relativement plus dure que celle sous le couvert des arbres. Le parcours et la durée des déplacements sont plus longs quand la fonte de la neige est tardive (McNeill et al., 2005).

Dans l’écozone de l’Arctique, les gradients climatiques d’ouest en est et du nord au sud sont forts et ils ont une incidence sur la productivité végétale (p. ex. la durée de la saison de croissance végétale diminue dans le nord-est du continent). La productivité végétale nette annuelle varie grandement dans l’aire de répartition canadienne (figure 5). Les sous-populations qui comptent un pic d’abondance élevé (voir la section Abondance) ont une aire d’estivage en grande partie située là où la productivité végétale aérienne et souterraine nette se chiffre entre 250 et 1 000 g/m2 par année (tiré de Gould et al., 2003); en outre, ces sous-populations passent l’hiver dans la forêt boréale, où les tapis de lichens sont étendus. Quand la productivité végétale dans la toundra est inférieure à 50 g/m2 par année, la mise bas est plus dispersée et les densités d’individus sont plus faibles (figure 5).

Figure 5. Carte de la productivité primaire nette (PPN) annuelle montrant les tendances en matière de productivité aérienne et souterraine annuelle en g/m2 par année (tiré de Gould et al., 2003). Les densités estimées de caribous adultes par 10 km2 durant la période de mise bas sont calculées pour les sous populations de Qamanirjuaq (2008), de Lorillard (2003), de la baie Wager (2004), de Beverly (milieu côtier – 2011) et d’Ahiak (2011).
Carte de la productivité primaire nette (PPN) annuelle
Photo: © d’après les données tirées de Campbell, 2005 et de Campbell et al., 2010, 2012a.
Description longue de la figure 5

Carte illustrant les tendances en matière de productivité primaire nette aérienne et souterraine annuelle en grammes par mètre carré par année. Les densités estimées de caribous adultes par 10 kilomètres carrés durant la période de mise bas sont calculées pour plusieurs sous populations de caribous de la toundra.

Tendances en matière d’habitat

Les connaissances traditionnelles et communautaires contiennent de nombreuses mentions (ou descriptions) de changements de l’habitat dans les Territoires du Nord-Ouest (voir par exemple Kendrick, 2003; BQCMB, 2011; WRRB, 2013) et au Yukon. Les facteurs qui causent ces changements comprennent les effets combinés du feu, des changements climatiques, des activités humaines et de la fragmentation de l’habitat dans les zones de forêt boréale de l’aire de répartition, ainsi que l’augmentation de la circulation de véhicules hors route, qui endommage la végétation dans l’aire d’estivage (Whaèhdôö Nàowoò Kö [Dogrib Treaty 11 Council], 2001; Kendrick, 2003; Tłįchǫ Government, 2007; Nesbitt et Adamczewski, 2009; Katz, 2010; BQCMB, 2011; WRRB, 2013; ACCWM, 2014).

Disponibilité de l’habitat

Les lacunes dans les données sur la disponibilité des ressources alimentaires découlent en partie des diverses approches de mesure utilisées ainsi que des activités d’échantillonnage inégales selon les sous-populations et les territoires saisonniers. Les études d’observation du régime alimentaire et de la répartition des types d’habitat ont grandement changé d’orientation afin de mettre l’accent sur la sélection d’habitat par l’analyse des données des colliers émetteurs à transmission par satellite (p. ex. la sous-population de Bathurst pour les aires d’estivage et d’hivernage; Gunn et al., 2011c; Barrier, 2011). Par exemple, la disponibilité de l’aire d’hivernage depuis le pic d’abondance n’a été mesurée que pour la sous-population de Bathurst (Barrier et Johnson, 2012).

Tendances des activités humaines

La hausse de la perte d’habitat associée aux activités humaines est classée comme une menace importante pour les ongulés migrateurs à l’échelle mondiale (Berger, 2004). Pour le caribou de la toundra, l’empreinte réelle de la perte d’habitat à la suite des pressions du développement demeure petite, mais mesurable à l’échelle de chacune des sous-populations (figure 6). De plus en plus de préoccupations sont soulevées dans le cadre des audiences publiques sur les changements de l’habitat dans les aires de répartition de plusieurs sous-populations (voir par exemple NWMB, 2016; WRRB, 2016) et les plans de gestion (voir par exemple BQCMB, 2014a).

Figure 6. Concessions louées à bail en règle (mines en exploitation) dans les Territoires du Nord Ouest (rapport sur l’état de l’environnement des Territoires du Nord Ouest [ENR, 2015]).
Concessions louées à bail en règle (mines en exploitation) dans les Territoires du Nord Ouest
Photo: © Données provenant de la région des Territoires du Nord Ouest d’AADNC (données actuelles pour 2013) et du Nunavut (jusqu’en 2001).
Description longue de la figure 6

Graphique illustrant la tendance en matière de superficie couverte par les concessions louées à bail en règle (mines en exploitation) dans les Territoires du Nord Ouest seulement (de 2002 à 2013) et dans les Territoires du Nord Ouest et le Nunavut (de 1987 à 2001).

Le potentiel de développement, qui dépend de la géologie sous-jacente, est relativement simple à prédire à une vaste échelle spatiale. Par exemple, la minéralisation du craton des Esclaves (aire de répartition de la sous-population de Bathurst) présente un potentiel minier élevé, tandis que les bassins sédimentaires (Bluenose Ouest et cap Bathurst) sont davantage associés à l’exploitation pétrolière et gazière. Le taux d’exploration a augmenté (figure 7), mais les cycles des prix des métaux et des hydrocarbures auront une incidence sur les taux d’exploration et de mise en valeur futurs.

Habituellement, l’exploration survient sous forme de poussées d’activités (figure 7), comme dans les territoires utilisés par la sous-population de Bathurst dans la toundra, où l’exploration diamantifère a atteint un sommet en 1993. Les effets n’ont pas été évalués avant 1996 (quand les données sur l’emplacement des femelles munies d’un collier émetteur à transmission par satellite sont devenues disponibles). Les sites d’exploration sont maintenant inclus dans le cadre des évaluations des effets cumulatifs des mines (figure 8). Par exemple, De Beers (2012) a souligné que l’empreinte directe de ces activités, y compris la mine Gahcho Kué maintenant autorisée, donnerait lieu à une réduction cumulative d’un maximum de 7,3 % de l’habitat du caribou de la sous-population de Bathurst dans territoire automnal.

Les activités d’exploration ont une durée relativement courte et la plupart ne mènent pas à un plein développement, mais l’exploration peut tout de même avoir des répercussions et des effets cumulatifs importants; cette activité est assujettie à une réglementation et à un suivi minimaux. Les mines exploitées ont une durée de vie prévue de 15 à 30 ans. Le nombre de routes proposées ou construites dans le cadre de projets miniers augmente dans les aires de répartition dans la toundra, principalement dans le cas de la sous-population de Bathurst (figure 8). Plus de 1 000 km de routes toutes saisons ont été construites depuis 2001 ou sont proposées pour l’exploitation de mines (tableau 4), et 14 mines sont opérationnelles ou font l’objet d’une évaluation environnementale à l’échelle des projets (www.NIRB.ca; www.MVEIRB.ca). Parmi toutes les sous-populations, celle de Bathurst a l’aire de répartition qui compte le plus de projets industriels en cours et potentiels (figure 8), mais les aires de répartition d’autres sous-populations montrent également des signes croissants d’empiétement par des projets (figure 9; BQCMB, 2014a). En outre, les mines abandonnées avant leur assainissement complet peuvent avoir des effets persistants, principalement sous forme de contamination locale. Douze des 22 mines abandonnées dans les Territoires du Nord-Ouest doivent faire l’objet de mesures; les autres mines abandonnées de ces territoires et une mine au Nunavut nécessiteront probablement des travaux d’assainissement (Office of the Auditor General of Canada, 2002).

Figure 7. Superficie (ha) allouée en vertu de permis de prospection et de concessions minières (en règle) par année pour les Territoires du Nord-Ouest (de 1961 à 2013) et pour le Nunavut (avant 2001).
Superficie (ha) allouée en vertu de permis de prospection et de concessions minières (en règle) par année
Photo: © Source des données : Division de l’exploitation minière, région des Territoires du Nord Ouest, AADNC. Tiré du rapport sur l’état de l’environnement des Territoires du Nord Ouest (ENR, 2015).
Description longue de la figure 7

Graphique illustrant les tendances en matière de superficie allouée en vertu de permis de prospection et de concessions minières (en règle) par année pour les Territoires du Nord-Ouest (de 1961 à 2013) et pour le Nunavut (avant 2001).

Dans le nord de la Saskatchewan, Peach et Hovdeba (2003) ont répertorié 40 mines d’uranium abandonnées et deux usines de concentration abandonnées. Le lac Beaverlodge et trois bassins hydrographiques adjacents dans la région d’Uranium City ont été gravement contaminés par l’uranium et le sélénium, principalement au cours de la période de 1952 à 1982 (Prebble et Coxworth, 2013). Il existe actuellement quatre mines d’uranium en exploitation dans l’aire d’hivernage historique de la sous-population de Beverly (Key Lake, McClean Lake, Rabbit Lake et McArthur River); le projet hydroélectrique Tazi Twé fait l’objet d’une évaluation fédérale, et trois mines sont en cours de déclassement ou au stade d’entretien et de maintenance. Depuis les années 1980, la tendance est à l’augmentation de l’accès routier en toute saison aux aires de répartition du caribou. Une route toutes saisons (route 914) a été proposée en 2010 afin de relier deux mines et ainsi de compléter un réseau routier circulaire dans le centre de la Saskatchewan (Government of Saskatchewan, 2010).

Depuis 2010, des routes toutes saisons et des lignes de transport d’électricité sont proposées dans les aires d’hivernage de la forêt boréale. À l’extrémité ouest de l’aire de répartition de la sous-population de Bathurst, un projet de route toutes saisons est à l’étude afin de remplacer la route d’hiver actuelle entre les collectivités tlichos (figure 8). Ce projet de route est nécessaire avant la construction de la mine Nico Fortune et est au stade d’établissement de la portée d’une évaluation environnementale (MVEIRB Public Registry, 2016). À l’extrémité ouest des aires d’hivernage des sous-populations du cap Bathurst, de Bluenose Ouest et de Bluenose Est, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest propose de construire une route toutes saisons de 818 km afin de prolonger la route de la vallée du Mackenzie de Wrigley à la route Dempster afin de relier Wrigley à Inuvik (MVEIRB Public Registry, 2016). La route proposée est conçue pour un maximum de 100 véhicules par jour, mais le volume de circulation prévu est estimé à 50 véhicules par jour. La route entre Inuvik et Tuktoyaktuk est en voie de construction dans l’aire d’hivernage de la sous-population du cap Bathurst. La faisabilité d’une route toutes saisons de Sundance (Manitoba) à Rankin Inlet (Nunavut) est activement évaluée depuis 2007 (sélection du tracé en 2007, analyse de rentabilisation en 2010 et consultations dans les collectivités), et cette route compterait des centaines de kilomètres dans l’aire de répartition de la sous-population de Qamanirjuaq (Government of Manitoba, 2016). La route Dempster est la seule route toutes saisons (736 km) qui traverse l’aire d’hivernage de la sous-population de la Porcupine. Cette route accroît l’accessibilité pour les chasseurs quand la sous-population est présente dans cette partie de sa vaste aire d’hivernage (Government of Yukon, 2011). La circulation sur la route Dempster a été relativement stable de 1993 à 2005, puis elle a augmenté. Les effets liés à cette route dépendent des déplacements de la sous-population; par exemple, 2015 a été la première année au cours des cinq dernières où des caribous de la sous-population de la Porcupine ont été observés à proximité de la route Dempster.

Tableau 4. Routes toutes saisons proposées et opérationnelles associées à des mines dans les aires de répartition du caribou de la toundra au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut (les routes intégrées à un complexe minier ne sont pas incluses).
Sous-population Type de route Exploitation Route (km) Route (km) Première année Première année Accès Accès
Baffin Route de transport de minerai de la mine au port Mary River
(Baffinland)h – chemin d’approvisionnement
100 (Années 1960)
2014
(Années 1960)
2014
Public Public blank
Qamanirjuaq Route de transport de minerai de la mine à l’usine AEM – Meliadineh 24 Proposition Proposition Public Public blank
Lorillard et Ahiak Route d’approvisionnement de Baker Lake AEM – Meadowbankh 107 2010 2010 Public Public blank
blank Route de transport de minerai de la mine à l’usine AEM – Meadowbank
(prolongement de la zone Whale Tail)i
~ 50 Proposition Proposition Privé Privé blank
Bathurst Route de transport de minerai de la mine à l’usine DDEC Ekati (route Misery)j 27 2001 2001 Privé Privé blank
blank Route de transport de minerai de la mine à l’usine DDEC Ekati (route Sable)j 20 2019 2019 Privé Privé blank
blank Route de transport de minerai de la mine à l’usine DDEC Ekati (route Jay)j 5 2022 2022 Privé Privé blank
blank Route de transport de minerai de la mine à l’usine et route d’approvisionnement pour la route d’hiver jusqu’à Yellowknife Port et route de Bathurst Inlet – phase i, jusqu’au lac Contwoyto2 132 Report Report Public Public blank
blank Route de transport de minerai de la mine à l’usine MMG – port et route d’Izok à la baie Graysi 80 Report Report Privé Privé blank
Beverly-Ahiak Route de transport de minerai de la mine à l’usine et route d’approvisionnement vers le port Port et route de Bathurst Inlet – phase 1, Back Riveri et Hacketti 85 Report Report Public Public blank
Bathurst Route pour les ressources du lac Contwoyto au port Port et route de la baie Grays du gouvernement du Nunavut et de l’Association inuite du Kitikmeot (phase 1) 270 Proposition Proposition Public Public blank
Bathurst Route pour les ressources de Yellowknife au lac Contwoyto Port et route de la baie Grays du gouvernement du Nunavut et de l’Association inuite du Kitikmeot (phase 2) ~ 600 Proposition Proposition Public Public blank
Beverly-Ahiak Route de transport de minerai de la mine à l’usine et route d’approvisionnement vers le port Doris Northh 16 2008 2008 Privé Privé blank
Porcupine Route publique - 736 1979 1979 Public Public blank
blank Northern Crossk Construction de puits de forage de pétrole et de gaz ~ 95 Proposition Proposition Privé Privé blank

h Évaluation environnementale terminée (NIRB, 2014)

i Évaluation environnementale en cours (NIRB, 2014)

j Évaluation environnementale terminée (MVEIRB, 2014)

k Évaluation environnementale en cours (YESAB, 2016)

Figure 8a. Scénario d’aménagement humain pour 2040 (cas no 1 : baisse de l’aménagement) dans l’aire de répartition de la sous population de Bathurst, afin d’appuyer le processus de planification de l’aire de répartition de la sous population de Bathurst. Les trois scénarios (8a, 8b et 8c) portent sur des niveaux différents d’activités d’exploitation et d’exploration minière et sur l’infrastructure de transport connexe. Ils s’étendent jusqu’à 24 années dans le futur et ont été conçus en fonction de propositions de projets et de moyens de transport en cours d’évaluation, planifiés ou avec une probabilité d’occurrence raisonnable.
Trois scénarios d’aménagement humain pour 2040
Photo: © Clark et al., 2016
Description longue de la figure 8a

Carte illustrant des scénarios d’aménagement humain pour 2040 (baisse de l’aménagement) dans l’aire de répartition de la sous population de caribous de la toundra de Bathurst. Cette carte a été produite afin d’appuyer le processus de planification de l’aire de répartition de la sous population de Bathurst.

Figure 8b. Scénario d’aménagement humain pour 2040 (cas no 2 : aménagement continu) dans l’aire de répartition de la sous population de Bathurst, afin d’appuyer le processus de planification de l’aire de répartition de la sous population de Bathurst. Les trois trois scénarios (8a, 8b et 8c) portent sur des niveaux différents d’activités de d’exploitation et d’exploration minière et sur l’infrastructure de transport connexe. Ils s’étendent jusqu’à 24 années dans le futur et ont été conçus en fonction de propositions de projets et de moyens de transport en cours d’évaluation, planifiés ou avec une probabilité d’occurrence raisonnable.
Trois scénarios d’aménagement humain pour 2040
Photo: © Clark et al., 2016
Description longue de la figure 8b

Carte illustrant des scénarios d’aménagement humain pour 2040 (aménagement continu) dans l’aire de répartition de la sous population de caribous de la toundra de Bathurst. Cette carte a été produite afin d’appuyer le processus de planification de l’aire de répartition de la sous population de Bathurst.

Figure 8c. Scénario d’aménagement humain pour 2040 (cas no 3 : augmentation de l’aménagement) dans l’aire de répartition de la sous population de Bathurst, afin d’appuyer le processus de planification de l’aire de répartition de la sous population de Bathurst. Les trois trois scénarios (8a, 8b et 8c) portent sur des niveaux différents d’activités de d’exploitation et d’exploration minière et sur l’infrastructure de transport connexe. Ils s’étendent jusqu’à 24 années dans le futur et ont été conçus en fonction de propositions de projets et de moyens de transport en cours d’évaluation, planifiés ou avec une probabilité d’occurrence raisonnable.
Trois scénarios d’aménagement humain pour 2040
Photo: © Clark et al., 2016
Description longue de la figure 8c

Carte illustrant des scénarios d’aménagement humain pour 2040 (augmentation de l’aménagement) dans l’aire de répartition de la sous population de caribous de la toundra de Bathurst. Cette carte a été produite afin d’appuyer le processus de planification de l’aire de répartition de la sous population de Bathurst.

Figure 9. Perturbations humaines (empreintes) dans l’aire de répartition de la sous population de caribous de la Porcupine.
Perturbations humaines (empreintes) dans l’aire de répartition de la sous population de caribous de la Porcupine
Photo: © PCMB, 2016
Description longue de la figure 9

Carte illustrant les perturbations humaines (empreintes) dans l’aire de répartition de la sous population de caribous de la toundra de la Porcupine.

Tendances en matière d’habitat induites par le climat

En général, les tendances récentes en matière de climat et de conditions météorologiques indiquent des températures plus élevées, des périodes sans neige plus longues, de plus grandes épaisseurs de neige maximales et des sols plus chauds en combinaison avec des changements sur le plan de la dynamique de l’azote et une augmentation de la croissance végétale. Au cours des 30 dernières années, les températures ont augmenté de plus de 2 °C dans la taïga des plaines, en particulier en hiver et au printemps (ESTR Secretariat, 2011). Ces tendances temporelles sont fondées sur les données des quelques stations météorologiques présentes dans les aires de répartition du caribou. Toutefois, il y a également le jeu de données spatiales de MERRA, qui est utilisé pour les territoires saisonniers du caribou selon une grille de ½ degré de latitude et de 2/3 de degré de longitude (Russell et al., 2013).

Chen et al. (2014) ont constaté que les indicateurs de l’alimentation en été (biomasse foliaire, phénologie et teneur en azote) obtenus à partir des données météorologiques et des données de télédétection expliquent 59 % de la variation du ratio faon/femelle à la fin de l’hiver pour la sous-population de Bathurst entre 1985 et 2012. Ce résultat a été corrélé aux changements dans la population au cours des saisons suivantes, ce qui suggère que les conditions météorologiques et les conditions de l’aire d’estivage peuvent constituer des facteurs limitatifs importants pour la dynamique à l’échelle de la population de caribous de la toundra. On ne sait pas si cette conclusion est valide pour d’autres sous-populations.

Dans le contexte du caribou de la toundra, nombre de tendances en matière de productivité végétale sont le produit de tendances climatiques décennales qui découlent de tendances atmosphériques à grande échelle, comme l’oscillation arctique, l’oscillation nord-atlantique et l’oscillation décennale du Pacifique. Depuis les années 1970, ces tendances décennales se superposent aux tendances à plus long terme relative à un climat plus chaud. Quand l’oscillation arctique est en phase négative, les hivers sont plus froids. Des années 1950 aux années 1980, des changements de phase sont survenus fréquemment (Richter-Menge et al., 2006), puis, entre 1989 et 1995, l’oscillation arctique a été très positive – les années 1990 sont considérées comme étant une décennie chaude dans les aires de répartition du caribou. La corrélation entre les changements de l’abondance du caribou et les tendances décennales dominantes a été documentée principalement par l’intermédiaire des effets des conditions d’alimentation en hiver (Forchhammer et Post, 2004; Zalatan et al., 2006; Joly et al., 2011; Weladji et Holand, 2006; Bastille-Rousseau et al., 2013). Weladji et Holand (2006) ont signalé que les catégories d’âge des rennes nés après un indice de l’oscillation nord-atlantique élevé en hiver étaient plus légères à l’été et au début de l’hiver et que leur taux de croissance absolue était inférieur à celui des cohortes nées après des hivers froids et secs (indice d’oscillation nord-atlantique faible en hiver; State Climate Office of North Carolina, 2016).

La croissance végétale a augmenté de 20 à 26 % au cours des trois dernières décennies, selon l’imagerie satellitaire (indice de végétation par différence normalisée; IVDN) corrélée aux mesures sur le terrain (Epstein et al., 2012). Les augmentations de la biomasse végétale sont plus importantes le long de la côte arctique du continent (régions du cap Bathurst et du golfe de la Reine-Maud). Toutefois, les communautés dominées par les lichens présentent un IVDN qui tend à être constamment plus faible que celui des communautés dominées par des plantes vasculaires (Olthof et Pouliot, 2010). De plus, les tendances à la hausse de la productivité végétale nette pourraient ne pas représenter une augmentation de la qualité des ressources alimentaires puisque, par exemple, la quantité de rayonnement solaire (ou de couverture nuageuse) et la température ont également une incidence sur les concentrations de certains composés (comme les tanins) qui nuisent à la qualité des plantes comme ressources alimentaires (Weladji et al., 2002). Ainsi, les conditions qui favorisent une plus grande productivité primaire peuvent également donner lieu à une réduction de la qualité de certains végétaux consommés par les herbivores (voir par exemple Chen et al., 2014).

Feux de forêt

La tendance à long terme de la superficie brûlée dans la taïga des plaines et la taïga du Bouclier a augmenté des années 1960 aux années 1990, et elle a diminué dans les années 2000 (Joly et al., 2010). Dans la taïga de la Cordillère, la superficie moyenne brûlée annuellement a presque doublé entre les années 1960 et 1980, et dans les années 1990 et 2000 (Krezek-Hanes et al., 2011). Le taux de brûlage annuel moyen et la gravité des feux sont plus élevés dans la forêt boréale de la partie ouest de la taïga du Bouclier et de la taïga des plaines (Krezek-Hanes et al., 2011), mais la majeure partie de la superficie brûlée se trouve à l’ouest de l’aire d’hivernage de la sous-population de Bluenose Ouest. Dans le cas des sous-populations de Beverly et de Bathurst, la prévalence des feux a été plus élevée au sud et à l’ouest de leurs aires d’hivernage (BQCMB, 2014a). Dans les aires d’hivernage de la sous-population de Bathurst, en particulier au sud du Grand lac des Esclaves, la tendance était à l’augmentation de la superficie brûlée de 1947 à 2006, la hausse de 1,06 °C de la température moyenne de juin à septembre constituant probablement un facteur déterminant (Chen et al., 2012). La disponibilité de la nourriture en hiver était suffisante pour la sous-population de Bathurst durant les périodes de densité élevée (1,83 ± 0,28 caribou/km2) dans l’aire d’hivernage totale en 1986, mais des feux plus importants et plus abondants ainsi qu’un nombre moindre de vieux peuplements riches en lichens pourraient donner lieu à une réduction de la disponibilité des ressources alimentaires (Barrier, 2011). Au cours des trois dernières générations (de 24 à 27 ans; voir la section Cycle vital et reproduction), la diminution de la disponibilité des ressources alimentaires à la suite des perturbations cumulatives dues aux feux de forêt pourrait constituer une préoccupation dans les aires d’hivernage du caribou de la toundra dans la forêt boréale (Barrier et Johnson, 2012). La figure 10 illustre l’historique des feux au cours d’une période de 50 ans dans les aires de répartition du caribou dans les Territoires du Nord-Ouest.

Dans l’écozone de l’Arctique, les feux sont rares et de petite taille en raison du manque de matières inflammables et du caractère discontinu de celles-ci (petites parcelles entrecoupées de landes rocheuses et de plans d’eau) (Krezek-Hanes et al., 2011). Toutefois, les feux de toundra devraient augmenter avec l’accroissement du couvert arbustif résultant de la hausse de la température (Elmendorf et al., 2012).

Habitat de migration et glace lacustre

D’après l’imagerie satellitaire des 20 dernières années, la tendance relative à la période libre de glace dans les lacs est à la hausse dans l’Arctique (Latifovic et Pouliot, 2007). La glace a tendance à se former de deux à cinq jours plus tard, et la débâcle a lieu de deux à cinq plus tôt. Toutefois, les données sont peu nombreuses pour déterminer si et comment les habitudes migratoires du caribou varieront à la suite de la fluctuation du moment de la prise des glaces et de la débâcle ainsi que des changements dans les conditions de neige, et ce, malgré le fait que Leblond et al. (2016) aient modélisé de tels changements pour les sous-populations de caribous migrateurs de l’Est.

Figure 10. Historique des feux de 1965 à 2015 dans les Territoires du Nord Ouest, superposé aux aires de répartition des sous populations de caribous de la toundra.
Historique des feux de 1965 à 2015 dans les Territoires du Nord Ouest
Photo: © Carte préparée par Bonnie Fournier, gouvernement des Territoires du Nord Ouest.
Description longue de la figure 10

Carte illustrant l’historique des feux de 1965 à 2015 dans les Territoires du Nord Ouest, superposé aux aires de répartition des sous populations de caribous de la toundra.

Biologie

Certaines données biologiques sur le caribou de la toundra (taux de gravidité, survie des faons et des adultes, et dates de mise bas) sont disponibles grâce au suivi réalisé par des organismes de gestion. L’échantillonnage est réparti de façon inégale entre les sous-populations, et il est uniforme pour plus de quelques années pour un très petit nombre de sous-populations. La compréhension des mécanismes relatifs aux stratégies de survie et de reproduction dépend principalement de la recherche sur le caribou et sur les rennes domestiqués ou semi-domestiqués menée en Alaska et au Yukon (sous-population de la Porcupine) ainsi qu’en Norvège.

Cycle vital et reproduction

Le caribou de la toundra, tout comme de nombreux gros mammifères, est caractérisé par une survie habituellement élevée des adultes et une relative souplesse sur le plan des stratégies de reproduction, du moins pour les femelles. Aux stades de la conception, de la croissance fœtale (masse à la naissance) et de l’allaitement, une femelle peut établir un compromis entre sa survie et celle de son faon. Cette souplesse sur le plan de la reproduction constitue une adaptation aux fluctuations annuelles des coûts énergétiques et de la disponibilité des ressources alimentaires.

La durée d’une génération est estimée à huit ou neuf ans, selon le calcul de l’UICN au moyen des valeurs de survie moyennes (durée d’une génération = [1/taux de mortalité] + âge au moment de la première reproduction; IUCN, 2016). La survie des caribous de la toundra adultes de la sous-population de Bathurst a varié de 0,66 à 0,85 jusqu’en 2009, et l’âge au moment de la première reproduction était de trois ans (Boulanger et al., 2011). Toutefois, le calcul de la durée d’une génération est complexe puisqu’il ne s’agit pas d’une valeur fixe. Cette durée varie en fonction de la structure d’âge de la population (Hernandez-Suarez, 2011). Elle concorde avec celle précisée dans les documents du COSEPAC (2014a; 2016), mais Pacifici et al. (2013) et le COSEPAC (2014; en préparation) font état, respectivement, d’une durée plus courte (de six ou sept ans) pour le caribou en général et pour d’autres UD de caribous.

Les caribous de la toundra femelles mettent bas habituellement à partir de l’âge de trois ans, mais lorsque la disponibilité des ressources alimentaires et le taux de croissance corporelle sont élevés, elles peuvent mettre bas à l’âge de deux ans. La durée de la vie reproductive se chiffre probablement autour de douze ans, et les femelles peuvent vivre jusqu’à douze à seize ans, l’espérance de vie étant inférieure de quelques années pour les mâles (Thomas et Killiaan, 1998). Les naissances uniques constituent la règle (Thomas et Killiaan, 1998). Après la naissance, le taux de croissance des faons dépend de la production de lait par les femelles, et le sommet en matière de besoins en allaitement est atteint environ dix jours après la mise bas. Après un mois de vie toutefois, les faons utilisent le lait produit par leur mère seulement pour assurer leur maintien et ils doivent rechercher de la nourriture pour croître. Les faons au poids insuffisant ont une probabilité de survie réduite (Griffith et al., 2002).

Au sein d’une sous-population donnée, la plupart des faons naissent au cours d’une période de quelques jours, mais le moment du pic de mise bas peut varier de quelques jours d’une année à l’autre. Entre 1957 et 1994, le pic de mise bas annuel de la sous-population de Beverly était une période de quatre ou cinq jours entre les 1er et 17 juin, d’après des décomptes séquentiels des faons par rapport aux femelles observées dans les aires de mise bas (Gunn et Sutherland, 1997b). La technique pour déterminer le pic de mise bas depuis 1996 repose principalement sur les déplacements des caribous munis d’un collier émetteur à transmission par satellite, puisque le taux de déplacement des femelles connaît une baisse marquée au moment de la mise bas. En outre, les observations faites dans le cadre de relevés aériens des aires de mise bas sont utilisées pour définir le pic de mise bas. À l’échelle des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut, le pic de mise bas des sous-populations de l’ouest survient généralement plus tôt que celui des sous-populations de l’est et du nord-est, d’après les données recueillies entre 1993 et 2009 sur les femelles munies d’un collier émetteur à transmission par satellite (Nagy, 2011).

Les observations relatives au comportement de rut du caribou de la toundra sont relativement limitées (Gunn et al., 2005). Les femelles peuvent connaître plusieurs cycles œstraux de dix à douze jours (McEwan et Whitehead, 1972; Ropstad, 2000), mais les conceptions sont très synchrones (Dauphiné et McClure, 1974). La synchronisation durant la période de rut mène probablement à la synchronisation des naissances, mais le moment de la naissance peut varier de quelques jours en fonction de la condition des femelles (Bergerud et al., 2008).

Physiologie et adaptabilité

Le caribou de la toundra est adapté à un milieu caractérisé par un hiver long où la végétation est généralement de faible qualité, où les déplacements et l’accès aux ressources alimentaires sont coûteux sur le plan énergétique et où les températures sont basses. La longue saison d’enneigement contraste avec une brève saison de croissance végétale où les ressources alimentaires sont de grande qualité et à laquelle le caribou est adapté afin de pouvoir tirer parti de la courte période où la végétation est verte. Les comportements grégaire et migrateur constituent des adaptations clés à la variabilité de l’environnement sur le plan temporel et spatial. La migration est une adaptation à la disponibilité saisonnière des ressources alimentaires, aux prédateurs et aux parasites. La grégarité augmente la valeur adaptative par l’intermédiaire de la saturation des prédateurs (Bergerud et al., 2008; McLellen et al., 2010), d’une augmentation de l’alimentation par le biais d’une réduction de la vigilance et des échanges d’information avec des congénères (références dans Gunn et al., 2012).

Le caribou de la toundra présente de nombreuses adaptations physiologiques aux hivers longs et froids (SARC, 2016), y compris un pelage dense constitué de jarres creux et d’un duvet, des os du nez complexes enroulés sur eux-mêmes qui offrent une grande surface pour réchauffer et humidifier l’air, ainsi que diverses caractéristiques pour prévenir la surchauffe lors des déplacements ou de la course dans la neige épaisse. Il peut s’adapter au déclin de la qualité des ressources alimentaires dû à l’arrêt de la croissance végétale par l’intermédiaire d’un métabolisme élevé des réserves de gras et de protéines corporelles. Durant le bref épisode annuel de croissance végétale, il exploite les ressources alimentaires riches en protéines et digère celles-ci de manière sélective. La capacité de digestion des lichens constitue une adaptation clé du caribou. Les lichens sont riches en glucides digestibles, mais pauvres en protéines, et contrairement à la plupart des espèces sauvages, le caribou a la capacité particulière de les utiliser comme ressource alimentaire importante grâce à la microflore de son rumen qui peut les fermenter (Aagnes et al., 1995). Le caribou doit également rechercher des végétaux à feuillage persistant et des carex ainsi que des feuilles séchées et des rameaux d’arbustes (Russell et al., 1993).

Une partie de l’adaptabilité du caribou dépend de compromis entre la reproduction et la survie, ce qui est caractéristique des espèces à longue durée de vie dans un environnement variable caractérisé par des périodes de stress nutritionnel (Gaillard et al., 1998, 2000). Les femelles peuvent assurer leur propre survie lors des années d’alimentation limitée soit en ne devenant pas gravides, en sevrant leur faon de façon prématurée ou en prolongeant l’allaitement après la période de rut (Russell et White, 2000). Nous en savons moins sur les stratégies de reproduction des mâles, mais ceux-ci ont tendance à produire plus de petits que les femelles à mesure qu’ils gagnent en maturité (Melnycky et al., 2013).

Le caribou peut apprendre à s’adapter aux activités humaines (Haskell et Ballard, 2008), comme il le fait avec ses prédateurs. Il peut demeurer alerte, se déplacer ou adopter un comportement d’évitement (Stankowich, 2008).

Déplacements et dispersion

La dispersion, ou le déplacement d’un individu de son lieu de naissance à son aire de reproduction, est innée ou induite par des changements environnementaux (Caughley, 1977). On en sait relativement peu sur la dispersion du caribou de la toundra. Les taux d’immigration et d’émigration d’une sous-population à une autre sont cruciaux pour définir les sous-populations et connaître les relations qu’elles établissent ainsi que les variations d’effectif (Polfus et al., 2016).

La fréquence de la dispersion innée et son taux chez le caribou de la toundra n’ont pas été étudiés en détail. En général, chez les autres espèces, ce sont les juvéniles et les mâles qui sont les plus nombreux à se disperser, mais dans le cas du caribou de la toundra, on ignore si cela s’applique aussi, car ce sont principalement des femelles adultes qui sont munies d’un collier émetteur et suivies. Roffler et al. (2012) ont signalé la dispersion à court terme, pendant la période de reproduction, entre deux sous-populations voisines en Alaska, de quelques mâles ayant un collier émetteur, mais pas de femelles. Il est probable que des mâles se déplacent parmi les sous-populations de caribous de la toundra du Canada continental (McFarlane et al., 2016).

Les données sur les femelles adultes obtenues à l’aide des colliers émetteurs à transmission par satellite semblent indiquer que les déplacements d’une aire de mise bas à une autre sont peu fréquents. Sur 153 caribous femelles suivies entre 1996 et 2008, seules 7 (4,5 %) femelles ont été repérées dans plus d’une aire de mise bas (Adamczewski et al., 2009). Plus précisément, dans le cas de la sous-population de Bathurst, selon Boulanger et al. (2011), les taux d’immigration vers l’aire de mise bas de Bathurst ou d’émigration de celle-ci étaient faibles (< 5 %), et les taux d’immigration et d’émigration étaient similaires. Il se peut que le faible taux de déplacement des femelles adultes d’une aire de mise bas à une autre ne représente pas une dispersion véritable, car l’aire de mise bas natale est inconnue, et, après que le collier cesse d’émettre, à moins que la femelle ne meure, on ignore si elle s’est déplacée vers une autre aire. La sous-population de Beverly est une exception aux faibles taux de déplacement. Entre 2007 et 2010, la probabilité que les femelles retournent à l’aire de mise bas traditionnelle de Beverly, à l’intérieur du continent, était de 28 %. Ce taux s’apparente à la probabilité de déplacement d’une aire de mise bas à une autre le long du golfe de la Reine-Maud, qui s’établit à 31 % (Adamczewski et al., 2015).

Les migrations annuelles sont l’une des caractéristiques les plus évidentes du caribou de la toundra. La migration est un déplacement vers une destination, et ce terme s’applique habituellement aux déplacements des femelles vers l’aire de mise bas et depuis cette aire. Le territoire utilisé annuellement par les sous-populations de caribous de la toundra a généralement une superficie de plusieurs centaines de milliers de kilomètres carrés et varie de 5 700 km2 (île Coats) à 460 000 km2 (Qamanirjuaq) (figure 2). La fidélité aux aires utilisées avant et après la mise bas est relativement prévisible par rapport aux aires utilisées à l’automne et en hiver (Gunn et Miller, 1986).

Nagy et al. (2011) ont estimé que la distance cumulative annuelle moyenne parcourue par le caribou de la toundra des sous-populations de Lorillard et de Qamanirjuaq était de 1 500 km et 3 500 km, respectivement. De façon générale, le caribou de la sous-population de Bathurst commence sa migration précédant la mise bas à la mi-avril, et les distances les plus grandes sont parcourues du milieu à la fin de mai (~14 km/jour). Lorsque la neige fond précocement (ou tardivement), le caribou réduit (ou augmente) son taux de déplacement à la fin de mai (Gunn et al., 2011a). Le nombre de haltes pendant la migration précédant la mise bas n’a pas été établi, mais ce chiffre est connu pour d’autres cervidés migrateurs (Sawyer et Kauffman, 2011).

La migration de l’automne est moins prévisible dans l’année, car elle se déroule en fonction des conditions de l’environnement (Campbell, comm. pers., 2005, dans Gunn, 2013).

Relations interspécifiques

Le caribou de la toundra n’entretient pas d’association obligatoire avec d’autres espèces pour sa survie, bien que par ses migrations et son effectif important, il joue un rôle de premier plan dans les réseaux trophiques de la toundra et de la forêt boréale. Ses interactions avec la végétation ne se résument pas à réduire la biomasse végétale, mais comprennent aussi les effets fertilisants des boulettes fécales, lesquelles sont transférées d’un système terrestre (Zamin et Grogan, 2013) et d’un système aquatique à un autre, au fil des migrations et des pauses sur la glace des lacs.

On note un chevauchement saisonnier entre la répartition du caribou de la toundra et celle de l’orignal (Alces americanus), du bœuf musqué(Ovibos moschatus) et d’autres UD du caribou. Depuis les années 1960, le bœuf musqué occupe de nouveau de grandes superficies de ses aires de répartition historiques dans la toundra. Des bœufs musqués ont été réintroduits dans la plaine côtière de la mer de Beaufort en 1969 (Reynolds, 1998) et, aujourd’hui, l’aire de répartition du bœuf musqué chevauche des parties de l’aire de répartition de la sous-population de caribous de la Porcupine. Plus récemment, cette aire s’est étendue le long de la zone de la limite forestière et a pénétré dans la forêt boréale au sud-ouest des Territoires du Nord-Ouest, où elle chevauche l’aire d’hivernage du caribou de la toundra (Gunn et al., 2009; Adamczewski, comm. pers., 2013). À l’occasion, on a observé la présence de bœufs musqués dans le nord de l’Alberta et de la Saskatchewan. Selon des études décrivant la relation entre le caribou et le bœuf musqué sur le continental, il n’y a aucun chevauchement des régimes alimentaires, plus précisément pour ce qui est des graminées et des carex (Gunn et Sutherland, 1997a). L’aire de répartition du caribou de la Porcupine chevauche aussi celle du mouflon de Dall (Ovis dalli) dans les monts British, Richardson et Ogilvie (T. Hegel, comm. pers., 2014).

Une grande partie du territoire utilisé annuellement par le caribou boréal (COSEWIC, 2015) chevauche l’aire d’hivernage du caribou de la toundra, plus précisément celle des sous-populations de Bluenose Ouest et de Bluenose Est (Gunn et al., 2004) ainsi que les aires d’hivernage historiques des sous-populations de Beverly, d’Ahiak et de Bathurst, dans le nord de l’Alberta et de la Saskatchewan (figure 2). D’après le rapport de situation sur le caribou des bois (boréal) publié en 2012 par le Comité sur les espèces en péril (SARC, 2012), environ 40 % de l’aire de répartition du caribou boréal chevauche l’aire d’hivernage cumulative du caribou de la toundra dans les Territoires du Nord-Ouest.

Plusieurs helminthes et parasites protozoaires du bœuf musqué et de l’orignal infestent aussi le caribou, dont des nématodes gastro-intestinaux, des vers du poumon, des ténias et des protozoaires comme le Toxoplasma gondii et le Neospora caninum, qui sont transmis par l’entremise d’un hôte définitif carnivore (Kutz et al., 2012). Les répercussions de la transmission de parasites entre espèces, ou de l’influence des parasites dans la compétition interspécifique, sont inconnues (Hughes et al., 2009; Kutz et al., 2012), mais il a été établi que l’expansion de l’aire de répartition de la tique d’hiver (Dermacentor albipictus) s’attaquant à l’original présentait un risque pour le caribou de la toundra selon les scénarios actuels de réchauffement climatique (Kutz et al., 2009).

Prédation

Les ours grizzlis et les loups sont des prédateurs efficaces des caribous, peu importe l’âge ou le sexe de ces derniers (Gau et al., 2002). Dans les Territoires du Nord-Ouest, entre 2007 et 2010, le contenu de l’estomac de presque 75 % des loups renfermait 67 % en poids de caribou (Davison, 2015). Le caribou représentait 10 % à 93 % de l’alimentation des grizzlis dans l’aire d’estivage de la sous-population de Bathurst (Gau et al. 2002; voir aussi Mowat et al., 2013). Les carcajous (Gulo gulo) se nourrissent de carcasses de caribous tués par les loups (Lee, 1995; van Dijk et al., 2008) et peuvent tuer un caribou après l’avoir longtemps poursuivi (Dumond, 2007). Les lynx (Lynx canadensis) sont d’occasionnels prédateurs. Les Aigles royaux (Aquila chrysaetos) chassent et tuent des faons dans les aires de mise bas situées à l’ouest de la rivière Coppermine, dans les Territoires du Nord-Ouest (Theberge et Nagy, 2001; Nagy et Johnson, 2007).

Les données sur les tendances de l’abondance relative des prédateurs ou du taux de prédation sont fragmentaires. Les tendances géographiques des observations de prédateurs au cours des relevés aériens effectués dans les aires de mise bas entre 2007 et 2012 ont révélé une densité proportionnellement plus élevée de loups dans les sous-populations plus orientales, et une densité plus grande de grizzlis dans les sous-populations plus occidentales (p. ex., Poole et al., 2013; J. Williams, données inédites). Parmi les aires de mise bas, celle de Bluenose Est était associée au plus grand nombre d’observations de grizzlis (figure 11).

La tendance pour ce qui est du nombre de loups repérés dans l’aire de mise bas côtière d’Ahiak-Beverly était à la hausse, Heard (1992) ayant recensé une moyenne de 8 loups/100 heures, comparativement à 17 à 42 loups/100 heures de 2007 à 2010 (Poole et al., 2013). Williams (1995) a dénombré 25 à 54 loups et 8 à 12 ours/100 heures dans l’aire de mise bas de Beverly, à l’intérieur du continent, en 1993 et en 1994, comparativement à 13 loups et 2 ours/100 heures en 1988 (Heard et Jackson, 1990).

Figure 11. Taux d’observations de grizzlis et de loups lors des relevés de terrain menés dans des aires de mise bas, Territoires du Nord Ouest et Nunavut, 2007-2008.
Taux d’observations de grizzlis et de loups lors des relevés de terrain
Photo: © Poole et al., 2013; ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles, gouvernement des Territoires du Nord Ouest, données inédites
Description longue de la figure 11

Graphique illustrant les taux d’observation de grizzlis et de loups lors des relevés menés dans des aires de mise bas du caribou de la toundra dans les Territoires du Nord Ouest et au Nunavut (2007-2008).

La vulnérabilité du caribou de la toundra à la prédation varie selon sa répartition saisonnière. Lorsque les caribous se rassemblent, par exemple dans les aires de mise bas, la vulnérabilité à la prédation est réduite en raison de la vigilance mutuelle et de la saturation des prédateurs durant la période de naissance des nouveau-nés, qui sont vulnérables (Heard et Williams, 1992). Les aires de mise bas sont situées au nord de la limite forestière, loin des zones où les loups reproducteurs creusent leur tanière (Heard et Williams, 1992). On ne connaît pas l’efficacité de cette stratégie, car les loups non reproducteurs peuvent tuer plus de petits qu’il n’en faut pour combler leurs besoins nutritionnels immédiats (Miller et al., 1985). Toutefois, le caribou migrateur atteint généralement une densité de un à deux ordres de grandeur supérieure à celle des populations non migratrices (Seip, 1990). Dans les aires de mise bas de la sous-population de Beverly, 50 % à 70 % des mortalités de faons étaient attribuables aux loups, mais pour 13 % de ces décès, les faons présentaient des problèmes de santé sous-jacents, dont la pneumonie (Miller et Broughton, 1974; Miller et al., 1988). Dans les aires de mise bas de la sous-population de la Porcupine, entre 25 % et 29 % des petits sont morts en juin; 61 % des cas de mortalité étaient causés par une prédation par des Aigles royaux, des grizzlis et des loups (Griffith et al., 2002).

Les taux de prédation ont été mesurés par l’observation de loups marqués. Dans les années 1980, dans la sous-population de Bluenose Ouest, le nombre de caribous tués par des meutes de six à sept loups munis d’un collier radioémetteur en avril 1992 était pratiquement d’un caribou tous les deux jours, et il était plus élevé durant la période d’élevage des petits (Clarkson et Liepins, 1992). La taille de la meute a une incidence sur le nombre de caribous tués, notamment parce qu’elle a une incidence sur les pertes attribuables aux Grands Corbeaux charognards (Corvus corax); en effet, les Grands Corbeaux peuvent consommer jusqu’à 75 % des carcasses comestibles de caribous tués par une paire de loups (Kaczensky et al., 2005).

À l’aide des observations obtenues lors de relevés aériens et du nombre d’animaux récoltés, on peut déterminer par approximation les indices d’abondance du loup (Heard et al., 1996). Les tendances quant au nombre de loups par rapport au nombre de caribous ont été évaluées entre 1996 et 2012 pour la sous-population de Bathurst (D. Cluff, ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, données inédites). La tendance pour ce qui est du nombre moyen de loups adultes dans les tanières, du nombre de tanières occupées en août et du nombre moyen de petits par tanière était à la baisse au cours de cette période.

Le nombre de loups peut fluctuer en fonction de l’abondance des caribous (Klaczek, 2015), mais la tendance concernant les loups associés aux caribous dans les aires d’hivernage à la fin de la saison ou dans les aires de mise bas n’a pas accusé de baisse coïncidant avec celle de l’abondance du caribou. Le nombre de loups observés entre 1987 et 2015 durant les relevés aériens effectués à la fin de l’hiver sur la sous-population de Bathurst semble indiquer une tendance à la hausse, quoique faible (figure 12a et figure 12b; Williams et Fournier, 1996; Gunn, 2013; Cluff, comm. pers., 2015). Pour l’UD du caribou des montagnes du Nord, les taux de prédation étaient influencés par le climat plutôt que par l’abondance des proies (Hegel et al., 2010). Le nombre de loups peut fluctuer en fonction de l’abondance des caribous, car la survie des louveteaux dépend de la disponibilité des caribous au cours de la période de mise bas (Heard et Williams, 1992; Frame et al., 2008; Klaczek, 2015). Toutefois, la relation entre l’abondance du loup et les taux de prédation est complexe en raison du chevauchement des aires d’hivernage des sous-populations de caribous avoisinantes, lequel peut contribuer à augmenter les taux de prédation, car les loups peuvent se déplacer d’une aire à l’autre. Dans l’aire de répartition du caribou de la Porcupine, comme de nombreux loups ne migrent pas, l’orignal est vraisemblablement la proie limitante; le caribou de la toundra ne sert de proie que ponctuellement (Hayes et al., 2003).

Figure 12a. Taux d’observation dans l’aire de répartition de la sous population de Bathurst de loups/100 heures de vol, d’après des relevés effectués à la fin de l’hiver et portant sur la composition selon le sexe et l’âge
Taux d’observation dans l’aire de répartition de la sous population de Bathurst de loups/100 heures de vol
Photo: © D. Cluff, comm. pers., 2015
Description longue de la figure 12a

Deux graphiques (12a et 12 b) illustrant les taux d’observation de loups et de grizzlis dans l’aire de répartition de la sous population de caribous de la toundra de Bathurst. Un graphique présente le nombre de loups observés par tranche de 100 heures de vol, d’après des relevés effectués à la fin de l’hiver et portant sur la composition selon le sexe et l’âge de 1987 à 2015, et l’autre graphique présente le nombre de loups et de grizzlis observés par tranche de 10 heures de vol, d’après les relevés réalisés dans les aires de mise bas de 2006 à 2015.

Figure 12b. Taux d’observation dans l’aire de répartition de la sous population de Bathurst de loups et de grizzlis/10 heures de vol, d’après des relevés réalisés dans les aires de mise bas.
Taux d’observation dans l’aire de répartition de la sous population de Bathurst de loups/100 heures de vol
Photo: © D. Cluff, comm. pers., 2015
Description longue de la figure 12b

Deux graphiques (12a et 12 b) illustrant les taux d’observation de loups et de grizzlis dans l’aire de répartition de la sous population de caribous de la toundra de Bathurst. Un graphique présente le nombre de loups observés par tranche de 100 heures de vol, d’après des relevés effectués à la fin de l’hiver et portant sur la composition selon le sexe et l’âge de 1987 à 2015, et l’autre graphique présente le nombre de loups et de grizzlis observés par tranche de 10 heures de vol, d’après les relevés réalisés dans les aires de mise bas de 2006 à 2015.

Comme la durée d’une génération de grizzlis est relativement longue, la réaction de la population de grizzlis aux variations d’effectif du caribou sera lente. Au cours des dernières décennies, l’aire de répartition des grizzlis s’est étendue dans le nord-est de la toundra (COSEWIC, 2012), bien que les densités soient toujours faibles et qu’aucune tendance globale de l’abondance n’ait été manifeste entre 1991 et 2012 au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest (COSEWIC, 2012). Cependant, on note des changements locaux; par exemple, le nombre de grizzlis repérés s’est accru dans les aires de la sous-population de Bluenose Est au cours de deux dernières décennies (Dumond, 2007). Les observations relevées dans les aires de mise bas de Bathurst (figure 12) laissent penser qu’il y a un plus grand nombre de grizzlis que de loups.

Les données sur le marquage génétique et la recapture ont révélé que le nombre de carcajous dans l’aire d’estivage de la sous-population de Bathurst a décliné d’environ 11 % tous les ans entre 2004 et 2011 (Boulanger et Mulders, 2013); cette baisse serait probablement liée au nombre réduit de carcasses de caribous tués par les loups.

Parasites et maladies

Les agents pathogènes, notamment les virus, les bactéries, les helminthes et les protozoaires, ainsi que les insectes piqueurs et parasites, jouent un rôle important dans l’écologie du caribou et la dynamique de sa population (Gunn et Irvine, 2003; Kutz et al., 2012,2014). Ces agents peuvent directement causer une mortalité et/ou diminuer la fécondité, ou avoir un coût énergétique qui peut aussi réduire la survie et la reproduction. Les hypodermes, les œstres du caribouet les nématodes de l’abomasum sont les agents pathogènes les plus étudiés du caribou, surtout pour ce qui de leurs répercussions sur les individus et la population, mais d’autres agents se révèlent être des agents pathogènes importants s’attaquant au caribou de la toundra.

Les hypodermes (Hypoderma tarandi) et les œstres du caribou (Cephenemyia trompe) sont associés à un coût énergétique important (Cuyler et al., 2012). En effet, le caribou perd beaucoup de temps à éviter les mouches adultes qui déposent leurs œufs sur sa fourrure (H. tarandi) ou à expulser les larves présentes dans ses naseaux (C. trompe), au détriment du temps consacré à l’alimentation (Russell et al., 1993; Witter et al., 2012a,b). Les stades larvaires de ces parasites du caribou ont un coût métabolique lié à la réponse immunitaire de l’animal et à la croissance et la migration des larves (Thomas et Kiliaan, 1990; Cuyler et al., 2012). Le degré d’activité des hypodermes et des œstres du caribou et l’infection subséquente qu’ils causent, et donc le degré de harcèlement du caribou, dépendent beaucoup de la température et de la vitesse du vent. Ces facteurs servent de fondements à l’élaboration d’un indice du harcèlement pratiqué par les hypodermes (Russell et al., 1993; Witter et al., 2012a,b). L’indice d’activité des hypodermes dans l’aire d’estivage des sous-populations de Bathurst et de Bluenose Est varie d’année en année, mais a augmenté dans une certaine mesure entre 1979 et 2014, au fil du réchauffement des étés, surtout après le début des années 1980 (figure 13; CARMA, données inédites).

Figure 13. Tendances relatives à l’indice d’activité des hypodermes (œstres) en fonction de la température et de la vitesse du vent quotidiennes de 1979 à 2014, dans l’aire d’estivage des sous populations de Bathurst et de Bluenose Est.
Tendances relatives à l’indice d’activité des hypodermes (œstres)
Photo: © CARMA, données inédites
Description longue de la figure 13

Graphique illustrant les tendances relatives à l’indice d’activité des hypodermes (œstres) en fonction de la température et de la vitesse du vent quotidiennes de 1979 à 2014, dans l’aire d’estivage des sous populations de caribous de la toundra de Bathurst et de Bluenose Est

De même, les nématodes de l’abomasum (surtout l’Ostertagia gruehneri, mais aussi le Marshallagia marshalli et le Teladorsagia boreoarcticus) peuvent abaisser les réserves corporelles de l’hôte et le taux de gravidité et avoir des conséquences sur la population (Albon et al., 2002; Hughes et al., 2009; Cuyler et al., 2012; Steele, 2013). Ces parasites sont sensibles au climat et à l’écologie des maladies, et on prévoit que leurs effets augmenteront avec le réchauffement de la planète (Molnár et al., 2013; Kutz et al., 2014). Leur cycle vital est direct, et les nématodes adultes présents dans l’abomasum pondent des œufs qui sont éliminés dans les excréments. Le stade de l’œuf et les stades larvaires subséquents ainsi que la survie après le troisième stade, qui est infectieux, dépendent de la température et de l’humidité. La larve du troisième stade est ingérée, migre dans la muqueuse de l’abomasum et se développe pour devenir un parasite adulte. Chez le caribou de la toundra, la larve de l’O. gruehneri passe généralement l’hiver dans l’organisme de l’animal et émerge le printemps suivant (Hoar et al. 2012a). Le cycle vital est donc de un à deux ans, ce qui explique le délai de deux ans entre la densité chez l’hôte et la gravité de l’infection par le parasite observé par Albon et al. (2002). En traitant des rennes du Svalbard au cours d’une expérience, Albon et al. (2002) ont montré que l’O. gruehneri peut réguler la population de rennes en ayant des effets sur le taux de gravidité.

La migration saisonnière du caribou depuis les aires de mise bas peut atténuer l’exposition aux parasites (Folstad et al., 1991; Hoar et al., 2012b). À une échelle spatiale plus fine, le renne sauvage du Svalbard a réduit son exposition en s’alimentant loin des boulettes fécales contenant des œufs et des larves de nématodes gastro-intestinaux (van der Waal et al., 2000).

Parmi les autres parasites qui pourraient avoir une importance grandissante, citons le Besnoitia tarandi, une espèce de Setaria, le Toxoplasma gondii et le Neospora caninum. Le Besnoitia tarandi est un protozoaire parasite bien établi dans la plupart des sous-populations de caribous de la toundra. Une récente éclosion causant un grave affaiblissement et une infertilité probable dans les sous-populations de caribous des rivières Georges et aux Feuilles au Québec et au Labrador souligne l’importance potentielle de ce parasite. On ignore la cause sous-jacente des éclosions dans ces sous-populations, mais les éclosions pourraient être associées à un changement des conditions qui favoriserait la transmission et/ou la vulnérabilité. On ignore si cela s’applique aussi au caribou de la toundra (Ducrocq et al., 2013).

Le Toxoplasma gondii et le Neospora caninum sont des protozoaires parasites qui, chez les ongulés, peuvent entraîner une infertilité (avortements spontanés, fœtus momifiés, anomalies fœtales) ou une faiblesse chez les petits. En général, leur transmission se fait par un cycle prédateur-proie (les hôtes définitifs du Neospora sont des canidés; les hôtes définitifs du Toxoplasma sont des félidés), mais ils peuvent aussi être transmis par voie placentaire. Les deux parasites sont présents chez le caribou de la toundra d’après des essais sérologiques (Curry et al. 2011; Kutz et al. 2014). L’abondance de ces protozoaires et d’autres parasites transmis par des prédateurs chez le caribou, comme le ténia Echinococcus canadensis et les Taenia spp., variera en fonction de l’abondance des hôtes carnivores définitifs (Rausch, 2003; Kutz et al., 2012).

Il a été établi que le piétin, attribuable à une interaction entre des bactéries et certaines conditions environnementales, avait causé une boiterie grave chez des caribous de la sous-population de Bathurst dans leur aire d’estivage à la fin de l’été en 2001 (Gunn et al., 2005). Cette maladie se caractérise par une inflammation podale, généralement observée à la fin de l’été. Les températures chaudes et les sols boueux sont favorables à la prolifération de ces bactéries du sol, qui pénètrent dans le sabot par des abrasions mineures. C’est peut-être la raison pour laquelle le gravier coupant des routes est considéré comme un facteur prédisposant (Radostits et al., 2007 dans Handeland et al., 2010).

La maladie bactérienne causée par le biovar 4 du Brucella suis peut entraîner un avortement spontané, une mortinatalité, une faible vigueur des petits, des testicules et des articulations hypertrophiés, une boiterie et des abcès chez le caribou de la toundra (Dietrich, 1981). L’étude sérologique la plus récente menée dans tout le Canada (2007-2009) laisse croire que la prévalence est faible dans la plupart des sous-populations (Curry, 2012). Toutefois, sur l’île de Baffin, entre 1983 et 1986, la séroprévalence de la brucellose était de 15 % à 43 % du sud au nord de l’île de Baffin (217 caribous échantillonnés), et six caribous présentaient des signes cliniques (Ferguson, 1997). Plus récemment, le B. suis semble avoir colonisé le caribou de l’île Southampton, phénomène qui coïncide avec un taux de gravidité plus faible et un déclin de l’abondance (Campbell, 2013).

Récemment, la bactérie Erysipelothrix rhusiopathiae s’est révélée être l’une des causes des mortalités de bœufs musqués observées de 2010 à 2015 sur les îles Banks et Victoria, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut (Kutz et al., 2015). Cette bactérie n’est pas propre à une espèce et peut infecter tous les mammifères et les poissons, et est un agent causal connu de mortalité chez le caribou boréal. On a confirmé une séropositivité chez neuf sous-populations de caribous de la toundra (Kutz, comm. pers., 2013); son rôle dans la dynamique des populations demeure inconnu.

Le caribou est l’hôte de plusieurs agents pathogènes viraux, mais les connaissances sur les effets des virus sur les populations sont limitées. D’après des études sérologiques réalisées sur le caribou de la toundra avec des tests mis au point pour les bovins domestiques, la séroprévalence envers le virus de l’herpès alpha et des pestivirus était courante (Curry, 2012; Carlsson et al., 2015). Il est probable que la réaction au virus de l’herpès était en fait une réaction au virus de l’herpès des cervidés 2 (CHV2), qui a été isolé chez le renne en Norvège et dont la présence est probable chez le caribou en Alaska (das Neves et al., 2010; Evans et al., 2012). Il a été établi que ce virus est le principal agent ayant causé l’éclosion de kératoconjonctivite chez le renne de Norvège, et des infections induites dans le cadre d’expériences chez le renne ont été associées à une mortalité néonatale et à des avortements spontanés (das Neves et al., 2010). La maladie clinique associée à ce virus n’a pas été observée chez le caribou de la toundra, mais il s’agit probablement d’une absence de détection plutôt que d’une absence de la maladie.

Taille et tendances des populations

Activités et méthodes d’échantillonnage

En général, trois méthodes (tableau 5) sont utilisées pour estimer la taille des sous-populations de caribous de la toundra. Pour en savoir plus, il est possible de consulter Heard (1985) et Gunn et Russell (2008). On a évalué les tendances des sous-populations de l’ouest par un dénombrement minimal des caribous effectué à l’aide de photos aériennes des rassemblements suivant la mise bas. Les relevés photographiques réalisés après la mise bas visaient d’abord la sous-population de Bluenose en 1986 et 1987 (McLean et Russell, 1992). Les relevés de rassemblements suivant la mise bas sont possibles parce que toutes les catégories de sexe et d’âge forment de grands regroupements de la fin de juin à la fin de juillet en raison du harcèlement par les insectes (Valkenburg et al., 1985). La photographie sert à réduire au minimum le biais (exactitude accrue). La localisation des rassemblements suivant la mise bas dépend du repérage des individus portant un collier émetteur à transmission par radio ou satellite. La précision des relevés dépend de la proportion de colliers radioémetteurs localisés, et le dénombrement est estimé à l’aide de la méthode de Lincoln-Peterson ou de la méthode de Rivest (Rivest et al., 1998). La méthode de Rivest produit généralement des estimations et une variance associée plus élevées, car elle permet d’examiner la répartition aléatoire des caribous munis d’un collier radioémetteur dans les groupes après la mise bas et de modéliser par la suite comment les groupes et les caribous portant un collier sont détectés (Adamczewski et al., 2013). La précision dépend du nombre de caribous ayant un collier, de leur représentativité de la sous-population et des efforts de recherche déployés pour les localiser. Les estimations par relevés, surtout par photographie après la mise bas, peuvent comprendre des petits et des subadultes. Par conséquent, les estimations de population présentées dans le présent rapport risquent de surestimer le nombre d’individus matures.

La deuxième méthode consiste à effectuer un dénombrement aérien par échantillonnage dans les aires de mise bas. La valeur du dénombrement est ensuite extrapolée pour que soit obtenue une estimation de la sous-population (composition selon le sexe et l’âge) ou une estimation du nombre total d’individus dans la zone. Le biais est réduit par le recours à la photographie aérienne des transects ou d’autres techniques, comme la méthode faisant appel à deux observateurs, pour estimer le biais, qui servira de facteur de correction (Campbell et al., 2014). Les tendances quant au nombre de caribous dans les aires de mise bas peuvent indiquer les tendances relatives à la taille des sous-populations. Pour le dénombrement des échantillons, on utilise des transects en bande, et on s’applique à réduire le biais (améliorer l’exactitude) et à augmenter la précision (reproductibilité) des relevés. Dans les dix dernières années, le recours à la technologie du GPS (Global Positioning System) a permis d’améliorer l’enregistrement et la manipulation des données, ce qui débouché sur des analyses et des plans de relevés plus reproductibles (Nishi et al., 2010; Poole et al., 2013).

Il n’y a eu que deux comparaisons directes de relevés photographiques effectués pendant la mise bas et de relevés suivant la mise bas, avec des paires de relevés de la sous-population de Bluenose Est en 2010 (Adamczewski et al. 2013) et de la sous-population de la rivière George (UD du caribou migrateur de l’Est) au Québec/Labrador en 1993 (Couturier et al., 1996). Le relevé de l’aire de mise bas de la sous-population de Bluenose Est réalisé en juin 2010 a donné lieu à une estimation de 114 472 ± 6 908 (ET) caribous d’au moins un an, valeur qui n’était pas statistiquement différente de l’estimation de 122 697 ± 16 202 (ET) issue du relevé suivant la mise bas réalisé en juillet de la même année (Adamczewski et al., 2013).

La troisième méthode fait appel à des relevés par transects en bande ou en ligne et à un dénombrement visuel pour obtenir le nombre d’individus d’un échantillon dans une zone géographique prédéterminée. Il peut s’agir d’une île en entier (Southampton), d’une portion d’une île d’envergure (Baffin) ou d’une partie continentale où les limites du relevé ne sont pas déterminées par des caractéristiques géographiques ou des aires de répartition de sous-populations. Ces relevés comprennent à la fois les relevés aériens effectués avant la mise bas (mai) et pendant la mise bas (juin) dans le nord-est du continent. Les relevés de juin ont été corrigés pour réduire le biais et augmenter la précision (Campbell et al., 2014; Jenkins et al., 2012).

Tableau 5. Résumé des méthodes d’estimation de la taille des sous-populations.
Paramètres Après la mise bas
Photographie
Aire de mise bas
Photographie
Aire de mise bas
Relevé visuel
Île ou zone géographique
Sous-populations Porcupine, cap Bathurst, Bluenose Ouest et Bluenose Est Bluenose Est; Bathurst; Qamanirjuaq; Beverly Ahiak; Lorillard, baie Wager; Boothia Southampton; Coats; nord-est du continent; Baffin
Réduction du biais Photographie Photographie Aucune ou méthode des deux observateurs Aucune ou méthode des deux observateurs
Augmentation de la précision Dépend du nombre et de la localisation des colliers radioémetteurs Surface (nombre de transects en bande); stratification des activités de relevé Surface (transects en bande ou en ligne); stratification des activités de relevé Surface (transects en bande ou en ligne); stratification des activités de relevé
Point limite Nombre total + variance (présumé pour une sous-population donnée) 1) Femelles reproductrices + variance
2) Extrapolation pour obtenir la taille de la sous-population
Nombre total + variance Nombre total + variance

Comme l’échantillonnage ayant servi à calculer les indices vitaux n’était pas uniforme au fil du temps parmi les sous-populations, les données dont on dispose actuellement pour la plupart des sous-populations sont limitées (depuis 2005). La survie des petits, le taux de gravidité, la survie des adultes et la récolte sont souvent présentés sous forme de résumés, ce qui limite l’évaluation des tendances. Le rapport des sexes chez les adultes et le taux de survie des petits peuvent être modifiés par une variation du numérateur ou du dénominateur (Caughley, 1974). Or, on néglige souvent les hypothèses associées à ces rapports. Par exemple, une variation de la survie des femelles adultes de la sous-population de Bathurst a probablement amplifié les estimations de la survie des petits durant les quelques années où la survie des femelles était faible (Boulanger et al., 2011).

Les activités d’échantillonnage visant à estimer l’abondance ont été menées à intervalles irréguliers depuis 1983 et varient selon la sous-population. L’uniformité des méthodes de relevés, le moment des relevés et les analyses fluctuent le long d’un gradient allant des sous-populations de Bathurst, de Southampton et de la Porcupine (techniques, moment des relevés et analyses relativement uniformes) jusqu’aux sous-populations du nord-est du continent et de l’île de Baffin (peu de relevés, différentes saisons et diverses méthodes). Dix sous-populations présentent une fréquence de relevé moyenne plus élevée de 4,8 années ± 0,85 (ET) entre les relevés, mais la précision des estimations de chacune des sous-populations varie considérablement. On assiste à une tendance en faveur d’une précision accrue, car le plan des recensements a été corrigé pour que l’exactitude et la précision soient améliorées (voir le dénombrement de chacune des sous-populations).

L’estimation des tendances dépend de l’uniformité avec laquelle on définit les unités de relevé et on applique la technique d’échantillonnage. Pour les sous-populations pour lesquelles on dispose de relevés visuels et photographiques des aires de mise bas, les méthodes et les zones ont été relativement les mêmes au fil du temps. Dans le cas des sous-populations du nord-est du continent (Annexe B.), la zone visée par les relevés est passée des aires de mise bas à des zones géographiques, et de la période précédant la mise bas à celle de la mise bas, ce qui restreint la comparaison des estimations dans le temps. Les zones de relevé sont demeurées les mêmes au fil du temps pour l’île Southampton, l’île Coats et la presqu’île de Boothia, bien que les deux derniers endroits n’aient pas fait l’objet d’un dénombrement depuis plus de deux décennies.

Pour établir les tendances, il est possible d’accroître la puissance statistique lorsqu’on augmente la précision, effectue des relevés plus fréquemment et utilise de meilleures méthodes d’analyse (Nishi et al. 2007). L’information sur la puissance statistique et le risque de ne pas détecter un déclin (erreur de type II) sont répartis de façon inégale parmi les estimations d’abondance des sous-populations et les zones ayant fait l’objet d’un relevé, à l’exception de la sous-population de Bathurst (Nishi et al., 2010 : voir Tendances des sous-populations; Annexe C.). Pour les autres sous-populations, la quantité d’information est limitée, et les analyses statistiques des tendances sont actuellement manquantes.

La majorité des relevés utilisés pour estimer l’effectif total de cette UD ont été conçus pour estimer la taille d’une sous-population. Les deux exceptions concernaient les relevés par zone réalisés sur l’île de Baffin en 2014 et dans le nord-est du continent (voir Structure spatiale et variabilité de la population; annexe B). Les estimations les plus récentes de quelques sous-populations (Lorillard/baie Wager et Beverly/Ahiak) ont été combinées (voir tableau 6), de sorte que les estimations de l’effectif total reposent sur 13 sous-populations. Pour 9 des 13 sous-populations, les estimations les plus récentes étaient celles de 2013 à 2015 (tableaux 6, 7).

Analyse des tendances des populations

Deux méthodes ont servi à calculer la tendance globale de la population de caribous de la toundra. La première, qui fait appel au modèle de l’UICN (méthode de l’UICN; IUCN, 2016, p. 33), était basée sur les deux estimations de population les plus proches du début et de la fin d’une période couvrant trois générations. Lorsque les données des relevés ne concordaient pas avec la date de début et de fin de cette période, le taux exponentiel de variation a été calculé et utilisé pour obtenir des projections d’estimations de population jusqu’à aujourd’hui (2016) ou des estimations de population dans le passé (1989; durée d’une génération = 9 ans). Dans cette méthode, on a présumé que le taux de variation était constant entre deux estimations subséquentes. Dans la deuxième méthode (méthode exponentielle), le modèle exponentiel (Caughley, 1977) a été appliqué à toutes les données des relevés pour obtenir une projection de la variation de la population sur trois générations. Voici un modèle exponentiel simple qui a été paramétré à l’aide du taux de croissance instantané (r), recalculé par itérations avec des estimations de population successives, comme suit :

formula

Comme pour la méthode de l’UICN, on a présumé un taux de variation constant lorsqu’on a calculé une projection d’estimation pour les années pour lesquelles on ne disposait d’aucune donnée provenant de relevés. Cependant, le calcul itératif de r a permis d’utiliser toutes les données des relevés effectués au cours de la période couvrant trois générations, et non les points limites uniquement comme l’exige la méthode de l’UICN.

La tendance a été calculée pour chacune des sous-populations à l’aide d’estimations fiables fondées sur des relevés couvrant une période d’environ trois générations (méthode de l’UICN) ou à l’aide d’au moins quatre relevés répétés réalisés entre 1987 et 2015 pour obtenir par itérations la projection de population requise par la méthode exponentielle. Compte tenu de ces conditions, l’estimation globale de la tendance était basée sur 7 sous-populations sur 13, représentant environ 68,2 % du nombre total actuel de caribous de la toundra d’après la somme des estimations individuelles les plus récentes (tableau 8) et environ 63 % des valeurs maximales les plus récemment enregistrées (1991-1995; tableau 6). Les sept sous-populations utilisées pour cette analyse étaient les suivantes : Porcupine (n = 8; relevés de 1987 à 2013), cap Bathurst (n = 9; relevés de 1984 à 2015), Bluenose Ouest (n = 9; relevés de 1986 à 2015), Bluenose Est (n = 6; relevés de 2000 à 2015), Bathurst (n = 9; relevés de 1984 à 2015), Qamanirjuaq (n = 5; relevés de 1985 à 2014) et Southampton (n = 12; relevés de 1987 à 2015). La tendance n’a pas été calculée pour les sous-populations suivantes : péninsule de Tuktoyaktuk (n = 5; relevés de 2005 à 2015), Beverly-Ahiak (n = 1; relevé de 2011), Lorillard et baie Wager (n = 2; relevés de 1995, 2002), presqu’île de Boothia (n = 2; relevés de 1985 et de 1995) et île de Baffin (n = 2; relevés de 1991 et de 2014) (tableau 6; annexe C).

Il subsiste une certaine incertitude quant à la durée d’une génération du caribou de la toundra (voir Cycle vital et reproduction) et à la précision des estimations par relevés. La tendance de la population a donc été calculée à l’aide des deux méthodes (exponentielle et de l’UICN) et de plusieurs durées de génération (6, 7, 8, 9 et 10 ans). Une simulation de Monte Carlo a alors été utilisée pour étudier les effets de l’imprécision sur les estimations de chacune des populations. La tendance de chaque sous-population a été estimée 10 000 fois à l’aide de la méthode exponentielle pour une durée de génération de 9 ans. Un certain nombre d’estimations de population ne comportaient pas de mesure de la précision ni de mesure comparable; par conséquent, la simulation de Monte Carlo a été paramétrée à l’aide d’une distribution normale, de l’estimation déclarée, et d’une variance de 10 % de l’estimation. La variation de population est exprimée ici sous forme de moyenne simulée et des 95e (le 5e centile de l’estimation de la population de 1989 contre le 95e centile de 2016) et 5e centiles (le 95e centile de l’estimation de la population de 1989 contre le 5e centile de 2016) des estimations de population projetées. On a émis l’hypothèse que le 95e et le 5e centiles représentent le risque d’une sous-estimation de la population du passé et d’une surestimation de la population d’aujourd’hui, respectivement. Ces valeurs simulées sont des extrêmes plausibles, compte tenu d’une estimation de l’imprécision de 10 %, et pourraient atténuer une tendance à la baisse sur une période de trois générations.

Abondance

L’abondance globale maximale enregistrée est estimée à plus de 2 millions de caribous de la toundra durant la période de 1991 à 1995 (tableau 6), suivie d’un déclin qui a réduit l’effectif à un peu plus de 800 000 caribous en 2015 (tableau 7). Toutefois, d’une part, ces valeurs constituent une surestimation du nombre d’individus matures, car certaines estimations par relevés comprennent les petits et les adultes non matures. D’autre part, les estimations étaient inexistantes pour certaines sous-populations de 1991 à 1995, ou la méthodologie de relevé a été perfectionnée par la suite. Par exemple, il n’existe aucune estimation pour l’île de Baffin avant 1991 et pour Bluenose Est avant 2000, l’île Coats n’a été l’objet que d’un seul relevé (1991) et le dernier relevé de la presqu’île de Boothia remonte à encore plus loin (1995; tableau7). Les tableaux 7 et 8 et l’annexe C présentent les données détaillées disponibles sur chacune des sous-populations. L’approche est relativement prudente : on n’y compare pas les estimations par relevés précédant la mise bas avec celles de la période de la mise bas, la répartition du caribou pouvant varier considérablement dans les semaines précédant la mise bas.

Tableau 6. Résumé des estimations de l’abondance par sous population ou zone calculées à l’aide de relevés effectués entre 1984 et 2015. Les sources de données sont diverses et ont été énumérées dans Gunn et al., 2011b; voir l’annexe C pour en savoir plus sur les relevés, notamment les estimations d’erreurs. Voir le texte pour obtenir une analyse du degré d’incertitude lié à la fréquence et à la méthodologie des relevés, et des explications sur l’abondance et les tendances de chacune des sous populations. Abréviations : PCH = Porcupine; TUK = Tuktoyaktuk; CBH = Cap Bathurst; BLW = Bluenose Ouest; BLE = Bluenose Est; BCH = Bathurst; QAM = Qamanirjuaq; BEV = Beverly; AH = Ahiak; SCH = île Southampton.
Année PCH TUK CBH BLW BLE BCH QAM BEV/AHl BEVl Ahiakl Booth Lorillard/ Wager Coats SCH Baffin
1984 blank blank 13 476 blank blank 384 000 blank blank blank blank blank blank 2 130 blank blank
1985 blank blank blank blank blank blank 272 000 blank blank blank 4 830 blank blank blank blank
1986 blank blank blank 88 369 blank 472 000 blank blank blank blank blank blank blank blank blank
1987 165 000 blank 12 516 106 887 blank blank blank blank blank 32 000 blank blank blank 5 400 blank
1988 blank blank blank blank blank blank 221 000 blank 189 561 blank blank blank blank blank blank
1989 178 000 blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank
1990 blank blank blank blank blank 351 683 blank blank blank blank blank blank blank 9 000 blank
1991 blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank 500 13 700 235 000
1992 160 000 blank 19 278 112 360 blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank
1993 blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank
1994 152 000 blank blank blank blank blank 495 665 blank blank blank blank blank blank blank blank
1995 blank blank blank blank blank blank blank blank 276 000 blank 6 658 28 336 blank 18 275 blank
1996 blank blank blank blank blank 349 046 blank blank blank 200 000 blank blank blank blank blank
1997 blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank 30 381 blank
1998 129 000 blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank
1999 blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank
2000 blank blank 11 089 76 376 104 000 blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank
2001 123 000 blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank
2002 blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank 41 000 blank blank blank
2003 blank blank blank blank blank 186 005 blank blank blank blank blank blank blank 17 981 blank
2004 blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank
2005 blank 2 700 2 434 20 800 70 081 blank blank blank blank blank blank blank blank 20 582 blank
2006 blank 2 866 1 821 18 050 66 754 128 047 blank blank blank blank blank blank blank blank blank
2007 blank blank blank blank blank blank blank blank blank 235 000 blank blank blank 15 452 blank
2008 blank blank blank blank blank blank 348 661 blank blank blank blank blank blank blank blank
2009 blank 2 752 1 934 17 897 blank 31 900 blank blank blank blank blank blank blank 13 956 blank
2010 169 000 blank blank blank 114 472 blank blank blank blank blank blank blank blank blank blank
2011 blank blank blank blank blank blank blank 195 529-208 230m blank blank blank blank blank 7 800 blank
2012 blank 2 192 2 427 20 465 blank 34 690 blank blank blank blank blank blank blank blank blank
2013 197 000 blank blank blank 68 300 blank blank blank blank blank blank blank blank 7 287 blank
2014 blank blank blank blank blank blank 264 661 blank blank blank blank blank blank blank 4 856
2015 blank 1 701 2 259 15 268 38 592 19 769 blank blank blank blank blank blank blank 12 297 blank

l La structure, la délimitation et les estimations des sous-populations de Beverly et d’Ahiak sont sujettes à différentes interprétations (voir le texte et la note 3). Ces sous-populations ont été dénombrées séparément jusqu’en 2011, puis elles ont été fusionnées par la suite.

m Cet intervalle d’estimations représente les estimations obtenues à l’aide de deux interprétations des données des relevés : 1) Beverly (124 189) et Ahiak (71 340), comme il a été établi dans Campbell et al. (2014), et 2) l’unité de Beverly-Ahiak qui met bas le long de la côte du golfe de la Reine-Maud, comprenant la presqu’île Adélaide, et qui s’étend jusqu’à l’inlet Chantrey (142 050), en plus des animaux dénombrés à l’est de l’inlet Chantrey (66 180), conformément à la justification présentée dans Adamczewski et al., (2015).

n N/A

Tableau 7. Résumé des estimations maximales et minimales enregistrées ainsi que des estimations et des tendances les plus récentes (1984–2015) des sous-populations de caribous de la toundra.
Sous-population/
zone géographique
Maximum Année Mini-mum Année Estimation la plus récente Année Nbre d’estima-tions Période années Tendance la plus récente
Porcupineo 197 000 2013 123 000 2001 197 000 ± 28 561p 2013 8 27 Hausse
Cap Bathursto 19 278 1992 1 821 2006 2 259 ± 84 2015 8 28 Déclin
Bluenose Ouesto 112 360 1992 15 268 2015 15 268 ± 1 369 2015 9 27 Déclin
Bluenose Esto 114 472 2010 38 592 2015 38 592 ± 4 733 2015 7 17 Déclin
Bathursto 472 000 1986 19 769 2015 19 769 ± 7 420 2015 9 30 Déclin
Qamanirjuaqo 495 000 1994 221 000 1988 264 661 ± 44 084 2014 5 22 Déclin
Southamptono 30 381 1997 5 400 1987 12 297 ± 1 844 2015 11 26 Hausse
Péninsule de Tuktoyaktuk 2 866 2006 1 701 2015 1 701 2015 5 8 Déclin
Beverly/Ahiak blank blank blank blank 195 529q 2011 blank blank Déclin
Presqu’île de Boothia 6 658 1995 4 830 1985 6 658 1995 3 20 inconnue
Lorillard + baie Wager 41 000 2002 28 336 1995 41 000 2002 3 5 inconnue
Île Coats 4 236 1978 500 1991 500 1991 2 11 inconnue
Île de Baffin 235 000 1991 3 096 2014 4 856 2014 2 22 Déclin
[Estimation totale actuelle] blank blank blank blank [800 090] blank blank blank blank

o Données disponibles suffisantes pour calculer une tendance de la population sur trois générations.

p IC à 95 %.

q L’estimation de 2011 pour Beverly-Ahiak provient de Campbell et al. (2014). Voir la note 3 du tableau 6 pour obtenir des remarques sur l’estimation de population légèrement plus élevée obtenue avec une interprétation différente de l’historique du relevé.)

Fluctuations et tendances

Pour sept sous-populations sur treize (soit presque 70 % de l’effectif total), on disposait de suffisamment de données de relevés pour établir le déclin sur trois générations; le déclin médian pour ces sous-populations était de 56,8 % (intervalle = -50,8 % à -59,0 %) après l’application des deux méthodes de projection d’effectif (UICN, exponentielle) et selon cinq estimations de la durée d’une génération (figure 14). L’effectif de quatre sous-populations sur sept (cap Bathurst, Bluenose Est, Bluenose Ouest et Bathurst) a chuté de plus de 80 % au cours de cette période, celui de l’une d’elles (Qamanirjuaq) a présenté un déclin médian de 39,7 %, caractérisé par une variabilité marquée, tandis que celui des deux autres sous-populations (Porcupine, Southampton) a augmenté (figure 15). Parmi les six sous-populations dont les données étaient insuffisantes pour calculer les tendances, les données tirées de relevés récents de trois sous-populations (groupe de la péninsule de Tuktoyaktuk, de Baffin et de Beverly-Ahiak) représentant 25,8 % de la population actuelle indiquaient un déclin; les estimations par relevés de 2014 pour l’île de Baffin laissent entrevoir un déclin marqué (tableaux 6 et 7). L’évolution des trois dernières sous-populations, représentant environ 5 % de l’UD, n’est pas connue. Dans le cas des sept sous-populations, l’estimation la plus récente est la même que le dénombrement minimal enregistré (tableau 7).

La durée d’une génération, la méthode et la précision ont une grande incidence sur la tendance à la baisse prévue de ces sous-populations, qui n’était pas linéaire au cours de la période de trois générations (figure 15). Par exemple, les sous-populations de la Porcupine, de Southampton et de Qamanirjuaq présentaient une diminution et une augmentation relativement grandes de l’effectif; la tendance globale à la baisse était donc fonction du choix de la durée d’une génération et de l’imprécision des estimations de population. La sous-population de Southampton provient d’une réintroduction sur l’île et a donc connu une hausse et un déclin abrupts. De même, la sous-population de Qamanirjuaq était croissante pendant les années 1980, puis elle a décliné après 1994. La tendance des quatre autres sous-populations était plus linéaire au cours des périodes de 18, 21, 24, 27 ou 30 ans.

Après avoir fourni une représentation de l’incertitude des estimations numériques (N) de chaque sous-population, la simulation de Monte Carlo (effectuée à l’aide d’une seule durée d’une génération, soit 9 ans, et d’une seule méthode) est aussi venue corroborer la conclusion selon laquelle on assiste à un déclin de population de plus de 50 %. Toutefois, lorsque les 5e et 95e centiles de projections de population ont été utilisés dans le calcul du pourcentage de variation, les estimations variaient de -17,0 % à -76,3 % (moyenne simulée = -54,1 %; tableau 8). Comme pour la durée d’une génération, les sous-populations dont la tendance n’était pas toujours linéaire (soit Porcupine, Southampton, Qamanirjuaq) risquaient le plus d’être associées à des estimations de population imprécises obtenues par simulation, qui étaient variables au fil du temps.

Figure 14. Estimation du pourcentage de variation de la taille de la population de caribous de la toundra obtenue au moyen de chacune des deux méthodes d’estimation (IUCN, exponentielle), d’après des estimations de population découlant de la somme des valeurs de sept sous populations et selon cinq durées d’une génération (6, 7, 8, 9, 10 ans; voir le texte). La valeur médiane des 10 estimations et les 25e/75e centiles ont aussi été inclus.
Estimation du pourcentage de variation de la taille de la population de caribous de la toundra
Photo: © Figure préparée par Chris Johnson, University of Northern British Columbia.
Description longue de la figure 14

Graphique illustrant l’estimation du pourcentage de variation de la taille de la population de caribous de la toundra obtenue au moyen de chacune des deux méthodes d’estimation (Union internationale pour la conservation de la nature, exponentielle), d’après des estimations de population découlant de la somme des valeurs de sept sous populations et selon cinq durées d’une génération (6, 7, 8, 9, 10 ans).

Tableau 8. Variation de population simulée sur trois générations pour sept sous-populations de caribous de la toundra et variation totale pour toutes les sous-populations (population totale). L’analyse de Monte Carlo a fait appel à un modèle exponentiel et à une durée d’une génération de 9 années. Le pourcentage de variation de la population a été calculé à l’aide des estimations moyennes obtenues par simulation pour 1989 et 2016 et des 95e (5e centile des estimations de population en 1989 contre 95e centile en 2016) et 5e centile (95e centile des estimations de population en 1989 contre 5e centile en 2016) des estimations de population projetées.
Sous-population % moyen de variation
de la population
95 % LSIC 95 % LIIC
Porcupine 31 % 132 % -31 %
Cap Bathurst -85 % -78 % -90 %
Bluenose Ouest -87 % -81 % -92 %
Bluenose Est -89 % -66 % -96 %
Bathurst -96 % -93 % -97 %
Southampton 113 % 232 % 31 %
Qamanirjuaq -4 % 48 % -39 %
Population totale -54 % -17 % -76 %
Figure 15. Estimation du pourcentage de variation de la taille de la population pour chacune des sept sous populations de caribous de la toundra, calculée à l’aide de chacune des deux méthodes d’estimation (UICN, exponentielle) selon cinq durées d’une génération (6, 7, 8, 9, 10 ans). Abréviations des sous populations telles que présentées au tableau 6.
Estimation du pourcentage de variation de la taille de la population pour chacune des sept sous populations de caribous
Photo: © Figure préparée par Chris Johnson, University of Northern British Columbia.
Description longue de la figure 15

Graphique illustrant l’estimation du pourcentage de variation de la taille de la population pour chacune des sept sous populations de caribous de la toundra, calculée à l’aide de chacune des deux méthodes d’estimation (Union internationale pour la conservation de la nature, exponentielle) selon cinq durées d’une génération (6, 7, 8, 9, 10 ans).

Des données quantitatives sur certaines sous-populations révèlent que l’abondance du caribou de la toundra fluctue à intervalles relativement réguliers sur le continent (Zalatan et al., 2006; Beaulieu, 2012). À titre d’exemple, les équations polynomiales de troisième ordre étaient bien ajustées aux données de la sous-population de la Porcupine (R2 = 0,93), ce qui semble indiquer une dynamique cyclique. Une tendance similaire semble se dessiner pour d’autres grandes populations de caribous migrateurs (UD du caribou migrateur de l’Est; Messier et al., 1988; COSEWIC, en préparation). Selon des connaissances traditionnelles autochtones des Territoires du Nord-Ouest (SARC, 2016), l’effectif des sous-populations fluctue, mais le délai entre les périodes de grande abondance est variable. Un cycle de 60 à 80 années sur l’île de Baffin a été proposé (Ferguson et al., 1998; Baffinland, 2012; Campbell et al., 2015b). L’information sur l’abondance cyclique (fluctuations régulières) provient de souvenirs d’aînés autochtones (Baffinland, 2012; Campbell et al., 2015b) et, dans le cas des sous-populations de Beverly et de Bathurst, de la fréquence cumulée des marques de sabots sur les racines d’épinettes exposées dans les pistes de caribou présentes dans la zone de transition de la limite forestière (Zalatan et al., 2006). La distribution de fréquence des marques de sabots autant de la sous-population de Bathurst que de celle de Beverly était élevée durant le milieu des années 1940 et les années 1990, et faible durant les années 1920, 1950 à 1970 et au tournant du 21e siècle (Zalatan et al., 2006). Toutefois, la plupart des données portant sur un petit sous-groupe de sous-populations de caribous de la toundra n’indiquent qu’un à deux cycles.

Aucune compilation de données n’a été réalisée pour expliquer l’incidence d’événements stochastiques non prévisibles sur le caribou de la toundra. D’après des connaissances traditionnelles autochtones, les hausses de population ne sont pas aussi élevées qu’elles l’étaient (Nesbitt et Adamczewski, 2009; WMAC [North Slope] et Aklavik HTC, 2009). Les déclins de population peuvent être exacerbés par des facteurs anthropiques (Tłįchǫ Government, 2007; WRRB, 2010b; Soublière, 2011). Ces facteurs comprennent la récolte, qui, lorsqu’elle est constante dans une sous-population en déclin, peut entraîner la mortalité d’une proportion croissante de cette sous-population (Messier et al., 1988; Adamczewski et al., 2009). À mesure que les individus atteignent un nombre exceptionnellement faible, la sensibilité aux événements stochastiques non prévisibles, par exemple des événements météorologiques inhabituels ou extrêmes (canicule, tempête de verglas) ou des épidémies de maladie, augmente, surtout si les caribous continuent de se rassembler au même endroit à certaines époques de l’année.

Il est impossible de déterminer si ces fluctuations de population respectent la définition de « fluctuations extrêmes » de l’UICN, car on manque de données (IUCN, 2016).

À l’échelle des sous-populations (pour lesquelles les méthodes et les zones de relevé sont relativement uniformes), l’abondance du caribou de la toundra a décliné dans une proportion de 3 % à 97 %. Parmi les sept sous-populations pour lesquelles on dispose de suffisamment de données (sur 14 sous-populations au total), seules les sous-populations de la Porcupine et de Southampton sont actuellement en hausse. Il convient de noter que, pour l’île Southampton, il s’agit d’une réintroduction dans un milieu sans prédateurs; toutefois, la sous-population a diminué en raison d’une récolte abondante et de maladies, et la tendance actuelle à la hausse s’explique notamment par une immigration provenant du continent (voir Tendances des sous-populations).

Tendances des sous-populations

La présente section s’appuie sur le résumé publié et examiné par des autorités (Gunn et al., 2011b) figurant dans la publication Biodiversité canadienne : état et tendances des écosystèmes en 2010 (Federal, Provincial and Territorial Governments of Canada, 2010) ainsi que sur des rapports plus récents (voir annexe C). L’accent est mis sur les tendances touchant l’abondance et les indices vitaux comme la survie des adultes et des petits, lorsque les données sont disponibles. L’information est présentée en commençant par les sous-populations de l’ouest vers celles de l’est.

Porcupine

a) Tendances relatives à la taille de la sous-population

La tendance de la sous-population de la Porcupine a été estimée à l’aide de photographies des rassemblements suivant la mise bas prises depuis 1972 (Caikoski, 2011). Cette sous-population a augmenté et est passée du nombre estimatif de 100 000 têtes en 1972 à 178 000 en 1989, ce qui donne un taux exponentiel d’augmentation estimé de 0,04 (références dans Caikoski, 2011). Après 1989, la sous-population a connu une baisse qui s’est traduite par un taux exponentiel de déclin de -0,03 et qui a porté l’effectif à 123 000 caribous en 2001. En raison de l’effet combiné des mauvaises conditions climatiques et de l’absence de rassemblements suivant la mise bas, ce n’est qu’en 2010 que l’on a obtenu une autre estimation, qui était de 169 000 individus (IC à 95 % = 153 493 à 184 403) (Caikoski, 2011). Un relevé ultérieur de 2013 indique que la sous-population s’élevait à 197 000 caribous (IC à 95 % = 168 667 à 225 789) (Caikoski, 2015), soit la valeur la plus élevée depuis l’obtention d’estimations de population normalisées au début des années 1970. La tendance sur trois générations de cette sous-population est estimée à +31 %, quoique l’intervalle de confiance soit grand (IC à 95 % = -31 % à 132 %) (tableau 8).

b) Tendances relatives aux indices vitaux

On s’est servi d’un grand échantillon de femelles portant un collier émetteur (66 + 15,4 en moyenne, localisées dans les aires de mise bas) tous les ans pour estimer l’emplacement des aires de mise bas, le taux de parturition et le taux de survie des nouveau-nés (Caikoski, 2011). Entre 2002 et 2010, le nombre de femelles avec collier utilisées pour calculer la mortalité était d’environ 97 + 6,7. Ces femelles ont été localisées à l’intérieur de la semaine précédant le pic de la mise bas pour déterminer l’état de gestation, en fonction la présence d’un pis volumineux, de bois ou d’un petit. Entre 1987 et 2012, la proportion de femelles mettant bas variait entre 0,64 et 0,90 (moyenne de 0,81). Des valeurs similaires ont été déclarées durant la phase de déclin (0,81) et la phase de croissance (0,81). Le taux de survie des nouveau-nés (moyenne de 0,72) était plus élevé au cours de la phase de déclin (0,74) que durant la phase de croissance (0,70). Le dénombrement du printemps effectué en fonction de la composition a fourni des estimations du recrutement, qui était plus élevé au cours de la phase de déclin (36 petits pour 100 femelles) que durant la phase de croissance (34 petits pour 100 femelles). Cependant, comme la survie des femelles adultes varie selon la phase (ce qui exclut l’hypothèse d’une survie constante), on ne peut comparer ces données. Par ailleurs, le chiffre estimatif correspondant à la période de 1987 à 1989, lorsque l’effectif avoisinait les valeurs maximales, était de 0,87, ce qui est plus élevé que celui de la phase de déclin.

Péninsule de tuktoyaktuk

a) Tendances relatives à la taille de la sous-population

En 2005, des chasseurs ont signalé la présence de caribous dans la péninsule de Tuktoyaktuk après qu’une harde de rennes résidente appartenant à un particulier a quitté les lieux en 2001. Les recensements aériens systématiques ont commencé en septembre 2005, moment où le nombre de caribous (petits y compris) a été estimé à 2 700; environ 20 % de ces caribous étaient des rennes, selon leur apparence (Branigan, 2005). En mars 2006, 26 caribous, dont 19 femelles, ont été munis d’un collier émetteur à transmission par satellite (Nagy et Johnson, 2006). Les données sur ces caribous ont révélé que leurs déplacements semblaient être restreints à la partie supérieure de la péninsule; depuis, on a mené à bien quatre relevés suivant la mise bas (annexe C), dont le plus récent (en 2015) a permis d’estimer l’effectif à 1 701 animaux (T. Davison, comm. pers., 2016).

La tendance du recrutement en fin d’hiver, indiquée par le ratio petits:femelles adultes de 2007 à 2015, semble indiquer un faible ratio en 2007, soit 30 petits:100 femelles, suivi de ratios plus élevés (41-52:100) pour les années consécutives s’échelonnant de 2008 à 2015 (Davison et Branigan, 2011; Davison, comm. pers., 2016).

Cap bathurst

a) Tendances relatives à la taille de la sous-population

En 1986, le cap Bathurst a été, pour la première fois, l’objet d’un relevé en tant que sous-population distincte, car il faisait auparavant partie des sous-populations qu’on appelle actuellement Bluenose Est et Bluenose Ouest (Nagy et al., 2009). La sous-population du cap Bathurst a atteint un maximum de 19 300 têtes (IC à 95 % = ± 5 397) en 1992, puis a diminué à 11 089 caribous ± 1 756 en 2000 et à 2 434 ± 257 en 2005. Le déclin observé entre 1992 et 2006 était d’environ 85 %; la sous-population s’est stabilisée à un faible effectif entre 2006 et 2015 et n’était associée à aucune tendance statistique (Nagy et Johnson, 2006; Nagy, 2009a; Davison et al., 2014; ENR, 2014); l’estimation de l’effectif la plus récente était de 2 259 ± 84 en 2015 (Davison, 2015; Davison, comm. pers., 2016).

On connaît les aires de mise bas de cette sous-population depuis les années 1970, et les caribous de ces aires ont été dénombrés à l’aide de relevés visuels stratifiés; toutefois, les estimations regroupaient les sous-populations du cap Bathurst, de Bluenose Ouest et Bluenose Est. En 1987, les méthodes ont été remplacées par la photographie des rassemblements après la mise bas, et dans Nagy (2009a) et Nagy et al. (2009), on a analysé de nouveau les données des relevés de 1987 et de 1992 pour calculer le nombre d’individus de chacune des sous-populations. La tendance sur trois générations pour la sous-population du cap Bathurst est estimée à -85 % (IC à 95 % = − 78 % à − 90%) (tableau 8).

b) Tendances relatives aux indices vitaux

Les taux de gravidité des caribous du cap Bathurst examinés en 1995 étaient élevés (96 %; n = 47 femelles adultes; Larter et Nagy, 1996). Les ratios petits:femelles adultes après la mise bas étaient variables dans le temps (tableau 9). Les ratios petits:femelles à la fin de l’hiver étaient faibles en 2007 (22 petits:100 femelles), plus élevés en 2008-2011 (42-49:100 femelles), faibles en 2013 (26 petits:100 femelles) et élevés (47,8 ± 2,1) en 2014 (Davison et al., 2015;Davison, comm. pers., 2016).

La survie des adultes n’est pas connue, mais les taux de récolte totaux étaient élevés durant le déclin : par exemple, 730 caribous, pour la plupart des femelles, ont été récoltés en 2005 (J. Nagy, données inédites). Des limites de récolte pour les non-Autochtones ont été instaurées en 2006, puis abolies en 2007 (Davison, 2014).

Tableau 9. Dates de relevés et ratios petits:femelles adultes au début de la période suivant la mise bas pour les sous-populations du cap Bathurst et de Bluenose Ouest, de 2000 à 2008 (tiré de Davison, 2015).
Année

Cap Bathurst
Post-mise bas

petits:100 femelles Moyenne ± ET

Cap Bathurst
Fin de l’hiver

petits:100 femelles Moyenne ± ET

Bluenose Ouest
Post-mise bas

petits:100 femelles Moyenne ± ET

Bluenose Ouest
Fin de l’hiver

petits:100 femelles Moyenne ± ET

2000 64,4r 63,5 38,7r 39,8
2001 19,2r ± 8,7 blank 54,1r ± 1,76 blank
2002 32,3s ± 5,0 blank 53,7s ± 2,3 blank
2003 47,0s ± 3,8 blank 53,2s ± 1,6 blank
2004 46,5s ± 17,6 blank 60,9s ± 1,8 blank
2005 52,6r ± 5,5 blank 59,4s ± 1,4 blank
2006 32,9r ± 7,0 blank blank blank
2007 52,6t ± 1,6 21,8 ± 3,1 77,4t ± 7,3 25,7 ± 2,8
2008 49,3t ± 1,0 49,0 ± 3,6 59,6t ± 1,9 41,9 ± 1,4
2009 blank 41,9 ± 3,6 blank 43,7 ± 2,3
2010 blank 48,1 ± 4,1 blank blank
2011 blank 47,4 ± 2,8 blank 32,0
2012 blank blank blank blank
2013 blank 25,9 ± 3,4 blank blank
2014 blank 47,8 ± 2,1 blank blank

r mi-juin;

s fin juin;

t juillet

Bluenose Ouest

a) Tendances relatives à la taille de la sous-population

Comme pour celle du cap Bathurst, la sous-population de Bluenose Ouest a été recensée pour la première fois en 1986 et comptait environ 88 000 individus (Nagy, 2009a). Les tendances sont aussi semblables, car l’effectif a vraisemblablement atteint un maximum en 1992, compte tenu du dénombrement de 112 360 caribous (IC à 95 % = ± 25 566), puis a baissé jusqu’à une faible valeur dans la dernière décennie (Nagy et Johnson, 2006; Nagy, 2009a; Davison et al., 2014; Davison, comm. pers., 2016). La population est demeurée à environ 18 000 à 20 000 têtes de 2005 à 2012 avant de diminuer à 15 268 ± 1 369 en 2015 (Davison, comm. pers., 2016). La tendance sur trois générations pour cette sous-population est estimée à -87 % (IC à 95 % = -81 % à -92 %) (tableau 8).

b) Tendances relatives aux indices vitaux

Les ratios de petits de la mi-juin à la fin juin de la sous-population de Bluenose Ouest étaient faibles en 2000, mais plus élevés de 2001 à 2008 (tableau 9). La survie des petits à la fin de l’hiver était élevée en 2000 (40 petits:100 femelles) et faible en 2007 (26 petits:100 femelles). La survie des petits a augmenté en 2008 et en 2009 jusqu’à atteindre 42 à 44 petits pour 100 femelles et est tombée en 2011 à 32 petits pour 100 femelles (ENR/ACCWM, 2014).

Bluenose Est

a) Tendances relatives à la taille de la sous-population

Bluenose Est a été reconnue comme une sous-population distincte en 1999, et avait été auparavant incluse dans les sous-populations de cap Bathurst et de Bluenose Ouest (Nagy, 2009b). L’estimation maximale s’élevait à 104 000 bêtes (IC à 95 % = ± 22 100), selon le premier relevé photographique suivant la mise bas de 2000 (Patterson et al., 2004). Cette estimation a décliné à 70 081 (± 8 120) en 2005 et à 65 119 (± 3 504) en 2006 (Nagy et Tracz, 2006; Nagy et al., 2008). En 2010, un relevé photographique dans l’aire de mise bas a permis d’obtenir une estimation de 114 472 ± 6 908 (ET) (Adamczewski et al., 2013), mais après 2010, ces chiffres ont baissé de nouveau. En 2013, un relevé de l’aire de mise bas a permis d’estimer la population à 68 295 ± 7 610 (ET) (Davison, 2014), laquelle a décliné à 38 592 ± 4 733 (IC à 95 %) en 2015 (Boulanger, 2015). Cette baisse se traduit par un taux de déclin exponentiel de -0,29 entre 2013 et 2015. La tendance sur trois générations de la sous-population de Bluenose Est est estimée à -89 % (IC à 95 % = -66 % à -96 %) (tableau 8).

b) Tendances relatives aux indices vitaux

La survie des adultes n’est pas mesurée directement par la perte des colliers émetteurs, mais est estimée à l’aide de modèles de population (ENR, 2014). Les données limitées sur les taux de gravidité mesurés à l’aide d’échantillons fournis par des chasseurs et d’échantillons de sérum prélevés chez des femelles de la sous-population de Bluenose Est capturées pour la pose de colliers émetteurs étaient relativement contradictoires : les échantillons de chasseurs présentaient un taux de gravidité réduit (65 %) en 2010, tandis que les deux méthodes semblaient indiquer un taux faible (69 %) en 2012 (ENR, 2012). Les ratios petits:femelles de la fin de l’hiver étaient faibles et s’élevaient à 25:100 femelles en 2001; ils étaient élevés entre 2004 et 2011, avec 38 à 52 petits:100 femelles, et faibles de nouveau en 2012, 2014 et 2015, avec 27:100 femelles, 30:100 femelles et 21:100 femelles, respectivement (Cluff et al., en préparation). Le rapport des sexes en 2009 était de 43 mâles:100 femelles et de 42,9 mâles:100 femelles en 2013 (ENR, 2014).

Bathurst

a) Tendances relatives à la taille de la sous-population

Entre 1986 et 2009, la sous-population de Bathurst a décliné de 93 % et est passée d’un maximum de 472 000 caribous (ET ± 72 900) en 1986 à 31 982 caribous (ET ± 5 306) en 2009 (Heard et Williams, 1991; Boulanger et al., 2015). Le recensement de 2012 a estimé la population à 34 690 (ET ± 4 691), ce qui semble indiquer une stabilité, bien que le nombre de femelles reproductrices ait légèrement baissé (Boulanger et al., 2015). Le relevé photographique de juin 2015 dans les aires de mise bas a permis d’obtenir une estimation de 19 769 ± 7 420 caribous et de calculer un déclin annuel de 23 % des femelles reproductrices de 2012 à 2015 (Boulanger et al., 2015). La tendance sur trois générations pour la sous-population de Bathurst est estimée à -96 % (IC à 95 % = -93 % à -97 %) (tableau 8).

Les estimations de caribous de Bathurst sont extrapolées à partir des estimations, obtenues à l’aide de relevés photographiques, du nombre de femelles reproductrices dans les aires de mise bas (Nishi et al., 2010; Boulanger et al., 2011, 2014a,b; 2015). La précision des estimations varie, mais les six relevés disponibles étaient suffisants pour calculer une tendance globale, une analyse de régression par les moindres carrés pondérés et une simulation de Monte Carlo ayant permis d’estimer la tendance globale de la variation. La diminution du nombre de femelles reproductrices dans les aires de mise bas était non linéaire et de plus en plus marquée après 2003 : entre 2006 et 2009, le taux de déclin correspondait à diminution de moitié au 1,7 an environ (figure 16). D’après le recensement de 2012, le nombre de femelles reproductrices s’était stabilisé ou avait légèrement décliné à 15 935 (IC à 95 % = 13 009 à 18 861; Boulanger et al., sous presse). Toutefois, en 2015, le nombre de femelles reproductrices avait nettement chuté et s’élevait à 8 075 ± 3 467 (IC à 95 %) (Boulanger, 2015).

b) Tendances relatives aux indices vitaux

Le caractère fragmentaire des données de la sous-population de Bathurst empêche l’établissement de la tendance des taux de gravidité. Des échantillons provenant de 150 femelles tuées par des chasseurs à l’hiver 2005 montrent que la proportion of femelles gravides était de 63 % (Gunn, 2013). En mars 2008 et en avril 2009, 26 femelles adultes sur 26 (100 %) et 25 femelles sur 28 (89 %), respectivement, étaient en gestation au moment de la récolte (Adamczewski et al., 2009).

Le ratio petits:femelles mesuré au cours des années où l’on estime le nombre de femelles reproductrices dans les aires de mise bas est une autre mesure de la productivité. Les ratios des petits par rapport au nombre total de femelles ont décliné après 2006 (tableau 10). Toutefois, cette baisse des ratios depuis 2006 doit être interprétée avec prudence, car, au cours de la même période, la survie des femelles adultes a aussi diminué, ce qui exclut l’hypothèse d’une survie constante.

Entre 1985 et 1995, la survie moyenne des petits (comme l’indiquent les ratios petits:femelles de la fin de l’hiver) a varié tous les ans, mais entre 2001 et 2004, la survie a chuté de presque 50 % par rapport à celle de 1991-1995 (figure 17; Gunn et al., 2005). D’après les relevés sur la composition réalisés en automne à la fin du mois d’octobre de 2000, de 2001 et de 2004, la survie des petits était plus faible en été qu’en hiver (Gunn et al., 2005). De 2006 à 2009, les variations subséquentes de la survie des petits étaient relativement faibles, ce qui pourrait être lié à la survie à la baisse des adultes (Boulanger et al., 2011). Les ratios petits:femelles (figure 17) ont augmenté de 2009 à 2011 (45 ± ET 0,03), mais ont baissé de nouveau en 2012 (25:100), en 2014 (32:100) et en 2015 (24:100).

Figure 16. Tendances chez les femelles reproductrices (estimation + ET) de la sous population de caribous de Bathurst, de 1986 à 2015.
Tendances chez les femelles reproductrices (estimation + ET) de la sous population de caribous de Bathurst
Photo: © tiré de Boulanger et al., 2015
Description longue de la figure 16

Graphique illustrant les tendances du nombre de femelles reproductrices de la sous population de caribous de la toundra de Bathurst, de 1986 à 2015.

Tableau 10. Nombre de petits, de femelles reproductrices et de femelles non reproductrices, et ratio petits:100 femelles au pic de la mise bas de la sous-population de Bathurst, de 1986 à 2015 (compilé par Gunn et al., 1997; Gunn et al., 2005; Nishi et al., 2007, 2010; Boulanger et al., en 2014, en prép.).
Année Femelles reproductrices Femelles non reproductrices Nbre total de femelles Petits Petits:100 femelles
1986 670 157 827 604 73
1990 847 158 1 005 634 63
1996 3 273 467 3 740 2 954 79
2003 4 016 600 4 616 3 412 74
2006 4 373 1 348 5 721 2 878 50
2009 2 033 417 2 450 1 528 62
2012 3 563 843 4 406 2 595 59
2015 851 587 1 438 495 34
Figure 17. Ratios petits:100 femelles à la fin de l’hiver et erreur type pour la sous population de Bathurst de 1985 à 2012.
Ratios petits:100 femelles à la fin de l’hiver et erreur type
Photo: © Boulanger, données inédites
Description longue de la figure 17

Graphique illustrant la tendance des ratios petits:100 femelles à la fin de l’hiver et l’erreur type pour la sous population de caribous de la toundra de Bathurst de 1985 à 2012.

Il n’a pas été possible de mesurer directement les tendances de la survie des adultes compte tenu de la faible taille de l’échantillon des femelles portant un collier émetteur à transmission par satellite, d’où les estimations imprécises de la mortalité des femelles adultes. La modélisation démographique fondée sur la survie des petits et la taille de la sous-population semble indiquer que la survie annuelle des femelles adultes a décliné de 86 % en 1985 à 76 % en 2006 et à 78 % en 2009 (Boulanger et al., 2011). Les estimations plus récentes réalisées après l’entrée en vigueur en 2010 de restrictions visant la récolte étaient de 78 % en 2012 et 77 % en 2015 (GNWT, 2016).

Les données tirées des échantillons de 1992 et de 2008 donnaient à penser que la structure d’âge s’était déplacée vers un plus grand nombre de femelles des classes d’âge supérieures, mais la taille des échantillons était petite. La modélisation démographique laisse supposer que la possible tendance en faveur d’une structure d’âge plus vieille a pu contribuer aux dernières phases du déclin (2006-2009) de la sous-population (Boulanger et al., 2011).

Beverly et Ahiak

a) Tendances relatives à la taille de la sous-population

La sous-population de Beverly et celle d’Ahiak sont combinées lorsqu’il est question de calculer les estimations de population, car il existe deux façons d’interpréter les tendances récentes relatives à la répartition et à l’abondance (voir Sous-populations).

La sous-population de Beverly a été l’objet d’une reconnaissance en raison de ses aires de mise bas traditionnelles de l’intérieur du continent, au sud du lac Garry, documentées depuis les années 1950 (Thomas, 1969; Gunn et Sutherland, 1997b; BQCMBm, 2014a; Adamczewski et al., 2015). La sous-population d’Ahiak a été décrite en fonction des données sur la répartition des aires de mise bas le long de la côte du golfe de la Reine-Maud, des années 1940 jusqu’à maintenant (Gunn et al., 2000a, 2013a; Campbell et al., 2014). Les relevés aériens systématiques, effectués à l’aide d’un dénombrement visuel (appelés relevés aériens de reconnaissance) de 2007 à 2010, indiquent que l’utilisation des aires de mise bas de l’intérieur du continent par le caribou a diminué de façon marquée entre 1994 et 2007, alors que celle des aires de mise bas côtières, le long de la côte du golfe de la Reine-Maud, est demeurée la même (Johnson et al., 2008, 2009; Johnson et Williams, 2008).

Il ressort de l’une des interprétations de ces événements (Nagy et al., 2011; Campbell et al., 2014) qu’il existe actuellement deux sous-populations distinctes : Beverly et Ahiak. Selon cette interprétation, la répartition actuelle des aires de mise bas est divisée en deux parties, la partie ouest de l’aire de mise bas du golfe de la Reine-Maud correspondant à la sous-population de Beverly et la partie est (presqu’île Adélaide vers l’est jusqu’à la péninsule Simpson) correspondant à la sous-population d’Ahiak (Campbell et al., 2014). À l’opposé, Gunn et al. (2012, 2013a) et Adamczewski et al. (2015) ont conclu que la sous-population de Beverly a disparu, que la sous-population d’Ahiak (y compris les individus de l’ancienne sous-population de Beverly) met bas le long de la côte occidentale du golfe de la Reine-Maud jusqu’à l’inlet Chantrey vers l’est, et que les animaux situés à l’est de cet endroit appartiennent à deux ou trois autres sous-populations (Gunn et al., 2000a; figure 18).

Figure 18. Schéma illustrant l’emplacement relatif des aires de mise bas le long de la côte du golfe de la Reine Maud. Nom donné par Gunn et al. (2000a) et Campbell et al. (2014) aux sous populations de Beverly et d’Ahiak (il est à noter que Campbell et al. (2014) ont désigné le groupe du golfe de la Reine Maud de Nagy et al. (2011) comme étant la sous population d’Ahiak).
Schéma illustrant l’emplacement relatif des aires de mise bas le long de la côte du golfe de la Reine Maud
Description longue de la figure 18

Schéma illustrant l’emplacement relatif des aires de mise bas le long de la côte du golfe de la Reine Maud pour les sous populations de caribous de la toundra de Beverly et d’Ahiak.

Par conséquent, il existe deux interprétations différentes des tendances relatives à l’abondance selon la façon dont on définit les sous-populations de Beverly et d’Ahiak. Ces différentes délimitations des sous-populations, couplées à la faible fréquence des relevés, compliquent l’établissement des tendances pour l’une et l’autre des sous-populations. Toutefois, lorsque les deux groupes sont combinés, l’estimation globale de la population et les tendances récentes sont similaires pour ce qui est des deux interprétations (voir les notes au bas du tableau 6).

Entre 1984 et 1994 (3 générations avant aujourd’hui), la sous-population de Beverly, dont on savait qu’elle utilisait une aire de mise bas à l’intérieur du continental, était relativement stable; en 1994, cette sous-population a été estimée à 276 000 animaux (± 106 600; Williams, 1995). Entre 1994 et 2007, la sous-population a décliné de façon marquée; les résultats des relevés de 2007 à 2010 associés à cette aire de mise bas de l’intérieur du continent étaient si faibles qu’il était impossible d’établir des estimations de l’unité de population (Johnson et al., 2009). Au cours de cette période, il s’est produit une émigration vers l’aire de mise bas côtière dont le taux est inconnu. Selon l’une des interprétations, l’émigration de caribous depuis l’aire de mise bas de l’intérieur du continent jusqu’à l’aire côtière a commencé dans le milieu des années 1990 et s’est poursuivie jusqu’à au moins 2009 (Nagy et al., 2011). Selon une autre explication, le déplacement se serait produit plus tard, si l’on se base sur le fait que neuf femelles portant un collier sur 21 (43 %) et ayant mis bas dans l’aire traditionnelle de l’intérieur du continent de la sous-population de Beverly se sont déplacées vers la côte du golfe de la Reine-Maud entre 2007 et 2010 (Adamczewski et al., 2015).

Campbell et al. (2014) ont fait état d’une estimation d’environ 124 000 caribous en 2011 pour la sous-population de Beverly, qui utilisent vraisemblablement l’aire de mise bas côtière du centre-ouest (Nagy et al., 2011). Campbell et al. (2014 : page 97) n’avaient pas établi la tendance dans leur rapport sommaire, mais ont déclaré que l’estimation de 2011 se situait à la limite inférieure de l’intervalle connu de la taille de la sous-population de Beverly. En 2011, aucune femelle n’avait mis bas dans l’aire traditionnelle de l’intérieur du continent (Nagy et Campbell, 2012). Cela soulève la question de savoir si la sous-population de Beverly a effectivement disparu (Adamczewski et al., 2015) ou si elle a décliné et déplacé son aire de mise bas plus au nord, vers la côte (Campbell et al. 2014). Un déclin (quoique impossible à quantifier) serait cohérent avec les deux hypothèses.

Pour la sous-population d’Ahiak, les relevés successifs ont été modifiés pour ce qui est de la couverture et des efforts déployés. Comme pour la sous-population de Beverly, il existe deux interprétations de ce qui constitue l’aire de mise bas d’Ahiak : l’ensemble de la zone du golfe de la Reine-Maud, ou la partie est uniquement (figure 18).

Le premier relevé systématique (visuel et stratifié) dans l’aire de mise bas de la sous-population d’Ahiak a eu lieu en 1986 et a donné une valeur estimative de 11 265 ± 1 615 (ET) femelles reproductrices (Gunn et al., 2000b). L’aire de mise bas était une zone relativement petite, située à l’ouest de la presqu’île Adélaide, et était clairement délimitée. Le relevé de la zone effectué en 1996 était plus exhaustif et a permis d’obtenir une estimation de 83 134 ± 5 298 (ET) femelles reproductrices dans l’aire de mise bas (Gunn et al., 2000b). L’estimation de l’ensemble de la sous-population d’Ahiak a été extrapolée à quelque 200 000 caribous, d’après ce dernier échantillonnage (Gunn et al., 2000b). Les relevés subséquents n’ont pas été réalisés avant 2006-2010, période où on a effectué des relevés de reconnaissance le long de la côte du golfe de la Reine-Maud, y compris de la presqu’île Adélaide. Les estimations des relevés de 2006-2010 dans l’aire de mise bas côtière ont été utilisées pour cartographier la répartition et les densités relatives. La densité a été extrapolée pour obtenir une estimation de 235 000 caribous adultes en 2007, mais comme la couverture était faible (~7 %), on a conclu que toute estimation serait relativement imprécise et manquerait de puissance pour établir les tendances (Johnson et al., 2009; GNWT, données inédites).

Campbell et al. (2012) ont mené à bien un relevé exhaustif de la région centrale du golfe de la Reine-Maud jusqu’au nord-est du continent en juin 2011. Ils se sont servi des résultats du relevé pour estimer le nombre de caribous adultes et de jeunes d’un an dans la sous-population d’Ahiak (définie selon Campbell et al., 2014), qui s’élevait à 71 340 ± 3 882 (ET). Cependant, comme la zone de relevé comprenait la presqu’île Adélaide et s’étendait à l’est vers la péninsule Simpson, elle était beaucoup plus grande que celle des relevés antérieurs de l’aire d’Ahiak, ce qui a compliqué le calcul des tendances entre les estimations successives.

Une tendance peut être inférée à partir de la densité dans l’aire de mise bas, laquelle a été systématiquement mesurée pour les caribous adultes lors des relevés aériens effectués en juin (voir Activités et méthodes d’échantillonnage). La densité a triplé entre 1986 et 1996, et l’aire de mise bas s’est considérablement prolongée vers l’ouest (Gunn et al., 2013a). Des densités relativement stables entre 2006 et 2011 (Johnson et al., 2009; Campbell et al., 2014) ont été observées, mais durant cette période, une proportion inconnue de femelles de la sous-population de Beverly qui mettaient bas auparavant dans les aires de l’intérieur du continent se sont déplacées pour mettre bas plus au nord, le long de la côte (voir précédemment).

b) Tendances relatives aux indices vitaux

Les tendances relatives aux indices vitaux sont difficiles à établir, car il y a eu deux fréquences d’échantillonnage. Le suivi était régulier et plus exhaustif dans les années 1980, presque nul des années 1990 au milieu des années 2000, et certaines données ont été recueillies à partir de 2006.

Gravidité et productivité

Les tendances du taux de gravidité proviennent du suivi annuel de 1980 à 1987, période après laquelle le suivi est devenu rare. En outre, les méthodes ont changé et sont passées de l’examen des caribous récoltés au dosage de progestérone sérique chez les femelles adultes capturées pour la pose d’un collier émetteur à transmission par satellite. Le taux de gravidité global était de 87 % chez les caribous récoltés de 1980 à 1987, et le taux annuel de gravidité chez les femelles d’au moins 4 ans variait chaque année d’une moyenne faible de 76 % à 78 % à une moyenne élevée de 98 % à 100 % (Thomas et Barry, 1990a). En mars 2006, 70 % des femelles adultes munies d’un collier émetteur à transmission par satellite dans l’aire d’hivernage étaient gravides selon la concentration sérique de progestérone des échantillons prélevés en mars (Johnson et al., 2009). Toutefois, en avril 2008, 43 % des 30 femelles capturées étaient gravides (Johnson et Williams, 2008), et en mars 2012, le taux de gravidité était de 56 % (Williams, comm. pers., 2013). La productivité, comme l’indiquent les ratios petits:femelles dans l’aire de mise bas, a diminué entre 1988 et 2009.

Survie et recrutement des petits

Le ratio des petits par rapport au nombre de femelles, obtenu à l’aide des relevés sur la composition selon le sexe et l’âge effectués dans les aires d’hivernage à la fin de la saison, semble indiquer une tendance à la hausse de 2008 à 2011, mais la tendance apparente peut aussi illustrer une survie relativement faible des femelles adultes. Le rapport des sexes à l’automne (fin octobre) pour les sous-populations mixtes de Beverly et d’Ahiak était de 54 mâles:100 femelles (3,6 ET; 3 772 caribous et 41 groupes classifiés) en 2009 et de 69 mâles:100 femelles (2,4 ET; 12 4221 caribous et 252 groupes classifiés) en 2010 (GNWT, données inédites).

Structure d’âge et survie des adultes

Pour la période de 1980 à 1987, les taux de mortalité selon l’âge de la sous-population de Beverly ont été estimés à l’aide d’un grand échantillon de caribous récoltés pour l’établissement d’une table de survie (Thomas et Barry, 1990b). La mortalité augmentait progressivement, passant de 10,6 % entre l’âge de 2 et 3 ans et 11,3 % entre l’âge de 3 et 4 ans à 22,4 % entre l’âge de 10 et 11 ans au cours d’une période où la sous-population était considérée comme stable. Cette analyse de la structure d’âge souligne aussi l’importance des femelles d’âge moyen, car les taux de fécondité en fonction de l’âge ont révélé que 54 % de tous les petits étaient nés de femelles âgées de 3 à 6 ans. De 2007 à 2009, Boulanger (dans Adamczewski et al., 2015) a estimé que pour les femelles portant un collier émetteur à transmission par satellite et ayant séjourné au moins un an dans les aires traditionnelles de mise bas de la sous-population de Beverly, le taux de survie était faible et s’élevait à 0,58 (IC = 0,42 à 0,72), soit moins que celui des femelles de la sous-population d’Ahiak, qui était de 0,79 (IC = 0,67 à 0,88) pour la même période.

Qamanirjuaq

a) Tendances relatives à la taille de la sous-population

La sous-population de Qamanirjuaq a fait l’objet d’un premier relevé dans les années 1960, lorsque l’effectif était faible. La hausse qui a débuté dans les années 1970 s’est poursuivie dans les années 1980 jusqu’en 1994 (495 665 ± 105 426]; CV = 21 %). Les estimations de 1983, de 1985 et de 1988 étaient associées à un CV variant de 26 % à 52 %, et se situaient entre 230 000 et 272 000 caribous (résumé dans Campbell et al., 2010, 2015b). L’estimation était de 348 661 caribous (ET ± 44 861) en juin 2008 (Campbell et al., 2010) et de 264 718 caribous (IC à 95 % = 44 084) en 2014, ce qui révèle une baisse notable de 23 % entre 2008 et 2014 et un déclin de 47 % depuis le pic de 1994 (Campbell et al., 2015a).

b) Tendances relatives aux indices vitaux

Les ratios petits:femelles du printemps ont baissé de 1994 à au moins 2008, ce qui concorde avec le déclin probable indiqué par les estimations de l’abondance de 1994, de 2008 et de 2014 (Campbell et al., 2010, 2015a). La plupart des tendances de la survie des adultes n’ont pas été publiées mais, pour 1993-2003, le taux de survie annuel des femelles de la sous-population de Qamanirjuaq munies d’un collier émetteur à transmission par satellite était de 0,79 ± 0,043 (ET) durant la période où l’abondance a commencé à décliner (Boulanger et al., 2003).

Île southampton

a) Tendances relatives à la taille de la sous-population

Le nombre de caribous s’est accru après la réintroduction de 48 caribous provenant de l’île Coats, située à proximité, en 1968 : avant la réintroduction, un loup avait été observé pour la dernière fois en 1937 et le dernier caribou avait péri en 1957 (Heard et Ouellet, 1994). Les estimations sont basées sur les relevés en bande stratifiés de Campbell et Boulanger (2016). Le nombre de caribous a atteint un maximum de 30 381 (ET ± 3 982) en 1997. En 2003, la sous-population est tombée à 17 981 (IC à 95 % = ± 2 127) avant de se stabiliser à 15 452 (IC à 95 % = ± 1 858) en 2007; elle a continué à baisser et s’élevait à 7 287 (IC à 95 % = ± 1 045) en 2013 (Campbell, 2006, 2013). Selon le plus récent relevé, soit celui de mai 2015, l’effectif était estimé à 12 297 caribous (IC à 95 % = 1 844), ce qui correspond à un taux exponentiel de croissance de 0,262 depuis le précédent relevé. Ces chiffres peuvent toutefois s’expliquer par l’immigration d’individus provenant du Nunavut continental, comme l’indiquent plusieurs comptes rendus de pistes observées sur la glace de mer à l’hiver 2013-2014 (Campbell et Boulanger, 2016). La tendance sur trois générations de la sous-population de Southampton est estimée à + 113 % (IC à 95 % = 31 % à 232 %).

b) Tendances relatives aux indices vitaux

Southampton est une grande île sans prédateurs (43 000 km2). Le suivi des indices vitaux est largement fondé sur l’examen de caribous tués dans le cadre d’une récolte commerciale pour lesquels on mesure des indicateurs de graisse corporelle, détermine l’alimentation, la gravidité, l’âge (par le cément de la dent) et recherche les maladies et les parasites. Campbell (2006, 2013) a résumé les tendances touchant l’état corporel durant un déclin de population ayant eu lieu entre 1995 et 1998, puis au cours d’une hausse en 2000. La formation de glace à l’automne de 1998, de 2005 et de 2010 pourrait avoir eu des effets sur l’état corporel, qui s’est dégradé (Campbell, 2006), et pourrait avoir causé des mortalités à l’hiver 2010-2011 (Coral Harbour HTO & GN, 2013).

La présence de caribous de Southampton est inhabituelle parmi les caribous migrateurs de la toundra, car une éclosion de maladie attribuable au Brucella suis a eu une incidence sur la reproduction et la dynamique de la population. La brucellose n’a pas été signalée avant l’an 2000, moment où une prévalence de 1,7 % a été décelée lors de récoltes commerciales. Cette prévalence a grimpé à 51,5 % en 2006, puis est tombée à 37 % en 2011 (Campbell et Boulanger, 2016). La brucellose a probablement contribué aux tendances du taux de gravidité, qui était élevé (80 %) en 1997, a baissé à 60 % en 2003 puis à 36,3 % en 2008, et se situait à 55,6 % en 2010 et à 37,0 % en 2011 (Campbell, 2013). La proportion faible de mâles dans la force de l’âge (12 % de mâles dans la force de l’âge et 20 % de jeunes mâles en avril 2005; Campbell, 2006) a probablement aussi contribué au faible taux de gravidité.

Île Coats

Sur l’île Coats (5 600 km2), l’effectif a fluctué, et deux mortalités massives ont été enregistrées entre 1961 et 1991 (Gates et al., 1986; Ouellet et al., 1996). Aux hivers 1974-1975 et 1978-1979, le taux de mortalité massive a été d’environ 70 % et 50 %, respectivement. L’estimation de juin 1984 était de 2 130 ± 228 (ET) caribous (Gates et al., 1986). Un relevé systématique aérien comportant une couverture de 20 % a été effectué en 1991, mais n’a pas donné lieu à des estimations; toutefois, d’après une valeur de densité de la population, on peut estimer la population à environ 500 caribous (figure 1 dans Ouellet et al., 1996). Sur l’île, la tendance globale de l’abondance du milieu des années 1970 à 1991 était à la baisse, mais il n’existe aucune donnée sur l’état de cette sous-population depuis. Il n’y a pas non plus d’information sur les tendances relatives aux indices vitaux.

Nord-est du continent (y compris Baie Wager et Lorillard)

Le nord-est du continent a été défini comme une zone géographique de relevés pour la première fois en 1983 pour réunir plusieurs aires de mise bas connues (baie Wager, Lorillard et Melville Sud ainsi que des zones n’ayant pas été l’objet de relevés auparavant; Heard et al., 1986; voir l’annexe B). Les relevés subséquents ont été rares et variaient quant à leur moment et à la délimitation des zones. La zone du nord-est du continent ayant fait l’objet de relevés en 1983 et en 1995 chevauche actuellement la baie Wager, c’est-à-dire la population d’Ahiak (telle que définie dans Campbell et al., 2014) et les groupes de Lorillard, selon les données limitées de télémétrie (Nagy et Campbell, 2012). Les aires de mise bas n’ont pas été définies.

a) Tendances relatives à la taille de la sous-population

Tout le nord-est du continent a été l’objet d’un relevé aérien au cours de la période précédant la mise bas, au début de mai 1983, et on a utilisé les mêmes méthodes et la même zone de relevé à la fin de mai 1995 (figure 19; Heard et al., 1986; Buckland et al., 2000).

D’après les deux relevés réalisés avant la mise bas (de la côte du golfe Queen Maud et l’est, et depuis Chesterfield Inlet vers le nord), l’effectif est tombé à 72 395 caribous (ET ± 7 857) en mai 1995, à la suite d’un pic de 120 000 (ET ± 13 900) atteint en mai 1983 (Heard et al., 1986; Buckland et al., 2000). Les estimations de 1983 et de 1995 étaient fondées sur des relevés aériens stratifiés par transects en bande effectués dans les mêmes zones de relevé et avec les mêmes méthodes (Buckland et al., 2000). La répartition du déclin était inégale, car il n’y avait essentiellement aucun changement dans la zone occidentale (côte du golfe de la Reine-Maud et presqu’île Adélaide), alors qu’on a noté une réduction de 66 % de l’abondance au nord de la baie Wager et dans la presqu’île Melville (Buckland et al., 2000).

Une partie de l’aire de mise bas a été l’objet d’un relevé en 2010 et en 2011 (Campbell et al., 2014). La tendance entre mai 1995 et juin 2011 était une hausse de 38 % (71 340 ± ET 3 882). Cependant, l’incertitude est élevée, car on a comparé un relevé réalisé avant la mise bas et un autre réalisé durant la période de mise bas, et les zones de relevé ne se chevauchent pas complètement.

Figure 19. Schéma illustrant la relation entre la zone de relevé précédant la mise bas de 1983 et de 1995, celles de juin 1999-2004 et celle de juin 2011.
Schéma illustrant la relation entre la zone de relevé précédant la mise bas
Photo: © tiré de Buckland et al., 2000, Campbell, 2005 et Campbell et al., 2014
Description longue de la figure 19

Schéma illustrant la relation entre la zone de relevé précédant la mise bas de 1983 et de 1995, celles de juin 1999 2004 et celle de juin 2011.

Les relevés effectués avant la mise bas en 1983 et en 1995 ont permis d’établir une baisse de l’abondance de 66 % entre 1983 et 1995 au nord de la baie Wager et sur la presqu’île Melville (Heard et al., 1986; Buckland et al., 2000). Puis, deux aires de mise bas (baie Wager et Lorillard) ont fait l’objet d’un relevé une année sur deux durant la période de mise bas entre 1999 et 2004 (Campbell, 2005). Les estimations qui résultent des relevés aériens par transects en bande étaient imprécises (CV = 15 % à 52 %). La moyenne des trois estimations de chacune des deux aires de mise bas (1999-2004) semble indiquer que 41 000 caribous (ET ± 8 200) ont utilisé les deux aires de mise bas. Le chevauchement des estimations des relevés effectués avant la mise bas (1995; Buckland et al., 2000) et des estimations moyennes des relevés durant la mise bas (1999-2004) (Campbell, 2005) laisse croire que, entre ces années, la tendance était stable, même si l’incertitude était grande.

Par la suite, une partie de la zone des relevés effectués en 1983 et en 1995 avant la mise bas a fait l’objet d’un relevé pendant la mise bas en 2010 et en 2011 (presqu’île Adélaide et est de l’inlet Chantrey vers la péninsule Simpson, y compris cette péninsule). Auparavant, dans les années 1990, les relevés aériens et les colliers émetteurs à transmission par satellite avaient indiqué que les basses terres Arrowsmith, la baie Keith, le lac Simpson et la péninsule Simpson étaient des aires de mise bas. Or, en 2010 et en 2011, Campbell et al. (2014) n’ont pas fait de distinction entre ces quatre aires de mise bas et ont inclus le dénombrement dans la sous-population d’Ahiak, estimée à 71 340 ± 3 882 (ET) (voir ci-dessus). Il s’agit d’une augmentation depuis mai 1995 (44 100 ± 8 080) dans une zone de relevé se chevauchant presque complètement, mais l’incertitude est élevée, car on a comparé un relevé précédant la mise bas et un relevé effectué durant la mise bas, séparés par une période de 16 ans.

Presqu’île de Boothia

Le relevé systématique par transects en bande effectué en juin 1985 dans la presqu’île de Boothia avait une couverture de 10 % à 20 % et a permis d’estimer la population à 4 830 caribous (ET ± 540), ce qui représente un triplement depuis le milieu des années 1970 (Gunn et Ashevak, 1990). Le relevé de 1985 a été répété en juillet 1995, et a donné une estimation de 6 658 individus (ET ± 1 728) (Gunn et Dragon, 1998). On a réalisé un relevé aérien en juin 2006 (Dumond, 2006), mais les résultats ne sont pas disponibles.

Île de Baffin

a) Tendances relatives à la taille de la sous-population

Entre 1991 et 2014, les caribous de l’île de Baffin ont connu un déclin de 98 %, mais il existe une grande incertitude quant aux estimations de population et aux tendances résultantes. On dispose d’information sur les tendances relatives (Ferguson et al., 1998; Baffinland, 2012), mais les estimations de l’abondance se limitent à des zones de relevé relativement petites du sud et du nord de l’île (507 451 km2). Ferguson et Gauthier (1992) se sont servi de ces relevés et de données de spécialistes pour avancer qu’en 1991, la population de caribous était stable et s’élevait à 60 000 à 180 000 caribous dans le sud de l’île, à 50 000 à 160 000 caribous dans le nord de l’île et à plus de 10 000 caribous dans la partie nord-est de l’île.

Jenkins et Goorts (2011) ont réalisé un relevé aérien de reconnaissance systématique et ont dénombré 47 et 119 caribous après avoir volé sur une distance de 4 587 et 7 186 km en 2008 et en 2009, respectivement. Ces chiffres ont été considérés comme trop faibles pour produire des estimations (Jenkins et Goorts, 2011). Jenkins et al. (2012) ont survolé le sud de l’île pour effectuer un relevé stratifié et exhaustif avec deux hélicoptères assurant une couverture relativement grande dans le but d’accroître la précision et l’échantillonnage à distance (transects linéaires) et de réduire le biais. L’estimation s’élevait à 1 065 caribous (IC à 95 % = +/- 2 067).

En 2014, des relevés plus étendus ont couvert le nord, le nord-est et le sud de l’île de Baffin au moyen de transects linéaires et de la méthode des deux observateurs (Campbell et al., 2015a). L’estimation globale pour l’île de Baffin était de 4 652 caribous (ET = 702,79). L’abondance était faible dans le nord de l’île, car on estimé un effectif de 315 caribous (IC à 95 % = 159 à 622). Environ le tiers des caribous estimés dans le sud étaient concentrés sur l’île Prince-Charles (9 521 km2), qui comptait 1 603 (1 158 à 2 200) têtes (Campbell et al., 2015b).

b) Tendances relatives aux indices vitaux

L’information est rare sur les indices vitaux des caribous de l’île de Baffin. Le taux de gravidité semble être variable tous les ans, mais les échantillons étaient petits. Selon les prélèvements d’avril 1992 (n = 15), d’avril 1993 (n = 19) et de mars 1999 (n = 13), les taux de gravidité étaient de 67 %, 79 % et 69 %, respectivement. Les taux de gravidité des caribous femelles munies d’un collier en 2009 et en 2010 étaient de 89 % et 88 % pour 28 et 16 femelles, respectivement. Toutefois, en 2009, aucune des neuf femelles ayant un collier ne semblait élever un petit (Baffinland, 2012). L’âge moyen s’est accru entre 1992 et 1999 et est passé de 5,8 à 7,5 années (données de B. Elkin présentées dans Baffinland, 2012). Sur les 32 femelles munies d’un collier en 2008 et en 2009, 13 avaient été récoltées, 5 étaient mortes de causes naturelles et 4 étaient décédées d’une cause inconnue en 2011 (Jenkins et Goorts, 2011).

Résumé : abondance et tendances de la population

Sur les 13 sous-populations utilisées pour calculer les estimations de population (tableau 8), seules deux sous-populations, celle de Porcupine et celle de l’île Southampton, sont en croissance; cette dernière a vraisemblablement bénéficié d’une immigration provenant du continent (Campbell et Boulanger, 2016). Huit sous-populations sont actuellement en déclin, et la tendance de trois sous-populations est inconnue en raison de la rareté des relevés. Pour la plupart des sous-populations d’envergure, on dispose d’une quantité suffisante de données obtenues par relevés pour discerner les tendances (figure 20), à l’exception de l’unité de Beverly-Ahiak, pour laquelle le déclin ne peut pas être quantifié pour le moment. Comme plusieurs zones ont peu fait l’objet de relevés, il subsiste des interrogations sur la structure de la sous-population et les tendances.

Les données disponibles étaient suffisantes pour modéliser la variation de population de 7 sous-populations de caribous de la toundra sur 13, soit environ 70 % de la population totale. Quatre de ces sous-populations ont connu un déclin de plus de 80 % durant les trois dernières générations. Les autres sous-populations semblent baisser; certaines (île de Baffin) semblent décliner considérablement. La variation totale dans les sept sous-populations correspond à un important déclin médian estimé à -56,8 %. Cet important déclin n’a pas varié en fonction de la méthode utilisée, de la durée d’une génération (intervalle interquartile : -54,3 % à -57,8 %; figure 14) ou de l’imprécision des estimations issues des relevés (IC à 95 % simulé = -17,0 à -76,3 %; tableau 8).

D’après les connaissances traditionnelles autochtones et l’étude scientifique, les populations de caribous de la toundra subissent des fluctuations naturelles de leur abondance, qui varie de faible à élevée; dans certaines sous-populations, ces fluctuations semblent suivre des cycles. Pour le moment, les données démographiques disponibles sur les sous-populations en déclin ne fournissent aucune indication d’une augmentation imminente, et laissent croire qu’il existe plus d’un mécanisme ayant des effets sur le caribou dans le temps, selon la sous-population. Trois sous-populations semblent s’être stabilisées à un nombre exceptionnellement bas et sont ainsi plus sensibles aux événements stochastiques imprévisibles, par exemple une vague de chaleur ou une tempête de verglas sans précédent, ou une éclosion de maladie. Par ailleurs, l’environnement, l’habitat et le régime de récolte de bon nombre de ces sous-populations ont subi des changements cumulatifs potentiellement importants et sans précédent (voir Tendances en matière d’habitat, Menaces). On ignore les répercussions de ces changements sur les fluctuations de population et le rétablissement. Bien qu’un certain nombre de mesures de gestion soient en cours d’élaboration et de mise en œuvre, comme l’arrêt de la récolte (voir Menaces), leur efficacité est inconnue pour l’heure. C’est pourquoi il serait imprudent de présumer qu’un rétablissement naturel aura lieu, du moins jusqu’aux valeurs enregistrées dans les années 1990, pour bon nombre des sous-populations (tableau 6 et tableau 7).

Figure 20. Estimations disponibles issues de relevés rigoureux réalisés sur trois générations pour six sous populations d’envergure de caribous de la toundra représentant environ 67 % de la population totale. Voir l’annexe C pour obtenir des détails sur les données, dont les estimations d’erreurs.
Estimations disponibles issues de relevés rigoureux réalisés sur trois générations pour six sous populations d’envergure de caribous
Description longue de la figure 20

Six graphiques illustrant les estimations disponibles issues de relevés rigoureux réalisés sur trois générations pour six sous populations d’envergure de caribous de la toundra représentant environ 67 % de la population totale.

Immigration de source externe

L’aire de répartition du caribou de la toundra est délimitée par cinq autres UD de caribous (ainsi que par la harde de Forty-Mile, qui n’a pas été placée dans une UD), dont chacune inclut des caribous ayant un comportement, des déplacements, une morphologie, une phylogénétique et/ou une génétique distincts (COSEWIC, 2011). Dans le cas du caribou de Peary (UD1), de la population de Dolphin-et-Union (UD2), du caribou boréal (UD6) et du caribou des montagnes du Nord (UD7), la répartition saisonnière chevauche celle du caribou de la toundra dans certaines régions, et les caribous demeurent distincts (COSEWIC, 2011). Dans de tels cas, l’immigration de source externe ne s’appliquerait pas.

L’aire de répartition de la sous-population de la Porcupine s’étend de façon saisonnière en Alaska, où elle est adjacente à l’aire de répartition d’autres sous-populations qui pourraient faire partie de la même UD (voir Aire de répartition mondiale). Ainsi, l’immigration de source externe pour la sous-population de la Porcupine pourrait être possible si la sous-population déclinait énormément et que les sous-populations voisines étaient très abondantes. Les individus provenant d’autres sous-populations survivraient probablement, même s’ils se trouvaient dans des territoires non familiers. Cependant, les sous-populations alaskiennes sont également en déclin à l’heure actuelle; la population du centre de l’Arctique voisine comptait 22 000 caribous en 2016, comparativement à environ 70 000 caribous en 2010 et 50 000 en 2013 (USFWS, 2017). Toutefois, la répartition de la sous-population de la Porcupine est limitée à l’est par la vallée et le delta du Mackenzie. L’immigration de source externe serait donc limitée à la portion ouest de l’aire de répartition du caribou de la toundra. Les tendances actuelles des trois sous-populations migratrices de l’Alaska qui se trouvent à l’ouest de la sous-population de la Porcupine sont toutes à la baisse (Parrett et al., 2014), ce qui réduit davantage la probabilité d’une immigration de source externe.

Menaces et facteurs limitatifs

Facteurs limitatifs naturels

Malgré les changements observés dans l’abondance du caribou, on ne comprend pas bien la façon dont les facteurs limitatifs naturels (prédation, disponibilité de la nourriture et parasites) interagissent. La prédation et les parasites sont vraisemblablement à leur plus fort lorsque l’abondance des caribous est en déclin ou que les effectifs des populations sont faibles (un taux de mortalité constant a plus d’effets lorsque les effectifs sont plus faibles; voir Prédation). Les effets limitatifs possibles de la disponibilité de la nourriture lorsque les populations de caribous atteignent des sommets (Henry et Gunn, 1991; Zamin et Grogan, 2013) sont importants. La disponibilité de la nourriture et les interactions avec la dynamique des populations de caribous seraient un facteur limitatif pour la sous-population de Bathurst (Chen et al., 2014) ainsi que pour les sous-populations d’autres UD de caribous (Manseau et al., 1996; Mahoney et Schaefer, 2002). Le cycle de croissance des lichens est lent, et des lichens pourraient ne pas être disponibles pour les caribous jusqu’à 50 ans après un feu (Barrier et Johnson, 2012). Barrier (2011) a mentionné qu’en raison de la faible densité actuelle de la population, l’aire d’hivernage ne constituait pas un facteur limitatif pour la sous-population de Bathurst en 2010, et que la disponibilité du lichen en hiver pourrait ne pas être une cause de déclin (Barrier et Johnson, 2012). Cependant, il s’agit d’un mécanisme qui serait important dans la dynamique d’autres caribous migrateurs (Messier et al., 1988; Joly et al., 2009). Heard et Williams (1992) ont décrit un mécanisme de dynamique des populations basé sur l’interaction entre la prédation, l’alimentation et les déplacements des caribous; les hypothèses fondamentales de ce mécanisme ont été appuyées par les observations de Klaczek et al. (2016) sur le caribou de Bathurst, qui laissent penser que même lorsque le nombre de caribous est bas, les loups sont tout de même efficaces pour les chasser. Les interactions entre la nourriture, la prédation (particulièrement le stress causé par la prédation) et les parasites constituent également un mécanisme potentiel expliquant les déclins de caribous.

Menaces

Perturbation et perte de l’habitat

Les perturbations (réponses comportementales à l’exploration et à l’exploitation industrielles et perte d’habitat découlant indirectement de ces activités) constituent une menace pour de nombreuses espèces migratrices (Wilcove et Wikelski, 2008). Les réponses comportementales aux perturbations causées par les activités humaines et industrielles (voir par exemple Stankowich, 2008) incluent le déplacement à l’échelle locale (Boulanger et al., 2012), qui est considéré comme une perte d’habitat indirecte (voir Tendances en matière d’habitat). La perte incrémentale et cumulative d’habitat peut être causée par l’empreinte des mines, des champs de pétrole et de gaz naturel et des routes qui agissent comme obstacles partiels aux déplacements. Les changements ou l’absence de migration en réponse aux activités humaines sont reconnus comme une menace pour d’autres ongulés migrateurs (Berger, 2004; Berger et al., 2008), mais on manque d’information à ce propos pour le caribou de la toundra (WRRB, 2016). Des études sur les voies migratoires ont seulement été effectuées dans le cas des sous-populations visées par des évaluations environnementales pour des mines (p. ex. sous-populations de Baffin, de Qamanirjuaq et de Bathurst).

La perte d’habitat résultant des effets cumulatifs du développement peut être une menace, mais les seuils exacts sont incertains et difficiles à évaluer (p. ex. 7-12 % dans le cas de la sous-population de Bathurst) (De Beers, 2012). Les progrès réalisés dans la gestion et l’atténuation des effets cumulatifs sont lents et inégaux dans l’aire de répartition de cette UD (Gunn et al., 2014). À titre d’exemple, le besoin de gérer les effets cumulatifs a été mis de l’avant dans l’évaluation de 1996 portant sur la première mine de diamants des Territoires du Nord-Ouest (CEAA, 1996) et dans les évaluations subséquentes visant les trois mines de diamants suivantes, de 2000 à 2012 (Lutsel Ké Dene First Nation, 2012; Tlicho Government, 2012).

Il n’y a aucune preuve directe montrant que les perturbations cumulatives et la perte d’habitat sont des facteurs contribuant au déclin de la sous-population de Bathurst, mais l’ampleur croissante du développement est considérée comme un facteur contributif (Lutsel Ke Dene First Nation, 2012). Selon des modèles informatiques (Gunn et al., 2011c; De Beers, 2012), les effets cumulatifs des réponses comportementales et des déplacements locaux attribuables à l’exposition aux mines actuelles et futures pourraient avoir des effets modérés à l’échelle de la sous-population en causant une réduction des taux de gravidité et de survie des petits en une seule génération.

Chasse excessive

Le caribou de la toundra est chassé depuis des milliers d’années, et la chasse est une partie importante de la vie des peuples autochtones (SARC, 2016). Les possibilités de récolte varient selon les déplacements et la répartition de la sous-population par rapport à l’emplacement des collectivités dans l’aire de répartition de la sous-population et à proximité de celle-ci. Le nombre d’animaux récoltés peut également varier selon que le caribou est chassé à des fins commerciales ou pour envoyer de la viande à des collectivités éloignées. On ne sait pas si la chasse constitue une menace et, le cas échéant, on comprend mal les conditions faisant en sorte qu’elle devient une menace. De plus, les données sur le nombre d’animaux récoltés sont souvent incomplètes. La synchronisation relative au sein des sous-populations en ce qui concerne les pics, les déclins et les planchers d’effectifs ainsi que le chevauchement des aires d’hivernage de sous-populations voisines et les changements de pression de chasse entre ces dernières rendent la gestion de la récolte difficile. Du point de vue des connaissances traditionnelles, le lien entre la chasse et la dynamique des populations n’est pas bien compris (Spak, 2005; Sandlos, 2007; Wray et Parlee, 2013), et est d’autant plus complexe qu’il existe une perception culturelle voulant que la récolte soit importante pour la santé des sous-populations (Parlee et Furgal, 2010).

La compréhension de la pression exercée par la chasse est complexe à cause de la difficulté d’obtenir le nombre réel d’animaux récoltés pour une sous-population donnée. Les sous-populations sont chassées par de nombreuses collectivités de façon inégale. L’information ne fait généralement pas l’objet d’un suivi par les gouvernements territoriaux. Dans certains cas, les données sont recueillies à l’échelle de la collectivité. Au Nunavut, la déclaration des prises se fait sur une base volontaire. Pour ce qui est de la sous-population de Bathurst, le projet Dogrib Harvest Study (basé sur des entrevues dans la collectivité et échelonné de 1989 à 1993) a mis en lumière une augmentation initiale, le nombre de caribous récoltés étant passé de 8 000 durant les deux premières années à une récolte stable d’environ 20 000 caribous par année de 1989 à 1993 (Boulanger et al., 2011). La récolte par les résidents (chasseurs non autochtones) a atteint un sommet en 1993, avec 1 800 caribous de la toundra (données pour les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut) avant de diminuer à moins de 100 individus en 2007 dans les Territoires du Nord-Ouest seulement; les données sont inconnues pour le Nunavut, mais les chiffres sont probablement aussi faibles (Carrière, 2012). On a recommencé à obtenir de l’information au sujet de la chasse de subsistance grâce à des stations de contrôle routier et à des entrevues en 2007-2008 et en 2008-2009. La récolte d’hiver a été estimée à 3 380-5 424 caribous, principalement des femelles (Adamczewski et al., 2009). En 2010, la récolte a été limitée à 300 caribous et, en 2016, aucun caribou ne pouvait être récolté (WRRB, 2016). Les taux de récolte ont été rapportés annuellement au Conseil de gestion des caribous de Beverly et de Qamanirjuaq (Beverly-Qamanirjuaq Caribou Management Board) (BQCMB, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010a), mais on ignore de quelle manière exactement les taux ont été estimés et comment on a déterminé à quelle sous-population les individus récoltés appartenaient lorsque les aires d’hivernage des sous-populations de Bathurst, de Beverly, d’Ahiak et de Qamanirjuaq se chevauchent. Après 2008-2009, le Conseil de gestion n’a plus été en mesure de consigner les récoltes parce que les organismes gouvernementaux ne faisaient plus parvenir l’information, et il était difficile de déterminer de quelle sous-population provenaient les individus récoltés. Les taux de récolte dans les aires de répartition de la toundra sont également difficiles à attribuer à des sous-populations puisque les données sont recueillies pour les collectivités individuelles. De 1996 à 2001, la récolte annuelle de caribous à Baker Lake variait de 2 230 à 3 116 animaux, selon les limites supérieures de l’erreur-type (Priest et Usher, 2004). Les tendances des récoltes de Baker Lake sont actuellement mesurées dans le cadre d’une étude de surveillance de la mine d’or d’Agnico-Eagle à Meadowbank (Gebauer et al., 2013); cette étude suit les changements relatifs à la récolte qui sont attribuables à la mine.

Une partie des données recueillies pour certaines sous-populations indique des conséquences manifestes de la récolte à l’échelle de la population. Sur les 32 femelles adultes munies d’un collier émetteur dans le nord de l’île de Baffin de 2008 à 2011, 13 individus ont été récoltés par les chasseurs locaux. Ce taux de 41% met en évidence la pression exercée par la chasse dans le nord de cette île (Campbell et al., 2014). Campbell et al. (2014) ont également noté une augmentation des récoltes résultant directement des activités de recherche, certains chasseurs locaux s’étant rendus dans la zone du relevé pour chasser les caribous observés durant les relevés. La chasse excessive est devenue la principale menace pour la viabilité à long terme de la population de Southampton, et un marché d’exportation en expansion au Nunavut a entraîné des taux de récolte bien au-delà des limites permettant le maintien d’une population durable (Campbell et Boulanger, 2016).

Il est plus probable que la menace que représente la chasse augmente lorsque le suivi est mal compris et entraîne des retards dans la gestion. Par exemple, il y a eu un délai de sept ans entre les premières observations d’un déclin (2003) et la mise en œuvre de restrictions de chasse (2010) ciblant la sous-population de Bathurst (GNWT, 2016; voir Tendances des sous-populations). Le déclin s’est accéléré durant cette période. De plus, on considère que l’absence de suivi rend difficile l’application de mesures de gestion en temps opportun afin d’éviter la possible baisse dramatique de l’utilisation des aires de mise bas traditionnelles par la sous-population de Beverly (BQCMB, 2014b; Adamczewski et al., 2015).

Lorsque le nombre de caribous de la toundra est plus bas que la normale selon le régime de fluctuation naturelle, tout effet de la chasse exacerbera les autres menaces, et le rétablissement peut se faire plus lentement (Beaulieu, 2012). Comme l’a dit le Groupe de travail sur la gestion du caribou de Bluenose, on ne peut pas s’attendre à ce que les populations de caribous augmentent alors qu’on ne fait que les chasser (Bluenose Caribou Management Working Group [Tsiigehtchic] dans Benson, 2015, p. 55). En période de déclin, il est plus probable que la chasse présente une menace, car l’accès facilité par les routes d’hiver et l’évolution des technologies entraînent un décalage entre l’effort de chasse et l’abondance du caribou, et le taux de récolte demeure stable malgré la baisse de l’abondance (Mullon et al., 2005; Fonzo et al., 2013; SARC, 2016). À titre d’exemple, dans la sous-population de Bathurst, le déclin s’est accéléré à mesure que le taux de récolte constant a augmenté, passant de 2-4 % à 10-16 % de la sous-population (Boulanger et al., 2011). Récemment (au cours d’une génération de caribou), la technologie liée à la chasse a changé, par exemple dans l’île de Baffin (DOE-GN, 2013) et les Territoires du Nord-Ouest (Nesbitt et Adamczewski, 2009). De tels changements, qui comprennent les motoneiges à forte puissance et les vols nolisés, rendent la chasse plus facile. De même, l’accès routier accru est souvent cité comme une cause de l’augmentation de la pression exercée par la chasse, et les observations directes de l’augmentation des taux de récolte et des changements de sites de chasses facilités par les nouveaux accès routiers sont souvent mentionnées aux conseils de gestion du caribou (voir par exemple Wakelyn, comm. pers., 2013). Cependant, on manque de données de nature généralement quantitative. Une exception s’applique dans le cas du suivi de la chasse sur la route toutes saisons construite pour desservir la mine de Meadowbank, au nord de Baker Lake; la chasse de caribous des sous-populations de Lorillard, de la baie Wager et d’Ahiak a augmenté le long de la route, mais a possiblement diminué ailleurs (Gebauer et al., 2013).

De 2007 à 2015, la planification de gestion ciblant six sous-populations (Baffin, cap Bathurst, Bluenose Ouest, Bluenose Est, Bathurst et Southampton) a permis d’établir des restrictions de chasse en réponse aux déclins. Par exemple, conformément aux recommandations du Conseil consultatif de la gestion de la faune (Territoires du Nord-Ouest), de l’Office des ressources renouvelables des Gwich'in et de l’Office des ressources renouvelables du Sahtu, toute récolte de caribous de la sous-population de Bluenose Ouest par des non-Autochtones a été interdite à partir de 2006. Les conseils de cogestion ont également recommandé que la chasse par des Autochtones soit réduite, ce qui a été fait à partir de 2007. Dans le cas de la sous-population de Bluenose Ouest, la récolte totale autorisée a été établie à 4 % (712 caribous) en 2007-2008, avec la recommandation de chasser les mâles à 80 % de cette récolte (Davison, 2014). En réponse au déclin de la sous-population de Bluenose Est de 2000 à 2010, l’Office des ressources renouvelables du Wek’eezhii a recommandé de cesser le commerce de la viande de caribou, de fermer les pourvoiries et de mettre fin à la récolte par les résidents. L’Office a également recommandé de restreindre la récolte par les Autochtones à 2 800 caribous par année (ratio de mâles et de femelles de 85:15) et, en 2016, de réduire la récolte à 750 caribous par année (WRRB, 2010a, 2016). La récolte de la sous-population de Bathurst, qui était en déclin, a fait l’objet de restrictions sévères en 2010 (limite de 300 caribous dans les Territoires du Nord-Ouest), puis à nouveau en 2014, lorsqu’on a fixé la limite à une récolte de 15 mâles à des fins rituelles (GNWT, 2015). Après que des relevés ont permis de noter un déclin de plus de 90 % du nombre de caribous dans l’île de Baffin, le gouvernement du Nunavut a imposé un moratoire provisoire de la récolte de l’espèce dans l’île à partir du 1er janvier 2015, qui a été remplacé par un quota de 250 mâles en août 2015. En réponse aux déclins des effectifs, la récolte du caribou de l’île Southampton a été assujettie à des restrictions en 2012 (Campbell et Boulanger, 2015).

Les résidents du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest peuvent chasser le caribou de la Porcupine (deux étiquettes pour des mâles par saison) dans leurs territoires respectifs. On autorise également au Nunavut une récolte par les résidents de cinq caribous de n’importe quelle sous-population par saison. Les restrictions de récolte (2007-2010) ont initialement fait cesser ou diminuer le taux de déclin, du moins dans les sous-populations du cap Bathurst et de Bluenose Ouest, mais les déclins ont continué ou ont recommencé de 2012 à 2015 dans les sous-populations du cap Bathurst, de Bluenose Ouest, de Bluenose Est et de Bathurst, ce qui donne à penser que la planification de la gestion reposant sur des restrictions de récolte a ses limites.

Même si la sous-population de caribous de la Porcupine affiche actuellement une tendance à la hausse, elle a fait face à un possible déclin important au début des années 2000, et il n’y a pas d’estimation fiable de la sous-population. Ainsi, le Conseil de gestion de la harde de caribous de la Porcupine a travaillé avec les huit gouvernements qui ont des responsabilités de gestion de la harde afin d’élaborer un plan de gestion exhaustif de la récolte du caribou de la Porcupine (Porcupine Caribou Harvest Management Plan, 2010) et un plan de mise en œuvre (Implementation Plan, 2010) connexe. Ces plans établissent des déclencheurs de gestion pour différents niveaux d’effectifs et énoncent des exigences liées au suivi et à la déclaration des récoltes et aux ententes d’attribution aux chasseurs autochtones. Les plans précisent qu’une plus grande proportion de mâles que de femelles doit être récoltée (PCMB, 2010a). Le plan de mise en œuvre établit également qu’il doit y avoir une rencontre annuelle de toutes les parties afin d’examiner le statut de la harde et de déterminer les actions nécessaires au cours de l’année à venir afin d’assurer une gestion durable de la harde (PCMB, 2010b).

Dans le cas de certaines sous-populations, l’évaluation de la menace que représente la chasse est compliquée par les récoltes commerciales et les récoltes effectuées par les non-résidents. Par exemple, la récolte par des pourvoyeurs de caribous mâles de la sous-population de Bathurst s’établissait en moyenne à 825 individus par année et a atteint un sommet en 2001 (1 166 mâles). La moyenne a diminué grâce à des changements de quotas de 2005 à 2009 (Adamczewski et al., 2009). La récolte par des pourvoyeurs a pris fin en 2010 à cause des inquiétudes entourant le déclin de la sous-population. Selon l’Entente sur la gestion de la harde de caribous de la Porcupine, il ne doit pas y avoir de récolte commerciale du caribou de la Porcupine au Canada, mais cela ne s’applique pas aux services de guides et de pourvoyeurs. En conséquence, le Conseil de gestion de la harde de caribous de la Porcupine a élaboré des lignes directrices relatives à la vente, à l’échange et au troc de viande de caribou de la Porcupine (Guidelines for the Sale, Trade and Barter of Porcupine Caribou Meat), conformément à l’entente. À l’heure actuelle, il n’y a aucune récolte commerciale de sous-populations de caribous de la toundra dans les Territoires du Nord-Ouest, mais on observe encore une chasse limitée par les non-résidents au Nunavut. La plus grande partie de la récolte de caribous à des fins commerciales à l’extérieur de la région du Nunavut a pris fin en 2007, mais des pourvoyeurs du Nunavut continuent de guider des chasseurs non-résidents dans le nord du Manitoba. La récolte de caribous pour le commerce entre les collectivités continue également, et il y a encore une part importante de commerce interrégional non réglementé du caribou, principalement dans les régions de Kivalliq et de Baffin (Campbell et al., 2015) ainsi que sur le Web (BQCMB, 2016a,b).

Les pratiques de récolte non traditionnelles sont également considérées comme une menace pour le caribou de la toundra, y compris les tirs désordonnés, la surutilisation de véhicules motorisés, le gaspillage de la viande, l’abandon de carcasses au sol, le non-partage de la viande et la non-utilisation de la carcasse entière. De multiples sources de CTA (WMAC [North Slope] et Aklavik HTC, 2009; Beaulieu, 2012; Sangris, 2012; BQCMB, 2014b; Benson, 2015) indiquent que le caribou de la toundra pourrait abandonner une aire si de telles pratiques de chasse survenaient. On observe également couramment que la chasse ou la perturbation des caribous qui mènent la migration peut nuire de plusieurs façons (Whaèhdôö Nàowoò Kö [Dogrib Treaty 11 Council], 2001).

Changements climatiques

Les signaux des changements climatiques sont particulièrement forts dans l’Arctique, tels que mesurés par la réduction de la glace de mer et les températures plus élevées. Même si les preuves de changements sont déjà importantes, comme l’augmentation du couvert arbustif (Myers-Smith et al., 2011), les changements touchant l’écologie du caribou de la toundra sont complexes et comprennent des effets positifs et négatifs, dont la plupart sont en interaction et sont non linéaires (Cebrian et al., 2008; Chen et al., 2014). Les effets des changements climatiques sur la disponibilité de la nourriture durant la mise bas et l’estivage semblent importants (Griffith et al., 2002; Chen et al., 2014), mais ne sont pas encore bien compris. Une enveloppe climatique a été mesurée selon laquelle la baisse de la disponibilité de la nourriture dans l’aire d’estivage expliquait certaines des variations de la productivité qui ont lieu deux ou trois ans plus tard dans la sous-population de Bathurst (Chen et al., 2014).

Les changements climatiques futurs pourraient constituer une menace continue pour le caribou de la toundra par le biais d’un mécanisme complexe comprenant des changements de la période de verdissement, une moins bonne qualité de la nourriture estivale et une diminution subséquente de la production de petits et du potentiel reproductif des femelles, et donc des déclins de la population. Les phénomènes météorologiques imprévisibles, qui augmentent en fréquence à cause du changement climatique, contribuent également aux déclins de la population. En août 2016, dans l’île Prince-Charles, on a observé 47 carcasses de caribous qui avaient des réserves de graisse anormalement faibles, ce qui a indiqué que les animaux étaient morts de faim. L’explication la plus probable est une tempête (p. ex. pluie sur neige) ayant entraîné la formation d’une couche de glace et empêché l’accès à la nourriture (Van Dusen, 2017).

Le caribou peut être vulnérable au stress entraîné par la chaleur (Soppela et al., 1986) : les jours avec des températures quotidiennes moyennes dépassant 25 oC ne sont pas fréquents dans les aires de répartition des sous-populations de Bluenose Est, de Bathurst et de Qamanirjuaq, et le nombre de jours où les températures dépassent la moyenne (ET + 2) était semblable dans les années 1990 et 2000. L’année 2014 se démarque avec un plus grand nombre de journées chaudes pour les trois sous-populations, la température ayant dépassé les totaux de 1970 à 2014 (CARMA, données inédites). Ainsi, il y a des limites considérables à la compréhension. Des incertitudes persisteront donc jusqu’à ce que des modèles exploratoires soient élaborés et que des discussions prennent place.

Les changements climatiques sont une préoccupation croissante pour les espèces migratrices, pour lesquelles le moment de l’arrivée dans les aires de reproduction constitue un facteur essentiel à la survie (Crick, 2006). Les habitats saisonniers très productifs deviennent moins riches en nourriture et moins prévisibles sur le plan spatial et temporel, et les espèces comme le caribou sont forcées de composer avec un découplage des variables climatiques entre les territoires saisonniers; ainsi, la probabilité d’une migration au mauvais moment est de plus en plus élevée (Robinson et al., 2009).

Contaminants

Selon les données de suivi, la plupart des concentrations de contaminants dans les tissus du caribou sont généralement faibles (Elkin et Bethke, 1995; Braune et al., 1999; Gamberg et al., 2005; Gamberg, 2009). Il est difficile de déterminer les tendances des concentrations de contaminants puisque la taille et la fréquence de l’échantillonnage varient au sein des sous-populations, la sous-population de la Porcupine faisant l’objet d’un échantillonnage chaque année, tandis que la sous-population de Qamanirjuaq a été échantillonnée en 1992, en 1993 et en 2006 (mais des différences dans la saison d’échantillonnage de cette sous-population nuisent à l’établissement de tendances) (Gamberg, 2009). La sous-population de Beverly a été échantillonnée en 1994 et en 2000, les sous-populations du cap Bathurst et de Bluenose Ouest l’ont été de 1994 à 2006, et celle de Bathurst l’a été en 2005-2006 (Gamberg et al., 2005; Gamberg, 2009; Larter et al., 2010).

La plupart des contaminants et des métaux se retrouvent en faibles concentrations, mais les concentrations de mercure dans les reins des individus de la sous-population de la Porcupine ont augmenté au fil des ans (Gamberg, 2009); par contre, les concentrations de mercure ont diminué chez les caribous du cap Bathurst (Larter et al., 2010). La différence souligne les incertitudes entourant les tendances atmosphériques du mercure et les effets sur les écosystèmes de l’Arctique (Gamberg, 2009). Une autre menace pourrait survenir si de nouvelles substances chimiques (provenant de sources locales ou transportées sur de longues distances) deviennent courantes ou s’accumulent dans l’environnement arctique. À titre d’exemple, l’utilisation de produits ignifugeants bromés et d’agents de surface fluorés augmente depuis les années 1980 (Stow et al., 2004).

Les lichens, qui sont une partie importante de l’alimentation du caribou, ont tendance à accumuler les contaminants atmosphériques. Un suivi a révélé des concentrations supérieures de chrome et de manganèse dans les lichens à proximité d’une grosse mine de diamants à ciel ouvert située dans l’aire d’estivage de la sous-population de caribous de Bathurst (Enns, 2012). Durant les évaluations environnementales des mines, la poussière provenant des activités minières, y compris des routes, a été mentionnée comme un sujet de préoccupation parce qu’elle est transportée par le vent, la pluie ou la neige sur la végétation, dont celle qui sert de nourriture au caribou. À proximité de la mine d’or abandonnée qui se trouve dans l’aire d’hivernage de la sous-population de Bathurst, on a observé des concentrations accrues de certains métaux dans les boulettes fécales du caribou (Macdonald et Gunn, 2004). Une découverture semblable a été faite dans des boulettes fécales et des tissus de caribous de la sous-population de l’Ouest de l’Arctique prélevés près de la mine de métaux communs de Red Dog (O’Hara et al., 2003). Les concentrations de métaux n’étaient pas considérées comme un risque pour la santé humaine, mais les effets néfastes sur la santé du caribou, bien que peu probables, sont inconnus. On a avancé que la contamination de la nourriture par la poussière pouvait contribuer à réduire la probabilité d’utilisation par le caribou de la sous-population de Bathurst de l’aire d’estivage à proximité des mines de diamants (Boulanger et al., 2012).

Effets cumulatifs

Des changements touchant l’habitat et les stimuli associés aux activités humaines ont eu des répercussions négatives sur la répartition et le comportement du caribou migrateur (Cameron et al., 2005; Boulanger et al., 2012). Cependant, les menaces directes interagissent entre elles, ce qui entraîne des effets cumulatifs, synergiques, interactifs ou non linéaires. La plupart des sous-populations de caribous de la toundra affichent actuellement une abondance faible et font face aux effets cumulatifs de multiples menaces qui interagissent et qui n’étaient pas présentes par le passé (Campbell et al., 2014). Ces menaces incluent la hausse du développement et de l’activité industrielle, la croissance des populations humaines – qui utilisent de l’équipement et des techniques de chasse de pointe et bénéficient d’un meilleur accès, ce qui entraîne une hausse de la récolte – et les changements climatiques. Chacun des projets de développement d’envergure visés par des évaluations environnementales comprend des évaluations des effets cumulatifs, mais ces évaluations sont axées sur le promoteur plutôt que sur les enjeux, et elles n’ont pas contribué de façon importante à la gestion des effets cumulatifs pesant sur le caribou (Gunn et al., 2011c). De plus, ces évaluations tiennent rarement compte de la gamme complète des activités qui pourraient avoir des effets cumulatifs sur les populations de caribous (Johnson et al., 2005). L’un des principaux enjeux est le manque de planification globale de l’utilisation des terres, particulièrement dans le contexte des effets cumulatifs du développement industriel et des activités humaines. L’absence d’approche globale pour la gestion des aires de mise bas est particulièrement préoccupante.

La possibilité que les facteurs limitatifs comme les perturbations et la récolte deviennent des menaces dépend grandement des mesures de gestion prises. En théorie, ces facteurs limitatifs sont habituellement réversibles; on peut aussi atténuer leurs effets en faisant en sorte qu’ils se compensent. En réalité, cela est plus compliqué, et les mesures de gestion des effets cumulatifs sont souvent absentes ou, au mieux, différées. L’absence d’approche systémique (Richmond, 1993) à propos des processus écologiques multiplie les retards dans les mesures de gestion ou entraîne des évaluations inappropriées des causes de déclin pouvant mener à leur mauvaise gestion. Les chasseurs et les gestionnaires sont au courant des cycles d’abondance, mais cela n’a pas mené à la création d’un cadre de travail conceptuel pour le suivi et la gestion, basé sur l’utilisation comportementale adaptative de l’espace au fil du temps par rapport aux cycles d’abondance. Par exemple, lorsque l’abondance atteint des niveaux extrêmement élevés ou bas, nous devons être conscients que le caribou s’adapte en modifiant son comportement grégaire durant la mise bas. Ce manque de compréhension a causé des lacunes dans le suivi et a restreint l’efficacité des mesures de gestion. On reconnaît le principe de précaution, mais, en pratique, un manque de certitude entraîne souvent de l’inaction, ce qui constitue une menace pour une sous-population si un réel déclin est en cours et qu’il n’est pas géré (exemple d’erreur de type II, qui consiste à croire qu’un déclin n’a pas lieu, alors qu’il y en a effectivement un).

La lenteur de la préparation des plans concernant les problèmes liés à l’aire de répartition et à la gestion de la récolte nuit à la capacité d’atténuer les impacts cumulatifs. Même si les stratégies de gestion sont préparées de façon collaborative par les gouvernements (y compris par les gouvernements autochtones et les conseils de gestion des ressources fauniques) (voir ENR, 2011; tableau 11), leur mise en œuvre nécessite du temps et des consultations approfondies. De plus, certaines stratégies prennent la forme de documents de niveau relativement haut qui contiennent peu de mesures précises pour gérer les menaces à l’échelle de la sous-population. La gestion des effets cumulatifs nécessite l’accès à de l’information fiable et actuelle; les lacunes et les retards dans l’accès à l’information peuvent entraîner des retards dans les mesures de gestion visant à atténuer les menaces. À titre d’exemple, lorsque les déclins sont initialement rapportés, les étapes visant à confirmer les déclins et les consultations à effectuer avant la mise en œuvre des mesures (pour éviter une erreur de type I, c’est-à-dire présumer qu’il y a un déclin alors qu’il n’y en a pas) peuvent demander du temps. Le déclin de la sous-population de Bathurst a été observé pour la première fois en 2003, mais en 2010, seules quelques mesures limitées avaient été mises en œuvre. Cependant, le déclin s’était déjà accéléré, et la population était passée de 185 000 à 31 200 individus. L’incertitude entourant l’information et les retards subséquents des mesures de gestion sont rarement, voire ne sont jamais, considérés comme une menace, mais l’expérience indique que cela arrive. Un examen du rétablissement des pêches marines mentionne que l’interruption rapide des déclins influe sur le moment et l’étendue du rétablissement (Hutchings et Reynolds, 2004).

En revanche, dans le cas de la sous-population de la Porcupine, les organismes et les groupes d’utilisateurs, aux prises avec le manque d’information sur le statut de la sous-population, ont pris des mesures préventives. De 2001 à 2010, les tendances relatives à la taille de la sous-population étaient inconnues. En l’absence de données sur le sujet, des groupes ont élaboré et mis en œuvre un plan de gestion de la récolte, dans le cadre duquel on a effectué un suivi et une évaluation annuels de la sous-population ainsi que la collecte de données complètes sur la récolte. En 2010, on a estimé que la sous-population avait augmenté pour atteindre 169 000 individus, mais le plan est toujours en place, et on examine, durant des rencontres annuelles, les données de suivi afin de recommander des mesures de gestion de la récolte, le cas échéant (First Nation of the NaCho Nyak Dun et al., 2010).

Tableau 11. Liste des plans et des mesures de gestion du caribou de la toundra par sous-population, compilée d’après l’information accessible au public (août 2016).
Sous-population Autorités de gestion u Planification et processus de gestion Référence (lien)
Porcupine US-AK, ORRG, CCGF (VN), CCGF (T.N.-O.), GY, GTNO, APC, CGCP, CICP Porcupine Caribou Harvest Management Plan (2010) and an associated Implementation Plan (2010), Porcupine Caribou Management Board Strategic Framework (2013), and Porcupine Caribou Herd Annual Status Report (2010-2016), Wildlife Conservation and Management Plan for Yukon North Slope (2002); Plan for the International Conservation of the Porcupine Caribou
Herd (1987)
Porcupine Caribou Harvest Management Plan (disponible en anglais seulement)
Plan for the International Conservation of the Porcupine Caribou Herd (Version PDF; 47.9 KB) (disponible en anglais seulement).
Tuktoyaktuk GTNO, CCGF (T.N.-O.) blank blank
Cap Bathurst GTNO, CCGF (T.N.-O.), ORRG, ORRS Management plan for the Cape Bathurst, Bluenose-West, and BNE herds (2014) Taking Care of Caribou. Cape Bathurst, Bluenose-West, and Bluenose-East Barren-Ground Caribou Herds Management Plan. (disponible en anglais seulement)
Bluenose Ouest GTNO, GNU, Parcs Canada, CCGF (T.N.-O.), ORRG, ORRS, CGRFN, CGPNTN Management plan for the Cape Bathurst, Bluenose-West, and BNE herds (2014), Belarewıle ́ Gots’e Ɂekwe (Caribou for All Time) Délıne Caribou Conservation Plan(2016). Taking Care of Caribou. Cape Bathurst, Bluenose-West, and Bluenose-East Barren-Ground Caribou Herds Management Plan. (disponible en anglais seulement)

Délı̨nę Belare wı́le Gots'ę́ Ɂekwę́ - Caribou for All Time proposal 16-01-08 edition (disponible en anglais seulement)
Bluenose Est GTNO, GNU, GT, ORRW, ORRS, CGRFN, APC, CGPNTN, CGSHNSE Management plan for the Cape Bathurst, Bluenose-West, and BNE herds (2014); Draft action plan for the herd (2015), Délıne Caribou Conservation Plan(2016). blank
Bathurst GTNO, GNU, GT, ORRW, ORRS, CGRFN T.N.-O. : Management plan (2004); Emergency measures enacted (2010), Draft Range Plan (2016), Public Hearing Process (2015-2016)
Nunavut : Public Hearing Process (2016), Délıne Caribou Conservation Plan(2016).
Bathurst Caribou Range Planning Process (disponible en anglais seulement)
WRRB Public Registry (disponible en anglais seulement)
Public Hearing Registry (disponible en anglais seulement)
Délıne Caribou Conservation Plan(2016) (disponible en anglais seulement)
Beverly GNU, GTNO, GSK, GMB, Canada, CGRFN, CGCBK Beverly and Qamanirjuaq Caribou Management Plan 2013-2022 Beverly and Qamanirjuaq Caribou Management Plan 2013-2022 (disponible en anglais seulement)
Ahiak GNU, GTNO, Canada, CGRFN blank blank
Qamanirjuaq GNU, GTNO, GSK, GMB, Canada, CGRFN, CGCBK Beverly and Qamanirjuaq Caribou Management Plan 2013-2022 Beverly and Qamanirjuaq Caribou Management Plan 2013-2022 (disponible en anglais seulement)
Southampton GNU, CGRFN Plan de gestion (2011); audiences publiques (2011, 2014) Plan de gestion (2011); audiences publiques (2011, 2014)
Île de Baffin GNU, CGRFN Mesures intérimaires (2014; 2015) Le ministre impose un moratoire sur la récolte du caribou de l’île de Baffin

u US-AK (États-Unis - Alaska), Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut (CGRFN), Office des ressources renouvelables des Gwich’in (ORRG), Office des ressources renouvelables du Sahtu (ORRS), Office des ressources renouvelables du Wek’èezhìi (ORRW), Comité consultatif de la gestion de la faune (versant nord) (CCGF [VN]), Conseil consultatif de la gestion de la faune (Territoires du Nord-Ouest) (CCGF [T.N.-O.]), gouvernement Tłįcho (GT), gouvernement du Yukon (GY), gouvernement des Territoires du Nord-Ouest (GTNO), gouvernement du Canada (Canada), gouvernement du Nunavut (GNU), Agence Parcs Canada (APC), Conseil de gestion de la harde de caribous de la Porcupine (CGCP), Comité international du caribou de la Porcupine (CICP), Conseil de gestion du parc national Tuktut Nogait (CGPNTN), Conseil de gestion du site historique national Sayou Edacho (CGSHNSE).

Nombre de localités

Les aires de mise bas peuvent être considérées comme des localités dans le contexte d’événements qui pourraient être menaçants, puisque toutes les femelles des sous-populations se regroupent dans une aire de mise bas, à un moment de l’année où les femelles et les nouveau-nés sont particulièrement vulnérables à la variabilité et aux perturbations environnementales (Wolfe et al., 2000). Le nombre total de sous-populations de caribous de la toundra est cependant incertain (voir Sous-populations). Par ailleurs, lorsque l’abondance est faible, la mise bas dans certaines sous-populations est plus dispersée, ce qui ajoute à la difficulté d’évaluer le nombre de localités. À l’heure actuelle, aucune information n’est disponible pour évaluer le degré de dispersion de la mise bas dans le nord-est du continuent et dans les îles Southampton, Coats et de Baffin. Étant donné le nombre de sous-populations connues, le nombre de localités est d’au moins 14, mais dépasse très probablement ce nombre.

Protection, statuts et classements

Statuts et protection juridiques

Le caribou de la toundra a été évalué comme « menacé » pour la première fois par le COSEPAC en novembre 2016, et n’est actuellement pas inscrit à l’annexe de la Loi sur les espèces en péril (LEP).

En 1984, la Convention définitive des Inuvialuits a déterminé la création de l’Entente sur la gestion de la harde de caribous de la Porcupine (IFA, 1984, annexe L), qui a établi les paramètres de la gestion coopérative de la sous-population de caribous de la Porcupine. L’Entente sur la gestion de la harde de caribous de la Porcupine de 1985 entre le Canada, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest ainsi que les Inuvialuits et les gouvernements des Premières Nations touchés a permis d’établir une structure de gestion pour la harde et de créer le Conseil de gestion de la harde de caribous de la Porcupine. L’Entente est annexée à la Convention définitive des Inuvialuits(IFA, 1984, annexe L). Le mandat du Conseil de gestion comprend la formulation de recommandations sur tout sujet touchant le caribou de la Porcupine et son habitat (voir section E.1.a de l’Entente). Par la suite, l’Accord international sur les caribous de la Porcupine de 1987 a permis une gestion coordonnée de la sous-population entre les États-Unis et le Canada, et a entraîné la création du Comité international du caribou de la Porcupine et du Comité technique du caribou de la Porcupine, qui coordonnent la recherche et la gestion de la harde entre les gouvernements. Le Comité consultatif de la gestion de la faune (versant nord) offre des conseils à ces instances (IFA, 12 (56)a).

La protection d’autres sous-populations par les gouvernements territoriaux et provinciaux se fait par le biais de la réglementation de la récolte et de la protection de l’habitat. La réglementation de la récolte varie selon le gouvernement et la catégorie. Dans les Territoires du Nord-Ouest, les trois catégories générales de titulaires de permis de chasse (chasseurs autochtones, chasseurs résidents et chasseurs « commerciaux » [qui comprend les chasseurs non-résidents]) ont une incidence différente sur la dynamique des populations puisqu’elles ciblent des catégories différentes (sexe/âge). La récolte aux fins commerciales est principalement basée sur des quotas, se fait avec des guides et vise les mâles dans la force de l’âge. Les trois catégories au Yukon sont les suivantes : chasseurs autochtones, chasseurs résidents munis d’un permis et chasseurs non-résidents munis d’un permis. Ces derniers peuvent être guidés par un pourvoyeur qui a droit à un quota ou par un chasseur résident muni d’un permis spécial de guide. Dans les deux cas, les occasions de récolte sont très limitées par rapport aux autres catégories. Au Nunavut, conformément à l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, on utilise les catégories « bénéficiaire » (beneficiary), « non bénéficiaire » (non-beneficiary) et « non-résident » (non-resident; chasse sportive). À l’heure actuelle, la récolte commerciale de toutes les sous-populations de caribous de la toundra est illégale dans les Territoires du Nord-Ouest, mais les non-résidents peuvent chasser de façon limitée au Nunavut et au Yukon; au Nunavut, la chasse sportive est également autorisée de façon limitée. Les résidents du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest peuvent chasser le caribou de la Porcupine (deux étiquettes par saison pour des mâles) dans leur territoire respectif. Les résidents non autochtones dans le nord de la Saskatchewan et du Manitoba peuvent récolter un ou deux caribous de la toundra, respectivement.

Les vastes aires de répartition du caribou de la toundra chevauchent les limites de différents territoires et de zones visées par les revendications territoriales de différents groupes. Par exemple, les chasseurs de subsistance qui ciblent les sous-populations du cap Bathurst, de Bluenose Ouest et de Bluenose Est proviennent de 14 collectivités réparties dans cinq territoires revendiqués/zones régionales et deux territoires. Les sous-populations de Beverly et de Qamanirjuaq étaient à un moment visées par les résidents de plus de 20 collectivités de trois provinces (Alberta, Saskatchewan, Manitoba) et de deux territoires (Nunavut, Territoires du Nord-Ouest), dans une région où un territoire est revendiqué et quatre autres sont en cours de négociation. Plus récemment, la sous-population de Qamanirjuaq a fait l’objet de récoltes par au moins 14 collectivités réparties dans quatre de ces territoires. Les territoires utilisés par la sous-population de la Porcupine se trouvent en Alaska, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest, ce qui nécessite une approche de gestion coordonnée et collaborative de la part de tous les groupes d’utilisateurs et de toutes les instances à l’échelle des deux pays, des deux territoires et des cinq gouvernements autochtones concernés.

Le système de cogestion, dans lequel tous les utilisateurs et toutes les autorités de gestion coordonnent les mesures de suivi, de recherche et de conservation, est utilisé pour la gestion de toutes les sous-populations de caribous de la toundra. La responsabilité partagée est basée sur la législation entourant les revendications territoriales dans les régions où celles-ci sont approuvées et sur des ententes pluriannuelles renouvelables dans les cas où les revendications n’ont pas été finalisées. Ce système souvent complexe vise l’obtention d’un consensus sur les mesures de conservation, comme les interdictions de chasse (tableau 11). Divers groupes d’utilisateurs communautaires (p. ex. organisations de chasseurs et de trappeurs) peuvent autoréglementer la récolte et élaborer des règlements et autres restrictions; cependant, les gouvernements territoriaux peuvent imposer des mesures d’urgence dans l’intérêt de la conservation. On a décidé d’adopter des limites de récolte strictes pour les sous-populations qui ont subi une réduction marquée de l’abondance.

Statuts et classements non juridiques

À l’échelle mondiale, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a considéré le caribou comme une espèce suscitant une préoccupation mineure jusqu’en 2016, lorsque l’espèce a été évaluée pour la première fois comme une espèce vulnérable (IUCN, 2016). Les sous-espèces ou les écotypes de caribous ne sont pas différenciés. NatureServe classe le caribou (R. tarandus) comme « non en péril » à l’échelle mondiale, et n’a pas encore classé le caribou de la toundra (R. t. groenlandicus), sauf dans les Territoires du Nord-Ouest (S3; vulnérable) et en Saskatchewan (S3S4) (NatureServe, 2017). La situation générale du caribou au Canada en 2015 ne sera pas connue avant la publication du rapport sur la situation générale des espèces de 2015, en août 2017. Ce classement pancanadien s’appliquera à l’ensemble des UD du caribou et ne visera pas spécifiquement le caribou de la toundra. La cote territoriale attribuée au caribou de la toundra en 2015 est S3S4 (vulnérable à apparemment non en péril) au Yukon (Yukon CDC, 2017, Cannings, comm. pers., 2017) et S3 (vulnérable) dans les Territoires du Nord-Ouest (WGGSNS, 2016). À l’heure actuelle, il n’y a pas de classement particulier pour le caribou de la toundra au Nunavut, mais pour l’ensemble des UD, la cote générale attribuée à l’échelle territoriale au Nunavut est S4 (apparemment non en péril) (Etiendem, comm. pers., 2017).

Protection et propriété de l’habitat

La plus grande partie de l’habitat du caribou de la toundra se trouve sur des terres publiques qui sont administrées par les gouvernements territoriaux et provinciaux, sauf la région des Tlichos qui est administré par le gouvernement tlicho. Au Nunavut, les terres de la Couronne sont actuellement administrées par le gouvernement du Canada. La deuxième catégorie de propriétés foncières regroupe les terres privées visées par un traité, qui ont été sélectionnées durant les revendications territoriales (région désignée des Inuvialuits, région désignée des Gwich’ins, région désignée du Sahtu et région des Tlichos). Un total de 14,4 % (315 800 km2) de l’aire de répartition du caribou de la toundra se trouve sur des terres privées, qui sont détenues et gérées par des sociétés ou des associations autochtones créées dans le cadre de diverses ententes sur les revendications territoriales. Dans le cadre des négociations relatives aux revendications territoriales des Premières Nations dans le nord de la Saskatchewan et du Manitoba, on finalisera bientôt la sélection des terres dans l’aire de répartition du caribou se trouvant dans les provinces et territoires adjacents.

Les parcs nationaux et les réserves de parcs nationaux sont des catégories d’aires protégées sur le territoire domanial canadien qui limitent le développement, mais non la récolte traditionnelle. La région compte sept parcs et réserves de parcs nationaux, qui varient de 4 345 km2 (Vuntut) à 22 200 km2 (Sirmilik), pour un total de 104 117 km2. La réserve de parc national Thaidene Nëné proposée, située à l’extrémité est du Grand lac des Esclaves, dans les Territoires du Nord-Ouest, ajouterait 14 000 km2 à ce réseau. Les refuges d’oiseaux migrateurs constituent une autre catégorie de protection des terres fédérales; il s’en trouve huit dans l’aire de répartition du caribou de la toundra, mais la portée de la protection dans ces aires se limite aux oiseaux migrateurs et à leur habitat. La superficie de ces refuges varie de 2 km2 (cap Perry) à 61 765 km2 (golfe de la Reine-Maud). De plus, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut se partagent le refuge faunique Thelon, où le développement est également interdit. La superficie totale de ces aires protégées à l’intérieur de l’aire de répartition du caribou de la toundra est d’environ 180 000 km2, ce qui totalise quelque 6 % de l’aire de répartition de l’espèce.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, des aires protégées additionnelles qui sont établies offriront également divers niveaux de protection de l’habitat pour le caribou de la toundra. Il y a aussi plusieurs parcs, réserves écologiques et zones spéciales de gestion dans l’aire de répartition du caribou au Yukon et dans le nord du Manitoba. À titre d’exemple, on a recommandé d’interdire de façon permanente l’exploitation industrielle des ressources dans la zone spéciale de gestion des plaines Old Crow, qui inclut une portion de l’aire de répartition du caribou de la Porcupine et est gérée par les gouvernements du Canada, du Yukon et des Vuntut Gwitchins (Government of Yukon, 2006). Dans le nord du Manitoba, cinq parcs provinciaux (Caribou River, Colvin Lake, Nueltin Lake, Numaykoos Lake et Sand Lakes) protègent plus de 25 000 km2 de l’aire d’hivernage du caribou de la toundra par le biais de l’interdiction et de la restriction de certaines activités de développement. Quatre parcs nationaux offrent une protection toute l’année pour une partie des aires de mise bas actuelles de cinq sous-populations. Le parc national Tuktuk Nogait, qui a été établi en 1998, inclut la plus grande partie des aires de mise bas et des aires occupées immédiatement après la mise bas de la sous-population de Bluenose Ouest, mais les tendances de l’étendue de la répartition dans le parc n’ont pas été évaluées. Les aires de mise bas des sous-populations de Lorillard et de la baie Wager se trouvent en partie dans le parc national Ukkusiksalik, établi en 2003. Les tendances de l’étendue de l’utilisation ne sont pas disponibles. Au Yukon, la sous-population de la Porcupine bénéficie d’une variété de modes de protection de l’habitat dans son aire de répartition. La plus grande partie de l’aire de répartition au nord de la rivière Porcupine est protégée par deux parcs nationaux (Vuntut et Ivvavik) et une zone de retrait établie dans un décret de 1967 à l’est des parcs qui empêche l’exploration et le développement. Depuis 2000, la fréquence de la mise bas dans le parc national Ivvavik augmente; durant cinq des neuf années de 2002 à 2010, la mise bas s’est effectuée sur la plaine côtière, principalement au Yukon, à l’intérieur du parc national Ivvavik (Caikoski, 2011). Trois parcs territoriaux (Fishing Branch, Herschel Island et Tombstone) offrent également un certain niveau de protection.

La planification de l’utilisation des terres peut mener à une protection de l’habitat grâce à l’établissement de zones où le développement est limité. Dans les Territoires du Nord-Ouest, les régions des Inuvialuits, des Gwich’ins et du Sahtu ont établi des plans d’utilisation des terres, et le plan des Dehchos est en cours d’élaboration depuis de nombreuses années. Le plan du Sahtu comprend une certaine protection contre les activités industrielles dans certaines parties de l’aire de répartition du caribou de la toundra. Le plan d’utilisation des terres des Tlichos, spécifique aux terres des Tlichos situées dans la région connue sous le nom de Wek’èezhìı, a été terminé en 2013, tandis que le plan d’utilisation des terres pour la région Wek’èezhìı n’est pas terminé. Le Groupe consultatif provisoire de l’Athabasca (Athabasca Interim Advisory Panel) a rédigé une ébauche de plan d’utilisation des terres qui incluait des restrictions sur les activités d’utilisation des terres le long d’un corridor routier d’une largeur de 50 km dans l’aire d’hivernage du caribou de la toundra dans le nord de la Saskatchewan. La Commission d’aménagement du Nunavut élabore un plan d’utilisation des terres territoriales qui remplacera les plans régionaux existants de Kivalliq et du nord de l’île de Baffin. L’ébauche du plan de 2016 propose l’établissement de zones protégées qui limiteraient le développement sur de vastes étendues, dont les zones de mise bas et les aires occupées par le caribou immédiatement après la mise bas au Nunavut (Government of Nunavut, 2016). La plus grande partie de l’aire d’hivernage de la sous-population de caribous de la Porcupine au Yukon n’est pas protégée officiellement, mais l’aire est couverte par le plan d’aménagement des terres du nord du Yukon et le plan d’aménagement du bassin hydrographique Peel, qui est contesté.

Remerciements et experts contactés

Les membres du Sous-comité de spécialistes des mammifères terrestres du COSEPAC ont fourni des examens, des conseils et des analyses minutieux durant le processus d’élaboration du présent rapport de situation. Les rédacteurs ont été grandement aidés par le personnel du ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest : J. Adamczewski, M. Branigan, S. Carrière, D. Cluff, T. Davison, B. Elkin et R. Gau ont généreusement offert de l’information, des conseils et de l’aide. Les rédacteurs remercient M. Campbell (gouvernement du Nunavut) d’avoir partagé les versions préliminaires de ses rapports. De même, les rédacteurs remercient tout particulièrement B. Fournier, du ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles, d’avoir fourni des données sur le caribou provenant de la base de données du WMIS (Wildlife Management Information System), et J. Williams, du même ministère, qui a fait tout son possible pour répondre aux questions et vérifier l’information. Les rédacteurs tiennent également à remercier S. Carrière, B. Fournier, C. Johnson et M. Southee d’avoir créé les figures et les cartes, et C. Johnson d’avoir effectué les analyses qui sont mentionnées à la section sur l’abondance et les tendances. J. Ray (WCS Canada) a aussi offert une aide précieuse dans la vérification et la finalisation des sources d’information.

Les rédacteurs souhaitent remercier les personnes suivantes pour l’information et les analyses fournies ainsi que pour l’examen réfléchi et approfondi réalisé à diverses étapes.

Remerciements
Gouvernement/organisme Personnes contactées
Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest Jan Adamczewski, Suzanne Carrière, Karin Clark, Tracey Davison, Brett Elkin, Nic Larter, Claire Singer
Gouvernement du Nunavut Lisa-Marie Leclerc, Mitch Campbell, Matthieu Dumond, Lynda Ormond
Gouvernement du Yukon Troy Hegel, Mike Suitor, Todd Powell, Thomas Jung
Service canadien de la faune Amy Ganton, Shannon Stotyn, Keri McFarlane, Syd Cannings, Ruben Boles, Lea Craig-Moore, Dawn Andrews
Parcs Canada Patrick Nantel, Peter Sinkins, Ian McDonald, Andrew Maher, Jane Chisholm, Maryse Mahy
Office des ressources renouvelables des Gwich’in Kaytlin Cooper, Natalka Melnycky
Office des ressources renouvelables du Wek’èezhìı Jody Pellissey, John McCullum, J. Grant Pryznyk
Comité consultatif de la gestion de la faune (versant nord) Lindsay Staples
Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut Karla Letto
Conseil de gestion des caribous de Beverly et de Qamanirjuaq Leslie Wakelyn, Ross Thompson
Conseil de gestion de la harde de caribous de la Porcupine Joe Tetlichi, Deana Lemke
Office des ressources renouvelables du Sahtu Colin Macdonald
Autres experts et contacts pertinents Doug Heard, Alan Sinclair
Secrétariat du COSEPAC Karen Timm, Jenny Wu
Sous-comité des mammifères terrestres du COSEPAC Justina Ray, Nicolas Lecomte, Susan Kutz, Christopher Kyle, Chris Johnson, Martin-Hughes St.-Laurent, Graham Forbes, Hugh Broders, Scott Gilbert, Stephen Petersen,
Ian Thompson, Gloria Goulet
Sous-comité sur les connaissances traditionnelles autochtones du COSEPAC James Pokiak and Norma Kassi
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