Ophiogomphe de howe (Ophiogomphus howei) : évaluation et rapport de situation du COSEPAC 2008

Images montrant des vues dorsale et latérale de l’ophiogomphe de Howe (Ophiogomphus howei).

Préoccupante
2008



COSEPAC
Comité sur la situation
des espèces en péril
au Canada
logo du COSEPAC


COSEWIC
Committee on the Status
of Endangered Wildlife
in Canada

Les rapports de situation du COSEPAC sont des documents de travail servant à déterminer le statut des espèces sauvages que l’on croit en péril. On peut citer le présent rapport de la façon suivante :

COSEPAC. 2008. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la nom commun Ophiogomphus howei au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. viii + 37 p.
(Rapports de situation du Registre public des espèces en péril)

Note de production :
Le COSEPAC aimerait remercier Paul M. Brunelle, qui a rédigé le rapport de situation provisoire sur l’ophiogomphe de Howe (Ophiogomphus howei) en vertu d’un contrat avec Environnement Canada. La participation de M. Brunelle à la préparation du rapport de situation a pris fin avec l’acceptation du rapport provisoire. Tous les changements apportés au cours des étapes subséquentes de la préparation du présent rapport ont été supervisés par Paul Catling, coprésident du Sous–comité de spécialistes des arthropodes du COSEPAC.

Pour obtenir des exemplaires supplémentaires, s’adresser au :

Secrétariat du COSEPAC
a/s Service canadien de la faune
Environnement Canada
Ottawa (Ontario)
K1A 0H3

Tél. : 819–953–3215
Téléc. : 819–994–3684
Courriel : COSEWIC/COSEPAC@ec.gc.ca
Site Web : http://www.cosepac.gc.ca/fra/sct5/index_f.cfm

Also available in English under the title COSEWIC Assessment and Status Report on the Pygmy Snaketail Ophiogomphus howei in Canada.

Illustration de la couverture :
Ophiogomphe de Howe -- fournie par l’auteur du rapport provisoire, Paul M. Brunelle.

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2009.
No de catalogue : CW69-14/542-2009F-PDF
ISBN : 978-1-100-91354-4

Logo du COSEPAC

COSEPAC
Sommaire de l’évaluation

 

Sommaire de l’évaluation – Novembre 2008

Nom commun :

Ophiogomphe de Howe

Nom scientifique :
Ophiogomphus howei

Statut :
Préoccupante

Justification de la désignation :
Cette espèce rare à l’échelle mondiale est observée dans quelques emplacements et a un habitat limité et spécialisé comportant un faible effectif. Un site important est menacé.

Répartition :
Ontario, Nouveau-Brunswick

Historique du statut :
Espèce désignée « préoccupante » en novembre 2008. Évaluation fondée sur un nouveau rapport de situation.
Logo du COSEPAC

COSEPAC
Résumé

Ophiogomphe de Howe
Ophiogomphus howei

Information sur l’espèce

L’ophiogomphe de Howe (Pygmy Snaketail, Ophiogomphus howei) est la plus petite d’un groupe d’espèces que l’on rencontre typiquement dans les eaux courantes rapides. Même les espèces les plus grosses de ce groupe n’atteignent qu’une taille moyenne pour des libellules (Anisoptères) de l’Amérique du Nord. Le genre Ophiogomphus appartient à la famille des Gomphidés. Aucune sous–espèce ou autre forme n’a été proposée pour l’espèce.

L’adulte présente l’aspect typique du genre, exception faite de la taille et de la coloration des ailes. Son corps est noir, avec des marques jaune vif sur l’abdomen et vert brillant sur le thorax. Les ailes des deux sexes sont marquées à la base d’une large bande jaune–orange transparente. Cette caractéristique, rare d’une manière générale chez les odonates de l’Amérique du Nord, distingue cette espèce de tous les autres Gomphidés.

La larve est petite et cryptique, mais se distingue toutefois au cours des stades plus avancés par l’absence de crochets dorsaux abdominaux. Les exuvies (enveloppes laissées par les larves à l’émergence) sont le signe le plus couramment observé de la présence de l’espèce.

Répartition

L’aire de répartition de l’ophiogomphe de Howe est essentiellement limitée à l’est de l’Amérique du Nord. Elle suit une ligne longeant les Appalaches, du nord du Nouveau–Brunswick au sud–est du Tennessee. Il existerait par ailleurs une autre zone de répartition discontinue englobant les États du Michigan, du Minnesota et du Wisconsin, et le nord–ouest de l’Ontario.

La présence de l’espèce a été confirmée dans 12 emplacements au Canada : 11 au Nouveau–Brunswick et 1 en Ontario. Elle a été signalée pour la première fois au Canada sur les rives de la rivière Saint–Jean, dans le nord du Nouveau–Brunswick, en 2002. Les emplacements situés près de la frontière des États–Unis se trouvent sur la rivière Ste–Croix, dans le sud–ouest du Nouveau–Brunswick. L’espèce se rencontre également sur les rivières Magaguadavic, Miramichi et Salmon.

Habitat

Cette espèce a été observée en train de pondre ses oeufs dans des portions plus tranquilles de rivières par ailleurs tumultueuses et les exuvies, desquelles les adultes ont émergé, sont trouvées communément sur les rives érodées. D’après ces observations, les larves vivraient dans un substrat de sable ou de gravier fin, ou sur ce substrat, en zones de courant fort. La recherche d’exuvies de l’espèce dans de nombreux sites apparemment propices et aux moments appropriés de l’année est généralement restée vaine. Il est permis de croire que l’espèce est absente de ces milieux aquatiques, ce qui indiquerait que l’habitat, y compris les facteurs qui influent sur la survie des larves et les sites d’émergence, devrait être défini d’une manière plus étroite que ce ne l’est fait actuellement.

Biologie

Comme toutes les autres libellules, les larves et les adultes de l’espèce sont des prédateurs qui se nourrissent principalement d’invertébrés. Les larves peuvent également capturer de petits poissons. Il n’existe aucune information concluante sur la durée du développement des larves jusqu’à l’émergence, mais il semble qu’elle serait d’au moins deux ans.

L’émergence de l’ophiogomphe de Howe est largement associée à l’émergence synchrone d’autres espèces du même genre. En 2002, elle est survenue le 22 juin sur la rivière Saint–Jean, dans le nord du Nouveau–Brunswick, et a coïncidé avec celle de plusieurs autres espèces d’ophiogomphes. Dans le sud–ouest du Nouveau–Brunswick, l’émergence survient probablement plutôt vers le début de la deuxième semaine de juin. La période de vol des adultes dure probablement de six à huit semaines, mais certains individus peuvent survivre quelques semaines de plus.

Les adultes se rencontrent rarement près de l’eau et sont habituellement difficiles à identifier en vol. Ils passent probablement le plus clair de leur temps dans le couvert forestier, comme la plupart des autres ophiogomphes.

Taille et tendances des populations

Seules 102 captures de l’ophiogomphe de Howe ont été confirmées au Canada : 101 au Nouveau–Brunswick et 1 en Ontario. La taille des populations est inconnue, mais il faut vraisemblablement plusieurs centaines d’individus pour maintenir une population. Les données disponibles sont insuffisantes pour déduire quoi que ce soit sur les fluctuations des populations de l’espèce.

Étant donné le bon état relatif de la rivière Saint–Jean à la hauteur de Baker Brook, où l’ophiogomphe de Howe a été observé, et l’absence d’impacts importants récents sur les cours d’eau de la région, il est probable, quoique ce ne soit pas confirmé, que la population canadienne soit stable à son niveau actuel.

Facteurs limitatifs et menaces

Les larves de cette espèce ont besoin d’un habitat d’eau courante rapide, claire et non polluée, dont le substrat approprié serait constitué de sable ou de gravier fin. Elles vivent habituellement dans de grandes rivières. La construction d’un barrage menace la population ontarienne, mais ne pose pas autant de problèmes pour les populations du Nouveau–Brunswick. La pollution de l’eau, causée par un apport excessif de nutriments provenant des égouts, et la sédimentation, causée par le ruissellement provenant d’activités agricoles ou forestières, menacent particulièrement l’habitat des larves. Les pesticides et les herbicides peuvent également présenter une menace. Enfin, les espèces envahissantes peuvent modifier le biote au détriment de l’ophiogomphe de Howe.

Importance de l’espèce

La présence de cette espèce constitue un indicateur de l’existence de milieux d’eau courante relativement intouchés. L’espèce est jugée rare ou en péril, et sa protection est jugée prioritaire dans l’ensemble de son aire de répartition. Les provinces maritimes, l’État du Maine et l’Ontario ont fait l’objet au cours des deux dernières décennies de vastes programmes organisés de recensement des libellules. D’après les résultats de ces travaux, l’ophiogomphe de Howeserait une espèce très rare dans ces régions.

Protection actuelle ou autres désignations de statut

Des 12 sites où la présence de l’espèce a été confirmée au Canada, celui de la rivière Ste–Croix, dans le sud–ouest du Nouveau–Brunswick est protégé dans une certaine mesure par la Commission internationale de la rivière Ste–Croix. La majeure partie du cours de la rivière Miramichi est gérée pour la pêche au saumon, ce qui assure la protection de cet habitat naturel. La rivière Saint–Jean et la rivière Magaguadavic ne font l’objet d’aucune mesure officielle de protection.

Logo du COSEPAC

Historique du COSEPAC

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été créé en 1977, à la suite d’une recommandation faite en 1976 lors de la Conférence fédérale–provinciale sur la faune. Le Comité a été créé pour satisfaire au besoin d’une classification nationale des espèces sauvages en péril qui soit unique et officielle et qui repose sur un fondement scientifique solide. En 1978, le COSEPAC (alors appelé Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada) désignait ses premières espèces et produisait sa première liste des espèces en péril au Canada. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) promulguée le 5 juin 2003, le COSEPAC est un comité consultatif qui doit faire en sorte que les espèces continuent d’être évaluées selon un processus scientifique rigoureux et indépendant.

Mandat du COSEPAC

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) évalue la situation, au niveau national, des espèces, des sous–espèces, des variétés ou d’autres unités désignables qui sont considérées comme étant en péril au Canada. Les désignations peuvent être attribuées aux espèces indigènes comprises dans les groupes taxinomiques suivants : mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons, arthropodes, mollusques, plantes vasculaires, mousses et lichens.

Composition du COSEPAC

Le COSEPAC est composé de membres de chacun des organismes responsable des espèces sauvages des gouvernements provinciaux et territoriaux, de quatre organismes fédéraux (le Service canadien de la faune, l’Agence Parcs Canada, le ministère des Pêches et des Océans et le Partenariat fédéral d’information sur la biodiversité, lequel est présidé par le Musée canadien de la nature), de trois membres scientifiques non gouvernementaux et des coprésidents des sous–comités de spécialistes des espèces et du sous–comité des connaissances traditionnelles autochtones. Le Comité se réunit au moins une fois par année pour étudier les rapports de situation des espèces candidates.

Définitions
(2008)

Espèce sauvage
Espèce, sous–espèce, variété ou population géographiquement ou génétiquement distincte d’animal, de plante ou d’une autre organisme d’origine sauvage (sauf une bactérie ou un virus) qui est soit indigène du Canada ou qui s’est propagée au Canada sans intervention humaine et y est présente depuis au moins cinquante ans.

Disparue (D)
Espèce sauvage qui n’existe plus.

Disparue du pays (DP)
Espèce sauvage qui n’existe plus à l’état sauvage au Canada, mais qui est présente ailleurs.

En voie de disparition (VD)*
Espèce sauvage exposée à une disparition de la planète ou à une disparition du pays imminente.

Menacée (M)
Espèce sauvage susceptible de devenir en voie de disparition si les facteurs limitants ne sont pas renversés.

Préoccupante (P)**
Espèce sauvage qui peut devenir une espèce menacée ou en voie de disparition en raison de l'effet cumulatif de ses caractéristiques biologiques et des menaces reconnues qui pèsent sur elle.

Non en péril (NEP)***
Espèce sauvage qui a été évaluée et jugée comme ne risquant pas de disparaître étant donné les circonstances actuelles.

Données insuffisantes (DI)****
Une catégorie qui s’applique lorsque l’information disponible est insuffisante (a) pour déterminer l’admissibilité d’une espèce à l’évaluation ou (b) pour permettre une évaluation du risque de disparition de l’espèce.
*
Appelée « espèce disparue du Canada » jusqu’en 2003.

**
Appelée « espèce en danger de disparition » jusqu’en 2000.

***
Appelée « espèce rare » jusqu’en 1990, puis « espèce vulnérable » de 1990 à 1999.

****
Autrefois « aucune catégorie » ou « aucune désignation nécessaire ».

*****
Catégorie « DSIDD » (données insuffisantes pour donner une désignation) jusqu’en 1994, puis « indéterminé » de 1994 à 1999. Définition de la catégorie (DI) révisée en 2006.

 

Le Service canadien de la faune d’Environnement Canada assure un appui administratif et financier complet au Secrétariat du COSEPAC.


Rapport de situation du COSEPAC sur
L’ophiogomphe de Howe
Ophiogomphus howei
au Canada
2008

Table des matières

Liste des figures

Information sur l’espèce

Nom et classification

Règne :
Animalia – animaux, animals, animal
Phylum :
Arthropoda – arthropodes, arthropods, artrópodo
Sous–phylum :
Hexapoda – hexapodes
Classe :
Insecta – insectes, insects, inseto
Sous–classe :
Pterygota – insectes ailés, winged insects
Infraclasse :
Palaeoptera – paléoptères, ancient winged insects
Ordre :
Odonata Fabricius, 1793 – libellules, demoiselles, odonates damselflies, dragonflies, libélula
Sous–ordre :
Anisoptera Sélys, 1854 – libellules, dragonflies
Famille :
Gomphidae – Gomphidés, gomphides, clubtails, Clubtails
Genre :
Ophiogomphus Sélys, 1854 – ophiogomphes
Espèce :
Ophiogomphus howei Bromley, 1924 – ophiogomphe de Howe, Pygmy Snaketail

L’Ophiogomphus howei Bromley, 1924, est un odonate anisoptère appartenant à la famille des Gomphidés.

Il s’agit d’une espèce distincte, ne possédant aucun parent proche -- aucune sous–espèce ni aucune forme différentes n’ont été proposées pour l’espèce. Le genre est stable au plan taxinomique depuis sa description par Sélys Longchamps (1854). Carle (1986, 1992) a proposé trois sous–genres, dont celui des Ophionuroides, dans lequel se classe l’ophiogomphe de Howe. L’espèce est considérée indigène dans tous les sites où sa présence a été signalée; son aire de répartition ne semble pas en voie de s’étendre.

La description originale est celle d’une femelle adulte -- le mâle présumé a été décrit simultanément (et correctement) par Calvert (1924). La larve a été décrite relativement récemment par Kennedy et White (1979). Les larves des premiers stades peuvent être difficiles à identifier, mais celles des stades intermédiaires à avancés ainsi que les exuvies et les adultes se reconnaissent sans difficulté.

Le nom anglais de « Pygmy Snaketail » a été attribué à cette libellule par Paulson et Dunkle (1996) et utilisé par Catling et al. (2005) dans la liste canadienne la plus récente. Le nom français d’« ophiogomphe de Howe » a récemment été proposé par Paul Catling et Raymond Hutchinson. L’Agence de protection de l’environnement des États–Unis (United States Environmental Protection Agency) a utilisé « Midget Snaketail », et l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a utilisé « Howe's Midget Snaketail Dragonfly » (UICN; Baillie et Groombridge 1996).

Description morphologique

L’ophiogomphe de Howe présente l’aspect typique du genre, sauf pour la taille et la coloration des ailes (figure 1). Il s’agit du plus petit ophiogomphe, et d’une des plus petites libellules de l’Amérique du Nord. Sa longueur totale varie de 31 à 37 mm, la longueur de l’aile postérieure de 19 à 21 mm (Tennessen, 1993), et celle de l’abdomen de 22 à 24 mm (Needham et al., 2000). Il est très robuste comparativement aux autres espèces aussi petites comme les Gomphidés appartenant aux genres Lanthus Needham et Stylogomphus Fraser qui sont beaucoup plus minces. Le renflement à l’extrémité de l’abdomen est relativement large pour le genre. La femelle ressemble au mâle, mais s’en distingue par son abdomen plus gros et moins renflé à l’extrémité, l’absence d'organe copulateur accessoire, la présence d’un ovipositeur et des appendices abdominaux de forme et de nombre différents.

Figure 1 : Vues dorsale et latérale du mâle de l’ophiogomphe de Howe

Images montrant des vues dorsale et latérale du mâle de l’ophiogomphe de Howe.

Figure 2 : Vue dorsale de l’exuvie de l’ophiogomphe de Howe

Image montrant une vue dorsale de l’exuvie de l’ophiogomphe de Howe. 20mm

Le corps de l’ophiogomphe de Howe est brun foncé et noir, orné de nombreuses marques jaune vif sur le dessus de l’abdomen et vert brillant sur le thorax (Paul Brunelle, obs. pers.). Chez les ténéraux, les marques thoraciques peuvent rester jaunes jusqu’à un maximum de sept jours (Kennedy et White, 1979). Les ailes des deux sexes portent à la base une large bande jaune–orange transparente qui a généralement été plutôt décrite comme jaune ou flavescente (dorée), mais qui prend une couleur jaune–orange chez les spécimens adultes capturés dans le Maine (Paul Brunelle, obs. pers.). Cette coloration est unique chez les Gomphidés, et rare parmi les odonates de l’Amérique du Nord. Les seules autres espèces à présenter une coloration similaire appartiennent à la famille des Libellulidés : le Sympétrum semi–ambré (Sympetrum semicinctum [Say]), le S. occidentale Bartenev, certaines femelles des Prairies du Sympétrum intime (S. internum Montgomery) (Dunkle, 2000), et certaines femelles du S. illotum (Hagen) de la Colombie–Britannique (Paul Catling, comm. pers.).

La larve de l’ophiogomphe de Howe (figure 2) mesure de 19 à 22,5 mm de longueur (Kennedy et White, 1979); elle se distingue des stades précoces des larves de ses congénères par l’absence de crochets dorsaux abdominaux, remplacés par de petites protubérances. Les épines latérales du septième segment abdominal sont vestigiales ou absentes. Les stades avancés de la larve de l’ophiogomphe de Howe possèdent des étuis alaires qui rejoignent (latéralement) le milieu du quatrième segment abdominal (les larves de taille comparable des autres ophiogomphes possèdent des étuis alaires proportionnellement beaucoup plus courts par rapport à la longueur totale du corps).

Des descriptions détaillées de l’espèce se trouvent dans Bromley (1924, femelle adulte), Calvert (1924, mâle adulte), Kennedy et White (1979, larve) et Needham et al. (2000, adultes).

Description génétique

Il n’existe pas d’analyse des caractéristiques génétiques d’individus de cette espèce sur l’ensemble de son aire de répartition. On ignore si ces caractéristiques varient d’une population à l’autre. Comme la population canadienne n’est pas isolée de la principale aire de répartition de l’est de l’Amérique du Nord, les spécimens canadiens ne sont probablement pas sensiblement différents de ceux vivant plus au sud, bien que cela reste à vérifier.

Unités désignables

L’aire de répartition globale de l’espèce se divise en deux zones : les populations occidentales se rencontrent au Wisconsin, au Minnesota et dans le nord–ouest de l’Ontario; les populations orientales occupent la région des Appalaches, du Nouveau–Brunswick à la Caroline du Sud (figure 3). Ces deux régions sont distantes l’une de l’autre d’au moins 700 km (du nord du Kentucky au centre du Wisconsin). On considère que l’occurrence du nord–ouest de l’Ontario appartient au groupe occidental, et que les populations du Nouveau–Brunswick se trouvent à la limite nord de l’aire de répartition du groupe oriental. Au Canada, l’occurrence du nord–ouest de l’Ontario et celles du Nouveau–Brunswick sont largement séparées l’une de l’autre; selon les résultats de vastes recensements des libellules effectués en Ontario et dans l’ouest du Québec et compte tenu de l’absence d’habitat approprié (grandes rivières à courant rapide, non polluées, drainant des zones couvertes de dépôts glaciaires grossiers) dans la plus grande partie de cette région, ces populations ne risquent pas d’être en contact dans le nord. Même s’il semble justifié dans ces conditions de parler de deux unités désignables, la possibilité de l’existence d’un lien, à tout le moins dans le passé, a conduit à conclure à l’existence d’une seule unité désignable.

Répartition

Aire de répartition mondiale

La figure 3 illustre l’aire de répartition mondiale. Cette carte est modifiée d’après Donnelly (2004) et des cartes du site Web Odonatacentral.

L’aire de répartition de l’ophiogomphe de Howe se limite essentiellement à l’est de l’Amérique du Nord. Elle forme une ligne longeant les Appalaches du nord du Nouveau–Brunswick au sud–est du Tennessee. Au sud de la Nouvelle–Angleterre, l’espèce semble confinée à la chaîne des Appalaches elle–même, mais elle se  trouve également dans les basses terres du Massachusetts et du Maine, et jusque dans le sud–ouest du Nouveau–Brunswick. La deuxième zone de répartition se trouve immédiatement à l’ouest et au sud des Grands Lacs -- au Michigan, au Minnesota et au Wisconsin --, ce qui donne à penser qu’elle pourrait être présente dans le sud–ouest de l’Ontario (Catling et Brownell, 2000), mais probablement uniquement dans les districts de Renfrew, de Nipissing et d’Algoma, dans le sud du Bouclier canadien. Il existe dans ces districts des milieux qui semblent propices à l’espèce, mais malgré les vastes recensements effectués récemment en Ontario (60 000 fiches d’observations espèce/site/date, dont des milliers provenant de rivières situées dans les districts potentiels), aucune libellule de cette espèce n’a été trouvée (Paul Catling, comm. pers.).

Aire de répartition canadienne

L’aire de répartition canadienne englobe 12 emplacements : 11 au Nouveau–Brunswick (figures 4a et 4b) et 1 en Ontario (figure 4c). La superficie de la zone d’occurrence atteint 175 000 km2 pour l’ensemble du Canada. La zone d’occupation a été estimée à 48 km2 à l’aide d’une grille de 2 km sur 2 km, et à 12 km2 à l’aide d’une grille de 1 km sur 1 km, les deux estimations s’appuyant sur un habitat larvaire très limité.

Nord–ouest de l’Ontario

Le 23 juin 2007, Ilka Milne a découvert une exuvie d’ophiogomphe de Howe sur la rivière Namakan (district de Rainy River), dans le nord–ouest de l’Ontario (figure 4c). Un recensement de la zone réalisé le 24 juin 2008 par I. Milne, M.J. Oldham et d’autres collaborateurs est resté sans résultat (ni adulte, ni exuvie), mais a permis de confirmer que l’habitat était propice à l’espèce. Les conditions qui existaient alors (niveaux d’eau extrêmement élevés) et le moment choisi (très tard au printemps de 2008 -- peut–être avant la date d’émergence) risquent d’avoir réduit les chances de recueillir plus de preuves de l’existence d’une population résidente. Le spécimen capturé a d’abord été identifié par Ilka Milne, et cette identification a par la suite été confirmée par Bob Dubois, Ken Tennessen et Colin Jones; cette donnée est donc jugée fiable. Comme il s’agit d’une exuvie, cette mention représenterait une population reproductrice établie.

Nouveau–Brunswick

La figure 4a montre l’aire de répartition au Nouveau–Brunswick et dans l’État adjacent du Maine. Source : données de l’ADIP (Atlantic Dragonfly Inventory Program; Paul Brunelle) et du MDDS (Maine Damselfly and Dragonfly Survey; Paul Brunelle). La figure 4b indique les occurrences au Nouveau–Brunswick.

Comme trois des emplacements se trouvent sur la frontière du Maine, il sera également fait état de l’abondance et de la répartition de l’espèce dans cet État.

L’espèce a été découverte pour la première fois au Canada le 22 juin 2002 par Paul Catling (Catling, 2002); il s’agissait d’individus ténéraux encore agrippés à leur exuvie ou se trouvant dans les buissons voisins des rives de la rivière Saint–Jean, à la hauteur de Baker Brook (comté de Madawaska, Nouveau–Brunswick) (figures 4a et 4b). Les efforts subséquents de recherche d’autres spécimens de l’espèce à cet emplacement sont restés vains, mais cet échec pourrait être attribuable au mauvais temps qui sévissait lors des visites du site. Les recherches effectuées sur la rive américaine de la rivière (Maine) dans cette région au cours de la période propice sont également restées vaines (Paul Brunelle, obs. pers.).

Figure 3 : Aire de répartition mondiale de l’ophiogomphe de Howe

Carte montrant l’aire de répartition mondiale de l’ophiogomphe de Howe.

Figure 4a : Aire de répartition de l’ophiogomphe de Howe dans le Maine et au Nouveau–Brunswick

Carte montrant l’aire de répartition de l’ophiogomphe de Howe dans le Maine et au Nouveau-Brunswick.

Source : données de l’ADIP et du MDDS, Paul Brunelle, Denis Doucet). Les numéros sont ceux des données de l’ADIP et du MDDS; ils font référence à des emplacements particuliers.

Figure 4b : Emplacements des populations de l’Ophiogomphus howei au Nouveau–Brunswick, jusqu’en décembre 2007

Carte montrant les emplacements des populations de l’ophiogomphe de Howe au Nouveau-Brunswick, jusqu’en décembre 2007.

Chaque point représente une population distincte. Le site de Doketown (2008) ne figure pas sur la carte, mais il fait partie du groupe de cinq points qui se trouve au centre (carte de P.M. Catling). Un site supplémentaire découvert en 2008 ne figure pas sur la carte; il fait partie du groupe principal.

Figure 4c : Emplacement (point noir) de la population ontarienne de l’Ophiogomphus howei

Carte montrant l’emplacement de la population ontarienne de l’ophiogomphe de Howe.

Carte de P.M. Catling.

Les données récentes provenant du Maine sont précieuses puisqu’elles portent sur un site de la rivière Ste–Croix qui est un cours d’eau limitrophe du comté de Charlotte (Nouveau–Brunswick). Deux exuvies ont été recueillies du côté américain de la rivière le 22 juin 1996 par Daniel Boland (fiche du MDDS no 181967). Le 30 juin 2005, d’autres exuvies ont été recueillies à cet emplacement par Mark Ward (MDDS no 138874) ainsi qu’à un autre emplacement sur la rivière (MDDS no 181967). Des recherches poussées effectuées sur la rive canadienne de la rivière pour trouver des preuves de la présence de l’espèce sont jusqu’à maintenant restées vaines. Il est toutefois très probable que l’espèce émerge et vole également du côté canadien de la frontière.

Une observation crédible d’un adulte a été signalée sur la rivière Magaguadavic (comté de York), dans le sud–ouest du Nouveau–Brunswick, le 1er juillet 2003 par Dwayne Sabine (fiche de l’ADIP no 210599). Sabine, un observateur expérimenté des libellules, s’est approché à moins d’un mètre d’une libellule perchée, soit assez proche pour constater qu’il s’agissait d’une femelle de l’ophiogomphe de Howe. Cette observation est crédible étant donné l’aspect particulier de cette espèce. En revanche, elle ne prouve pas la présence dans la rivière de larves en développement, même si cela paraît probable.

En 2007, Denis Doucet, Jim Edsall, Paul Brunelle et Gerry Stairs ont effectué un recensement (Doucet, 2008) ciblant précisément l’Ophiogomphus howei sur la rivière Miramichi. Ils ont découvert l’espèce à six emplacements le long d’une section de 30 km de la rivière, ainsi qu’à un nouvel emplacement sur la rivière Salmon. Comme ils ont en réalité exploré 61 sites (distants les uns des autres de 1 km, selon la définition de NatureServe) sur toute la longueur de la Miramichi Sud–Ouest, l’espèce doit toujours être considérée comme rare.

D’un point de vue strictement bioclimatique, et compte tenu de la répartition géographique connue des occurrences, l’espèce pourrait se rencontrer sur l’ensemble du territoire des provinces de l’Atlantique, dans les Cantons de l’Est au Québec et dans le sud–ouest et le sud de l’Ontario. Toutefois, des facteurs autres que le climat jouent un rôle important dans la répartition des insectes, et de vastes superficies de ce qui pourrait sembler constituer l’aire de répartition potentielle de cette espèce semblent malgré tout inoccupées. Étant donné l’ampleur des études consacrées aux libellules dans ces régions (ces insectes ont historiquement suscité beaucoup d’intérêt au Québec et en Ontario, où ils ont fait l’objet d’importantes publications récentes), et les recensements relativement importants dans les provinces de l’Atlantique (voir Activités de recherche), il paraît raisonnable de conclure que si l’espèce existe dans toutes ces régions, elle y sera extrêmement rare.

Une exuvie aurait été récoltée en aval du site où Dwayne Sabine a observé un spécimen sur la rivière Magaguadavic (fiche de l’ADIP no 210601), et une autre sur la Miramichi Sud–Ouest à Blackville, dans le comté de Northumberland (fiche de l’ADIP no 210602), mais ces observations n’ont pas été corroborées. Étant donné l’absence de spécimens de référence, il est impossible de confirmer qu’elles appartiennent bien à l’espèce Ophiogomphus howei (Paul Brunelle, obs. pers.).

Activités de recherche

Il est très rare qu’on puisse observer des ophiogomphes de Howe adultes autrement que sous forme d’exuvies ou de ténéraux à l’émergence. Cinq chercheurs seulement ont eu l’occasion d’apercevoir des adultes matures dans le Maine et au Nouveau–Brunswick : Paul Brunelle, Paul Catling, Denis Doucet, Blair Nikula et Dwayne Sabine.

Ontario

Au cours des quelque dix dernières années, les odonates ont fait l’objet de très nombreux travaux de recensement dans le nord–ouest de l’Ontario. De nombreux experts vivent dans cette zone (p. ex., Ilka Milne, Bill Morganstern, Darren Elder). En 2005 une conférence sur les odonates des Grands Lacs y a été organisée à laquelle ont participé de nombreux experts ayant travaillé dans toute cette région. Mike Oldham a fait la recherche d’adultes et d’exuvies à l’occasion d’au moins six visites effectuées dans la région et au cours desquelles il a exploré en bateau plusieurs cours d’eau près de la rivière Namakan. Il a également exploré plusieurs cours d’eau de la rive nord du lac Supérieur, ce que d’autres ont fait également (p. ex., Rob Foster, Colin Jones, Paul Catling).

La base de données sur les odonates de l’Ontario (Ontario Odonata database) contient 1 092 fiches d’observations (espèce/site/date) pour le district de Rainy River, dont la seule pour l’Ophiogomphus howei. La base de données contient 1 353 observations pour le district voisin de Thunder Bay; le total pour l’ensemble de la province s’établit à 60 000 observations. 

Il n’existe dans le nord–ouest de l’Ontario que très peu de milieux propices à cette espèce qui a besoin pour son développement de grandes rivières au courant rapide et à substrat de gravier fin. Le drainage est entravé sur une bonne partie du Bouclier canadien, il manque en général de longues sections de rapides et la plupart des cours d’eau sont petits. L’ouest du district de Rainy River est en général trop plat pour générer des débits importants, et les cours d’eau sont turbides. Les chercheurs ont exploré quelques sections rapides de ces cours d’eau à la recherche d’adultes et d’exuvies, sans y trouver d’Ophiogomphus howei. 

Compte tenu des activités de recherches qui y ont été menées et des caractéristiques du paysage, les possibilités de découverte de nouvelles populations de l’espèce sont jugées faibles, sinon nulles.

Nouveau–Brunswick

Plusieurs vastes relevés d’exuvies lotiques ont été effectués dans cette province, auxquels se sont ajoutées de nombreuses recherches (isolées et moins élaborées) par des particuliers. Le Department of Inland Fisheries and Wildlife du Maine a également commandé de tels recensements depuis 1995. Par ailleurs, la base de données du MDDS contient les résultats de plusieurs énoncés des incidences environnementales préparés dans cet État. Voici une liste des travaux récents les plus importants réalisés avant 2007 :

  1. Dan Boland et Billie Bradeen, étudiants à l’Université du Maine à Orono, travaillant sous la direction d’Elizabeth Gibbs, ont recensé les ophiogomphes de la rivière Aroostook, dans le nord–est du Maine, au début des années 1990. Ils ont rapporté de nombreux spécimens de l’ophiogomphe de Howe dont il est fait état dans Gibbs et al. (2004). Boland a par la suite poursuivi ses recherches d’exuvies sur l’ensemble du territoire du Maine pour le compte du Department of Inland Fisheries and Wildlife du Maine.
  2. Paul Brunelle a réalisé un recensement des exuvies du ruisseau Canoose, dans le sud–ouest du Nouveau–Brunswick, de 1993 à 1996, sans trouver d’ophiogomphe de Howe. Des recherches effectuées sur la rivière Ste–Croix pendant la même période, et par intermittence par la suite, jusqu’en 2006, sont également restées vaines.
  3. En 2003, la rivière Eel, au centre–ouest du Nouveau–Brunswick, a fait l’objet de recherches intensives par le Centre de données sur la conservation du Canada atlantique. Malgré les grandes similitudes observées entre cette rivière et la rivière Machias, dans le Maine, où l’ophiogomphe de Howe a été trouvé, les recherches sont restées vaines (Paul Brunelle, obs. pers.).
  4. En 2004, Paul Brunelle a effectué le recensement du comté de Madawaska, dans le nord du Nouveau–Brunswick, y compris des stations situées sur la rivière Saint–Jean, sans trouver d’ophiogomphe de Howe.
  5. Dwayne Sabine fait une collecte assidue d’exuvies sur la rivière Saint–Jean, à Fredericton, depuis 2002. Il n’a encore trouvé aucun ophiogomphe de Howe.
  6. En 2006, Paul Brunelle a procédé à des recherches intensives sur la rivière Ste–Croix le 13 mai, du 6 au 8 juin et du 2 au 4 août. Des larves ont été récoltées par dragage et cherchées par un examen du substrat sous l’eau, et des exuvies ont été récoltées. Il a également fait la recherche des odonates adultes au milieu de la rivière et ailleurs. Cette rivière est une des plus étudiées de la région; elle a fait l’objet à ce jour de 75 visites, dont 44 au cours desquelles des exuvies ont été collectées, et 17 au cours desquelles les larves ont été échantillonnées. Ce recensement a été effectué en majeure partie au cours de la période présumée d’émergence et de vol de l’ophiogomphe de Howe. Malgré cela, aucun spécimen de cette espèce n’a été rencontré.

Les bases de données de l’ADIP pour la période se terminant en 2006 contiennent suffisamment d’information sur les recensements pour permettre d’estimer les activités consacrées avant 2007 aux recensements des milieux lotiques au Nouveau–Brunswick. Il convient de noter que les « heures de terrain » indiquées ci–dessous correspondent au temps consacré à la visite d’un habitat particulier, à l’exclusion du temps de déplacement. Une « fiche d’observation » correspond à l’observation d’une espèce particulière enregistrée en un lieu et à une date donnés -- les différents stades du cycle vital d’une même espèce sont inclus sur la même fiche, comme le sont les spécimens de référence multiples.

Les paragraphes suivants présentent un sommaire des activités de recensement conduites dans les milieux lotiques du Nouveau–Brunswick jusqu’en 2006. Même si les activités de recherche décrites ne visaient pas précisément l’ophiogomphe de Howe, cela ne compromet en rien les résultats décrits ci–dessous puisque les recensements conduisent d’ordinaire à la capture d’adultes de toutes les espèces -- précisément en raison du fait que certaines espèces (souvent les plus rares) sont difficiles à identifier en vol. Par ailleurs, les collectes d’exuvies sont en règle générale effectuées sans distinction, les participants au recensement recueillant tout ce qu’ils trouvent aux fins de référence. Peu importe la nature générale des recensements d’odonates réalisés jusqu’à maintenant dans la province, l’ophiogomphe de Howe est resté une cible prioritaire des chercheurs au Nouveau–Brunswick depuis 1993 étant donné les observations signalées dans le Maine voisin et sa situation d’espèce très préoccupante sur le plan de la conservation dans cet État et ailleurs.

Les chercheurs ont effectué au total 1 524 visites de recensement d’odonates dans des sites d’eau courante de la province. De ce nombre, 783 ont été effectuées entre le début de juin et la mi–juillet. Il s’agit de la période au cours de laquelle l’ophiogomphe de Howe risque le plus d’être découvert s’il a émergé à cet endroit (Paul Brunelle, obs. pers.). Les chercheurs ont visité 74 rivières et ruisseaux, plusieurs à de multiples stations et à de nombreuses reprises, consacrant ainsi environ 880 heures de terrain pendant la période de vol présumée. Les odonates adultes ont été activement recherchés pendant toutes ces visites, et 2 213 fiches d’observation ont été établies. Les exuvies ont été activement recherchées pendant 326 de ces visites et 631 observations ont été enregistrées, et l’échantillonnage des larves pendant 46 visites a permis d’obtenir 76 observations. Seules deux de ces visites effectuées sur deux cours d’eau ont fourni une preuve de la présence de l’ophiogomphe de Howe. (Les données de la rivière Ste–Croix sont fondées sur les résultats des recensements effectués dans le Maine).

Ces faibles taux d’observation (0,3 % des 783 recensements lotiques réalisés pendant la période de vol présumée; 0,6 % des 326 visites au cours desquelles les exuvies ont été récoltées) sont particulièrement significatifs étant donné que les exuvies de l’ophiogomphe de Howe sont aussi visibles que celles de beaucoup d’autres espèces récoltées durant ces recensements, et relativement faciles à identifier. Par exemple, 27 de ces visites ont conduit à la récolte d’exuvies d’un Gomphidé de taille comparable (Stylogomphus albistylus Hagen in Sélys), malgré le fait que cette espèce émerge environ deux semaines plus tard que l’ophiogomphe de Howe.

Les recensements de larves sont beaucoup moins fréquents dans la région; ils sont en général effectués par des professionnels (les exuvies sont souvent récoltées par des bénévoles de l’ADIP). Les échantillonnages de larves effectués au cours de 46 visites dans 11 rivières ou ruisseaux de la province n’ont conduit à la capture d’aucun ophiogomphe de Howe. À ce propos, il faut souligner que selon des informations récentes, la capture de larves de l’ophiogomphe de Howe était de toute façon peu probable, en raison de la profondeur comparativement limitée des dragages effectués (voir ci–dessous, Techniques de recensement).

Il faut toutefois faire une mise en garde au sujet des statistiques présentées ci–dessus. En effet, il est possible que la recherche d’exuvies et de larves ait été faite lors d’autres recensements, mais que ces recherches, surtout si elles sont restées vaines, n’aient pas été signalées à l’ADIP.

Les recherches effectuées dans l’État du Maine voisin ont révélé la présence de nombreuses populations d’ophiogomphe de Howe. Ces résultats devraient nous renseigner sur la quantité d’activités de recherches requises pour trouver l’espèce lorsqu’elle est présente dans un habitat donné. Or, cette intensité de recherche a été surpassée dans beaucoup de zones des Maritimes sans succès. Paul Brunelle a visité pratiquement tous les emplacements où la présence de l’espèce a été signalée dans le Maine; il est donc en mesure de reconnaître les caractéristiques précises des milieux où cette espèce se trouve.

En résumé, dans les Maritimes et ailleurs dans l’est du Canada, de très importantes activités ont été consacrées à la recherche de l’ophiogomphe de Howe, mais ces recherches n’ont donné jusqu’en 2007 que très peu de résultats, ce qui donne à conclure que nous avons affaire à une espèce très rare dont l’aire de répartition est très limitée. La facilité avec laquelle les exuvies sont trouvées compense pour les difficultés que pose la détection des adultes. Au cours du recensement dirigé réalisé en 2007 dans 61 sites (séparés les uns des autres par 1 km, selon la définition de NatureServe) répartis sur toute la longueur de la Miramichi Sud–Ouest (Doucet, 2008), l’espèce n’a été découverte que dans 6 sites contigus sur une section de 30 km. Seulement 20 adultes d’Ophiogomphus howei ont été observés, et 78 exuvies récoltées, principalement à 2 emplacements. Un recensement effectué en 2008 sur les rivières Ristigouche et Magaguadivic et sur la rivière Saint–Jean ainsi que sur une autre section de la rivière Miramichi n’a révélé l’existence que d’un seul nouveau site, sur la Miramichi, à la hauteur du pont de Doaktown. Cette étude visait 60 sites optimaux et les recherches ont totalisé 230 heures consacrées principalement à la recherche d’exuvies.

Les activités de recherche décrites ci–dessus sont considérées comme une indication fiable de la rareté de l’espèce, même si moins de 45 % de l’habitat possible ont fait l’objet d’un recensement dirigé. Les résultats de ces recherches, effectuées dans les milieux les plus propices, donnent toutefois à conclure que le nombre de sites supplémentaires où l’ophiogomphe de Howe pourrait être découvert ne saurait vraisemblablement dépasser la quinzaine.

Techniques de recensement

La recherche active d’adultes et d’exuvies par des odonatologues chevronnés constitue les principales techniques de recensement utilisées. Les recherches effectuées dans le cadre de la préparation de l’ébauche du rapport de situation ont permis de mettre à jour d’importantes informations inédites ayant trait au comportement des larves de l’ophiogomphe de Howe qui permettent en grande partie d’expliquer les piètres résultats des recensements passés. Thomas Donnelly (comm. pers.) a observé que les larves peuvent s’enfouir à une profondeur d’environ 20 cm dans le substrat fin (figure 7) pendant le jour; il pense également qu’elles se laissent entraîner par le courant durant la nuit.

Les recherches futures portant sur cette espèce au Nouveau–Brunswick devraient mettre l’accent sur la collecte d’exuvies; les captures d’adultes ne devraient être effectuées que lorsque l’occasion se présente. En revanche, si les ressources le permettent, l’utilisation de filets de dérive et l’excavation du substrat devraient être envisagées.

Habitat

Besoins en matière d’habitat

Chez les odonates, les besoins les plus importants en matière d’habitat sont surtout ceux des larves, bien que les menaces qui pèsent sur le couvert forestier environnant risquent également d’influer sur la survie des adultes avant la ponte, ces derniers passant semble–t–il la plus grande partie de leur temps dans ces forêts.

L’ophiogomphe de Howe est une espèce des grandes rivières à courant rapide et à pente modérée, comportant des zones importantes de substrats de sable ou de gravier fin (figures 5, 6 et 7). Tennessen (1993) et Dunkle (2000) décrivent son habitat comme suit : « Grandes rivières d’eau claire et propre, à courant fort, et à fond de gravier ou de sable; rarement de petites rivières » [traduction libre]. Kennedy et White (1979) font état de caractéristiques similaires pour la rivière New, en Caroline du Nord et en Virginie (« Les larves ont été découvertes dans le substrat de sable et de gravier de rivières au courant rapide. » [traduction libre]) et pour la rivière Susquehanna, en Pennsylvanie. Pour la rivière New, ils ont noté que les concentrations d’oxygène dissous sont presque toujours proches du point de saturation. Ces milieux sont linéaires, mais ils peuvent présenter des sections non propices à cause des caractéristiques du courant et du substrat. Même dans des segments de rivière présentant les caractéristiques appropriées, le type de dépôts formant le substrat des rives pourrait ne pas convenir à l’ophiogomphe de Howe.

L’espèce est particulièrement absente des rivières plus petites (moins de 10 m de largeur), comme le montre par exemple le recensement approfondi des larves, de l’émergence et des exuvies d’odonates dans le ruisseau Canoose du comté de Charlotte (Nouveau–Brunswick, 45,3667° N, –67,35° O), un tributaire de la rivière Ste–Croix. Ce recensement n’a pas permis de découvrir l’ophiogomphe de Howe, même si son congénère, l’ophiogomphe bariolé (Ophiogomphus anomalus Harvey), souvent considéré comme une espèce indicatrice de la présence de l’ophiogomphe de Howe, est relativement commun dans ce ruisseau (Paul Brunelle, obs. pers.). L’ophiogomphe de Howe ne devrait pas se trouver non plus dans les cours d’eau à pente forte (« ruisseaux à truites »), même ceux de taille relativement grande, à moins qu’ils ne comportent des sections importantes où la pente du lit est moins forte et qui peuvent retenir le substrat fin dont les larves semblent avoir besoin.

D’après le type de rivière où l’ophiogomphe de Howe se rencontre dans le Maine (Paul Brunelle, obs. pers.), l’espèce tolère vraisemblablement mal l’eutrophisation -- peut–être même les légères augmentations de la teneur en nutriments -- et les interférences de l’écoulement des cours d’eau. Elle n’a pas été trouvée dans les eaux eutrophes ni dans celles dont le courant a été sensiblement modifié. Bien que présente sur de très longues sections de la rivière Aroostook, dans le Maine, elle est semble–t–il absente de la portion canadienne de ce cours d’eau qui se trouve en aval d’un barrage, alors que l’ophiogomphe bariolé occupe cet habitat (Paul Catling, comm. pers.). Un recensement intensif d’exuvies étalé sur cinq ans, par Dwayne L. Sabine, dans une portion de 200 m de la rivière Saint–Jean, à Fredericton, n’a pas permis de découvrir l’espèce à ce site, alors que plusieurs espèces de Gomphidés lotiques y ont été récoltées, dont certaines sont également jugées sensibles aux caractéristiques de l’habitat aquatique (Dwayne Sabine, comm. pers.). Ce site se trouve en aval du grand barrage de Mactaquac; toutefois, le courant y est encore perceptible, l’eau est propre et l’habitat paraît à tous autres égards propice à l’espèce.

Figure 5 : Habitat typique de l’ophiogomphe de Howe sur la rivière Saint–Jean

Photo de l’habitat typique de l’ophiogomphe de Howe sur la rivière Saint-Jean.

Il faut noter que la portion qui semble se trouver sur l’autre rive fait en réalité partie d’une grande île qui se trouve au milieu de la rivière. La rivière est donc deux fois plus large dans cette zone que ne le laisse deviner ce cliché.

La plupart des réseaux hydrographiques de la province ont fait l’objet de recherches d’exuvies plus ou moins poussées pendant la période appropriée de l’année. Ces travaux ont permis de confirmer la présence d’une espèce souvent associée à l’ophiogomphe de Howe, l’ophiogomphe bariolé (Ophiogomphus anomalus), dans huit rivières ou grands ruisseaux : ruisseau Canoose, rivière Digdeguash, ruisseau Halls, rivière Magaguadavic*, rivière Saint–Jean*, bras sud de la rivière Oromocto, rivière Miramichi Sud–Ouest et rivière Ste–Croix*. Dans tous ces cours d’eau sauf le ruisseau Halls, la présence d’une population reproductrice de l’ophiogomphe bariolé a été confirmée, généralement grâce à la collecte d’exuvies, et dans certains cas par l’observation de l’émergence. Sur les 32 cours d’eau où la présence de l’O. anomalus a été signalée dans le Maine et au Nouveau–Brunswick, 11 seulement abritaient également l’ophiogomphe de Howe. Ainsi, les 3 cours d’eau qui abritent l'ophiogomphe de Howe au Nouveau–Brunswick (marqués d’un astérisque dans l’énumération ci–dessus) représentent une proportion semblable à celle calculée globalement pour le Maine et le Nouveau–Brunswick. Des proportions similaires de mentions d’observation s’appliquent aussi dans le cas de la libellule Neurocordulia michaeli dans la région (Paul Brunelle, obs. pers.; données de l’ADIP et du MDDS). En résumé, les facteurs précis qui déterminent la présence de l’ophiogomphe de Howe dans un site donné sont peu connus, mais les milieux propices semblent rares, et des facteurs écologiques autres que ceux énumérés dans la description de l’habitat jouent probablement un rôle important.

Tendances en matière d’habitat

Il n’y a pas d’information concluante sur les tendances en matière d’habitat. Il ne semble pas y avoir eu de déclin récent de la qualité des milieux aquatiques ou terrestres associés aux trois cours d’eau du Nouveau–Brunswick où la présence de l’ophiogomphe de Howe a été confirmée, ni de la qualité de la rivière en Ontario. Toutefois, ces cours d’eau ne demeureront propices au développement de l’espèce que s’ils continuent de faire l’objet d’une protection appropriée (voir Facteurs limitatifs et menaces). L’ophiogomphe de Howe est probablement vulnérable aux variations de la qualité de l’eau.

Protection et propriété

Des trois cours d’eau où la présence de l’ophiogomphe de Howe a été confirmée au Nouveau–Brunswick, seule la rivière Ste–Croix est protégée dans une certaine mesure par la Commission internationale de la rivière Ste–Croix qui a pour mandat d’administrer un plan de gestion du patrimoine du couloir fluvial transfrontalier.

Les deux autres cours d’eau -- rivière Saint–Jean en amont de Grand Falls, dans le nord du Nouveau–Brunswick, et rivière Magaguadavic, dans le sud–ouest de cette province -- ne bénéficient d’aucune protection officielle. La vallée de la rivière Saint–Jean est en grande partie constituée de paysages agricoles, périurbains et urbains. En revanche, de longues portions de la rivière Saint–Jean et de la rivière Magaguadavic traversent des zones boisées.

Figure 6 : Habitat typique de l’ophiogomphe de Howe; rivière Ste–Croix

Photo de l’habitat typique de l’ophiogomphe de Howe sur la rivière Ste-Croix.


Figure 7 : Substrat présumé des larves de l’ophiogomphe de Howe

Photo du substrat présumé des larves de l’ophiogomphe de Howe.

Les larves s’enfouissent dans le gravier fin.

Biologie

Cycle vital et reproduction

Comme tous les autres Gomphidés, l’ophiogomphe de Howe pond ses oeufs dans l’eau, hors des plantes, en plongeant l’extrémité de son abdomen dans l’eau. Dans un cas, une libellule a été observée en train de pondre ses oeufs de cette manière, dans le courant, au milieu d’une rivière (Thomas Donnelly, comm. pers.), et dans un autre cas, les œufs ont été pondus en bordure d’une section au courant uniforme, là où le courant était plus faible quoique encore perceptible (Paul Brunelle, obs. pers.). Les œufs, transportés par le courant, se déposent vraisemblablement au fond, en aval du lieu de ponte, et les larves se développent sur le substrat ou dans celui–ci.

Les larves prennent au moins deux ans pour se développer avant l’émergence (Kennedy et White, 1979), et peut–être plus. William Kennedy (1979) a découvert que les larves de l’ophiogomphe de Howe s’enfouissent profondément dans le substrat (20 cm) pendant la journée (Thomas Donnelly, comm. pers.). Elles remontent à la surface du substrat et se laissent emporter par le courant pendant la nuit, et leur densité dans la dérive atteint un sommet vers 2 h 00 (heure de l’Est), soit 1 h 00 (heure de l’Atlantique) au Nouveau–Brunswick. Les résultats négatifs des campagnes de collecte de larves organisées dans le Maine et au Nouveau–Brunswick confirment cette observation. Les campagnes intensives de dragage du substrat des rivières menées par Paul Brunelle (obs. pers.), y compris dans la rivière Ste–Croix, sont restées sans résultat, tout comme celles tout aussi intensives réalisées par Gibbs et al. (2004).

La figure 8 présente les dates d’émergence connues de l’espèce pour le Maine et le Nouveau–Brunswick. Il est probable que l’émergence débute lorsque les larves partent à la dérive, et ces dernières sortiront donc de l’eau en plus grands nombres aux sites où le courant diminue soudainement (zone où elles peuvent prendre appui sur le substrat; Paul Brunelle, obs. pers.). Ces lieux d’émergence se trouveront d’ordinaire à la tête des bassins dans lesquels les rapides se déversent, et généralement en aval de structures qui se trouvent sur les rives érodées des cours d’eau. Selon Gibbs et al. (2004), l’ophiogomphe de Howe pourrait émerger de façon synchrone vers la fin de la période d’émergence de ses congénères, l’Ophiogomphus anomalus Harvey (ophiogomphe bariolé), l’O. carolus Needham (ophiogomphe de Carole) et l’O. mainensis Packard (ophiogomphe du Maine), et à peu près en même temps que l’O. aspersus Morse (ophiogomphe saupoudré).

Les exuvies sont habituellement récoltées sur les rives érodées, près des endroits où le courant est fort, ce qui indiquerait que les larves vivent dans les zones de courant rapide, mais à écoulement uniforme, qui jouxtent ces rives, ou qu’elles y sont entraînées par le courant avant d’émerger, d’où leur tendance à se retrouver sur ces rives. Les larves émergent généralement près du bord de l’eau.

Après l’émergence, les ténéraux s’envolent pour aller passer une longue période de maturation à l’écart du cours d’eau. Contrairement à la plupart des odonates qui reviennent fréquemment au cours d’eau pour y établir des territoires et se reproduire, l’ophiogomphe de Howe semble passer peu de temps près de l’endroit où il a émergé. Les adultes passent probablement le plus clair de leur temps dans les forêts environnantes, habituellement dans la cime des arbres, un habitat qui n’a fait l’objet de pratiquement aucune observation. Kennedy et White (1979) indiquent que les adultes volent haut dans le feuillage des arbres de la fin de l’après–midi jusqu’au crépuscule. Au nombre des rares rencontres d’adultes de l’espèce qui existent, l’une est survenue au niveau du sol, dans des buissons au bord d’un cours d’eau, plusieurs ont été faites dans des buissons à proximité du cours d’eau ou dans des champs à une distance considérable de tout habitat propice aux larves (T.W. Donnelly et J.J. Daigle, comm. pers.), et plusieurs autres ont été faites au–dessus de l’eau.

La description la plus détaillée qui existe d’une observation d’un ophiogomphe de Howe adulte pourrait expliquer pourquoi les adultes de l’espèce sont si rarement capturés, et pourrait être utile aux futures recherches. Essentiellement, elle montre que les femelles ne passent qu’une brève période au–dessus des cours d’eau pour y pondre et qu’elles volent ensuite vers la cime des arbres pour échapper aux mâles, ou sont capturées et ramenées dans la forêt par ces derniers. Les mâles patrouillent rapidement au fil de l’eau en compagnie d’autres libellules semblables, et sont extrêmement difficiles à capturer au filet.

Figure 8 : Périodes de vol et de reproduction de l’ophiogomphe de Howe dans le Maine et au Nouveau–Brunswick

Figure 5A : Période de vol de l’ophiogomphe de Howe au Nouveau-Brunswick, Canada
  Vol le plus précoceB MaiA Juin Juillet Nombre de fichesC Vol le plus tardifB
A B C D E A B C D E A B C D E
AdultesD June 22                 1   1         2 1er juillet
Exuvies                              

Nota :   Les nombres indiqués dans les colonnes correspondent aux fiches d’observation (espèce/site/date) et non au nombre d’insectes observés. Le fond gris indique la période de vol déterminée selon les informations disponibles. Les données de récolte d’exuvies peuvent indiquer le début de la période de vol, mais cette dernière ne saurait dépasser la date de la dernière observation d’un adulte.
Les données non corroborées ne sont pas incluses.

A Subdivisions du mois. Chaque mois est divisé en cinq unités de six jours chacune, sauf l’unité E qui dure sept jours en mai et en juillet.
B Vol le plus précoce et vol le plus tardif observés au Nouveau-Brunswick.
C Nombre total de fiches d’observation. Ce nombre ne correspond pas nécessairement à la somme des colonnes à cause des observations des multiples stades du cycle vital.
D Pour chaque unité, le nombre d’observations pour tous les stades du cycle vital est indiqué : adultes dans la ligne du dessus, exuvies dans la ligne du dessous.

Figure 5B : Période de vol de l’ophiogomphe de Howe dans le Maine, États-Unis
  Vol le plus précoce Mai Juin Juillet Nombre de fiches Vol le plus tardif
A B C D E A B C D E A B C D E
Adultes 25 mai               1 8 2 2 1       80 7 juillet
Exuvies         1E   1 23 24 9 3 1 1    

Nota :  Mêmes remarques que dans le tableau 5A, exception faite de ce qui suit :
E L’ exuvie récoltée en mai provient d’un site situé au sud de la zone du Maine représentative du comportement de l’espèce au Canada.

Figure 5C : Période de vol de l’ophiogomphe de Howe en Acadie
  Vol le plus précoce Mai Juin Juillet Nombre de fiches Vol le plus tardif
A B C D E A B C D E A B C D E
Toute l’Acadie Adultes 25 mai               1 9 2 3 1       82 7 juillet
Exuvies         1   1 25 24 9 3 1 1    
47 à 48°N+ Adultes 22 juin                 1             3 22 juin
Exuvies                 1 1 1        
46 à 47°N Adultes 13 juin               1 6   1 1       56 7 juillet
Exuvies               22 24 4 2        
45 à 46°N Adultes 17 juin                     1         11 1er juillet
Exuvies                 4 4   1 1    
44 à 45°N Adultes 17 juin                 2 2           9 26 juin
Exuvies               2 3 1          
43 à 44°N Adultes 25 mai                     1         3 1er juillet
Exuvies         1   1                

 

Figure 5D : Période de reproduction de l’ophiogomphe de Howe en Acadie
  Vol le plus précoce Mai Juin Juillet Nombre de fiches Vol le plus tardif
A B C D E A B C D E A B C D E
Emergence 19 juin                 8   1         9 1er juillet
Accouplement 20 juin                 2             2 20 juin
Ponte 20 juin                 2             2 20 juin

Nota : Mêmes remarques que dans le tableau 5A.

Période d’activité des adultes

La figure 8 présente les dates connues de vol de l’espèce dans le Maine et au Nouveau–Brunswick. La période de vol des odonates dépend largement des températures saisonnières; elle est étroitement liée à la latitude, à l’altitude (ce facteur n’est pas très important dans le Maine ni au Nouveau–Brunswick) et à la proximité de l’océan (ce facteur n’est pas non plus très important en ce qui a trait aux cours d’eau qui s’écoulent de l’intérieur du Maine et du Nouveau–Brunswick). Sauf dans l’extrême sud–ouest de l’État, sous le 44e parallèle, les conditions qui existent dans le Maine sont très similaires à celles du Nouveau–Brunswick, et les résultats des recensements effectués dans la plupart des régions du Maine peuvent donc servir de point de référence pour l’évaluation de l’aire de répartition probable et la planification des recensements effectués au Nouveau–Brunswick. Les données pour l’État du Maine proviennent du MDDS (Paul Brunelle).

La période de vol de l’ophiogomphe de Howe s’étend du début au milieu de l’été. Après l’émergence, les adultes vivent jusqu’à leur capture par un prédateur -- il semble que les autres causes naturelles de mortalité soient rares chez les odonates (Paul Brunelle, obs. pers.). Les odonates adultes ne vivent habituellement pas plus d’un mois, mais il existe des cas rares d’individus appartenant à des espèces qui émergent tôt au printemps et qui survivent jusqu’à trois mois. Il est raisonnable de supposer que les libellules des espèces qui émergent tôt ne vivent pas assez longtemps pour être tuées par les premières périodes de gel automnal. Comme les observations d’adultes de l’ophiogomphe de Howe sont très rares, il n’existe pas suffisamment de données pour spéculer sur la période de reproduction. Le peu de connaissances qui existe sur ce sujet est résumé à la figure 8.

Ressources alimentaires

Comme les autres Gomphidés d’eau courante, la larve de l’ophiogomphe de Howe se nourrit probablement des petits organismes qu’elle trouve dans son habitat, y compris possiblement des larves de poissons et d’espèces congénères ou d’autres invertébrés. Kennedy et White (1979) ont noté la présence d’acariens (Arachnides), d’éphémères (Éphéméroptères) et de larves de moucherons (Diptères) dans la portion antérieure du tube digestif de larves d’ophiogomphe de Howe. Le comportement fouisseur des larves indiquerait une certaine spécialisation en matière de proies. Les préférences alimentaires de l’ophiogomphe de Howe adulte sont mal connues. Il se nourrit probablement de toutes les espèces d’insectes qu’il peut capturer en vol, comme le font la plupart des odonates. Il n’existe aucune mention de capture de proies posées sur des surfaces solides.

Déplacements et dispersion

L’ophiogomphe de Howe n’est pas une espèce migratrice. Même si sa dispersion se limite probablement aux couloirs fluviaux et aux petits cours d’eau de leurs bassins versants, l’habitat forestier des adultes donne à penser que ces derniers sont capables de franchir les distances qui séparent les bassins versants les uns des autres. À la suite de la découverte de l’espèce au Canada, en 2002, la possibilité qu’il s’agisse d’une espèce errante a été envisagée, mais l’observation en 2002 d’adultes fraîchement émergés et toujours agrippés à leur exuvie a confirmé que l’espèce se développe localement. En règle générale, il est admis qu’il s’agit d’une espèce sédentaire qui ne s’éloigne pas de plus de quelques kilomètres de l’habitat larvaire.

Relations interspécifiques

Malgré sa petite taille, l’ophiogomphe de Howe peut défendre activement son territoire. Un mâle a été observé en train de poursuivre et de harceler une des plus grosses libellules qui volent le long des cours d’eau : le Macromia illinoiensis ssp. illinoiensis Walsh (Paul Brunelle, obs. pers.). Il est toutefois probable que l’ophiogomphe de Howe devienne à l’occasion la proie de l’Hagenius brevistylus Sélys, une grosse libellule ubiquiste qui se nourrit surtout d’autres odonates et qui pourrait constituer son principal prédateur près de l’eau. D’autres gros insectes prédateurs s’attaquent aussi probablement à l’ophiogomphe de Howe; certaines espèces de guêpes (Hyménoptères) et d’Asilidés (Diptères) semblent être assez grosses et agressives pour le faire. Les oiseaux insectivores comme les hirondelles sont des prédateurs communs des ophiogomphes, et se nourriront donc sûrement d’ophiogomphes de Howe s’ils en trouvent (Paul Catling, comm. pers.). Il paraît probable que les oiseaux insectivores qui se nourrissent dans le couvert forestier soient la principale cause de la mortalité des adultes.

Adaptabilité

Compte tenu de ses limites écologiques apparentes et de ses besoins particuliers en matière de qualité de l’habitat, il paraît peu probable que l’ophiogomphe de Howe soit capable de s’adapter suffisamment et assez rapidement pour survivre à une modification sensible de son habitat.

Taille et tendances des populations

Abondance, fluctuations et tendances

La taille des populations de cette espèce est inconnue, mais elle devrait probablement atteindre plusieurs centaines d’individus pour assurer leur survie, selon les observations portant sur les populations d’autres odonates riverains (Paul Brunelle, obs. pers.). Les données disponibles sont insuffisantes pour émettre des hypothèses sur les fluctuations des populations. Compte tenu du bon état relatif de la rivière Saint–Jean à Baker Brook, là où la présence de l’ophiogomphe de Howe a été signalée, ainsi que de l’absence d’impacts importants récents sur les rivières de la région, il est probable, mais non confirmé, que la population canadienne soit stable à son niveau actuel.

Immigration de source externe

Le site le plus proche au Minnesota ne se trouve qu’à 90 km du site en Ontario, et les sites du Maine se trouvent à environ 70 km des emplacements du Nouveau–Brunswick, mais on estime que les adultes seraient incapables de franchir de telles distances. Selon les connaissances actuelles sur l’espèce, les adultes ne s’éloignent généralement pas beaucoup de la rivière d’où ils ont émergé. Les espèces d’ophiogomphes restent en général étroitement liées aux sites de développement larvaire, contrairement à certains autres genres d’odonates qui s’en éloignent largement. Compte tenu de ces aspects, et à défaut de disposer de données supplémentaires sur la dispersion des adultes, il est possible qu’une immigration de populations externes existe, mais elle ne saurait être considérée comme probable.

Les pressions qui s’exercent sur les milieux aquatiques naturels s’accroissent à mesure qu’on se déplace vers le sud avec l’augmentation des populations humaines et de l’industrialisation, et il est donc possible que les populations du Canada soient moins menacées. La plupart des États américains voisins du Canada ont attribué à l’ophiogomphe de Howe différents statuts en raison des préoccupations qu’il suscite sur le plan de la conservation. Ainsi, il est peu probable qu’une population canadienne disparue puisse être remplacée par l’immigration d’une population externe. Dans le Maine, l’espèce est actuellement désignée menacée (Threatened), mais il est proposé de l’inscrire à la liste des espèces préoccupantes (Special concern) à cause de sa répartition limitée et de sa rareté à l’échelle mondiale (deMaynadier, 2006). La présence de l’espèce a été signalée dans 22 emplacements, mais sur seulement 11 cours d’eau du Maine, malgré les activités de recensements considérables consacrées à la recherche d’exuvies sur 90 rivières et ruisseaux de cet État (données du MDDS, Paul Brunelle). Comme le Maine et le Nouveau–Brunswick se ressemblent beaucoup du point de vue de la topographie et des pratiques d’utilisation des terres, il paraît vraisemblable que toute menace générale sur l’habitat de l’ophiogomphe de Howe pèsera également de part et d’autre de la frontière. De plus, la rivière Saint–Jean s’écoule du nord du Maine jusque dans le nord du Nouveau–Brunswick, et tout impact sur ce cours d’eau dans le Maine risque donc de se répercuter sur ses portions canadiennes.

Facteurs limitatifs et menaces

Il n’existe à l’heure actuelle que peu de menaces anthropiques évidentes et immédiates pour les individus de l’espèce. Les collisions avec les voitures, qui peuvent jouer un rôle très important chez certaines espèces d’odonates, ne semblent pas poser une grave menace pour l’ophiogomphe de Howe étant donné le comportement des adultes. Cette espèce n’a pas tendance à se poser sur le sol, donc pas sur les routes non plus, ni à patrouiller le long des clairières,  par conséquent, pas plus le long des routes. Toutefois, les ténéraux qui quittent le milieu aquatique après l’émergence pourraient subir un taux de mortalité élevé lorsqu’ils traversent des routes qui longent des cours d’eau ou à proximité, et où les véhicules se déplacent à plus de 50 km/h. Cette vitesse semble constituer la limite supérieure au–delà de laquelle les odonates seront incapables de s’écarter à temps du chemin des véhicules. La densité de la circulation et la nature de la route jouent un rôle important. Les chemins forestiers non pavés mais en bon état et les routes secondaires où les véhicules peuvent circuler à grande vitesse mais dont l’emprise est étroite semblent particulièrement dangereux pour les odonates; les routes plus grandes à emprises plus larges sont beaucoup moins dangereuses (Paul Brunelle, obs. pers. fondée sur six années de déplacements avec un filet installé devant un véhicule).

L’interférence des activités récréatives aquatiques et de la construction avec l’émergence constitue une autre menace directe. Les vagues créées par le passage des embarcations pendant la période d’émergence risquent fort de tuer les libellules émergentes. Même le fait d’accoster avec un canot, de patauger ou de marcher sur la rive aux sites d’émergence risque de nuire aux populations pendant la courte période d’émergence (environ quatre jours). À Baker Brook, sur la rivière Saint–Jean, le passage à gué de machines agricoles qui se déplacent de la rive jusqu’à une île au milieu de la rivière constitue une autre menace pour les larves et les individus en émergence. Toutefois, même si ces machines endommagent sans aucun doute le substrat à l’endroit où elles passent et créent de grosses vagues sur la rive, la zone perturbée reste étroite par rapport à l’ensemble de l’habitat propice au développement des larves dans ce cours d’eau large et peu profond, et cette activité se poursuit au même endroit depuis des décennies. 

Les changements de l’habitat dus à des facteurs anthropiques constituent la plus grave menace pour l’espèce, et les grands cours d’eau sont particulièrement exposés aux dommages environnementaux malgré la réglementation en vigueur. Les paragraphes suivants résument certaines des menaces possibles qui pèsent sur ce type d’habitat.

Les ouvrages de retenue des eaux courantes constituent la menace la plus grave pour les populations de l’espèce. Kennedy et White (1979) signalent que l’ophiogomphe de Howe ne semble pas capable de se reproduire en aval des barrages. La construction de barrages a probablement influé profondément sur la répartition et l’abondance de l’espèce au cours des années 1800 et au début des années 1900, alors que cette pratique était en vogue dans tout le nord–est de l’Amérique du Nord aux fins de la production industrielle et hydroélectrique. Les barrages construits par les castors, dont les populations ont augmenté avec la réduction du nombre de leurs prédateurs, représentent une menace concrète dans les plus petits milieux d’eau courante pour certains odonates rares qui s’y trouvent, mais ces milieux ne semblent pas fréquentés par l’ophiogomphe de Howe. Le rythme de la construction de nouveaux barrages a ralenti au cours des dernières décennies, mais la flambée des prix du pétrole et de l’énergie éolienne pourrait changer la donne. Or, les barrages hydroélectriques peuvent provoquer des variations quotidiennes du niveau de l’eau atteignant jusqu’à 1,5 m, ce qui pourrait poser de graves menaces. La population de l’Ontario risque de son côté d’être perturbée par le projet de construction d’un barrage hydroélectrique sur la rivière Namakan.

La pollution menace également l’ophiogomphe de Howe, en particulier celle attribuable aux pesticides à large spectre utilisés en agriculture et en aménagement forestier, et surtout aux produits utilisés pour lutter contre les larves aquatiques des insectes piqueurs. Comme les odonates occupent un échelon très élevé de la chaîne alimentaire des invertébrés, ils ont tendance à accumuler les insecticides persistants jusqu’à des concentrations toxiques ou même létales. Les déversements de substances chimiques toxiques constituent clairement une menace, en particulier aux endroits où les emprises des routes et des voies ferrées longent les cours d’eau. L’eutrophisation de l’eau causée par un apport excessif de nutriments en provenance des eaux usées ou la sédimentation due au ruissellement provenant des activités agricoles ou forestières menacent par ailleurs directement l’habitat des larves. (Jerrell Daigle [comm. pers.] considère que l’espèce dépend pour sa survie d’un bassin hydrographique intact, mais cette exigence est toute relative -- les activités d’exploitation forestière sont prévalentes dans tous les bassins versants occupés par les populations connues). Les activités de coupe et de pulvérisation d’insecticides dans les forêts qui entourent leurs cours d’eau risquent de nuire aux populations adultes qui, selon l’information existante, passent la plus grande partie de leur temps dans le couvert forestier.

Les espèces envahissantes peuvent menacer l’ophiogomphe de Howe soit directement, soit indirectement en modifiant la composition biotique de l’habitat. Les plantes aquatiques envahissantes constituent actuellement une source de préoccupations dans la région. Elles peuvent atteindre des densités qui influent gravement sur la qualité de l’eau, et même rendre le milieu aquatique létal lorsqu’elles meurent en grands nombres. Propagées principalement par les embarcations récréatives -- et peut–être également par les oiseaux aquatiques -- et donc capables de passer d’un bassin versant à l’autre, ces plantes sont principalement des espèces d’eau calme, mais leur propagation devrait faire l’objet de mesures de surveillance, et le recours à des herbicides pour en limiter la propagation dans les bassins versants ne devrait être envisagé qu’avec beaucoup de précautions.

L’introduction délibérée ou accidentelle de nouveaux organismes aquatiques pourrait présenter une menace pour l’ophiogomphe de Howe, mais la connaissance des impacts de telles invasions est très limitée. La survie d’une espèce d’odonate introduite paraît très peu probable. L’utilisation de ce genre d’introductions est de plus en plus fréquente dans le nord–est de l’Amérique du Nord, dans une tentative à courte vue pour lutter contre les populations de moustiques, en particulier depuis que la propagation du virus du Nil occidental est devenue un problème de santé publique. Cependant, les espèces ainsi introduites proviennent d’ordinaire de milieux d’eau calme et sont destinées à des milieux de même nature, et non aux eaux courantes.

Des espèces d’écrevisses (Décapodes, Cambaridés) ont été introduites illégalement dans la région à des fins de pêche sportive. Or des études réalisées sur l’écrevisse à épines Orconectes limosus (Rafinesque) en milieu naturel -- dans la rivière Ste–Croix -- et en aquarium montrent que ces crustacés peuvent certainement se nourrir des larves qui vivent à la surface du substrat (Paul Brunelle, obs. pers). Cette espèce d’écrevisse n’est pas fouisseuse (elle vit dissimulée sous les structures, et montre une certaine tendance à se creuser des abris), et est donc moins dangereuse pour les larves de l’ophiogomphe de Howe, qui s’enfouissent profondément dans le substrat, que pour les congénères de cette espèce qui vivent surtout à la surface. En revanche, certaines espèces fouisseuses d’écrevisses présenteraient une grave menace si elles venaient à être introduites. Par ailleurs, lorsque les larves émergent du substrat pour se laisser dériver pendant la nuit, et pour se déplacer vers la rive pour émerger, elles s’exposent à la prédation des écrevisses. Au Nouveau–Brunswick, deux autres espèces d’écrevisses ont été signalées dans les régions du nord et elles pourraient également se trouver dans la rivière Saint–Jean : l’écrevisse à pinces bleues (Orconectes virilis [Hagen]) et l’écrevisse de ruisseau (Cambarus bartoni [Fabricius]). Si cette dernière est indigène et affiche un comportement semblable à l’écrevisse à épines, le comportement de l’écrevisse à pinces bleues reste moins bien connu (Dubé et Desroches, 2007).

Certaines espèces de poissons sont également introduites illégalement aux fins de la pêche sportive. Malgré son caractère illégal, cette pratique persiste, comme en fait foi la propagation du brochet maillé (Esox niger Lesueur) en Nouvelle–Écosse (Paul Brunelle, obs. pers.). Dans la rivière Ste–Croix, l’achigan à petite bouche (Micropterus dolomieui Lacépède), introduit historiquement dans le cadre d’un programme gouvernemental, est un prédateur vorace du benthos (Paul Brunelle, obs. pers. in situ). Il ne présente probablement pas une menace constante pour les larves de l’ophiogomphe de Howe, mais peut devenir un ennemi redoutable lorsque les larves émergent du substrat la nuit pour se laisser dériver ou pour émerger, puisqu’il chasse la nuit (John Gilhen, comm. pers.). Le maskinongé (Esox masquinongy Mitchill) a été officiellement introduit au Québec, dans le bassin versant de la rivière Saint–Jean (obs. pers.). De là, il a colonisé cette rivière et ses principaux tributaires du nord–ouest du Maine, où il est considéré comme ayant un impact sérieux sur les autres espèces de poissons. Il semble que rien ne pourra l’empêcher de se propager dans la rivière Saint–Jean au Nouveau–Brunswick, aussi loin au sud que Grand Falls; sa présence a déjà été signalée le long de cette portion de la rivière. Bien qu’il s’agisse principalement d’une espèce d’eau calme, il peut également vivre en rivière, et c’est un prédateur vorace.

Importance de l’espèce

La présence de l’ophiogomphe de Howe est indicatrice d’un habitat d’eau courante relativement intact. Comme il peut ainsi jouer le rôle d’espèce indicatrice, il partage vraisemblablement son habitat avec d’autres espèces peu communes et importantes. Il est considéré comme rare ou en péril, et sa protection est jugée prioritaire sur l’ensemble de son aire de répartition en Amérique du Nord. Cette espèce se trouve au Canada à la limite nord–est de son aire de répartition. Sa viabilité pourrait finir par dépendre du moins grand niveau d’impact anthropique subit par les milieux aquatiques au Canada, comparativement aux bassins versants plus au sud.

Au cours des dernières décennies, des recensements organisés et étendus des odonates ont été menés dans le Maine et au Nouveau–Brunswick (voir Activités de recherche). Les résultats de ces travaux portent à conclure que l’ophiogomphe de Howe est une espèce très rare dans ces régions.

Protection actuelle ou autres désignations de statut

Parmi les emplacements où la présence de l’ophiogomphe de Howe est confirmée au Canada, la rivière Ste–Croix, dans le sud–ouest du Nouveau–Brunswick, est protégée par la Commission internationale de la rivière Ste–Croix. La rivière Saint–Jean, dans le nord du Nouveau–Brunswick, et la rivière Magaguadavic, dans le sud–ouest, ne bénéficient d’aucune protection officielle. La rivière Miramichi est protégée sur la plus grande partie de son cours pour la pêche au saumon.

La désignation de statut de l’ophiogomphe de Howe reflète sa rareté générale. L’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) a désigné cette espèce vulnérable (Baillie et Groombridge, 1996). NatureServe lui a attribué la cote G3 à l’échelle mondiale, et N3 à l’échelle des États–Unis (site Web de NatureServe). Une cote de 3 indique qu’il s’agit d’une espèce rare dans l’ensemble de son aire de répartition. NatureServe n’a pas encore évalué le statut de l’espèce pour le Canada; en revanche, elle a été désignée S1 pour la province du Nouveau–Brunswick. L’examen de la situation générale des espèces au Canada effectué en 2002 lui a attribué le niveau 2 (possiblement en péril) tant pour le Canada que pour le Nouveau–Brunswick.

Résumé technique

Ophiogomphus howei

Ophiogomphe de Howe

Pygmy Snaketail

Répartition au Canada : Ontario et Nouveau–Brunswick

Données démographiques

Durée d’une génération (âge moyen des parents dans la population) 2 ans
Pourcentage [observé, estimé, inféré ou soupçonné] de la [réduction ou de l’augmentation] du nombre total d’individus matures au cours des [cinq ou dix dernière années OU deux ou trois dernières générations] Inconnu
Pourcentage [prévu ou soupçonné] de la [réduction ou de l’augmentation] du nombre total d’individus matures au cours des [cinq ou dix prochaines années OU deux ou trois prochaines générations] Inconnu
Pourcentage [observé, estimé, inféré ou soupçonné de la [réduction ou de l’augmentation] du nombre total d’individus matures au cours de toute période de [cinq ou dix ans OU deux ou trois générations], couvrant une période antérieure et ultérieure Inconnu
Les causes du déclin sont–elles clairement réversibles? Sans object
Les causes du déclin sont–elles comprises? Sans object
Les causes du déclin ont–elles cessé? Sans object
Tendance [observée, prévue ou inférée] du nombre de populations Inconnue
Y a–t–il des fluctuations extrêmes du nombre d’individus matures? Inconnu
Y a–t–il des fluctuations extrêmes du nombre de populations? Inconnu


Information sur la répartition

Superficie estimée de la zone d’occurrence Environ 175 000 km2
Tendance [observée, prévue ou inférée] de la zone d’occurrence Inconnue
Y a-t-il des fluctuations extrêmes dans la zone d’occurrence? Inconnu
Superficie estimée de la zone d’occupation (IZO)
48 km2, selon une grille à mailles de 2 km; 12 km2, selon une grille à mailles de 1 km. Calculs fondés dans les deux cas sur un habitat larvaire très limité.
12 – 48 km2
Tendance [observée, prévue ou inférée] de la zone d’occupation Inconnue
Y a-t-il des fluctuations extrêmes dans la zone d’occupation? Inconnu
La population totale est-elle très fragmentée? Oui
Nombre d’emplacements actuels 12
Tendance du nombre d’emplacements Stable
Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre d’emplacements? Inconnu
Tendance de l’aire et de la qualité de l’habitat Déclin anticipé de l’aire et de la qualité à un emplacement important; stable aux autres endroits


Nombre d’individus matures dans chaque population

Population – Aucune estimation fiable Nbre d’individus matures
  Inconnu
Total  
Nombre de populations (emplacements) 12


Analyse quantitative

Aucune


Menaces (réelles ou imminentes pour les populations ou les habitats)

Vagues créées par les embarcations, pollution, eutrophisation, espèces envahissantes.


Immigration de source externe

Statut ou situation des populations de l’extérieur? États–Unis : N3, statut préoccupant partout.
Une immigration a t elle été constatée? Non
Des individus immigrants seraient ils adaptés pour survivre au Canada? Probablement
Y a t il suffisamment d’habitat disponible au Canada pour les individus immigrants? Oui
La possibilité d’une immigration de populations externes existe–t–elle? Peut–être


Statut existant

COSEPAC : espèce préoccupante, novembre 2008


Statut et justification de la désignation recommandés

Statut recommandé :
Espèce préoccupante
Code alphanumérique :
S.O.
Justification de la désignation :
Cette espèce rare à l’échelle mondiale est observée dans quelques emplacements et a un habitat limité et spécialisé comportant un faible effectif. Un site important est menacé.


Applicabilité des critères

Critère A (Déclin du nombre total d’individus matures) :
Sans object
Critère B (Petite aire de répartition, et déclin ou fluctuation) :
L’aire de répartition est fragmentée, mais les données sont insuffisantes pour conclure à un déclin ou à des fluctuations, et le déclin prévu ne concerne qu’un des 12 emplacements.
Critère C (Petite population et déclin du nombre d’individus matures) :
Aucun signe de déclin.
Critère D (Très petite population ou aire de répartition limitée) :
Malgré la petite taille de la zone d’occupation et le nombre limité d’emplacements, l’espèce ne devrait pas devenir gravement en voie de disparition ou disparaître du Canada à court terme.
Critère E (Analyse quantitative) :
Sans object

Remerciements et experts contactés

L’auteur du présent rapport, Paul M. Brunelle, souhaite remercier Paul Catling, Thomas Donnelly, Jerrell Daigle, Karen Gaines, Donna Giberson, John Gilhen, Blair Nikula, Paul Novak, Dwayne Sabine, Maureen Toner et Harold White de l’aide qu’ils lui ont apportée. Il remercie également les nombreux bénévoles de l’ADIP et du MDDS.

Merci également à Michael Oldham, Shelley Pardy, Daniel Banville, Brian Skinner, Elsa Gagnon et Maureen Toner pour les commentaires utiles formulés sur une version récente du rapport. Denis Doucet a fourni des informations sur l’étude exceptionnelle qu’il a réalisée sur la rivière Miramichi en 2007, et sur d’autres rivières en 2008. Le rapport a été mis à jour pour tenir compte des données ontariennes et des travaux réalisés récemment au Nouveau–Brunswick par Paul Catling, Paul Brunelle, Colin Jones et Rob Cannings.

Sources d’information

Sites Web

Publications

Baillie, J., et B. Groombridge. 1996. IUCN: Red list of threatened animals, Union international pour la conservation de la nature, Gland, SUISSE : 105–107,171 (Odonata).

Bromley, S.W. 1924. A new Ophiogomphus (Aeschnidae: Odonata) from Massachusetts, Entomological News 35(10): 343–344.

Calvert, P.P. 1924. The supposed male of Ophiogomphus howei Bromley (Odon.: Aeshnidae), Entomological News 35: 345–347.

Carle, F.L. 1986. The classification, phylogeny and biogeography of the Gomphidae (Anisoptera): I: classification, Odonatologica 15: 275–326.

Carle, F.L. 1992. Ophiogomphus (Ophionuras) australis spec. nov. from the gulf coast of Louisiana, with larval and adult keys to American Ophiogomphus (Anisoptera: Gomphidae), Odonatologica 21(2): 141–152.

Catling, P.M. 2002. Pygmy snaketail (Ophiogomphus howei), new to Canada, Argia 14(3): 11–12.

Catling, P.M., et V.R. Brownell. 2000. Damselflies and dragonflies (Odonata) of Ontario: resource guide and annotated list, i–v, 1198.

Catling, P.M., R.A. Cannings et P.M. Brunelle. 2005. An Annotated Checklist of the Odonata of Canada, Bulletin of American Odonatology 9(1): 1–20.

deMaynadier, P.G. 2006. 2006 Proposed Update to the Maine Endangered and Threatened Species List, rapport remis au Maine Department of Inland Fisheries and Wildlife, 34 p.

Donnelly, T.W. 2004. Distribution of North American Odonata. Part I: Aeshnidae, Petaluridae, Gomphidae, Cordulegastridae, Bulletin of American Odonatology 7(4): 61–90.

Doucet, D.A. 2008. A rare Odonata Survey of the Miramichi watershed, rapport remis au Fonds de fiducie de la faune du Nouveau–Brunswick et au Fonds en fiducie pour l’Environnement du Nouveau–Brunswick.

Dubé, J., et J.–F. Desroches. 2007. Les écrevisses du Québec, ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec, Direction de l’aménagement de la faune de l’Estrie, de Montréal et de la Montérégie, Longueuil (Québec), v + 51 p.

Dunkle, S.W. 2000. Dragonflies through binoculars: a field guide to dragonflies of North America, Oxford University Press, 266 p.

Gibbs, K.E., B.J. Bradeen et D. Boland. 2004. Spatial and temporal segregation among six species of coexisting Ophiogomphus (Odonata: Gomphidae) in the Aroostook River, Maine, Northeastern Naturalist 11(3): 295–312.

Kennedy, C.H., et H.B. White III. 1979. Description of the nymph of Ophiogomphus howei (Odonata: Gomphidae), Proceedings of the Entomological Society of Washington 81: 64–69.

Needham, J.G., M.J. Westfall et M.L. May. 2000. Dragonflies of North America: revised edition, Scientific Publishers, Gainesville (Floride), 940 p.

Paulson, D.R., et S.W. Dunkle. 1996. Common names of North American dragonflies and damselflies, adopted by the Dragonfly Society of the Americas, Argia 8(2): supplément.

Sélys Longchamps, E. de. 1854. Synopsis des Gomphines, Bulletin de l'Académie Royale des Sciences de Belgique 21: 23–112.

Tennessen, K.J. 1993. New distribution records for Ophiogomphus howei (Odonata:Gomphidae), The Great Lakes Entomologist 26(3): 246–249.

Sommaire biographique des rédacteurs du rapport

Paul Michael Brunelle étudie les odonates des provinces canadiennes de l’Atlantique et du nord de la Nouvelle–Angleterre depuis 1987. Il est l’auteur de nombreux articles scientifiques sur le sujet, et a proposé des listes de désignation de statut pour le Canada (NatureServe), l’ensemble des provinces Maritimes et l’État du Maine. Il a été invité à participer à l’évaluation des odonates dans le cadre de l’examen de la situation générale des espèces au Canada réalisé en 2002. M. Brunelle a mis sur pied le programme de recensement des odonates de l’Atlantique (Atlantic Dragonfly Inventory Program -- ADIP) effectué par des bénévoles au début des années 1990. En 1997, l’État du Maine a retenu ses services pour la planification du Maine Damselfly and Dragonfly Survey (MDDS), la préparation de ses publications, la tenue de séminaires à l’intention des bénévoles, et l’ajout et l’identification de spécimens. Il a en outre été chargé de faire un recensement des espèces d’odonates rares du Maine. En 2000, il a achevé la description du Neurocordulia michaeli Brunelle, une nouvelle espèce d’odonate du Nouveau–Brunswick. M. Brunelle a saisi plus de 51 000 fiches d’observation dans les bases de données ADIP/MDDS depuis leur création; plus de 9 000 de ces fiches découlent de ses propres recherches sur le terrain.

Collections examinées

Les collections suivantes du Canada et des États américains voisins ont été examinées. Celles qui contiennent des spécimens de l’ophiogomphe de Howe sont indiquées.

Atlantic Dragonfly Inventory Program Data (ADIP); spécimens déposés au Musée du Nouveau–Brunswick, au Musée de la Nouvelle–Écosse, ou conservés par les bénévoles en attendant leur dépôt.

Brunelle Synoptic Collection, Halifax (Nouvelle–Écosse), en attente de dépôt.

Collection nationale canadienne d'insectes (CNCI), conservée à Ottawa (Ontario); spécimens de l’ophiogomphe de Howe de Paul Catling (déposés après le recensement de Brunelle).

Department of Inland Fisheries and Wildlife du Maine (MDIFW); Maine Damselfly and Dragonfly Survey Data (MDDS). Les spécimens sont actuellement chez M. Brunelle, y compris ceux capturés dans le cadre de recensements effectués pour le compte du Department of Inland Fisheries and Wildlife du Maine. Ces spécimens seront déposés au Maine State Museum, à Augusta (Maine).

Musée du Nouveau–Brunswick, Saint–Jean (Nouveau–Brunswick).

Museum of Natural History de la Nouvelle–Écosse, Halifax (Nouvelle–Écosse).

Department of Natural Resources de la Nouvelle–Écosse, Baddeck (Nouvelle–Écosse).

Department of Natural Resources Insectary de la Nouvelle–Écosse, Shubenacadie (Nouvelle–Écosse).

A.D. Pickett Entomological Museum, Nova Scotia Agricultural College, Truro (Nouvelle–Écosse).

Musée royal de l’Ontario, Toronto (Ontario).

Université du Maine, Orono (Maine). Les spécimens d’ophiogomphe de Howe de Daniel Boland et de Billie Bradeen sont déposés à cet endroit, exception faite de ceux capturés par D. Boland en vertu d’un contrat avec le MDIFW, qui sont déposés avec le matériel du Maine Damselfly and Dragonfly Survey.

Université du Massachusetts, Amherst (Massachusetts).

Université du New Hampshire, Durham (New Hampshire).

Détails de la page

Date de modification :